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Prendre en compte de nouvelles dimensions

3.1. Infléchir le contenu du nouveau plan

3.1.3. Prendre en compte de nouvelles dimensions

Certains enjeux qui avaient été identifiés dans les travaux préparatoires au premier PNACC n’ont pas été réellement traités au cours du premier plan et d’autres ont émergé depuis. La mission recommande donc d’ajouter ou de mieux prendre en compte les axes présentés ci-après.

3.1.3.1. Développer une diplomatie de l’adaptation au changement climatique

Le thème « Action européenne et internationale » du premier PNACC était surtout orienté vers des mesures de connaissance et de coopération avec des pays en développement. Dans la dynamique de la COP 21, la mission considère que le prochain plan pourrait accorder une attention accrue à la diplomatie climatique sous l’angle de l’adaptation. Il serait en particulier opportun de :

- suivre la mise en œuvre de l’agenda des solutions initié par la France lors de la COP21 afin d’assurer la continuité de cette initiative ;

- promouvoir la prise en compte renforcée de l’adaptation au changement climatique dans les orientations et les instruments des principales politiques communautaires, en particulier la politique agricole commune ;

- diffuser sur le plan international les savoir-faire français en matière d’adaptation (diplomatie économique) ;

- assurer une veille sur la mise en œuvre des plans nationaux d’adaptation au sein de l’Union européenne et de certains pays tiers, afin d’identifier les bonnes pratiques.

7. La mission recommande à la DGEC et à la DAEI, en lien avec le MAEDI, de développer un axe de diplomatie de l’adaptation climatique dans le cadre du nouveau PNACC.

3.1.3.2. Prévenir et réduire les inégalités environnementales, sociales et territoriales liées au changement climatique

La Stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable (SNTEDD) 2015-2020 contient un axe dédié au changement climatique au sein de la priorité visant à prévenir et réduire les inégalités environnementales, sociales et territoriales liées au changement climatique.

Le prochain PNACC devrait prendre en compte les orientations fixées par cette stratégie : accroître la connaissance des impacts du changement climatique sur la population, sur les structures et moyens de production et sur le patrimoine ; favoriser l’adaptation des activités économiques au changement climatique ; protéger les populations face aux crises climatiques ; prévoir le financement des impacts économiques et sociaux des risques liés au changement climatique. Dans un contexte de mise en œuvre en partie décentralisée, il s’agira aussi de veiller à ce que les réponses apportées soient socialement justes, innovantes et adaptées pour l’ensemble des populations. A ce titre, une vigilance particulière s’applique aux Outre-Mer vis-à-vis desquels une solidarité nationale paraît nécessaire en plus des actions pouvant être conduites avec les moyens disponibles localement.

8. La mission recommande au MEDDE de veiller à ce que les mesures proposées dans le PNACC contribuent à prévenir et réduire les inégalités environnementales, sociales et territoriales liées au changement climatique.

3.1.3.3. Associer d’autres départements ministériels

Les autres départements ministériels tels ceux de l’économie ou de la défense ont peu été impliqués dans le premier PNACC. Pour autant, les problématiques liées aux conséquences du changement climatique, notamment les risques et la rareté des ressources, ont un potentiel déstabilisateur à plus ou moins long terme. Le changement climatique est donc une donnée économique et stratégique majeure qui suppose une réflexion globale sur le modèle économique issu de la transition écologique. Le secteur de la défense peut utilement contribuer à la mise en place de

systèmes d’alerte et d’identification des vulnérabilités. La recherche militaire a également un rôle à jouer en matière d’innovation et de technologies pour l’adaptation.

9. La mission recommande au MEDDE d’associer à l’élaboration du prochain PNACC d’autres départements ministériels, en particulier ceux peu présents au premier plan comme celui de l’Économie ou de la Défense.

3.1.3.4. Identifier les freins à l’adaptation

A l’instar des États-Unis, la France devrait lancer une revue des systèmes d’aides publics et des réglementations82 qui représentent un frein à l’adaptation des territoires et des activités. Par exemple, l’obligation de demander une autorisation au titre de la loi sur l’eau pour infiltrer de l’eau à la parcelle désavantage cette solution pourtant favorable à l’adaptation quand l’alternative du « tout-tuyau » se fait sur simple déclaration. De même, certains mécanismes de solidarité en cas de catastrophe peuvent freiner le recours à des solutions d’adaptation, à l’exemple de ce qui était pratiqué pour le risque tempête en forêt qui est assurable.

10.La mission recommande au MEDDE d’engager une revue générale de la réglementation et des dispositifs de financements publics pour évaluer leur caractère facilitateur ou défavorable pour l’adaptation au changement climatique.

Une mission interministérielle pourrait être confiée à cet effet aux inspections générales (CGEDD, CGAAER, IGA, IGF, IGAS).

3.1.3.5. Éviter la « mal adaptation »

La « mal adaptation » peut se loger dans les meilleures intentions : il faut souvent une expertise poussée pour s’en rendre compte. Les vérités d’un lieu peuvent être des erreurs pour un autre : une retenue d’eau nouvelle sera souhaitable là où la ressource restera non seulement suffisante mais encore suffisamment régulière. Elle serait un gâchis financier là où l’eau se fera trop rare et irrégulière demain. Dans tous les cas, la règle d’or sera d’avoir considéré l’ensemble des solutions possibles avant d’agir et de commencer par les solutions les plus flexibles et réversibles.

Ainsi, quelques mesures permettent d’éviter les cas les plus graves de « mal adaptation ». Elles reviennent à s’assurer que les investissements lourds, sensibles au climat et de long terme, ont été l’objet au préalable d’une étude d’impact prenant en compte le risque climatique83. Au Royaume-Uni, les probabilités d’occurrence des scénarios climatiques rentrent obligatoirement dans les calculs économiques et cette pratique pourrait être reprise en France. L’étude devra comparer l’investissement envisagé aux autres solutions possibles : c’est ce que retient l’instruction gouvernementale du 4 juin 201584 pour les retenues de substitution.

82 cf. recommandation 17 de la stratégie nationale d’adaptation au changement climatique

83 Le seuil à partir duquel l’étude d’impact d’un investissement serait assujettie à la prise en compte du risque climatique pourrait être ajusté selon la nature de l’ouvrage (par exemple 10 M€ pour un barrage, davantage pour une route littorale).

84 Instruction gouvernementale du 4 juin 2015 relative au financement par les agences de l’eau des retenues de substitution.

Cette étude d’impact est nécessaire parce que les financements publics sont susceptibles d’envoyer des signaux déformants dans la décision des maîtres d’ouvrage et leurs gestionnaires devraient y être tout particulièrement vigilants. De plus, certaines solutions alternatives ne dépendent pas des porteurs du projet et ne leur sont pas accessibles. Par exemple, la région Aquitaine s’interroge sur le devenir à terme de la forêt artificielle landaise qui s’est montrée des plus vulnérables lors de la tempête de 1999 (30 % à terre), mais constate que les choix individuels des propriétaires ne peuvent pas intégrer complètement les dimensions de gestion globale (gestion hydraulique, gestion de la filière bois...) et peuvent s’avérer non judicieux.

11.La mission recommande au CGDD d’examiner les conditions et les modalités de la généralisation d’études ou d’analyses d’impact climatique pour éviter les risques de « mal adaptation » pour certains types d’investissements lourds et de long terme sensibles aux évolutions du climat et bénéficiant de financements publics.

3.1.3.6. Engager des réflexions sur l’acceptation des risques et la gestion des transitions

La mission a relevé par ailleurs que les réflexions portées par le Comité de la prévention et de la précaution sur la concertation relative au niveau d’acceptation des risques n’ont pas donné lieu à débat alors que ces propositions le méritent : elle préconise donc de le faire en 2016 avant le lancement du prochain plan.

Par ailleurs, la mission estime que les questions posées par le devenir, à un terme plus ou moins éloigné, de certains écosystèmes très perturbés par le changement climatique méritent une réflexion approfondie quant à la gestion de ces milieux. Par exemple, l’assèchement progressif de certains cours d’eau en période estivale amène à s’interroger sur les solutions à apporter aux conséquences de ces assecs en termes de biodiversité dans la période transitoire qui sépare la période actuelle de celle où ces assecs se manifesteront durablement.

12.La mission recommande au CGDD et à la DGEC : a) d’organiser en 2016 la concertation sur les propositions du Comité de la prévention et de la précaution de 2013 portant sur l’acceptation des risques ; b) et d’initier avec la DEB une réflexion sur la gestion en phase de transition des milieux susceptibles d’être durablement affectés par les effets du changement climatique.