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3) Principe du découpage du mouvement en phases

La majeur partie des travaux montre l'existence d'un allongement global du temps de mouvement lorsque sont augmentées les contraintes de précision de la tâche. Un certain nombre d'études semblent indiquer que cet allongement pourrait avoir pour origine principale une prolongation du temps de décélération. Ainsi, les gestes requérant une grande précision présentent un profil de vitesse fortement asymétrique (Soechting, 1984; MacKenzie et al., 1987; Marteniuk et al., 1987). Cette asymétrie s'avère d'autant plus marquée que la précision requise est importante (Milner et Ijaz, 1990). A l'inverse, les mouvements rapides ou spatialement imprécis se caractérisent par des profils de vitesse symétriques (Morasso, 1981). Dans ces circonstances, (lors de la diminution de taille de la cible), on peut observer l'augmentation du temps du mouvement qui pourrait être liée aussi, dans une certaine mesure, à un allongement de la phase d'accélération. Ces ajustements pourraient d'après Milner et Ijaz (1990) s'expliquer par l'existence de forces inertielles dont l'amplitude ne devrait jamais être trop importante à l'approche de la cible, lorsque des mouvements correctifs sont nécessaires. Il apparaît que l'allongement du temps de mouvement lié à une complexification de la tâche se répartit inégalement tout au long du profil de vitesse. Néanmoins, il convient de noter que la phase initiale du geste se présente, malgré les modifications quantitatives dont elle est l'objet, comme qualitativement stéréotypée. Annett et al. (1958) utilisent une tâche dans laquelle le sujet doit prendre un disque métallique sur un support, puis le transporter sur une courte distance afin de le placer dans une ouverture de diamètre variable. Quatre conditions de difficulté décroissante sont testées. Deux types d'enregistrements sont faits, un par l'étude du temps entre des contacts ou des ruptures de contacts électriques, et l'autre par cinématographie. L'analyse par film montre l'existence de deux phases pendant le déplacement

Figure 18. Cinématique de la préhension. La vitesse du poignet et l'amplitude de la pince sont calculées en fonction

de la durée d'un mouvement normal pour un objet situé à 30 cm du sujet et à 20° à droite de l'axe corporel. La composante de transport se caractérise par un profile de vitesse asymétrique avec un seul pic. Quand la distance de la cible augmente, la vitesse maximale est plus importante. Lors de la phase de décélération, la vitesse diminue rapidement (pic de décélération) pour ensuite diminuer plus doucement ou parfois augmenter de nouveau. Le pic de décélération se produit entre 70% et 80% de la durée totale du mouvement. L'ouverture des doigts est supérieure à la taille réelle de l'objet. Le pic maximal d'ouverture se produit entre 100 et 120 ms après le pic de vitesse du poignet, coïncidant avec le pic de décélération. Les tracés montrent la taille de la pince (grip, en rouge, échelle en mm), la vitesse tangentielle (en vert, échelle en mm/sec) et l'accélération (en bleu, échelle en mm/s2). Noter l'écartement progressif de l'index et le pouce (en rouge) en fonction du temps (en vert) jusqu'à un maximum, puis la refermeture autour de l'objet. Voir Figure 19. (D'après Jeannerod 1981; 1984; 1986). Temps (ms) 0 200 400 600 90 60 30 0 140 70 0 V ite ss e (c m/ se c) Tai ll e d e l a p in ce (mm) 0 A cc él ér ati on (mm/ s2) 15000 -15000

Figure 19. A) Le geste de saisie d'un objet se décompose en deux phases: transport de la main à proximité de

l'objet et une phase de formation de la pince. L'ouverture entre le pouce et l'index montre une ouverture maximale qui se situe aux 3/4 de la composante de transport. Puis une phase de fermeture de la pince s'amorce pour s'ajuster à la taille de l'objet en fin de mouvement. B) Analyse du même mouvement avec un analyseur de déplacement informatisé. Reconstruction de la trajectoire du poignet (violet), de l'index (rouge) et du pouce (bleu). Les arêtes indiquent la variabilité du mouvement au cours de dix répétitions successives. (D'après Jeannerod, 1981 et Paulignan, 1991).

des disques de leur support vers leur réceptacle. Les auteurs observent un mouvement grossier vers la zone de la cible, puis une phase terminale lente beaucoup plus précise. La première

A

partie du mouvement a une durée constante (sauf pour la condition la plus facile). Le positionnement de l'objet pour l'introduction dans les ouvertures a une durée qui est variable et d'autant plus longue que les contraintes de précision sont grandes. L'index de difficulté doit être défini séparément pour chacune des phases. Carlton (1980) confirme le principe du découpage du mouvement en phases. Beggs et Howarth (1972) montrent que la courbe de vitesse asymétrique qui correspond à la présence des deux phases se met en place au cours de l'apprentissage du mouvement. Soechting (1984) souligne l'importance de la précision demandée par la tâche sur la présence de plusieurs phases de vitesse dans le mouvement. Il demande aux sujets de pointer sur une cible dont la taille peut varier entre 2,2 et 5 cm de diamètre. Les effets de la précision se font surtout sentir à la fin du mouvement quand la main est près de la cible, où lorsque la tolérance d'erreur diminue, le temps de mouvement peut augmenter de 30%, et il apparaît une phase d'approche à basse vitesse.

Ces observations sont en faveur du concept proposant une première phase de nature balistique, c'est-à-dire dépendante d'un contrôle purement proactif. Cette phase aurait ainsi exclusivement pour but d'amener l'effecteur à proximité de l'objectif pour que puisse se développer une composante d'ajustement terminale destinée à assurer l'acquisition de la cible. Ce modèle de fonctionnement suggère l'existence d'une partition des mouvements en deux composantes, l'une rapide qui permet de couvrir la majeure partie de la distance main-cible, l'autre lente présentant un nombre plus ou moins grand de corrections et qui prend place à proximité de l'objectif (Figures 18 et 19).