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Un principe fondamental du droit international et européen

2. L'UNIVERSALITÉ (PROTECTION DE L'ENSEMBLE DE LA POPULA-

2.1 Un principe fondamental du droit international et européen

5. L'Organisation des Nations Unies (ONU) reconnaît à chaque être humain le droit à la sécurité sociale. Les textes internationaux de référence, bien connus, sont : la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (1989). Cette reconnaissance exclut toute discrimination. Les Na-tions Unies ont ainsi adopté la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965) et la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (1979)5.

6. Ces textes internationaux se réfèrent à la dignité et à la valeur de l'être hu-main. C'est sur cette base qu'il se voit reconnaître des droits, dont celui relatif à la sécu-rité sociale. Ceci indépendamment d'un statut professionnel.

7. L'Organisation des Nations Unies reconnaît sans réserves, l'universalité. Com-me l'objectif est exigeant, l'Organisation internationale du Travail (OIT) prévoit, dans ses normes, des étapes pour le réaliser.

8. L'OIT a tout d'abord construit une sorte de plate-forme normative, qui demeure la base du droit international de la sécurité sociale. Il s'agit de trois instruments qui accompagnent l'émergence même de la sécurité sociale:

La Recommandation OIT No 67 concernant la garantie des moyens d'existence (1944);

La Recommandation OIT N° 69 concernant les soins médicaux (1944);

La Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (1952).

Ensuite, l'OIT a adopté une série de conventions et de recommandations, de 1952 à 2000, qui élèvent la norme minimum, par éventualité ou en groupant certaines

Jean-Jacques DUPEYROUX : Le droit à la sécurité sociale dans les déclarations et pac-tes internationaux. Droit social [Paris] 1960, pp. 365 sv.- Guy PERRIN: La reconnais-sance du droit à la protection sociale comme droit de 1 'homme. In : Actes du 1 OSe Con-grès national des sociétés savantes, Colloque sur l'histoire de la sécurité sociale, Greno-ble 1983. Association pour l'étude de l'histoire de la sécurité sociale. Paris 1983, pp.

153 sv. Publié également dans: Travail et Société [OIT, Institut international d'études sociales], volume 10, n° 2, mai 1985, pp. 255 sv. -Alexandre BERENSTEIN: Le déve-loppement et la portée des droits économiques et sociaux. Travail et Société, volume 7, n° 3, juillet-septembre 1982, pp. 311 sv. et n° 4, octobre-décembre 1982, pp. 419 sv.

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SÉCURITÉ SOCIALE No 29-2002 per-sonnel, avec des pourcentages minima de population (salariée, économiquement active, résidente) à protéger, selon des formules souples qui tiennent compte de la diversité des législations nationales. Seules les Recommandations OIT No 697 et No 1348 demandent l'universalité; les autres textes peuvent s'y référer, au titre de la variante la plus déve-loppée9. Cela montre la difficulté, pour beaucoup d'Etats, de protéger l'ensemble de

-Convention OIT N° 103 et Recommandation OIT N° 95 concernant la protection de la

maternité (1952). 4

-Convention OIT N° 121 et Recommandation OIT N° 121 concernant les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles (1964).

- Convention OIT N° 128 et Recommandation OIT N° 131 concernant les prestations d'invalidité, de vieillesse et de survivants (1967).

- Convention OIT N° 130 et Recommandation OIT N° 134 concernant les soins médi-caux et les indemnités de maladie (1969).

-Convention OIT N° 168 et Recommandation OIT N° 176 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage (1988).

-Convention OIT N° 183 et Recommandation OIT N° 191 concernant la protection de la maternité (2000).

Cf. son § 8 : « Le service des soins médicaux devrait englober tous les membres de la communauté, qu'ils exercent ou non une occupation lucrative ».

Cf. son§ 2.

Cf. p. ex. l'art. 9 § 1 de la Convention OIT N° 128 :

« 1. Les personnes protégées doivent comprendre : a) soit tous les salariés, y compris les apprentis ;

b) soit des catégories prescrites de la population économiquement active formant, au total, 75 pour cent au moins de l'ensemble de la population économiquement active;

c) soit tous les résidents ou les résidents dont les ressources pendant l'éventualité n'excèdent pas des limites prescrites conformément aux dispositions de 1' article 28 ».

Pour ces instruments, voir p. ex.:- Hector BARTOLEMEI DE LA CRUZ/Alain EU-ZÉBY : L'Organisation internationale du Travail. Presses Universitaires de France. Pa-ris 1997, pp. 87 sv.- Jean-Michel BONVIN: L'Organisation internationale du Travail.

Etude sur une agence productrice de normes. Presses Universitaires de France. Paris 1998.- S. Günter NAGEL/Christian THALAMY: Le droit international de la sécurité sociale. Presses Universitaires de France. Paris 1994.- Guy PERRIN: Histoire du droit international de la sécurité sociale. Tome V de La sécurité sociale. Son histoire à travers les textes. Association pour l'étude de l'histoire de la sécurité sociale. Paris 1993, pp.

495 sv. -Michel VOIRIN: Les normes internationales de sécurité sociale à l'épreuve du temps. In: Repenser la sécurité sociale. J.-P. Fragnière (éd.) Réalités sociales. Lau-sanne 1995, pp. 85 sv.- JefVAN LANGENDONCK: Le rôle des organisations inter-nationales dans le développement de la sécurité sociale. Idem, pp. 97 sv.- Pierre-Yves

GREBER : Les principes fondamentaux du droit international et du droit suisse de la sé-curité sociale. Réalités sociales. Lausanne 1984.

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10. Sur notre continent, le Conseil de l'Europe s'inspire judicieusement de l'œuvre de l'OIT, tout en apportant sa propre contribution. Ses instruments, dans ce domaine, sont le Code européen de sécurité sociale et son Protocole (1964), le Code européen de sécurité sociale révisé (1990)11. Comme dans le cadre de l'OIT, il y a présence d'une norme minimale (le Code de 1964) et d'élévations de celle-ci (le Protocole de 1964 et le Code révisé de 1990). L'approche normative est semblable. Ici également, les règles sur le champ d'application personnel guident les Etats vers l'universalité, sans cependant l'atteindre dans les textes mentionnés. Le Conseil de l'Europe arrive à ce stade de déve-loppement dans le domaine des soins par sa Recommandation (86) 5 sur la généralisa-tion des soins médicaux, adoptée le 17 février 1986. A ce sujet, Anne RILLIET HOW ALD souligne un élément essentiel : «Au deuxième considérant du préambule, il est stipulé que '( ... ) le droit à la protection de la santé fait partie intégrante des droits de 1 'homme dont la sauvegarde constitue un des principes fondamentaux du Conseil de l'Europe' ; ainsi, mis à part le fait que le droit à la protection de la santé et, partant, le droit à l'accès aux soins, sont reconnus comme faisant partie des droits de l'être hu-main, le droit à la protection de la santé devient l'un des objectifs essentiels de cette or-ganisation. ( ... ) l'accès aux soins doit être garanti à chacun, sans obstacles

finan-. 12

cters ».

11. La Communauté européenne indique également le but de l'universalité dans sa Recommandation du 27 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et politiques de protection sociale13. Dans ce texte- important sur le fond, car c'est une promotion du modèle social européen, faible sur la forme puisqu'il est dépourvu d'effet obligatoire - le Conseil recommande aux Etats membres trois grandes missions associées à l'uni-versalité : la garantie d'un «niveau de ressources conforme à la dignité humaine», la possibilité de bénéficier des systèmes de protection de la santé, l'intégration sociale et professionnelle (I, A, 1, a, b, c ).

12. Les chartes sociales européennes, aussi bien celles du Conseil de l'Europe14 que de l'Union européenne15, sont moins convaincantes: elles n'ont pas pu, pour des raisons politiques, retenir franchement la voie de l'universalité. Fondées principalement sur une optique de protection des travailleurs (et de leurs familles), elles «

s'auto-corri-11

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13 14

15

Alexandre BERENSTEIN : La révision du Code européen de sécurité sociale. Aspects de la sécurité sociale, bulletin de la Fédération suisse des employés d'assurances socia-les, 2/1991, pp. 36 sv.- S. Günter NAGEL: La philosophie du Conseil de l'Europe en matière de protection sociale. In : La sécurité sociale en Europe et en Suisse. Réalités sociales. Lausanne 1996, pp. 23 sv. - Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, cité à la note 10, pp. 593 sv.

Anne RILLIET HOW ALD : Les soins de santé en sécurité sociale. Quelques textes émanant de l'OIT, du Conseil de l'Europe et de l'OMS. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale [Genève], N° 27-2001, pp. 41 sv. (p. 55).

Citée à la note 1.

-Charte sociale européenne (1961), Protocole (1988).

-Charte sociale européenne révisée (1996).

- Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (1989).

-Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (2000).

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gent » partiellement : le cap professionnel est certes maintenu, mais des élargissements ponctuels sont prévus, par exemple pour éviter de laisser sans ressources des pensionnés ou pour lutter contre 1' exclusion.

13. Pour mémoire, rappelons que l'universalité constitue une pièce fondamentale de deux modèles de sécurité sociale en Europe : celui de Beveridge (Royaume Uni, 1942) et celui de la Scandinavie (dès les années 1950). Egalement que les législations natio-nales en Europe atteignent l'universalité ou s'efforcent de la réaliser. Les Etats qui ont une conception professionnelle de la sécurité sociale ont adopté ainsi des dispositifs spécifiques pour éviter qu'il y ait des exclus de la protection sociale. L'exemple de la France est bien connu, avec notamment l'adoption du Revenu minimum d'insertion (RMI) et de la Couverture maladie universelle (CMU), respectivement en 19&8 et 1999.

14. Face aux mutations et problèmes actuels, le principe de l'universalité est-il tou-jours pertinent ou est-il dépassé?

2.2 L'universalité est exposée à des problèmes sérieux inais surmontables 15. Le premier grand problème que l'universalité rencontre réside dans sa réali-sation concrète très imparfaite. A l'échelon mondial, en ce début de XX:Ie siècle, le constat est brutal: «L'un des plus grands problèmes en matière de sécurité sociale au-jourd'hui est que plus de la moitié de la population mondiale (à savoir, des travailleurs

et des personnes à leur charge) n'a accès à aucune forme de protection sociale et ne bé-néficie par conséquent ni d'un système de sécurité sociale financé par des cotisations, ni de prestations sociales financées par l'impôt, tandis qu'une proportion non négligeable de ceux qui sont couverts ne sont protégés que contre quelques risques. En Afrique sub-saharienne et en Asie du Sud, on estime que 5 à 10 pour cent seulement de la population active sont couverts par le régime légal de sécurité sociale et que dans certains cas ce taux est même en baisse. En Amérique latine, les taux s'étagent entre 10 et 80 pour cent et ne donnent dans la plupart des cas aucun signe d'évolution. En Asie du Sud-Est et de l'Est, les taux varient entre 10 et près de 100 pour cent et, jusqu'à une date récente, étaient dans de nombreux cas en hausse. Dans la plupart des pays industrialisés, le taux de couverture est proche de 100 pour cent, mais dans un certain nombre de pays, no-tamment parmi ceux en transition, l'observation des obligations en matière de sécurité sociale a décliné ces dernières années ».16 Le contraste est saisissant: d'une part, les grands textes de droit international reconnaissent à chaque être humain, sans aucune

16 ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAil.,. CONFÉRENCE INTERNA-TIONALE DU TRAVAIL (89e session-200 1) : Rapport VI : Sécurité sociale. Ques-tions, défis et perspectives. Bureau international du Travail. Genève 2001, p. 4.- Voir également: Wouter van GINNEKEN: Venir à bout de l'exclusion. In: BUREAU IN-TERNATIONAL DU TRAVAil.,: Sécurité sociale pour la majorité exclue. Etudes de cas dans les pays en développement. Sous la direction de W. van Ginneken. Bureau in-ternational du Travail. Genève 2000, pp. 1 sv.- Numéro spécial« Travailleurs indépen-dants et travailleurs du secteur informel : en marge de la sécurité sociale ? » Revue in-ternationale de sécurité sociale, 1/1999.

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discrimination, le droit à la sécurité sociale et, d'autre part, la réalité montre qu'une personne sur deux n'a aucune protection et que parmi ceux qui sont protégés, certains ne le sont que très partiellement, c'est-à-dire insuffisamment.

16. C'est assurément le problème le plus important pour l'avenir: le principe de l'universalité reste largement théorique, dans certaines régions, il relève de l'utopie. La situation est inadmissible sur le plan social, humain et elle est dangereuse, car elle est de nature à remettre en cause la légitimité même du principe. Or, celui-ci a mis beaucoup de temps pour être reconnu ; il est indispensable à la dignité et au libre développement de la personnalité, pour reprendre les termes de 1' art. 22 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

17. Le Bureau international du Travail a compris l'enjeu. Après le constat17, il envisage des stratégies : «L'approche à adopter pour étendre la protection sociale dé-pend d'un certain nombre de facteurs et notamment du niveau de développement éco-nomique du pays, de l'état du système de sécurité sociale et de l'importance du secteur informel. Certains pays industriels sont parvenus à une couverture universelle pour cer-taines éventualités mais pas pour toutes. Dans ces pays, l'extension de la protection so-ciale peut s'inscrire dans le cadre des systèmes existants. Les pays en développement à revenu intermédiaire pourraient aussi, pour certains risques, parvenir à une couverture universelle dans le cadre des systèmes en place. Dans d'autres cas, il pourrait être né-cessaire de commencer par promouvoir des régimes visant spécifiquement les travail-leurs de l'économie informelle. Vu la taille réduite du secteur formel dans les pays en développement à bas revenu, il est impératif d'y donner la priorité à des régimes desti-nés à répondre aux besoins des travailleurs de ce secteur ».18 Le BIT propose ainsi l'application, suivant les cas, de plusieurs modes de protection :

la micro-assurance, à encourager, 1' assurance sociale, à étendre,

les prestations sociales financées par l'impôt (aide sociale, prestations univer-selles).

Et il vise à associer non seulement les partenaires traditionnels de la sécurité sociale- Etat, travailleurs, employeurs- mais aussi d'autres acteurs : autorités locales, associations représentant les travailleurs de 1' économie informelle, institutions fmanciè-res privées, concluant que: «la communauté internationale devra peut-être assumer de nouveaux rôles en ce qui concerne, par exemple, la défmition de politiques sociales glo-bales et le (co)financement de certaines prestations sociales de base »19. Pour reprendre

17 18

19

Voir ci-dessus le N° 15.

OIT : Rapport Sécurité sociale. Questions, défis et perspectives, cité à la note 16, p. 62.

La rédaction est ambiguë : le BIT veut accorder la priorité, dans les pays en développe-ment, à la protection des travailleurs de l'économie informelle.

Idem, pp. 62-64 (64 pour la citation).- Voir également:- Roger BEATTIE: Une pro-tection sociale pour tous, oui, mais comment l'assurer? Revue internationale du travail, 2000/2, pp. 141 sv. - Wouter van GINNEKEN: Sécurité sociale pour le secteur infor-mel : un nouveau défi pour les pays en développement. Revue internationale de sécurité

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ce dernier élément, Alain EUZÉBY a proposé la création d'un Fonds social internatio-nal qui «aurait pour mission d'aider les pays en développement à promouvoir leur dé-veloppement social et humain, et en particulier à élargir et renforcer leurs systèmes de protection sociale ».20 Une idée qui mérite d'être étudiée et développée.

18. La réalisation effective de l'universalité peut aussi poser des problèmes en Europe. Certaines personnes «passent entre les mailles des filets sociaux » et tombent dans la précarité. Sans pouvoir développer ici cette question, il est possible d'en illustrer l'importance par une évolution normative survenue dans le cadre du Conseil de l'Eu-rope. En 1990, celui-ci a ouvert à la signature et à la ratification des Etats membres le Code européen de sécurité sociale révisé. Soit un instrument normatif ou d'harmonisa-tion, qui pose des standards plus élevés que le Code de 1964 relativement. au champ d'application personnel, matériel, aux prestations21. Il s'agissait donc de proposer à la , ratification une nouvelle norme supérieure censée correspondre aux besoins et aux capa-cités accrues de notre continent. D'une part, le Code révisé a été signé mais pas ratifié;

de facto, il joue actuellement le rôle d'une recommandation. D'autre part, le Conseil de l'Europe face à une évolution sociale très difficile, a adopté une Recommandation noR (2000)3 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le' droit à la satisfaction des besoins matériels élémentaires des personnes en situation d'extrême précarité. Cet ins-trument souligne que le Comité des Ministres est «préoccupé par les situations indivi-duelles d'extrême précarité qui existent, parfois à grande échelle, dans tous les Etats membres » et engage les Etats à reconnaître «un droit individuel, universel et justicia-ble» à des prestations qui devraient «à tout le moins couvrir la nourriture, l'habille-ment, 1 'hébergement et les soins médicaux de base », pour les nationaux comme pour les étrangers (quel que soit le statut de ces derniers)22. Seules des personnes qui n'ont pas un revenu du travail ou des prestations de sécurité sociale corrects, c'est-à-dire per-mettant de vivre, ont besoin d'un tel dispositifminimal. Comme le relève d'ailleurs la Recommandation, certains Etats européens connaissent déjà de telles protections. L'im-migration, spécialement non-autorisée, pose aussi des problèmes sociaux spécifiques : des personnes fuient leur pays, en raison de la misère, de la pauvreté, de 1 'oppression ou de la guerre ; elles sont particulièrement fragiles (problèmes de santé, déracinement, isolement) et ne seront pas forcément immatriculées dans le système social du pays où elle résident. L'universalité, là où elle existe, est normalement liée à un statut juridique,

20

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sociale, 1/1999, pp. 61 sv. - David DROR/Christian JACQUIER: Micro-assurance:

élargissement de l'assurance-maladie aux exclus. Revue internationale de sécurité socia-le, 111999, pp. 87 sv.

Alain EUZÉBY: Le financement de la protection sociale et l'emploi à l'épreuve de la mondialisation de l'économie. In: ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SÉ-CURITÉ SOCIALE : La sécurité sociale dans le village global. Conférence internatio-nale de recherche en sécurité sociale «an 2000 », Helsinki, 25-27 septembre 2000.

AISS. Genève 2000, pp. 53 sv. (p. 65).

Voir les études de BERENSTEIN, NAGEL et PERRIN citées à la note 11, de même que NAGEL/THALAMY cités à la note 10.

Site du Conseil de l'Europe: http://www.coe.

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à une résidence légale sur le territoire23. Or, les besoins concrets ignorent de tels statuts.

Une réunion de recherche de l' AISS (Stockholm, 1993) avait mis l'accent sur cette pro-blématique. Plus particulièrement Reinhard LOHRMANN avait souligné l'implication pour les systèmes : « S'agissant de la sécurité sociale, un nombre croissant de migrants ne seront pas inscrits auprès des régimes des pays d'accueil du fait de leur situation irré-gulière et du fait qu'ils exercent un emploi de manière illégale. Cette forme de dérégula-risation du marché du travail constituera un défi pour le fonctionnement des régimes nationaux de sécurité sociale ». 24

19. L'universalité est fortement contestée par le courant politique néo-libéral.

Selon ce dernier, l'universalité déresponsabilise les individus et exagère l'intervention de l'Etat. Utilisant les termes de «principe de l'arrosoir»- au lieu de celui d'universa-lité - un livre publié en Suisse il y a quelques années résume, sans nuances, cette vi-sion : « Il existe dans toute société des personnes incapables de subvenir à leurs besoins.

Les aider est un devoir qui incombe à chacun et - subsidiairement - à la communauté.

Cette attitude est emacinée dans la tradition humanitaire où 1' engagement personnel compte autant que l'appui matériel. Au contraire, les mécanismes bureaucratiques de redistribution appliqués aujourd'hui par les pouvoirs publics, mécanismes fondés sur le principe de l'arrosoir, favorisent de plus en plus l'anonymat de l'aide sociale. Parallèle-ment, les œuvres sociales touchent aux limites de leurs capacités financières. Il ne faut pas que les principes incontestés de 1 'Etat social - et humaniste - dégénèrent finalement en une politique de redistribution contre-productive. Plus la prospérité générale s'est généralisée au fils des décennies, et plus le cercle des bénéficiaires des prestations so-ciales s'est élargi; on constate aussi que ces prestations sont attribuées de plus en plus souvent sans égard aux besoins individuels ni même aux revenus et à l'état de fortune des intéressés. Pareille politique favorise le parasitisme, la dépendance et l'indifférence, et tue le goût du travail». D'où la conclusion opposée à l'universalité et résumée

Cette attitude est emacinée dans la tradition humanitaire où 1' engagement personnel compte autant que l'appui matériel. Au contraire, les mécanismes bureaucratiques de redistribution appliqués aujourd'hui par les pouvoirs publics, mécanismes fondés sur le principe de l'arrosoir, favorisent de plus en plus l'anonymat de l'aide sociale. Parallèle-ment, les œuvres sociales touchent aux limites de leurs capacités financières. Il ne faut pas que les principes incontestés de 1 'Etat social - et humaniste - dégénèrent finalement en une politique de redistribution contre-productive. Plus la prospérité générale s'est généralisée au fils des décennies, et plus le cercle des bénéficiaires des prestations so-ciales s'est élargi; on constate aussi que ces prestations sont attribuées de plus en plus souvent sans égard aux besoins individuels ni même aux revenus et à l'état de fortune des intéressés. Pareille politique favorise le parasitisme, la dépendance et l'indifférence, et tue le goût du travail». D'où la conclusion opposée à l'universalité et résumée

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