Chapitre 2 Le modèle discret et la génération d’empilements de particules 55
2.2 Principe de la méthode des éléments discrets (MED)
Pour réaliser notre étude, nous avons fait le choix de nous limiter à la MED. Pour mémoire,
on signale qu’il existe une approche sensiblement différente, appelée "dynamique des contacts", dans
laquelle on considère des particules strictement indéformables, y compris au niveau des contacts (i.e.,
sans interpénétration). Dans cette méthode, il n’y a donc aucune élasticité du matériau. On pourra se
reporter pour plus de détails aux travaux de Radjaï et Jean [Radjaï (1995), Jean (1999)] et au code de
calcul LMGC90 [Dubois et Jean (2003)]. On peut également parler de la méthode discrète "SPOT"
qui est moins connue, mais tout aussi efficace pour simuler l’écoulement granulaire (e.g., grains de
maïs dans un silo) ou générer des empilements de sphères. Cette méthode est développée par Bazant
et elle est basée sur une théorie statistique réaliste [Bazant (2006)].
Fig. 2.1 –Cycle de calcul de la Méthode des Eléments Discrets.
Concernant la méthode des éléments discrets, son objectif est de déterminer les positions de
toutes les particules et les forces appliquées sur toutes les particules, quel que soit l’instanttconsidéré
et pour un pas de tempsdt. Au début du cycle de calcul, les positions de toutes les particules au temps
tet de toutes les forces de contact au tempst−dtsont connues.
Le calcul des positions de toutes les particules au tempst+dt et de toutes les forces de contact au
tempstest réalisé en quatre étapes (voir Fig. 2.1).
– Etape 1 : mise à jour des contacts et des interpénétrations entre particules à partir des positions
des particules au tempst.
– Etape 2 : calcul et stockage de toutes les forces de contact au tempstà partir des
interpénétra-tions calculées à l’étape 1 et des forces de contact au tempst−dtpar application de la loi de
contact.
– calcul du déplacement des particules entre les tempst ett+dt par résolution des équations
issues du principe fondamental de la dynamique.
– calcul des positions des particules au tempst+dt.
A la fin du cycle de calcul, la connaissance des positions des particules au tempst+dtet de
toutes les forces de contact au tempstpermet d’initier le cycle de calcul au pas de temps suivant.
2.2.1 Loi de mouvements
Le milieu granulaire est représenté par un assemblage de particules tridimensionnelles
assimi-lables à un empilement de sphères. Dans l’assemblage, une particule pquelconque est caractérisée à
tout instant par sa positionpi, sa vitesse en translation ˙pi, et en rotation ˙θi. En connaissant les rayons
des particules, on peut donc établir à un instant donné une liste des contacts, sachant que deux
par-ticules sont en contact, si la distance entre les centres est inférieure ou égale à la somme des rayons.
Pour chaque contact, on calcule l’effort exercé entre les particules en fonction des lois de contact (voir
Sec. 2.3). Le torseur [Fi;Mi] résultant des forces de contact sur la particulepentraîne une
accéléra-tion en translaaccéléra-tion et en rotaaccéléra-tion suivant le principe fondamental de la dynamique. Si l’on notemla
masse de l’élément etIson moment d’inertie, on a :
¨
pi = Fi
m (2.1)
¨
θi = Mi
I (2.2)
La position des particules, qui évolue au cours de la simulation, est déterminée à des intervalles
de tempsdt. Pour cela, les accélérations ¨piet ¨θisont intégrées suivant le schéma en différences finies
centrées du premier ordre traduit dans les équations (2.3) à (2.6). Dans ces équations, un indice après
une expression entre crochets désigne l’instant auquel l’expression est évaluée. Cette méthode
d’in-tégration émet l’hypothèse que les vitesses et les accélérations sont constantes sur chaque intervalle
de temps.
[ ˙pi]t+
dt 2=[ ˙pi]t−
dt 2+[ ¨pi]t.dt (2.3)
[˙θi]t+
dt 2=[˙θi]t−
dt 2+[¨θi]t.dt (2.4)
[pi]t+dt=[pi]t+[ ˙pi]t+dt.dt (2.5)
[θi]t+dt=[θi]t+[˙θi]t+dt.dt (2.6)
Entre chaque calcul des déplacements, les forces entre particules sont recalculées en tenant
compte des nouvelles positions; on dispose alors d’un système de forces de contact à jour pour le pas
de temps suivant. Le concept de cet algorithme est schématisé à la figure 2.1. On peut traiter par cette
méthode des problèmes dynamiques où le temps apparaît comme un paramètre pertinent. Dans notre
cas, le temps n’aura généralement pas de sens précis. Les itérations ont pour rôle essentiel de faire
converger le système vers un état d’équilibre statique. Pour qu’il y ait une convergence du calcul, il
faut que la valeur du pas de temps (dt) utilisé soit toujours inférieure à celle du pas de temps critique
(dtcritique).
2.2.2 Pas de temps critique
L’algorithme de résolution des équations du mouvement utilisé dans la MED étant de nature
explicite, la pertinence des résultats obtenus n’est assurée que si le pas de tempsdt ne dépasse pas
une valeur limite (dtcritique). Cette valeur limite assure que la valeur maximale du pas de temps soit
faible devant le temps nécessaire à ce que le contact s’établisse entre deux particules. Le pas de temps
est donc directement lié au temps de contact. Quel que soit le modèle de contact utilisé, la durée du
contact entre deux particules est fonction de la masse moyenne (mi) des particules en contact et de
leur raideur de contact équivalenteki. Le temps de contact diminue lorsque la taille moyenne des
particules diminue et lorsque leur raideur de contact augmente. La valeur du pas de temps critique
(dtcritique) est calculée comme étant une fraction de la durée du contact binaire purement élastique
entre les deux particules en contact ayant les tailles et les raideurs les plus pénalisantes.
dtcritique=αmin(
s
mn
i
kn
i
) (2.7)
Oùα∈[0,5; 1[ etnvarie de [1:nombre total de contact].
2.2.3 Code de calcul Yade
Le code de calcul YADE ("Yet Another Dynamic Engine") [Kozicki et Donzé (2008a),Kozicki
et Donzé (2008b)], propose un environnement open source écrit en langage C++permettant le
dé-veloppement de modèles numériques éléments discrets en trois dimensions. Il s’agit en fait d’une
évolution du code SDEC [Donzé et Magnier (1995)] basée sur la méthode de calcul aux éléments
discrets (MED), dont les capacités sont en perpétuelle évolution grâce à la mise en commun du
tra-vail de ses utilisateurs. Comme de nombreux codes utilisant la MED, le code YADE considère des
éléments sphériques identifiés indépendamment par leur propre masse m, rayonret moment d’inertie
I. A chaque itération du cycle de calcul (voir Fig. 2.1), les positions des grains sont recalculées par
intégration du principe fondamental de la dynamique à partir des forces résultantes définies par les
lois d’interaction locales interparticulaires (voir Sec. 2.2.1).
Dans sa version de base, le code YADE propose des lois d’interaction classiques de type "contact"
qui sont définies par des rigidités linéaires normales et tangentielles et un angle de frottement
inter-granulaire (Φc) (voir Sec. 2.3). Par ailleurs, le code offre la possibilité d’utiliser le moment en rotation
résistant pour simuler la résistance au roulement propre aux grains réels non sphériques. Mais étant
donné la complexité du comportement inter-granulaire à reproduire, nous faisons le choix de ne pas
intégrer le moment résistant dans le modèle de contact qui sera défini dans la section 2.3), ainsi le
jeu de paramètres micromécaniques à calibrer nous concernant se restreint finalement à la rigidité
normalekn, la rigidité tangentiellektet l’angle de frottement inter-granulaire (Φc). Le fait de ne pas
intégrer de moment résistant en rotation pour chaque particule a pour conséquence de restreindre
notre champ d’investigation et de ne pas pouvoir simuler des cas de compression avec déviateur pour
des poudres avec une géométrie anguleuse.
Fig. 2.2 – Représentation des boites englobantes (boites de couleur verte) dans le code éléments
discrets open-source YADE.
Afin de permettre la convergence du système vers un état d’équilibre quasi-statique, outre la
définition d’un pas de temps suffisamment petit pour assurer la stabilité du schéma d’intégration, les
dissipations d’énergies sont rendues possibles grâce à un amortissement "non visqueux" s’appliquant
indépendamment à chacun des éléments. Une particularité qui est propre au code de calcul YADE
est l’algorithme de détection des contacts, qui est basé sur un principe de boîtes englobantes (voir
Fig. 2.2). En effet chaque sphère est associée à une boîte englobante et pour savoir si il y a un contact
potentiel entre deux sphères, les boîtes englobantes qui se touchent sont scrutées en procédant à un
tri rapide à partir de leurs coordonnées (x,y,z). Une fois que deux boîtes se touchent, le calcul de la
distance entre deux sphères coûteux en temps de calcul est réalisé afin de calculer l’interpénétration
(h) entre les sphères. D’autres algorithmes de détection des contacts tout aussi performants existent
et les plus utilisés sont décrits dans cette thèse à l’annexe C.3.
Dans le document
Modélisation de la compression haute densité des poudres métalliques ductiles par la méthode des éléments discrets
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