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Chapitre 2 : Hydrofonctionnalisation intramoléculaire de liaisons

I.1. Chimie du niobium

I.1.1. Généralités sur le niobium

Le niobium, découvert pour la première fois en 1801 par Charles Hatchett, était initialement dénommé columbium. Après quelques controverses sur cette découverte, puis un oubli quasi commun de celle-ci par la communauté scientifique, il a été renommé par Heinrich Rose en 1844, niobium. Ce nom, dérivé de Niobé, la fille de Tantale dans la mythologie grecque, dénote de similitudes entre ces deux éléments (Figure I.1).

Figure I.1. Poudre de niobium métallique (à gauche) 94 et statue de Niobé avec une de ses filles (à droite) 95

Un des caractères communs entre le niobium et le tantale est associé à leurs disponibilités dans la croûte terrestre puisqu’ils se retrouvent la plupart du temps en mélange dans les minerais, leur exploitation industrielle nécessitant donc certaines transformations. En effet le niobium, n’existant pas sous sa forme métallique pure dans la nature, est extrait essentiellement de trois types de minerais : le pyrochlore, la columbite et la tantalite, ces deux derniers pouvant être présents naturellement ensemble sous la forme de coltan. L’essentiel de ces ressources est concentré au Brésil et au Canada qui comptaient respectivement pour 90 et 9 % de la production mondiale en 2016.96 D’autres sources de niobium existent cependant, mais dans des zones à

94 Sur periodictable.com, consulté le 15/06/2017.

95 « Museum of classical archeology database », University of Cambridge sur museum.classics.cam.ac.uk, consulté le 15/06/2017.

73 forte sensibilité géopolitique, entre autre en République Démocratique du Congo et en Afghanistan.97 En termes d’abondance, celle du niobium est comparable à celles de métaux de transition tels que le cobalt, le nickel et le cuivre (Figure I.2), ce qui fait de lui un candidat plus qu’adéquat pour des applications en catalyse.98

Figure I.2. Abondance relative d’éléments chimiques dans la croûte terrestre externe en fonction de leur numéro atomique

Le niobium est un élément monoisotopique de numéro atomique 41, de nombre de masse 93 et de spin 9/2. La configuration électronique du niobium est [Kr]5s14d4 ce qui le place entre le vanadium et le tantale dans le 5ème groupe de la classification périodique. Ses degrés d’oxydation varient entre –III et +V. Le niobium et le tantale ont des rayons atomiques presque identiques (≈ 1,47 Å), ceci étant dû à la contraction lanthanidique, et des énergies d’ionisation similaires (respectivement 6,67 et 7,30 eV) ce qui leur confère des propriétés chimiques communes.99

97 M. Tarselli, Nature Chem. 2015, 7, 180.

98 W. M. Haynes in CRC Handbook of Chemistry and Physics, CRC Press, 2016, 97th Edition ; figure extraite de wikipedia.org.

99 Revues sur la chimie du niobium : (a) V. Jr. Lacerda, D. A. dos Santos, L. C. da Silva-Filho, S. J. Greco, R. B. dos Santos, Aldrichimica Acta, 2012, 45, 19‒27. (b) I. Nowak, M. Ziolek, Chem. Rev. 1999, 99, 3603. (b) J. H. Schlewtiz, Niobium and Niobium Compounds. In Encyclopedia of Chemical Technology; R. E. Kirk, J. I. Kroschwitz, D. F. Othmer, M. Howe-Grant, Edition Wiley, 1996, 17, 43.

74 En chimie du niobium, les recherches se sont énormément concentrées sur les propriétés du niobium à l’état solide, et ont conduit à de nombreuses applications industrielles diverses et variées (Figure I.3). De manière générale, l’utilisation du niobium est intéressante lorsqu’il agit comme dopant pour les matériaux. En industrie sidérurgique, le niobium est particulièrement apprécié pour la résistance mécanique, la résistance thermique et la résistance à la corrosion qu’il apporte aux alliages et aux superalliages tout en restant un métal léger. Ces différentes propriétés lui valent de se retrouver aussi bien dans les aciers structuraux que dans les pipelines, les automobiles, les réacteurs nucléaires, les turbines des avions, les fusées ou encore les satellites. Le niobium est aussi connu pour ses propriétés supraconductrices, c’est pourquoi on le trouve dans les batteries ainsi que dans certains aimants faits à partir d’alliages de niobium et d’étain, et utilisés dans les accélérateurs de particules, les spectromètres à résonance magnétique nucléaire (RMN) et en imagerie par résonance magnétique (IRM). Dans le domaine médical, le niobium, sous forme d’oxyde, est présent dans les lentilles optiques car il permet d’augmenter l’indice de réfraction d’un matériau, et donc de diminuer l’épaisseur des lentilles. Aussi connu pour ses propriétés hypoallergéniques, on trouve le niobium dans les amalgames dentaires, les implants osseux et même dans les bijoux. Cette liste d’applications n’est en l’occurrence pas exhaustive, d’autant qu’elle ne cesse de croître avec les années.97

Figure I.3. Exemples d’applications industrielles du niobium

En chimie de coordination, le niobium a également fait l’objet d’études au cours des trente dernières années, et un certain nombre de complexes à base de niobium ont été synthétisés.100,101

100 L. G. Hubert-Pfalzgraf, Niobium & Tantalum: Inorganic & Coordination Chemistry in Encyclopedia of Inorganic Chemistry, John Wiley & Sons, 2006.

101 R. Wang, Z. Xue, Niobium & Tantalum: Organometallic Chemistry in Encyclopedia of Inorganic Chemistry, John Wiley & Sons, 2011.

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75 Les degrés d’oxydation du niobium varient entre –III et +V mais les complexes les plus classiques restent les complexes de niobium(V), suivis par les complexes de niobium(III). Quant aux nombres de coordination, ils sont susceptibles de varier de 3 à 9 selon le degré d’oxydation du métal et la nature des ligands, mais les complexes de niobium les plus courants sont hexa- ou heptacoordinés. Les géométries sont elles aussi diverses, et même si quelques complexes de niobium(V) hexacoordinés peuvent se trouver sous forme de bipyramide trigonale, la géométrie octaédrique reste la plus classique. Enfin, le niobium est un métal prompt à la constitution de clusters polymétalliques.

Le niobium est capable de se complexer aux quatre atomes d’halogène. Parmi eux, le complexe le plus classique est de loin le chlorure de niobium(V) noté NbCl5 même si sa formule chimique est rigoureusement Nb2Cl10 puisqu’il s’agit d’un dimère à l’état solide présentant deux ligands chlorures pontés entre les deux centres métalliques (Figure I.1). Pour ce complexe commercial, le niobium a une géométrie octaédrique déformée avec un angle de 83,7° entre les plans axial et équatorial.

Figure I.4. Structure et aspect du pentachlorure de niobium à l’état solide

Le niobium est un élément très oxophile, et son affinité particulière avec l’oxygène a conduit à la synthèse d’un certain nombre de complexes de niobium portant des ligands oxygénés, qui peuvent être de type oxo, peroxo, alcoolate, éther ou encore carbonyle et carboxylate. Les complexes oxygénés classiques sont les alcoolates de niobium, dont le composé commercial pentaéthanolate de niobium Nb(OEt)5. Ces composés sont extrêmement sensibles à l’hydrolyse qui conduit à la formation d’oxyde de niobium Nb2O5 possédant une structure polymorphe.

Plus généralement, le niobium est susceptible de se coordiner à tous les hétéroatomes notamment l’azote, le soufre et le phosphore.

La chimie organométallique du niobium est elle aussi très riche, le niobium pouvant être complexé à des ligands alcènes ou alcynes, impliquant une coordination de type η2, ou à des ligands plus complexes tels que des ligands cyclopentadiényles et carbéniques.

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