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De la stratégie au plan national d’adaptation français

1. Le plan national dans le contexte international des politiques d’adaptation

1.3. De la stratégie au plan national d’adaptation français

La politique d’adaptation trouve en France son fondement dans la loi du 19 février 2001 qui affirme que « la lutte contre l’intensification de l’effet de serre et la prévention des risques liés au réchauffement climatique sont reconnues priorités nationales ».

Cette loi instaure l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) chargé de collecter et de diffuser les informations, études et recherches sur les risques liés au réchauffement climatique et aux phénomènes climatiques extrêmes.

Rattaché à la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) au sein du ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE), il a contribué à la préparation de la stratégie nationale d’adaptation qui marque le véritable début d’une action structurée de l’État dans ce domaine30.

1.3.1. La France pionnière en Europe avec sa stratégie nationale

Adoptée en novembre 2006 par un comité interministériel du développement durable, la stratégie nationale d’adaptation au changement climatique a été préparée par les administrations concernées sous le pilotage du délégué interministériel au développement durable. La France était alors le deuxième pays en Europe à adopter une stratégie d’adaptation au changement climatique.

La stratégie retient quatre priorités et neuf axes d’application principaux repris ensuite sous trois angles différents (les ressources et les risques, les secteurs d’activités, les milieux de vie) :

30 Le plan canicule lancé après l’été 2003 peut être considéré comme une première action d’adaptation.

De même, le plan climat national 2004-2012 comprenait une petite partie sur l’adaptation.

priorités : protéger les personnes et les biens, éviter les inégalités devant les risques, limiter les coûts et tirer parti des avantages, préserver le patrimoine naturel ;

axes d’application : développer la connaissance ; consolider le dispositif d’observation ; informer, former, sensibiliser les acteurs ; promouvoir une approche adaptée aux territoires ; financer les actions d’adaptation ; utiliser les instruments législatifs et réglementaires ; favoriser les approches volontaires et le dialogue avec les acteurs privés ; tenir compte de la spécificité de l’Outre-Mer ; contribuer aux échanges internationaux.

La stratégie formule 43 recommandations dont il est souhaité que la mise en œuvre soit coordonnée dans le cadre d’un plan national d’adaptation.

La concertation du Grenelle de l’environnement, dont une des thématiques traitait du changement climatique, a repris cette recommandation dans son engagement n°71 qui s’est traduit dans la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 (loi Grenelle I) qui annonce, dans son article 42, la réalisation d’un plan national d’adaptation climatique pour les différents secteurs d’activité à l’horizon 2011.

Ce volet national a été complété par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (loi Grenelle II) qui instaure des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) et des plans climat-énergie territoriaux (PCET) 31 dotés d’un volet adaptation au changement climatique.

1.3.2. Une concertation pour passer de la stratégie au plan

De 2007 à 2009, un groupe interministériel a été mis en place pour identifier les impacts du changement climatique, en estimer le coût et fournir des pistes d’adaptation. Un rapport32 publié en septembre 2009 a montré l’importance des impacts du changement climatique pour de nombreux secteurs d’activités et fourni une estimation des coûts associés, évaluée à plusieurs milliards d’euros par an. Un autre rapport33 sur l’économie de l’adaptation aux changements climatiques a été produit en février 2010.

Préalablement à l’élaboration du plan national, une phase de concertation, placée sous la présidence du président de l’ONERC, s’est déroulée au cours du premier semestre 2010. Trois groupes de travail34 ont réuni des représentants des cinq collèges du Grenelle de l’environnement (élus et collectivités, État, employeurs, syndicats de salariés, associations), ainsi que des experts. La concertation a permis de dégager par consensus 202 recommandations, complétées par 9 recommandations proposées par

31 Les PCET sont obligatoires pour les collectivités de plus de 50 000 habitants, alors que les plans climat énergie territoriaux mis en place en 2004 reposaient sur le volontariat.

32 MEEDDM, Évaluation du coût des impacts du changement climatique et de l’adaptation en France, septembre 2009

33 MM de Perthuis, Hallegate, Lecocq ; Économie de l’adaptation au changement climatique ; CEDD, février 2010.

34 Les travaux des groupes ont respectivement porté sur les thèmes : biodiversité, ressources en eau, risques naturels et santé (groupe 1, présidé par M. Havard, député du Rhône) ; agriculture, forêt, pêche, énergie, infrastructures de transport, tourisme, urbanisme et cadre bâti (groupe 2, présidé par J. Jouzel, climatologue) ; financement, gouvernance, information et éducation, recherche (groupe 3, présidé par M. Saddier, député de Haute-Savoie).

les régions d’Outre-Mer. Une consultation publique par internet a recueilli 4300 réponses en un mois à l’automne 2010 et des réunions interrégionales ont été organisées.

En complément, une mission a été confiée à Jean Jouzel pour définir avec la communauté scientifique des critères de choix des projections climatiques à utiliser pour établir le plan national d’adaptation. Deux scénarios climatiques ont été proposés, un plutôt optimiste et un plutôt pessimiste. Le réchauffement est semblable pour les deux projections à l’horizon 2030 et 2050. Il se situe entre + 0,5°C et + 1,5°C. À l’inverse, il devient à la fin du siècle plus important pour la projection pessimiste (de 2,5 à 3,5°C) que pour la projection optimiste (de 2 à 2,5°C). Pour les précipitations, le scénario pessimiste prévoit une diminution de - 10 % vers 2050, et de - 30 % en 2090 pour la saison estivale, cette diminution étant plus tardive pour le scénario dit optimiste.

Enfin, le nombre de jours où la température maximale est anormalement élevée serait en très nette augmentation dans les deux cas avec un allongement marqué des sécheresses estivales dans toutes les régions.

Par ailleurs, le président du comité de la prévention et de la précaution a reçu mission de réfléchir à la définition d’un niveau de risque acceptable dans les différents domaines abordés lors de la phase de concertation. Le rapport35 a été publié en 2013.

1.3.3. Le plan national d’adaptation 2011-2015

Présenté par la ministre en charge du développement durable le 20 juillet 2011, le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) couvre une période de cinq années. Il est basé sur les principes directeurs suivants :

améliorer la connaissance sur les effets du changement climatique afin d’éclairer les décisions publiques en matière d’adaptation ;

intégrer l’adaptation dans les politiques publiques existantes afin de garantir la cohérence d’ensemble et de refléter la nature transversale de la thématique ;

informer la société sur le changement climatique et les mesures d’adaptation à mettre en place afin que chacun puisse s’approprier les enjeux et agir ;

considérer les interactions entre activités et ainsi assurer une prise en compte financièrement efficace de l’adaptation au changement climatique ;

expliciter les responsabilités des différentes parties prenantes en termes de mise en œuvre et de financement.

Le PNACC traduit la reconnaissance de l’enjeu d’anticipation comme une thématique à part entière des politiques publiques. Il représente le cadre national qui doit permettre d’assurer la cohérence des politiques publiques au regard des enjeux liés à l’adaptation au changement climatique.

35 Comité de la prévention et de la précaution, Adaptation au changement climatique – acceptabilité et gouvernance des risques, juin 2013

Il couvre vingt domaines qui reprennent les thèmes évoqués lors de la concertation préalable, ainsi que les principes énoncés dans la stratégie nationale adoptée fin 2006 : actions transversales, santé, eau, biodiversité, risques naturels, agriculture, forêt, pêche et aquaculture, énergie et industrie, infrastructures de transport, urbanisme et cadre bâti, tourisme, information, formation, recherche, financement et assurance, littoral, montagne, actions européennes et internationales, gouvernance. Il n’existe pas de domaine dédié à l’Outre-Mer dans la mesure où la concertation préalable a montré qu’une phase d’approfondissement était encore nécessaire pour définir des mesures spécifiques36.

Compte tenu des incertitudes qui existent encore sur l’ampleur des changements, les mesures du plan sont présentées comme étant en priorité des mesures :

« sans regret » qui sont bénéfiques même en l’absence de changement climatique ;

réversibles qui peuvent être levées si le changement est moins important que prévu ;

qui augmentent les marges de sécurité et qui coûtent moins cher que de réaliser des ajustements ultérieurs ;

qui sont mises en place sur un temps long et qui peuvent être ajustées et révisées en fonction de l’évolution des connaissances.

In fine, le PNACC comprend 84 actions déclinées en 242 mesures qui relèvent du niveau national. Il préconise de nombreuses actions et mesures dans le domaine de la recherche et de l’observation. Le plan national ne couvre pas les actions territoriales d’adaptation qui relèvent des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) et des plans climat-énergie territoriaux (PCET).

Il est mentionné dans le document publié qu’il n’a pas été possible d’évaluer le coût financier de toutes les mesures et que le financement du plan devrait approcher 171 millions d’euros. Ce budget fait la synthèse de moyens déjà disponibles et il ne prévoit pas de moyens nouveaux spécifiquement dédiés au plan. Le détail du financement par thème n’a pas été publié avec le plan.

Le suivi annuel d’exécution des actions du PNACC doit être réalisé par l’ONERC à partir des éléments transmis par les pilotes désignés pour chaque action et mesure. Il était prévu qu’un comité d’évaluation du plan national produise un rapport d’évaluation à mi-parcours fin 2013, incluant l’articulation des actions d’adaptation portées au niveau local (SRCAE, PCET) avec celles du PNACC. Ce même comité devait réaliser une évaluation globale du plan fin 2015.

La démarche du PNACC apparaît comme une démarche de compréhension des enjeux et d’apprentissage collectif, centré autour des initiatives de l’État ayant un effet d’entraînement vers la sphère privée. Il s’agit de permettre à l’ensemble des acteurs de devenir aptes à s’adapter à des conditions climatiques futures dont les contours sont incertains. La première étape de cette démarche est la prise de conscience de la sensibilité au climat du vivant et des sociétés humaines, et de l’effort d’adaptation au climat actuel à réaliser dès maintenant.

36 L’ONERC a publié avec son rapport annuel 2012 un document intitulé « les Outre-Mer face au défi du changement climatique » qui évalue les impacts du changement climatique sur les différents secteurs et propose des principes pour l’action, sans toutefois anticiper sur un futur plan d'actions.

2. L’évaluation de la mise en œuvre du plan national d’adaptation