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Principales relations entre le système législatif et les autres systèmes.

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Figure 5 - Principales relations entre le système législatif et les autres systèmes.

En France, comme dans la plupart des pays démocratiques, le législateur, issu des urnes, a pour mission, pour finalité, de nos jours de défendre les valeurs de la Société, de satisfaire l’intérêt public, d’assurer la sécurité des citoyens et de protéger et préserver l’environnement. Aussi doit il être à l’écoute de leurs attentes, de leurs demandes légitimes. Il doit en

permanence détecter, analyser les transformations profondes qui naissent et se développent au sein de la Société en fonction des évolutions, des mutations scientifiques, technologiques, économiques, politiques, sociales, internationales. Une fois celles-ci identifiées, il propose de nouvelles lois, en débat, les amende et enfin les vote. C’est ainsi qu’ont été instaurées en 1994 la responsabilité pénale de la personne morale et, le 10 mars 2000, la notion de faute indirecte, pour limiter les attaques dont les maires des communes étaient l’objet, deux notions très importantes qui seront longuement évoquées au cours de cette thèse.

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À l’Assemblée, le député participe au travail législatif et au travail de contrôle. Il appartient ainsi obligatoirement à l’une des commissions permanentes (dont le nombre maximum a été porté à huit depuis la réforme de juillet 2008) chargées de l’examen des textes. Il peut déposer des propositions de loi. En commission puis en séance publique, il peut proposer, par amendement, des modifications au texte examiné et prendre la parole. Les députés ont le pouvoir de dernier mot en cas de désaccord avec les sénateurs au terme de la « navette » entre les deux chambres. Après le vote d’une loi, il peut, avec au moins cinquante- neuf autres députés, saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il se prononce sur la conformité du texte voté avec la Constitution.

Les sénateurs représentent à la fois leur circonscription, la Nation et les Français de l’étranger. Le sénateur a les mêmes pouvoirs législatifs qu’un député, sauf celui du dernier mot en cas de désaccord entre les deux assemblées. Certaines lois particulières nécessitent cependant l’accord du Sénat (lois constitutionnelles et lois organiques concernant le Sénat). En matière de contrôle, le sénateur dispose des mêmes pouvoirs que le député, mais ne peut mettre en cause la responsabilité du Gouvernement À l’inverse, le Sénat ne peut être dissous.

Rappelons que cet axe est celui des représentations et des modèles.

En France, comme dans de nombreux pays occidentaux, les acteurs du système législatif font référence au Modèle démocratique qui s’oppose aux différents modèles totalitaires qui ont existé et dont certains existent encore.

Ce Modèle repose pour l’essentiel sur les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui sont la source des droits de l’Homme.

Nous venons de voir comment l’ordre juridico-politique avait pour objet de limiter l’ordre technico-scientifique, lui même limité en partie par les ordres moral et éthique.

D’un point de vue cindynique, hormis ce modèle général, on peut souligner que cet axe présente une importante lacune, l’absence de modèles plus spécifiques qui est probablement à l’origine du foisonnent législatif actuel.

En effet les parlementaires font évoluer, en permanence, le corpus de lois en vigueur pour répondre à des aspirations de la société et, ce, la plupart du temps en fonction de promesses électorales, indépendamment de toute simulation économique, financière ou sociologique. Un cas typique est le vote de la loi sur les 35 heures, qui s’avéra catastrophique d’un point de vue économique sans pour autant réduire le taux de chômage des jeunes ce qui en était l’objectif. Autre Modèle, le droit pénal a pour objet de punir les actes anti sociaux. Par acte anti social il faut entendre un acte qui heurte l’intérêt général, c'est-à-dire contraire à des intérêts particuliers. Mais c’est aussi un acte qui entraine la rupture d’un ou plusieurs liens sociaux ou qui porte atteinte aux valeurs sociales communément acceptées. La valeur suprême dans nos Sociétés est l’HOMME. L’atteinte à son intégrité ou à sa vie est ce qu’il y a de plus grave. Ce qui explique l’importance des peines prononcées en cas de crime, d’homicide volontaire et

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qu’elles proviennent de l’industrie, des véhicules, de l’agriculture … Pour que les individus composant la société soient à même de respecter ces valeurs, le législateur est amené à promulguer deux types de lois. Celles permettant d’organiser la société civile pour qu’elle les respecte, entrent dans cette catégorie notamment toutes les lois concernant la prévention des risques et celles permettant de réprimer les infractions commises portant atteinte à ces valeurs. Autre constat, depuis plus d’une cinquantaine d’années, on assiste à une évolution très importante de la société civile, qui se traduit par une intolérance de plus en plus grande vis-à- vis des manquements de toute nature qui peuvent se produire. En d’autres termes les individus n’acceptent plus aucun manquement à leur égard, même si les incivilités n’ont jamais été aussi nombreuses et fréquentes. Cet individualisme forcené de la société accroit considérablement le nombre et la variété des conflits. Alors qu’il y a moins d’un siècle la plupart des conflits se résolvaient dans les tribunaux civils, aujourd’hui ils donnent lieu à des procédures pénales. Les processus, les modèles se sont inversés.

De plus l’Etat intervenant, légiférant dans tous les domaines : le travail, l’environnement, la santé, les transports, le logement ….le nombre de lois, de règles, d’arrêtés ne cesse de croître de façon vertigineuse.

C’est ainsi qu’en l’absence d’un modèle de référence validé, le droit pénal, qui devait être un droit d’exception, est devenu un droit de tous les jours. Pour s’en convaincre il suffit de ne pas payer un parc mètre, ni les contraventions qui suivront pour se retrouver très rapidement devant un tribunal correctionnel.

Le droit pénal est aujourd’hui partout, en embuscade. On ne le voit même plus tellement son usage s’est banalisé. Il plane sur nos têtes, sur celle de tout chef d’entreprise, de tout dirigeant, de tout cadre, de tout agent de maîtrise, de tout opérateur, de tout conducteur. Le risque pénal est une réalité dont il faut prendre conscience.

Revenons aux concepts de base qui ont fondé, modélisé le droit pénal. En droit, la sanction vise quatre finalités (valeur / bénéficiaires) :

• Punir le ou les coupables ;

• Dédommager la victime et ses proches ;

• Protéger la société des agissements du ou des coupables ; • Dissuader les imitateurs potentiels.

Or, concernant le domaine des accidents technologiques, nous pensons, s’agissant d’auteurs particuliers à savoir : des sociétés, des groupes industriels, des réseaux de transport et de distribution …en un mot des Personnes Morales qu’il y a lieu de revenir à l’esprit initial, c'est-à-dire à un droit d’exception, privilégiant la modification des comportements des auteurs défaillants, le développement des responsabilités, l’amélioration des organisations en place, ce qui n’exclut pas bien entendu, si des fautes graves ont été commises qu’elles soient sanctionnées..

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Cet axe est relatif à l'aspect des normes, lois, règles et standards.

Dans le système juridique français actuel, la Constitution est la norme suprême. Aucune clause d’un traité ou d’un engagement international ne peut lui être contraire. Les lois doivent donc être toutes conformes à la Constitution. C’est le Conseil Constitutionnel qui est chargé d’effectuer ce contrôle avant toute publication d’une loi. Au fil de la jurisprudence, le Conseil Constitutionnel a élargi cette norme suprême en l’étendant à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (décision du 27 septembre 1973), au Préambule de la Constitution de 1946 et de 1955 (décision du 16 juillet 1971). Ce nouvel ensemble de textes forme ce qu’on appelle le « bloc de Constitutionnalité ».

Les traités et accords internationaux arrivent ensuite. Il appartient toutefois au parlement

(Assemblée nationale et Sénat) d’autoriser, par voie législative, leur application. Ces textes prennent de nos jours de plus en plus d’importance et de place depuis l’entrée en vigueur en 1987 de l’Acte Unique Européen achevant l’intégration du Marché intérieur européen. Sous certaines conditions, ces traités et accords, une fois ratifiés par le Parlement, ont une autorité supérieure à celle des lois.

Dans la hiérarchie des normes juridiques, la loi organique se situe entre le bloc de Constitutionalité et la loi ordinaire. Généralement, ces lois organiques précisent les modalités d’organisation et de fonctionnement des pouvoirs publics dans les cas spécifiquement prévus par la Constitution.

L’acte administratif réglementaire (décrets, arrêtés …) est une règle générale qui s’impose à tous. Ces règles sont édictées, promulguées uniquement par le pouvoir réglementaire à savoir le Gouvernement, sans l’approbation du Parlement.

Le Gouvernement dispose, en plus de ce pouvoir réglementaire, de celui de légiférer dans toutes les matières qui ne sont pas attribuées au Parlement par la Constitution.

Pour les raisons évoquées ci-dessus le corpus actuel de lois, de décrets, d’arrêtés est considérable. Qui peut se vanter de toutes les connaître ? Personne ! Ce qui est paradoxal, vu que nul n’est sensé ignorer la loi.

Une Société qui n’a plus que des règles est une société de conflits potentiels.

Cet axe est l'axe des valeurs. Celles qui sous-tendent l’action du législateur sont celles qui ont fondé la République Française. Elles sont résumées par la devise que les révolutionnaires Montagnards avaient adoptée en 1793 « Liberté – Egalité – Fraternité » et reprises dans l’article 2 de la Constitution de 1958.

La liberté est la valeur la plus rappelée par nos symboles (drapeau, hymne nationale, Marianne). Mais il est important de souligner que la liberté poussée à l’extrême entraîne très vite des inégalités de toutes sortes. C’est ainsi qu’au début de l’ère industrielle la liberté d’entreprendre a conduit à une paupérisation des travailleurs et le législateur à imposer aux industriels de plus en plus de contraintes. Ce qui nous amène à dire qu’il n’y a de vraie liberté qu’associée à des contraintes sociales, pour reprendre une expression d’Hubert SEILLAN dans son séminaire sur le droit du danger.

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choix de leurs représentants au suffrage universel. En France cette valeur est très partagée.

La fraternité, évoque la solidarité entre citoyens, valeur qui a permis la mise en place des droits sociaux. C’est ainsi que la Nation garantit à tous les moyens de subsister, d’avoir accès à l’éducation et aux soins. Elle vient en aide aux plus démunis (Préambule de la Constitution de 1946).

Nouvelle venue la sécurité. Le développement des risques de toutes natures découlant des

performances extraordinaires acquises par la majorité des systèmes socio techniques que nous utilisons quotidiennement renvoie l’Etat et donc le Législateur à une de ses missions les plus fondamentales aujourd’hui à savoir assurer la sécurité et la protection des citoyens. Parallèlement, la montée de la gravité de certains risques, même si leur probabilité d’occurrence reste extrêmement faible, amène à s’interroger sur les droits des citoyens mais aussi, ce que l’on oublie très souvent, sur leurs obligations vis-à-vis de la collectivité. Sécurité et protection de l’environnement découlent des valeurs d’égalité et de solidarité, réaffirmées dans le Préambule de la Constitution de 1946 et qui constituent les deux dernières valeurs qui orientent aujourd’hui les travaux du Législateur.

En fonction des évènements dommageables qui se produisent des procédures sont engagées et des jugements prononcés. Certains d’entre eux sont totalement conformes à l’esprit et à la lettre du texte de loi, d’autres en l’interprétant s’en écartent plus ou moins et donnent ainsi naissance à une jurisprudence, qui peut bien entendu être reprise par d’autres tribunaux. De telles jurisprudences peuvent avoir plusieurs origines : les tribunaux de première instance, les Cours d’appel, et la Cour de cassation qui peut confirmer, préciser voire infirmer la position prise par ces derniers. Ces jurisprudences constituent pour le Législateur un retour d’expérience très intéressant sur la façon dont la loi a été comprise, interprétée, appliquée, au tant d’éléments d’information qui pourront lui être utile lors de l’élaboration d’un nouveau texte. Mais en y regardant de près on s’aperçoit que les juges prennent de plus en plus de liberté avec les textes de loi alors que leur mission première est de les faire appliquer. Cela montre aussi les relations qui existent nécessairement entre le système législatif et le système judiciaire que nous aborderons par la suite.

Un aspect est à souligner, l’absence de toutes statistiques sérieuses concernant les différentes infractions relevées avant ou après que des incidents significatifs, voire des accidents majeurs, se soient produits, bien entendu classées selon les critères retenus par le Législateur. Cette absence de statistiques prive le Législateur de tout retour d’expérience, c'est-à-dire le met dans l’impossibilité de vérifier périodiquement la pertinence et l’efficacité des dispositions qu’il a prises. C’est la première partie du processus inflationniste schématisé ci-dessous (noté 1). Ne connaissant pas l’impact réel des lois qu’il a voté et confronté à une demande de sécurité toujours plus grande de la part des citoyens, il légifère à nouveau, ajoutant réglementations sur réglementations. C’est la seconde partie du processus inflationniste schématisé ci dessous (noté 2). D’où l’inflation constatée sur l'axe épistémique.

2.1- Le système législatif 42 Figure 6 - Processus inflationniste cindynique.

Du point de vue cindynique, il s’agit d’une lacune importante concernant cet axe, lacune que cette thèse se donne pour objectif de combler en partie, notamment par la mise en place de plans de progrès établis par des instances techniques supervisées par des instances législatives et judiciaires. .

De l'analyse de l'hyperespace relatif au système législatif, il ressort que l’axe épistémique présente certaines lacunes d’espace notamment du fait de la pauvreté des modèles utilisés par les députés et les sénateurs. De plus, l’absence de statistiques significatives, relatives à l’impact des lois promulguées, combinée à la pauvreté des modèles utilisés par le parlement (ensemble des députés et des sénateurs) ne permet pas d’effectuer de Retour d’Expérience significatif sur l’impact des lois promulguées, d’où l’inflation réglementaire observée.

L’analyse de l’axe téléologique nous a montré qu’aux missions premières du législateur, à savoir défendre les valeurs de la société (liberté, égalité, fraternité), venait s’ajouter une demande croissante de la société civile en matière de sécurité et de protection de l’environnement, l’écologie étant une valeur de plus en plus partagée.

Avec le développement de l’Europe et la mondialisation des échanges, le législateur se doit d’élargir sa vision et de transposer en droit national, les directives européennes (directive SEVESO…) et tenir compte des traités et accord internationaux (AITA..).

2.1- Le système législatif 43 Figure 7 - L'hyper espace relatif aux acteurs du système législatif.

Suite à ce rapide regard posé sur le système législatif, nous allons analyser maintenant de façon beaucoup plus approfondie, les trois autres systèmes à savoir ; les systèmes socio techniques complexes, le système judicaire et le système victimaire, en utilisant la même démarche cindynique portant sur les cinq axes de l’hyper espace des dangers. Bien entendu au cours de cette recherche, nous nous efforcerons de mettre en exergue les lacunes propres à chaque système afin de dégager certaines voies de progrès qui permettraient d’envisager, pour le traitement pénal des accidents collectifs une autre scène judiciaire.

2.2- Les systèmes socio-techniques complexes 45

Au cours de ce chapitre nous allons chercher à comprendre comment est structuré et fonctionne, au moins dans ses grandes lignes, ce premier ordre technico scientifique composé pour l’essentiel d’entreprises publiques et privées, c'est-à-dire de systèmes socio techniques complexes. Nous porterons sur ceux-ci les cinq regards de la cindynique en essayant de répondre aux questions suivantes :

• Sur l’axe épistémique : Qu’est ce qu’un système socio technique complexe ? Quelle est la nature de ses composants ? Quelles relations entretiennent-ils entre eux ? Quels sont les modèles utilisés pour les concevoir et les exploiter ? Quels risques peuvent-ils faire courir aux populations et à l’environnement ?

• Sur l’axe déontologique : A quelles réglementations sont ils astreints ?

• Sur l’axe téléologique : Quels sont les stratégies et les objectifs poursuivis par leurs managers ?

• Sur l’axe axiologique : Quelles sont les valeurs qui les sous tendent ?

• Sur l’axe statistique : Quelles sont les bases de données disponibles permettant de connaître leurs niveaux de fiabilité ?