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A partir du début des années 1980, et particulièrement depuis la découverte de la GMR en 1988, les progrès dans les techniques de dépôt de couches fines ont conduit au développement d’une nouvelle génération de capteurs magnétiques et de magnétomètres. La magnétorésistance géante (GMR) découverte par Fert à Orsay [43] et Grundberg à Jülich est observée dans les multicouches composées d’une alternance de couches ferromagnétiques et non magnétiques. L’effet observé est une variation significative de la résistance électrique de la structure selon l’orientation relative des aimantations des couches ferromagnétiques consécutives. L’origine de cet effet de GMR est la diffusion dépendant du spin (spin-dependent scattering ) dans les couches ferromagnétiques et à leurs interfaces. En effet, il existe une asymétrie de diffusion des électrons aux interfaces dépendante des directions d’aimantation dans les couches ferromagnétiques qui résulte en deux états de résistances différentes. La résistance maximale est obtenue quand la configuration d’aimantation est antiparallèle et la résistance minimale quand la configuration est parallèle. L’effet de GMR est indépendant de la direction du courant dans la multicouche par rapport à la direction de l’aimantation à partir du moment où l’on néglige les effets de spin-orbite sur les courants de spin. Il existe deux géométries de mesure de la magnétorésistance : courant dans le plan (current-in-plane ou géométrie CIP) et courant perpendiculaire au plan (current-perpendicular to plane ou géométrie CPP). Il est à noter que les deux effets de GMR-CIP et GMR-CPP, tous deux associés à des mécanismes de diffusion dépendants du spin se distinguent par la présence d’une forte accumulation de spin dans le cas de la GMR-CPPce qui a pour effet d’amplifier le signal.

2.2.1

GMR-CIP

Dans la configuration GMR-CIP le courant est appliqué dans le plan des couches. Les électrons de conduction possèdent une composante de leur vitesse de dérive dans le plan due au champ électrique (vitesse de dérive ’drift’) ainsi qu’une vitesse de Fermi propre dans toutes les directions de l’espace, selon la distribution statistique de Fermi-Dirac, et également dans la direction perpendiculaire au plan des couches. L’ensemble des électrons polarisés en spin par le matériau ferromagnétique sont diffusés à chaque interface avec une probabilité dépendante de l’angle entre leur spin et la direction de l’aimantation locale par un potentiel d’échangeV dépendant du spin qui s’écrit selon :

V = Vc+ VsdS. ~~ m (2.17)

oùVc est le potentiel coulombien (généralement de symétrie sphérique) etVsd le potentiel d’échange s-d. Nous rappelons

que ~S est le vecteur spin et ~m est la direction unitaire de l’aimantation locale. La résistance varie donc en fonction de l’aimantation des couches. Le taux de GMR pour nos structures simples en géométrie CIP est de l’ordre de 1.5% à température ambiante pour une épaisseur de Cu de 3 nm (voir chapitre 3 pour la partie expérimentale).

La figure (2.8) montre un circuit électrique équivalent de la résistance d’une spin valve en utilisant un modèle à deux courants (modèle de Mott) ; respectivement courants de spins majoritaires et minoritaires.

(a) configuration parallèle (b) configuration antiparallèle

Figure 2.8 – Schéma électrique équivalent de la résistance GMR : les deux branches représentent les deux canaux de conduction. Les resistances affichées utilisent la notation selon laquelle la première flèche représente la direction du spin et la seconde flèche la direction de l’aimantation du materiau magnétique qu’il traverse.

(a) configuration parallèle (b) configuration antiparallèle

Figure 2.9 – Courants de spin CIP dans une tri-couche ferromagnétique/conducteur/ferromagnétique.

2.2.2

GMR-CPP

Dans les structures GMR-CPP, le courant est perpendiculaire au plan des couches [44]. Les interfaces agissent donc comme des barrières de potentiel pour la conduction des électrons de spin principalement en géométrie d’aimantations antiparallèles. Nous observons une accumulation de spin dans les régions proches de l’interface sur des distances de l’ordre de la longueur de diffusion de spin avec des profils hors-équilibre de forme exponentielle [44]. Cette accumulation de spin agit comme un filtre supplémentaire et on observe alors des taux de GMR de l’ordre de plusieurs dizaines de %, supérieurs à la GMR-CIP. Cependant, du fait que la longueur effective de ces résistances est l’épaisseur de la multicouche, généralement beaucoup plus faible que leur dimension latérale, ces structures possèdent une très faible résistance ce qui requiert soit une technologie de fabrication sub-micronique voire nanométrique (nanotechnologie) soit une électronique de mesure ultra- sensible contrairement au cas des jonctions tunnel magnétiques et ce en raison de la forte résistance spécifique (produit resistance× surface RA) de ces dernières.

2.2.3

Structure des capteurs

Nous décrivons ici brièvement les structures et les fonctionnalités attendues des capteurs CIP-GMR que nous décrirons plus en détail dans le chapitre 3. La zone électriquement active d’un capteur GMR consiste en une structure de type vanne de spin (voir la partie 2.1.4) : l’aimantation de la couche douce, typiquement NiFe, change d’orientation sous l’effet du couple appliqué par le champ magnétique extérieur alors que l’aimantation de la couche dure est maintenue fixe par

couplage d’échange. La résistance de la structure qui dépend de l’angle entre les deux aimantations est donc fonction du champ magnétique extérieur (Fig. 2.10).

Figure 2.10 – Schéma de principe d’un capteur GMR : La résistance varie linéairement avec le champ appliqué au voisinage de la configuration ou les aimantations des deux couches sont perpendiculaires.

Une des problématiques pour la fabrication de capteurs magnétiques est donc de stabiliser une configuration d’aimanta- tion perpendiculaire à champ magnétique nul, configuration délivrant un signal à la fois linéaire, réversible et de sensibilité maximale. Cette configuration d’aimantation perpendiculaire est en général assez difficile à obtenir. En effet l’ensemble des couplages magnétiques natifs à savoir : anisotropie magnétoélastique, anisotropie directionnelle, couple dipolaire de type peau d’orange, couplage intercouche RKKY [45, 46], dont je décrirai quelques aspects dans le chapitre suivant, vont dans le sens d’un couplage intercouche collinéaire : les aimantations ont tendance à s’aligner selon la même direction (configuration parallèle ou antiparallèle).