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L'AXE D'OPPOSITION COMME EXPRESSION DE L'IMAGERIE MOTRICE

L’imagerie motrice correspond à une activation subliminale du système moteur, système qui semble être impliqué non seulement dans la production de mouvements, mais aussi dans le fait d’imaginer des actions, de reconnaître des outils, d’apprendre par l’observation ou même de comprendre le comportement d’autres individus. Comme nous

l'avons mentionné dans le contexte bibliographique, l’utilisation de techniques permettant de cartographier l’activité cérébrale et de détecter l’excitabilité corticale, ainsi que l’observation de patients présentant des lésions au cours de tâches imaginaires fournissent de nouveaux éléments concernant l’activité motrice.

Alors que le terme d’image motrice se rapporte habituellement à une représentation explicite ou consciente d’une action (imaginons-nous en train de courir ou de lever la main), le même concept comprend également d’autres aspects implicites du même phénomène. Un exemple d’imagerie motrice implicite nous est fourni par l'Expérience 2. En effet, les sujets devaient juger si la tâche consistant à soulever un récipient rempli d'eau et à en verser le contenu dans un autre récipient était facile, difficile ou impossible, sans passer à l'acte. Leur réponse se faisait au travers de trois touches sur un clavier d'ordinateur. Le patron de réponse obtenu présenta un étroit parallèle avec le mouvement réel en rapport avec les limitations géométriques que l'anatomie du membre supérieur impose. Cela implique que les sujets simulèrent le mouvement avant de donner leur réponse, en dépit du fait qu'ils n'en n'avaient pas reçu l'ordre. En ce qui concerne le temps de réponse (compris entre 1500 et 2000 ms), son augmentation fut observée parallèlement à la difficulté estimée du mouvement. Ce résultat se trouve vérifié par une autre observation effectuée dans le processus de reconnaissance d’une main visuellement présentée qui dépend d'un traitement sensori-moteur (Parsons et al., 1995, 1998; Johnson, 2000). Ces expériences tendent à converger vers une constatation commune: le temps nécessaire pour donner une réponse reflète le degré de rotation mentale nécessaire à la main pour parvenir à la position adéquate pour la réalisation de la tâche. Parsons et al. (1998) démontrèrent plus avant qu’en cas d’identification droite-gauche de la main, les traitements sensori-moteurs sont également soumis aux structures contrôlant le côté de la main à reconnaître: chez deux sujets au cerveau divisé (“split-brain”), ils trouvèrent que la reconnaissance de la main était quasiment impossible quand une image de la main droite était présentée visuellement à l’hémisphère droit, alors que l’identification ne montrait pas de difficulté quand celle-ci était présentée à l’hémisphère gauche qui contrôle les mouvements de la main droite. Les auteurs ont donc été conduits à conclure que la simulation mentale et la reconnaissance de la droite et de la gauche reposent sur des mécanismes latéralisés. De façon intéressante, chez le sujet normal, le temps de réponse reflète également une meilleure identification du côté de la main par l’hémisphère controlatéral à la main présentée (Johnson, 1998). Des effets similaires sur le temps de réponse furent observés quand il s'agissait de juger de la façon dont devaient être utilisés des objets à manipuler ou des outils: selon Tucker et Ellis (1998), de tels objets potentialisent automatiquement l’action qu’ils sous-tendent.

Notre connaissance implicite des actions influence la façon dont nous traitons cognitivement le monde visuel (de’Sperati et al., 1997).

Enfin, une autre forme d’opération mentale implicite a récemment été ajoutée au domaine de l’imagerie motrice: il s’agit du processus cognitif en relation avec la reconnaissance et la compréhension des actions observées chez un autre individu. Il fut souvent avancé qu’une action ne peut être comprise qu’à la condition d’être réalisée par l’observateur (Jeannerod, 1999; Gallese et Goldman 1998), où il s'agit de “connaître par la simulation de l’action” (Schwartz et Black, 1999). Ainsi, l’observation d’une action activerait chez l’observateur les mêmes mécanismes que ceux qui sont activés quand l’observateur agit ou imagine l’action. Cette représentation implicite de la façon dont les mouvements sont générés dans le cerveau influence à son tour l’interprétation des actions observées. Cela majore les bénéfices de l’observation des actions réalisées par d’autres dans la compréhension de leur comportement et dans l’acquisition de nouvelles capacités motrices (l'apprentissage par l'observation). Il est raisonnable de supposer que l'axe d'opposition peut être analysé au fur et à mesure que de nouvelles informations motrices sont incorporées.

Les recherches futures portant sur l’imagerie motrice devraient présenter deux orientations principales. Tout d’abord, il serait important de déterminer la nature exacte de l’activation subliminale des voies motrices impliquées dans ce processus et de façon plus spécifique, de déterminer si cela correspond effectivement à une activation “endogène” des structures motrices. Cela nécessiterait la description complète de l’état du système moteur, ce que ne permettent pas les techniques disponibles à l’heure actuelle. Par exemple: l’enregistrement EMG standard peut négliger l’activité de fibres musculaires motrices profondes, le degré d’activité du fuseau afférant du muscle reste inconnu, etc. (Gandevia et al., 1997). Cette approche devrait combler le vide existant entre l’étude des phénomènes cognitifs comme l’élaboration de l’action, possible uniquement chez l’homme, et l’étude détaillée des mécanismes neuronaux sous-jacents, accessibles seulement chez l’animal.

Des résultats expérimentaux récents chez le singe montrent que ces possibilités sont à portée de main. Les décharges neuronales des cortex pariétal et prémoteur montrent le dessin du patron de l’action, même quand cette action n’est pas produite par l’animal (voir Crammond, 1997; Rizzolatti et al., 1996).