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a Prescription difficile chez le sujet âgé mais qui peut être optimisée

Selon la HAS trois anomalies de médication ont été décrites chez le patient âgé. En s’inspirant du modèle anglo-saxon, on parle d’ « overuse » pour l’excès de traitement, de « misuse » pour une prescription inappropriée, et d’ « underuse » pour une insuffisance de traitement.

Une récente étude [55] menée pendant 6 mois sur 200 patients admis dans 4 unités de soins a corrélé le nombre de prescriptions médicamenteuses inappropriées (PMI) d’une part au nombre de lignes de médicaments prescrits, d’autre part au nombre de pathologies recensées et a évalué la part explicative de 4 facteurs dans la survenue de PMI.

Sur ces 200 patients d’âge moyen 85,6 ± 5,8 ans et dont la prévalence de l’insuffisance rénale est de 92,3%, 43,5% d’entre eux sont concernés par ces PMI. 136 PMI ont été relevées sur 1742 lignes de médicaments et 1146 pathologies et ont mis en évidence les trois anomalies de médication comme suit :

- 22,8 % de « misuse »,

- 30,9 % d’« overuse »

- 46,3 % d’« underuse »

Aucun des 4 facteurs étudiés (âge, sexe, provenance et clairance de la créatinine selon Cockroft-Gault) n’a été mis en lien avec la présence d’une PMI, contrairement à la polypathologie, seul facteur influant mis en évidence.

Le résultat est le suivant : les patients les plus polymédicamentés et les plus fragiles n’apparaissaient pas être les plus à risque de PMI. Cette étude n’a pas identifié de profil de patient à risque de PMI.

Près de 50% des patients ayant adhéré à l’étude sont concernés par une PMI, résultat important lorsque l’on sait que 20% des motifs d’hospitalisation des plus de 80 ans ont pour cause un effet indésirable d’un ou plusieurs médicaments.

L’excès de traitement : « overuse »

Il s’agit de l’utilisation de médicaments prescrits en l’absence d’indication (pas d’indication ou plus d’indication) ou en l’absence d’efficacité démontrée (Service Médical Rendu (SMR) insuffisant) [56].

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Dans le premier cas, une Enquête Nationale sur les Effets Indésirables (ENEIS), réalisée en 2004, rapporte que la moitié des accidents iatrogènes graves (nécessitant une hospitalisation) étaient de nature évitable et que près d'un tiers d'entre eux, étaient liés à la prescription de médicaments dont l'indication est erronée[57]. On cite par exemple la prescription excessive de benzodiazépines. Selon la HAS, seuls 10 à 20% des troubles du sommeil chez le sujet âgé seraient de véritables insomnies, les plaintes relatives au sommeil correspondant alors la plupart du temps à des douleurs nocturnes (rhumatismales notamment), des troubles urinaires, une anxiété liée à une dépression ou à l’isolement… Devant une plainte chronique du sommeil du sujet âgé, il s’agit avant tout d’écarter une dépression ou un syndrome d’apnée du sommeil, puis d’éviter la primoprescription d’un hypnotique ou anxiolytique. (Figure 14) Ces recommandations sont d’autant plus importantes que chez le sujet âgé la consommation de benzodiazépines peut favoriser les chutes et perturber la mémoire.

Figure 14 Plainte chronique autour du sommeil chez un patient âgé

Selon la HAS, il est nécessaire de revoir régulièrement les indications et les traitements, au moins sur une base annuelle, et indispensable que les prescripteurs réfléchissent à une stratégie d’arrêt des traitements inutiles (dans le cas de benzodiazépines ou autres molécules) [58].

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Dans le second cas, une enquête de 2001 a montré que les médicaments à SMR insuffisant représentent 40 % des médicaments prescrits chez les plus de 80 ans, les plus courants étant les veinotoniques et les vasodilatateurs représentant plus de la moitié des dépenses des médicaments avec un SMR insuffisant [59].

La prescription inappropriée : « misuse »

Il s’agit de la prescription inappropriée de médicaments, dont le risque encouru est supérieur au bénéfice apporté [56].

Le premier à avoir réfléchi à ce concept est Beers qui a établi dès 1991 aux Etats-Unis, pour les personnes âgées en nursuring home, une liste de médicaments dont la prescription n’était pas souhaitée. Depuis, une liste française de médicaments potentiellement inappropriés (MPI) en gériatrie a été établie par le centre régional de pharmacovigilance de Limoges en 2007 [60]. Les médicaments potentiellement inappropriés (MPI) sont des médicaments dont le rapport bénéfice/risque est défavorable par rapport à d’autres solutions thérapeutiques et/ou en raison d’une efficacité douteuse. Les MPI doivent être évités d’une manière générale et dans la mesure du possible chez les personnes âgées de 75 ans et plus [61]. Elle regroupe une trentaine de médicaments ou classes médicamenteuses dont les médicaments ayant des propriétés anticholinergiques, les benzodiazépines à demi-vie supérieure ou égale à 20h, les sulfamides hypoglycémiants à longue durée d’action,…

Fréquente en gériatrie, l’iatrogénie médicamenteuse peut être limitée par une prescription adaptée. C’est ainsi que cette MPI a été établie pour servir de guide de prescription médicamenteuse en gériatrie dans les situations cliniques courantes. Elle-même joue le rôle d’indicateur épidémiologique de la qualité de prescription médicamenteuse en gériatrie.

L’insuffisance de traitement : « underuse »

Il s’agit de l'absence de prescription d'un médicament efficace chez les sujets ayant une pathologie pour laquelle une ou plusieurs classes médicamenteuses ont démontré leur efficacité [56].

Cette situation peut être provoquée par une sous-prescription, un sous-dosage, ou encore un sous-diagnostic. C'est par exemple le cas du calcium ou de la vitamine D souvent sous- prescrits chez un sujet âgé souffrant d'ostéoporose.

Cette insuffisance de traitement s'explique par différents facteurs [62]:

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- Difficulté d'évaluer le rapport bénéfice/risque chez cette catégorie de patients

- Peur des prescripteurs de la survenue des effets indésirables médicamenteux chez cette population gériatrique fragile.

b. Illustration par l’intervention pharmaceutique au Centre