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La modélisation de la compression de poudres par l’approche continue

poten-tiellement capable de réduire les tests très coûteux sur ligne de production. Les adeptes de la

mo-délisation ont pour objectifs attendus la détermination et le contrôle des propriétés mécaniques de

la pièce finale dont notamment l’identification des valeurs de paramètre de pilotage du procédé. De

sorte à satisfaire toutes les attentes en ce domaine, il demeure encore des améliorations à apporter.

Les simulations entreprises doivent prédire les propriétés (densité, limite élastique, ...) du composant,

à cet égard l’annexe B) expose au travers d’un exemple des éléments de savoir faire actuels en termes

de modélisation numérique.

Un nombre restreint d’essais expérimentaux restera toujours requis pour caractériser précisément les

matériaux puis calibrer les paramètres des modèles de comportement utilisés dans les codes éléments

finis. Dans un avenir proche, il semble raisonnable de penser que l’accroissement des connaissances

sur les matériaux et les progrès de la modélisation réduiront encore le nombre des essais nécessaire à

une bonne calibration.

Concernant la modélisation de la phase de compression, il est important de tenir compte dans

la mesure du possible des caractéristiques du massif de poudre inhérentes aux phases précédentes,

ces caractéristiques ayant des influences sur la réponse du matériau pendant la phase de compression

comme nous l’avons vu dans les sections 1.4 et 1.5. En partant de ce postulat, il existe alors plusieurs

voies pour modéliser la compression de la poudre : l’approche par la simulation discrète (voir Sec. 1.7)

basée sur l’hypothèse des milieux continus. L’approche continue, intégrée à la méthode éléments finis,

consiste à reproduire le comportement de la poudre par mise en œuvre de lois phénoménologiques

dont les fondements sont rappelés en annexe A. Cette approche reste la plus employée dans le monde

industriel.

1.6.1 Les modèles de plasticité incrémentaux

La plupart des modèles de comportement sont basés sur la théorie incrémentale de la plasticité

pour laquelle les lois de comportement et la notion de surface de plasticité servent à décrire la réponse

macroscopique du matériau (voir annexe A). Ces lois phénoménologiques peuvent être établies par

formalisme mathématique suite à l’analyse des résultats expérimentaux ou encore en s’inspirant des

résultats de la modélisation micromécanique par approche discrète. Elles sont souvent exprimées par

des fonctions quadratiques de la contrainte moyenne (p=σ1+σ23+σ3), de la contrainte effective de Von

Mises et prennent une forme de type elliptique.

Brown et Abou-Chedid [Brown et Abou-Chedid (1992)] montrent que beaucoup de critères

plastiques sont inadaptés pour mener des applications directes à la compression des poudres. Dans la

littérature, nous disposons de modèles phénoménologiques élaborés tels que le critère de Hill. Mais

celui-ci, dans sa formulation originale, repose sur l’hypothèse d’incompressibilité plastique ce qui

conduit à ne pas pouvoir le considérer pour les matériaux granulaire.

Il a fallu ainsi développer des lois phénoménologiques qui prennent en compte la compressibilité

du matériau et le paramètre d’écrouissage avec un nombre restreint de paramètres pour favoriser leur

implémentation dans des codes de calculs éléments finis. Dans la suite, nous présenterons les deux

principaux modèles utilisés par un grand nombre de chercheurs pour prédire la réponse de la poudre

en cours de compression.

1.6.1.1 Le modèle Drucker-Prager/Cap

De grandes déformations ont lieu lorsque des poudres métalliques ductiles sont comprimées.

En terme d’ordre de grandeur, il est courant que le volume circonscrit par l’outillage en fin de la

phase de transfert soit divisé d’un facteur 2 en fin de compression. Ce comportement montre ainsi de

premières similarités avec le phénomène de compression des sols. Les modèles empiriques utilisés

pour modéliser la réponse des sols sous sollicitations mécaniques ont ainsi été adoptés et modifiés

pour prédire la réponse des poudres industrielles. De plus, l’équipement et les différents chemins de

chargement utilisés pour déterminer les propriétés des sols sont également utilisés dans le cas des

poudres.

Fig. 1.13 –Modèle modifié de Drucker-Prager/Cap représenté dans le plan p-q avec l’introduction

d’une limite en traction T. Le critère de Von Mises n’est pas apdapté au comportement des comprimés

à vert en cours de compression [Coube (1998)].

Drucker et Prager [Drucker et Prager (1952)] ont étendu le modèle de Mohr-Coulomb écrit en

1776 pour l’interprétation des résultats des tests triaxiaux. L’ensemble du modèle composé

essen-tiellement de deux mécanismes est dénommé Drucker-Prager/Cap (DPC) au sein de la communauté

scientifique. Il est depuis des années utilisé pour modéliser le comportement des sols. La surface de

plasticité de ce modèle est constituée d’une surface de fissurationFS (voir Eq. 1.4) et d’une surface

elliptique (la surface Cap)FC (voir Eq. 1.5). Les surfacesFS etFC constituent une surface de

plasti-cité combinée de forme convexe dans le plan du premier et du second invariant (i.e., le plan p-q) (voir

Fig. 1.13) qui est caractérisée par l’équation:

FS =qp.tan(β))−d=0 (1.4)

FC =

q

(ppa)2+Rq2−R(d+pa.tan(β))=0 (1.5)

R=R1+R2exp(R3ρ) d=d1exp(d2vp) (1.6)

Avec les paramètres R l’excentricité de la surface cap, d la contrainte limite de cohésion, β

l’angle de la droite de rupture sont constants dans la version originale du modèle. Par ailleurs, la

valeurPaest une fonction de durcissement ou d’écrouissage activée par une partie hydrostatique

pré-pondérante du chargement, cette fonction est donc croissante avec la densité.

Dans la figure 1.13, deux extensions du modèle original sont ainsi inclues: la limite en

trac-tionT, qui caractérise la contrainte limite en traction du comprimé à vert et la limite de Von Mises

σy du matériau dense sans porosité. Pour les états de contrainte situés à l’intérieur de la surface de

plasticité, la poudre a un comportement élastique réversible. Si l’état de contrainte atteint une des

surfaces de plasticitéFS ouFC, le massif de poudre se déforme plastiquement. La densité augmente,

si l’état de contrainte est sur la surface cap, tandis que la densité décroît par effet de la dilatation

quand l’état de contrainte atteint la surface de Drucker-Prager. Le mécanisme modélisé par la droite

de Drucker-Prager induit une dilatation du massif de poudre et un radoucissement, sa réponse

méca-nique, la localisation de la déformation et la fissuration pouvant apparaître par le développement de

ce mécanisme.

Par les premières caractéristiques qui viennent d’être décrites, il apparaît une bonne adéquation

du modèle de Drucker-Prager/Cap aux traits les plus saillants du comportement observé des

com-primés à vert. En effet et à titre d’exemple, un comprimé à vert à base de poudre de fer de densité

7mg.m−3se rompt en traction pour une contrainte de quelques mégapascal [Alvain (2001)] qui

néces-site une pression isotrope p de quelques centaines de mégapascal pour augmenter sa densité [Pavier

(1998)]. Par ailleurs, l’amplitude de l’écrouissage décrit par ce modèle peut être particulièrement

éle-vée, la valeur du paramètre Pa en tout début de compression (poudre à l’état pulvérulent) étant de

l’ordre d’un mégapascal. Chtourou et al. [Chtourouet al.(2002)] ont récemment amélioré le modèle

Drucker-Prager/Cap pour les poudres ductiles.

Pour décrire le comportement de la poudre de façon plus réaliste et spécialement concernant

la formation de fissures pendant la compression et les phases de décharge et d’éjection, le modèle

Drucker-Prager/Cap a été modifié par Coube et Riedel [Coube et Riedel (2000)]. Il est alors proposé

que les paramètres de cohésion d,βet T et transition R dépendent de la densité tout commepa. Dans

les relations suivantes la densité ρ et la déformation volumique plastique vp sont alternativement

utilisées. Elles sont liées par:

vp =ln( ρ

ρ0) (1.7)

Oùρ0est la densité initiale après la phase de remplissage et la déformation volumique plastique

(vp) est définie positive pendant la compression. La relation de durcissement, l’excentricité de la

surface Cap et les paramètres de cohésion sont initialement décrits par les expressions empiriques

suivantes:

vp =W(1−exp(−c1pc

2

a)) (1.8)

tan(β)=b1b2vp (1.9)

Les paramètresW,c1,c2,R1,R2,R3,d1,d2,b1etb2 sont déterminés par des expériences tels

que le test brésilien, la compression simple et les essais triaxiaux. Pour les détails concernant les

techniques des mesures, on peut se reporter à un ouvrage [Brewinet al.(2008)].

1.6.1.2 Le modèle Cam-Clay

Le second modèle de comportement couramment mis en œuvre pour modéliser le comportement

des poudres est le modèle de Cam-Clay qui a aussi pour origine la mécanique des sols. Le modèle

original a été développé par Schofield et Wroth [Schofield et Wroth (1968)]. Ce modèle est décrit

par une seule surface de plasticité, celle-ci étant régulière. Par la suite, le modèle a été simplifié par

Wood [Wood (1990)]. La surface de plasticité est alors décrite par une expression quadratique de

la contrainte déviatoire et de la pression moyenne, elle est déplacée de façon à intersecter l’origine

comme le présente la figure 1.14.

L’expression de la surface de plasticité pour ce modèle s’écrit alors:

p= σa+2σr

3 et q=σaσr (1.10)

Oùσaetσrsont respectivement la contrainte axiale et la contrainte radiale.

f = (p(σi j)p0)

2

p2

0

+ q

2(σi j)

q2

0

=1 (1.11)

p0 et q0 sont respectivement la longueur du demi-grand axe et du demi-petit axe de

l’el-lipse. Les paramètres matériaux (p0,q0) varient en fonction de la densité pour reproduire l’effet de

Fig. 1.14 –Modèle modifié de Cam-Clay représenté dans le plan p-q.

l’écrouissage sur le comportement de la poudre, cette variation étant décrite par des équations

ana-lytiques. Deux équations sont donc requises pour déterminer les paramètres p0 etq0 au cours de la

densification du comprimé. Elles sont identifiées en insérant l’équation 1.10 dans l’équation 1.11.

Il vient en utilisant l’équation A.16-C:

p0=k1(ln(1− ρρ0

ρ−ρmax))

k

2

(1.12)

q0=qmax.tanh(k3p0

qmax) (1.13)

Les termesk1àk3sont des constantes issues de l’analyse de résultats expérimentaux,ρ0etρmax

sont respectivement la densité théorique initiale et maximale pour la poudre, le paramètreqmax

cor-respondant à la contrainte maximale déviatoire du matériau dense.

Comme le précédent modèle, il est nécessaire de calibrer les paramètres à partir des bases de

données expérimentales. La figure 1.14 inclut le chemin de chargement typique de la compression

en matrice d’un cylindre sans frottement aux parois. Disposant de matrice instrumentée, les

caracté-ristiques de ce chemin peuvent être utilisées pour calibrer ce modèle de plasticité intégré aux

simu-lations éléments finis. Les différentes courbes isodensité représentées par la figure 1.14 sont toutes

elliptiques, elles représentent l’écrouissage de la surface charge pour cinq niveaux croissants de

den-sification. Tenant compte des caractéristiques du comportement ainsi modélisé, ce modèle prévoit une

absence totale de tenue du comprimé à vert en traction par exemple.

D’autres modèles de comportement peuvent être mis en œuvre pour simuler la compression de

poudre, cependant nous avons voulu par cette section présenter les deux modèles les plus connus. Pour

avoir des informations complémentaires sur les capacités et les performances de l’approche continue

au travers d’un cas concret, il convient de se reporter à l’annexe B.

En conclusion de cette section, les lois phénoménologiques macroscopiques du type

Drucker-Prager/Cap et Cam-Clay construites sur la base de la théorie de la plasticité conviennent pour prédire

avec une précision correcte la distribution de densité en fin de compression et après éjection [Frachon

et al.(1999), Frachonet al.(2002)]. Par ailleurs, cette approche basée sur la mécanique des milieux

continus assure des simulations assez rapides ce qui la positionne comme un bon outil de première

analyse [Ariffinet al.(1998), Jonsen et Haggblad (2005), Brewinet al.(2008)]. Il demeure cependant

acquis au sein de la communauté scientifique que ces lois ne peuvent pas modéliser et reproduire la

réponse d’un matériau granulaire, surtout quand il s’agit des zones de la pièce concernées par des

chemins de chargement complexes développés aussi bien au cours de la compression ou de

l’éjec-tion. La seule variable d’état (densité relative) que ces modèles intègrent ne permet pas en tant que

variable scalaire la description d’une histoire complexe de chargement. Il est attendu au travers d’une

meilleure prise en compte de l’histoire de chargement de pouvoir à la fois améliorer la précision

sur les valeurs d’effort simulé et de construire des critères valables pour détecter de manière fiable

des conditions initiales à l’apparition de défauts. L’introduction de nouveaux formalismes traduisant

des caractéristiques plus anisotropes et permettant de réelles évolutions de la forme de la surface de

charge tout en tenant compte des effets variés des chemins de chargement reste donc à développer.

Afin de mieux circonscrire cette complexité induite par la microstructure du matériau, on opte

dans cette thèse pour l’approche discrète qui est dédiée à la modélisation du comportement

méca-nique des matériaux granulaires. Pour se familiariser avec cette méthode numérique, dans la suite

de ce chapitre seront présentées deux méthodes discrètes existantes. L’objectif final est de pouvoir

sélectionner une des deux méthodes qui sera la mieux adaptée à notre étude.