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Premiers essais d’hydroalkoxylation sur le 5-cyclohéxylidènepent-4-èn-1-ol

Chapitre 2 : Hydrofonctionnalisation intramoléculaire de liaisons

III. Hydroalkoxylation intramoléculaire de γ-hydroxyallènes

III.1. Premiers essais d’hydroalkoxylation sur le 5-cyclohéxylidènepent-4-èn-1-ol

Une première étude a été réalisée sur le γ-hydroxyallène 6, dans différentes conditions de catalyse. Pour cette étude, deux complexes de niobium ont été utilisés : le pentachlorure de niobium(V) et le trichlorure de niobium(III) 1,2-diméthoxyéthane. Ce dernier a été utilisé de manière à comparer les réactivités relatives de ces deux espèces comme catalyseurs du type acide de Lewis. Dans un premier temps, chacun de ces complexes a été testé en catalyse, avec une charge catalytique de 10 mol % dans le dichlorométhane, à température ambiante, pendant 15 min (Tableau III.1). En présence de ces deux catalyseurs, un mélange a été obtenu en des proportions assez similaires, correspondant au produit 7 de cyclisation 5-exo-trig et au produit

8 de décumulation. De manière à savoir si ces deux produits étaient susceptibles d’évoluer avec

le temps dans ces conditions réactionnelles, les réactions ont été laissées sous agitation pendant 24 h, mais aucun changement n’a été constaté par analyse RMN 1H. De manière globale, on constatera donc que dans le cas présent, les différences qui existent entre ces deux complexes de niobium en termes d’acidité de Lewis et de degré d’oxydation ne semblent pas avoir d’impact sur leur capacité à activer le γ-hydroxyallène 6.

Entrée [Nb] ρ 7 (%)b ρ 8 (%)b Ratio (7 / 8) ρ global (%)b

1 NbCl5 22 31 42 / 58 53

2 NbCl3(dme) 34 34 50 / 50 68

a C on versi on c omp l èt e a p rès 1 5 mi n .

b R en d em en t s mesu r és p a r a n a l ys e R M N 1H en u t i li sa n t le p -d i n i t rob en z èn e c o mme ét a lon i n t ern e .

Tableau III.1. Hydroalkoxylation du γ-hydroxyallène 6 catalysée par des complexes de niobium neutres

114 Ces premiers résultats révèlent une réactivité particulière du niobium, notamment par rapport à la catalyse à l’or, puisque cette dernière a toujours donné lieu à la formation exclusive du produit de cyclisation 7 d’après les exemples de la littérature.177

Dans un second temps, nous avons voulu étudier l’activité catalytique des deux complexes NbCl5 et NbCl3(dme) en présence d’un sel d’argent. En se basant sur les résultats obtenus par Arai et Nishida,143 en catalyse au niobium(V) cationique, nous avons choisi d’utiliser le perchlorate d’argent (Tableau III.2). Dans ces nouvelles conditions, le γ-hydroxyallène 6 ne réagit pas du tout de la même manière que précédemment puisque deux nouveaux produits ont été isolés : le produit 9 de cyclisation 5-exo possédant une double liaison endocyclique cette fois-ci, et le produit 10 correspondant formellement à une cyclisation de type 6-endo et possédant aussi une double liaison endocyclique. Ce dernier est majoritaire, que l’on soit en présence de niobium(V) ou de niobium(III), et l’on notera que la sélectivité et le rendement global sont meilleurs en présence d’une catalyse au niobium(V) cationique.

Entrée [Nb] ρ 9 (%)a ρ 10 (%)a Ratio (9 / 10) ρ global (%)a

1 NbCl5 18 40 31 / 69 58

2 NbCl3(dme) 17 26 40 / 60 43

a R en d emen t s m esu r és p a r a n a l ys e R M N 1H en u t i li sa n t le 1 , 3 , 5 -t ri mét h ox yb en z èn e c omm e é t a lon i n t ern e .

Tableau III.2. Hydroalkoxylation du γ-hydroxyallène 6 catalysée par des complexes de niobium cationiques

Ces deux produits de cyclisation ont déjà été observés auparavant en catalyse au fer(III). En effet, en présence de triflate de fer(III) ou de tosylate de fer(III), le γ-hydroxyallène 6 réagit de manière similaire pour former ces deux produits avec des rendements globaux allant de 54 à 66 % (Schéma I.23).158 Les sélectivités sont quant à elles différentes de celles que nous pouvons observer via la catalyse au niobium cationique, puisqu’elles varient de (50 / 50) à (67 / 33) en

177 (a) G. L. Hamilton, E. J. Kang, M. Mba, F. D. Toste, Science 2007, 317, 496‒499. (b) K. Aikawa, M. Kojima, K. Mikami, Adv. Synth. Catal. 2010, 352, 3131‒3135.

115 faveur du produit 9. D’autre part, on notera que la réactivité du niobium cationique semble bien plus importante que celle du fer étant donné qu’une conversion totale du substrat est atteinte dans des conditions réactionnelles plus douces et des temps de réaction plus courts. En effet, alors qu’en présence d’une catalyse au niobium cationique la réaction est terminée au bout de 3 h à température ambiante, il faut au moins 16 h avec des températures allant de 50 à 80 °C pour observer un résultat similaire via la catalyse au fer.

A la vue de ces résultats, nous avons décidé de poursuivre l’étude dans le but de comprendre l’origine de cette réactivité particulière et de rationaliser la formation de chacun des quatre produits observés.

Dans un premier temps, une réaction de contrôle a été effectuée en présence du sel d’argent seul (Schéma III.1). Dans ce cas, une conversion beaucoup plus lente a été observée, puisque même après 48 h de réaction, seulement 39 % du produit de départ ont été consommés. D’autre part, la réactivité du perchlorate d’argent seul s’est avérée être similaire à celle des complexes de niobium neutres, puisque seuls les produits 7 et 8 ont été obtenus. Ce n’est donc pas cette espèce qui est responsable de la réactivité particulière observée avec les systèmes binaires niobium/argent. Enfin, on notera que seules des traces du produit de décumulation ont été obtenues, ce qui montre que les propriétés de ce catalyseur à base d’argent se rapprochent davantage de celles des catalyseurs à l’or plus classiquement utilisés, avec ceci dit une réactivité bien moindre.

a Après 48 h, la conversion évaluée par analyse RMN 1H était de 39 %.

b Rendements mesurés par analyse RMN 1H en utilisant le p-dinitrobenzène comme étalon interne.

Schéma III.1. Hydroalkoxylation du γ-hydroxyallène 6 catalysée par le perchlorate d’argent

De plus, une étude plus détaillée de la réaction au niobium(V) cationique a été réalisée en effectuant un suivi par analyse RMN 1H (Schéma III.2). Un prélèvement du milieu réactionnel a été effectué au bout de 15 min, révélant la présence des deux premiers produits 7 et 8 avec un ratio de (57 / 43). Après 1 h 30 min de réaction, un autre prélèvement a été analysé, mettant en évidence cette fois-ci la présence des produits de cyclisation 9 et 10, avec un ratio de (38 / 62).

116 Ces résultats sont révélateurs puisqu’ils nous montrent que dans un premier temps, le niobium cationique semble réagir de la même manière que le niobium neutre. Cependant, contrairement à la catalyse au niobium neutre, les deux premiers produits formés sont susceptibles de subir des réactions secondaires pour finalement générer les deux produits de cyclisation 9 et 10 également obtenus via la catalyse au fer. Enfin, l’évolution des ratios observés pour les premier et second mélanges témoignent d’une certaine complexité mécanistique. En effet, contrairement à ce qui aurait pu être envisagé à première vue, il semblerait que le produit 9 ne soit pas simplement issu de l’isomérisation du produit 7 et que le produit 10 ne soit pas simplement le résultat d’une cyclisation de type 6-endo-trig au sein du produit 8.

Schéma III.2. Suivi par analyse RMN 1H de la réaction en présence de niobium(V) cationique

Pour confirmer ce résultat, chacun des intermédiaires 7 et 8 ont été isolés et remis en réaction séparément (Schéma III.3). De manière très intéressante, des résultats identiques ont été obtenus pour ces deux réactions : une conversion totale a été observée au bout de 30 min de réaction, avec des ratios de (40 / 60) en faveur du produit de cyclisation 10. Même si les réactivités de ces deux intermédiaires 7 et 8 sont probablement bien différentes, ils sont tous deux à l’origine de la formation des mêmes produits et ce dans les mêmes proportions.

Schéma III.3. Réactivité des intermédiaires 7 et 8 en présence de niobium(V) cationique

117 Même si une étude bien plus poussée serait nécessaire pour apporter des preuves mécanistiques concrètes et abouties, nous sommes tout de même à ce stade en mesure de proposer des voies réactionnelles en se basant sur ces résultats (Schéma III.4).

Tout d’abord, la coordination du niobium à la fonction alcool et à la double liaison proximale de l’allène permettrait de favoriser la cyclisation 5-exo-trig suivie d’une protodémétallation qui conduirait à la formation du premier intermédiaire 7. Celui-ci pourrait alors réagir de deux manières différentes. La coordination du niobium à l’oxygène de l’hétérocycle faciliterait la réouverture du cycle, ce qui permettrait de générer le produit 8, lui-même pouvant aussi être issu de l’isomérisation de l’hydroxyallène de départ par activation de la double liaison interne de l’allène.

Concernant la deuxième partie de la réaction, le produit de cyclisation 9 pourrait être issu de l’un ou l’autre des intermédiaires précédents. D’un côté c’est l’isomérisation de la double liaison exocyclique de l’espèce 7 qui pourrait conduire au produit 9. De l’autre côté, c’est la cyclisation 5-exo-trig de l’espèce diénique 8, favorisée par la coordination simultanée du niobium à l’alcool et au diène, qui permettrait de générer ce même produit bicyclique après protodémétallation. Enfin le produit 10 ne serait issu que de la cyclisation de type 6-endo-trig de l’intermédiaire 8.

Schéma III.4. Proposition mécanistique pour l’hydroalkoxylation du γ-hydroxyallène 6 catalysée par du niobium(V) cationique

118 Etant donné les résultats intéressants obtenus sur ce substrat, nous avons décidé de poursuivre cette étude, mais cette fois-ci en se focalisant sur des hydroxyallènes plus généraux. En particulier, nous souhaitions savoir si la réactivité des complexes de niobium était générale à tout type d’hydroxyallène et pouvait s’étendre à un large panel de substrats. Pour cela, nous souhaitions étudier des hydroxyallènes qui ne possédaient pas de groupement en position terminale, de manière à limiter les possibilités d’isomérisation du substrat de départ.