M´ ethode de Ritz
4.1 Principes g´ en´ eraux
Une fois le probl`eme formul´e sous forme variationnelle, il reste `a le discr´etiser c.-`a-d. `a le faire passer d’un probl`eme de dimension infinie `a un probl`eme approch´e de dimension finie. Ce probl`eme discr´etis´e sera ensuite r´esolu par les techniques d’alg`ebre lin´eaire classiques : r´esolution de syst`emes alg´ebriques lin´eaires ou non lin´eaires, de probl`emes aux valeurs propres, etc.
La m´ethode de Ritz est une technique de discr´etisation de probl`emes variationnels et est en quelque sorte le pr´ecurseur de la m´ethode des ´el´ements finis. Soit donc un probl`eme variationnel v´erifiant les hypoth`eses du th´eor`eme de Lax-Milgram :
♠trouveru∈V telle que :
a(u, w) =l(w) ∀w∈V (4.1)
o`u la fonction u v´erifie les conditions aux limites essentielles homog`enes (le cas des conditions aux limites non homog`enes n´ecessite la construction d’une fonction de rel`evementugmais ne pose pas de difficult´es th´eoriques suppl´ementaires). On se donne maintenantN fonctionsφj ∈V, j = 1,2,· · · , N appel´eesfonctions d’interpolation de Ritzou plus simplement fonctions de Ritzv´erifiant elles aussi les conditions essentielles homog`enes. On suppose ensuite que l’on peut ´ecrire :
u(x)'uN(x) =
N
X
j=1
ujφj(x) (4.2)
Dans cette expression, les N coefficients uj sont `a d´eterminer et le probl`eme est maintenant de dimension finieN. L’ensemble de toutes les combinaisons lin´eaires possibles des fonctionsφj forme un sous-espace de dimension N de V not´e VN (toujours en supposant que les fonctions φj sont choisies dans V d`es le d´epart et qu’elles sont lin´eairement ind´ependantes). On consid`ere donc l’approximation suivante du probl`eme variationnel4.1:
♠trouveruN ∈VN telle que :
a(uN, wN) =l(wN) ∀wN ∈VN (4.3)
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ou encore : La bilin´earit´e de anous permet d’´ecrire :
N
X
j=1
uja(φj, wN) =l(wN) ∀wN ∈VN
On va maintenant construire un syst`eme lin´eaire (parce que le probl`eme de d´epart 4.1est lin´eaire) dont les inconnues sont les coefficients uj. Soit donc N nouvelles fonctions ˜φi, i = 1,2,· · · , N appartenant `a l’espace VN. Puisque l’´equation pr´ec´edente est vraie quelle que soit la fonction wN ∈VN, elle est valide pour chacune des fonctions ˜φi et on a :
o`u la matrice A et les vecteursU etF ont pour coefficients :
Si les fonctions φj et ˜φi sont bien choisies, ce syst`eme lin´eaire est inversible et on peut d`es lors d´eterminer les inconnues ui et ainsi obtenir une approximation uN(x) de la fonction u par la relation4.2. Un choix naturel pour les fonctions ˜φi consiste `a prendre tout simplement ˜φi =φi, et ce pour tout i. C’est la m´ethode de Ritz ou m´ethode de Rayleigh-Ritz. Dans le cas o`u ˜φi 6=φi, on parle de la m´ethode de Petrov-Galerkin.
Dans cet ouvrage, nous insisterons davantage sur la m´ethode de Ritz, bien qu’il existe des applications int´eressantes de la m´ethode de Petrov-Galerkin, notamment pour les probl`emes de convection-diffusion.
Remarque 4.1
On remarque que le coefficientAij du syst`eme lin´eaire4.4 est de la forme : Aij =a(φj,φ˜i)
Lorsque la forme bilin´eaire est sym´etrique, il n’y a pas de confusion possible mais dans le cas g´en´eral, il faut faire attention `a l’ordre des indicesietj.
4.2 Exemples
Nous voyons dans cette section quelques exemples d’applications de la m´ethode de Ritz. Nous en profiterons au passage pour mettre en ´evidence les forces et ´eventuellement les faiblesses de cette approche.
IExemple 4.1
Consid´erons le probl`eme en dimension 1 :
−u00(x) = ln(x) dans ]0,1[
u(0) = 0 du
dx(1) = 1
Puisque la seule condition essentielle (sur u) est nulle, le rel`evement est inutile (ug = 0) et on peut travailler directement avec u qui, dans ce cas, sera ´egal `a δu. La formulation variationnelle correspondante (laiss´ee en exercice) est :
♠trouveru∈V =
w∈H1(]0,1[|w(0) = 0 Z 1
0
u0(x)w0(x)dx=w(1) + Z 1
0
ln(x)w(x)dx ∀w∈V (4.5)
Les fonctionsφj doivent appartenir `a l’espaceV et v´erifier les conditions aux limites essentielles homog`enes. Dans ce cas, il suffit d’avoir φj(0) = 0. Cela mis `a part, ce choix est arbitraire si on s’assure que φj ∈V. On peut prendre par exemple :
φj(x) =xj
et on s’assure facilement que toutes les conditions sont bien remplies. Le coefficient g´en´eral de la matriceA pour la m´ethode de Ritz est donc :
aij = Z 1
0
φ0j(x)φ0i(x)dx= Z 1
0
ijxi+j−2dx= ij i+j−1 tandis que le vecteurF a pour coefficients :
fi =φi(1) + Z 1
0
ln(x)φi(x)dx= 1 + Z 1
0
ln(x)xi dx= 1− 1 (i+ 1)2
Ce syst`eme lin´eaire est ensuite r´esolu par les techniques habituelles de d´ecompositionLU (voir par exemple Fortin, r´ef. [17]). En faisant varier la tailleN, si tout se passe bien, on doit se rapprocher d’une ´eventuelle solution analytique. Dans cet exemple, cette solution est :
u(x) = 3x2 4 −1
2x2lnx
dont la d´eriv´ee est :
u0(x) =x−xlnx
et on s’assure facilement que l’´equation diff´erentielle ainsi que les conditions aux limites sont v´ e-rifi´ees. En se servant du logiciel Matlab [25], on a r´esolu ce syst`eme pour obtenir les r´esultats de la figure 4.1 pour N = 1,3 et 5. On y a superpos´e la solution analytique u(x) (en trait plein) et la solution num´erique uN(x). Il est aussi int´eressant de regarder le comportement de u0(x) et (uN)0(x). On remarque imm´ediatement qu’il est plus difficile d’approcheru0(x). On peut affirmer que ce comportement est assez g´en´eral. Nous en reparlerons lorsque nous aborderons les questions de convergence.
Enfin, il ne faut pas se leurrer sur la taille du syst`eme lin´eaire n´ecessaire pour obtenir une bonne approximation de u(x). Dans cet exemple, une dimension de 5 semble suffire mais ce n’est certes pas toujours aussi facile... J
IExemple 4.2
Consid´erons le probl`eme en dimension 1 :
−u00(x) +u = 0 dans ]0,1[
u(0) = 1
du
dx(1) +u(1) = 0
La condition essentielle n’est impos´ee qu’enx= 0 et on choisit donc : V =
w∈H1(]0,1[)|w(0) = 0 On multiplie par w∈V et on int`egre :
Z 1 0
u0(x)w0(x) +u(x)w(x)
dx− du dxw
1 0
= 0 ∀w∈V
Le terme de bord est nul en x= 0 mais enx= 1, on a dudx(1) =−u(1). Il en r´esulte : Z 1
0
u0(x)w0(x) +u(x)w(x)
dx+u(1)w(1) = 0 ∀w∈V
On rel`eve maintenant les conditions aux limites essentielles. On poseu=δu+ug et on peut choisir tout simplement la fonctionug = 1 qui appartient `aH1(]0,1[) et qui satisfait la condition essentielle.
On a alors∀w∈V :
Z 1 0
δu0(x)w0(x) +δu(x)w(x)
dx+δu(1)w(1)
=− Z 1
0
u0g(x)w0(x) +ug(x)w(x)
dx−ug(1)w(1)
Figure 4.1 – Solutions u(x) et u0(x) pourN = 1,N = 3 etN = 5
Puisque ug = 1,u0g= 0, il reste : Z 1
0
δ0u(x)w0(x) +δu(x)w(x)
dx+δu(1)w(1)
=− Z 1
0
w(x)dx−w(1) ∀w∈V
qui est la formulation variationnnelle correspondant au probl`eme initial.
Pour la m´ethode de Ritz, on peut ici encore choisir φi(x) =xi, i= 1,2,· · ·, N. La matrice A correspondante a pour coefficients :
aij = Z 1
0
φ0j(x)φ0i(x) +φj(x)φi(x)
dx+φj(1)φi(1)
= Z 1
0
ijxi+j−2+xi+j
dx+ 1
= ij
i+j−1 + 1
i+j+ 1+ 1 tandis que le vecteurF a pour coefficients :
fi =− Z 1
0
φi(x)dx−φi(1) =− Z 1
0
xidx−1 =−
1 + 1 (i+ 1)
Il est facile de s’assurer que la solution analytique de l’´equation diff´erentielle de d´epart estu(x) = e−x ce qui nous permet de comparer `a la figure 4.2, les solutions analytique et num´erique pour N = 2. Ici encore, la comparaison est excellente suru et un peu moins convaincante sur u0(x). La situation s’am´eliore cependant tr`es rapidement lorsqueN augmente. J
IExemple 4.3
On consid`ere maintenant un probl`eme bidimensionnel dont la g´eom´etrie est le carr´e de cˆot´es de longueur 1 et les conditions aux limites sont d´ecrites `a la figure 4.3. On doit r´esoudre l’´equation aux d´eriv´ees partielles :
−∇2u = 10 dans Ω
u = g sur Γ (gd´ecrite `a la figure4.3)
Des conditions essentielles ´etant prescrites sur toute la fronti`ere, on choisit V =H01(Ω) et comme toujours, on multiplie parw∈V et on int`egre sur le domaine Ω. On obtient :
Z
Ω
∇u·∇w dv = Z
Ω
10w dv
Figure 4.2 – M´ethode de Ritz (N = 2)
u= 0
u=y u=x
u= 0
Figure 4.3 – G´eom´etrie et conditions aux limites
On effectue le rel`evement des conditions aux limites en posant u = δu+ug. Le choix de ug est ici plus d´elicat malgr´e le fait que la g´eom´etrie du probl`eme soit tr`es simple. On peut prendre par exemple la fonctionug(x, y) =xy. En rempla¸cant, on trouve la formulation variationnelle :
♠trouverδu∈V telle que : Z
Ω
∇δu·∇w dv= Z
Ω
10w dv− Z
Ω
∇ug·∇w dv
Il nous reste `a construire les fonctions de Ritz φ. Parmi les choix possibles, on peut prendre les N =m2 fonctions de la forme :
φi(x, y) = sin(i1πx) sin(i2πy) que l’on ordonne de la fa¸con suivante :
φ1(x, y) = sin(πx) sin(πy) φ2(x, y) = sin(πx) sin(2πy)
...
φm(x, y) = sin(πx) sin(mπy) φm+1(x, y) = sin(2πx) sin(πy) φm+2(x, y) = sin(2πx) sin(2πy)
...
φ2m(x, y) = sin(2πx) sin(mπy) ...
φm2(x, y) = sin(mπx) sin(mπy) On a ainsi une relation sur les indices de la forme :
i= (i1−1)m+i2 1≤i1, i2 ≤m
Ces fonctions s’annulent sur la fronti`ere du domaine et v´erifient une propri´et´e d’orthogonalit´e tr`es particuli`ere :
aij = Z
Ω
∇φj·∇φidv =
0 si i6=j
π2
4 (i21+i22) si i=j
La matriceAest donc diagonale ce qui est toutefois exceptionnel. De plus, on v´erifie non sans peine que :
fi = Z
Ω
10φidv− Z
Ω
∇ug·∇φi dv = 10 Z
Ω
φi dv− Z
Ω
(y, x)·∇φi dv
= 10 π2
(−1)i1−1 i1
(−1)i2 −1 i2
Figure 4.4 – M´ethode de Ritz en dimension 2 : fonctions δu(x) et u(x)
Le syst`eme lin´eaire r´esultant est bien sˆur tr`es simple `a r´esoudre. En prenant N = 52 = 25, on a obtenu le r´esultat de la figure 4.4pour la fonctionδu qui rappelons-le, s’annule sur la fronti`ere du domaine. La fonction u=δu+ug =δu+xy est illustr´ee `a la figure4.4. J
Nous terminons ce chapitre par quelques remarques g´en´erales sur la m´ethode de Ritz. Les principales faiblesses de cette m´ethode sont :
– la construction de la fonction de rel`evement ug qui doit v´erifier les conditions aux limites essentielles prescrites, ce qui peut ˆetre difficile particuli`erement en dimension 2 ou 3 ;
– le choix et la construction des fonctions de Ritzφiqui doivent ˆetre lin´eairement ind´ependantes et v´erifier les conditions essentielles homog`enes ;
– le calcul des coefficients aij et fi du syst`eme lin´eaire qui peut n´ecessiter l’´evaluation d’int´ e-grales sur des domaines complexes. On peut ´eventuellement recourir aux m´ethodes d’int´ egra-tion num´eriques si le besoin s’en fait sentir.
– Les inconnues ui du syst`eme lin´eaire n’ont pas de signification physique particuli`ere.
Les remarques pr´ec´edentes sont particuli`erement justifi´ees en dimension 2 ou 3 o`u les g´eom´etries peuvent ˆetre extrˆemement vari´ees et complexes. Il est alors pratiquement impossible de construire les diff´erentes fonctions n´ecessaires. Cela est dˆu `a l’approche globale de la m´ethode de Ritz, en ce sens que l’on cherche `a construire les fonctions ug et φi en consid´erant tout le domaine Ω.
La m´ethode des ´el´ements finis contourne cette difficult´e par une approche plus localis´ee et une construction plus syst´ematique des fonctionsφi.
4.3 Exercices
D´eterminer pour les probl`emes suivants une famille de fonctions φi permettant d’appliquer la m´ethode de Ritz et obtenir la fonction de rel`evement des conditions aux limites essentielles.
En dimension 1 :
1.
En dimension 2 : 7.
−∇·(q(x)∇u) =f dans le carr´e ]0,1[2
u= 1 sur les cˆot´esx= 0 ety= 0 q(x)∂u
∂n = 2 sur les autres cˆot´es 8. On souhaite r´esoudre le probl`eme suivant par la m´ethode de Ritz :
d2 dx2
EId2u(x) dx2
=f(x) dans ]0,1[,
o`uEIest une constante. Proposer des choix de fonctionsug(x) etφi(x) permettant de r´esoudre ce probl`eme avec les conditions aux limites suivantes :
u(0) = 1, u0(0) = 2, u(1) = 4, EId2u(1) dx2 =M (Utiliser de pr´ef´erence des fonctions polynˆomiales).
9. R´esoudre par la m´ethode de Ritz le probl`eme suivant :
−∇·k∇T = q dans le carr´e ]0,1[×]0,1[
T = 0 sur les cˆot´esx= 1 ety= 1
∂T
∂n = 0 sur les autres cˆot´es
o`u ketq sont des constantes. On prendra une seule fonction de Ritz : φ1(x) = (1−x2)(1−y2)
10. R´esoudre par la m´ethode de Ritz le probl`eme suivant :
− d dx
(x2+ 1)du dx
= 2−2x+ 6x2 dans l’intervalle ]0,1[
u(0) = 1
u0(1) = −1 a) Obtenir la formulation variationnelle ; b) Choisir les fonctions de Ritz appropri´ees ;
c) Construire le rel`evement des conditions aux limites esssentielles ; d) Obtenir les coefficients aij etfi du syst`eme lin´eaire correspondant ;
e) R´esoudre le syst`eme en utilisant deux fonctions de Ritz.
11. On suppose que l’on a un probl`eme variationnel de la forme : a(u, w) =l(w)
o`u la forme bilin´eairesym´etriqueaet la forme lin´eairelv´erifient les hypoth`eses du th´eor`eme de Lax-Milgram dans un espace de HilbertV.
Montrer que si on utilise la m´ethode de Ritz pour discr´etiser ce probl`eme, on obtient une matriceA d´efinie positive.
Rappel: Une matrice sym´etriqueAest dite d´efinie positive si quel que soit le vecteur colonne (non nul)x= [x1, x2, x3,· · · , xn]T, on a :
xTAx= (Ax)·x=
n
X
i,j=1
Aijxixj >0