• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Hydroboration d’alcynes catalysée par des complexes de

III. Hydroboration d’alcynes catalysée par HCo(PMe 3 ) 4

III.3. Considérations mécanistiques

III.3.1. Hydroboration cobalta-catalysée versus organocatalysée

Les phosphines ont récemment été utilisées comme organocatalyseurs pour des réactions de silaboration et de diboration de sélectivité anti sur des esters acétyléniques.78 Ces espèces ont donc un potentiel de réactivité en présence de dérivés borés. Or dans le cas des hydroborations d’alcynes catalysées par le complexe HCo(PMe3)4, des échanges de ligands auraient lieu entre les phosphines et les alcynes : la présence de triméthylphosphine décomplexée dans le milieu réactionnel serait donc certaine. Basés sur ces indications, nous avons voulu vérifier la réactivité de la triméthylphosphine en présence de pinacolborane et d’alcynes.

En présence de diphénylacétylène, l’alcyne utilisé pour l’optimisation de cette réaction, aucune réactivité n’a été observée avec 20 mol % de triméthylphosphine dans le milieu (Schéma III.7). Ce résultat confirme donc le rôle du complexe de cobalt, crucial pour le succès de la réaction.

Schéma III.7. Hydroboration du diphénylacétylène en présence de HCo(PMe3)4 ou de PMe3

En revanche dans les mêmes conditions, l’ester acétylénique méthyl-2-octynoate a montré des résultats tout autres (Schéma III.8). En effet, que ce soit en présence du catalyseur de cobalt, ou en présence de triméthylphosphine, des résultats tout à fait similaires ont été observés, en termes de rendement, de régiosélectivité et de stéréosélectivité. Avec des rendements respectifs de 63 et 69 %, ces deux réactions sont hautement régiosélectives du produit pour lequel l’atome de bore est porté par le carbone lié à la chaîne alkyle. Du point de vue de la stéréochimie, un mélange des produits (Z) et (E) a été isolé, le produit d’anti-addition étant majoritaire. Ces

51 résultats laissent donc à penser que pour ce substrat particulier, c’est la triméthylphosphine qui permettrait de catalyser la réaction, et non le complexe de cobalt. Par ailleurs, les réactions de diboration et de silaboration décrites en présence de phosphines sont sélectives de l’addition anti du dérivé boré sur la triple liaison. Le mélange de produits de syn- et d’anti-additions obtenu ici met ainsi en évidence une différence au niveau du mécanisme réactionnel par rapport à ce qui avait été observé dans la littérature.

Schéma III.8. Hydroboration du méthyl-2-octynoate en présence de HCo(PMe3)4 ou PMe3

Enfin, ces mêmes conditions ont été testées avec les deux autres esters acétyléniques utilisés dans le cadre de ce projet (Schéma III.9). Contrairement à l’exemple précédent, dans les deux cas, le rôle clé du complexe de cobalt a été confirmé puisque des résultats bien moindres ont été obtenus avec la triméthylphosphine seule.

R = Ph (2p) R = SiMe3 (2q) HCo(PMe3)4 (5 mol %) 47 % 61 %

PMe3 (20 mol %) 30 % traces

Schéma III.9. Hydroborations des esters acétyléniques silylé et aromatique

La triméthylphosphine est donc un catalyseur potentiel pour l’hydroboration d’esters acétyléniques, mais les résultats obtenus révèlent tout de même une efficacité contrastée et encore non expliquée selon la nature du substrat impliqué.

52

III.3.2. Origine de la régiosélectivité

De l’étude faite sur le champ d’application de l’hydroboration catalysée par l’hydrure de cobalt HCo(PMe3)4 il est d’ores et déjà possible de tirer quelques conclusions. En particulier, nous savons, grâce aux résultats obtenus avec les alcynes aromatiques, que la régiosélectivité de cette réaction serait régie par des facteurs stériques, l’addition du bore sur le carbone le plus encombré étant la voie privilégiée. Ceci correspond à la régiosélectivité inverse de ce qui avait été observé pour l’hydrosilylation d’alcynes catalysée au cobalt, et ce dans les mêmes conditions réactionnelles (voir partie I.1.2.). Ces différences de régiosélectivité suggèrent que cette fois-ci, la réaction ne passerait pas par une étape d’hydrocobaltation. A l’inverse, une étape de borocobaltation permettrait de justifier la position du bore sur le carbone le plus encombré (Schéma III.10). Concernant le produit minoritaire, une possibilité à envisager serait une étape de borocobaltation pour laquelle l’atome de bore se positionnerait sur le carbone le moins encombré, et le cobalt sur le carbone le plus encombré. En effet, la différence stérique entre un groupement pinacolborane et le cobalt est moindre que celle entre un hydrure et le cobalt. Du coup, il est forcément plus compliqué d’obtenir une bonne régiosélectivité en passant par une étape de borocobaltation.

Schéma III.10. Etape déterminante pour la régiosélectivité de l’hydroboration

III.3.3. Mise en évidence de l’espèce active

Le mécanisme proposé en hydrosilylation est basé sur une première étape d’addition oxydante du complexe de cobalt(I) dans la liaison Si‒H du silane (Schéma I.15). S’en suivrait ensuite la coordination de l’alcyne au cobalt, puis l’étape d’hydrocobaltation. De manière assez similaire, on pourrait s’attendre à une première étape d’addition oxydante de l’hydrure de cobalt(I) dans la liaison B‒H du pinacolborane, suivie de la complexation de l’alcyne. Cependant, les travaux de Lin, Marder et Norman suggèrent une autre possibilité (Schéma

53 III.11, équation 1).79 L’addition de bis(catécholato)diborane sur un complexe de cobalt(I) portant un ligand méthyle génère un nouveau complexe de cobalt(I) portant une fonction catécholborane. Par analogie, nous pourrions envisager la formation d’un complexe [Co]‒Bpin associée à la libération d’une molécule de dihydrogène, par métathèse entre l’hydrure de cobalt(I) et le pinacolborane ou par un enchaînement d’addition oxydante puis élimination réductrice (Schéma III.11, équation 2). Nous avons tenté d’isoler cette espèce présumée, et de la caractériser, malheureusement sans succès. Par contre, grâce à des expériences préliminaires, nous avons pu observer par analyse RMN 1H la disparition progressive du signal de l’hydrure de cobalt, lorsque le complexe et le pinacolborane sont mis en solution en quantités stœchiométriques. De plus, un dégagement gazeux est observé lorsque l’hydrure de cobalt(I) et le pinacolborane sont mélangés en solution.

Schéma III.11. Synthèse de complexes de cobalt borylés

III.3.4. Origine de la stéréosélectivité

Enfin, même si dans certains cas, les produits de stéréochimie (E) ont été obtenus, l’ensemble des résultats tendent à suggérer une syn-addition suivie parfois de l’isomérisation de la double liaison obtenue. En effet, les études précédentes au cobalt mettent en évidence la capacité de ce complexe à isomériser des doubles liaisons carbone‒carbone (voir partie I.1.). Toutefois, plusieurs mécanismes semblent envisageables, et nous n’avons aucune certitude quant à la nature précise de l’espèce métallique catalysant cette étape (le complexe métallique de départ HCo(PMe3)4 ou des espèces intermédiaires de cobalt). Des études plus approfondies sur les produits d’hydroboration, et leur évolution en présence de certaines espèces de cobalt pourraient permettre d’apporter des réponses sur ce point.

79 C. J. Adams, R. A. Baber, A. S. Batsanov, G. Bramham, J. P. H. Charmant, M. F. Haddow, J. A. K. Howard, W. H. Lam, Z. Lin, T. B. Marder, N. C. Norman, A. G. Orpen, Dalton Trans. 2006, 1370‒1373.

54

III.3.5. Proposition mécanistique

En combinant l’intégralité de ces résultats et de ces observations, nous pouvons donc proposer le mécanisme suivant (Schéma III.12). L’espèce catalytique active A serait formée à partir de la réaction entre l’hydrure de cobalt(I) et une molécule de pinacolborane, cette dernière étant associée à la libération d’une molécule d’hydrogène. Ceci est en accord avec les observations faites par analyse RMN 1H indiquant la disparition de l’hydrure porté par le cobalt. S’en suivrait alors une étape de complexation de l’alcyne au cobalt générant l’espèce B, qui serait susceptible de subir l’étape régio-déterminante de borocobaltation conduisant majoritairement à l’espèce C. A ce stade, la succession d’une addition oxydante d’une molécule de pinacolborane, puis d’une élimination réductrice permettrait la libération du produit d’hydroboration (Z), et de l’espèce catalytique active. L’ester vinylboronique ainsi obtenu serait ensuite susceptible d’être isomérisé par catalyse au cobalt pour former le produit d’hydroboration (E).

Schéma III.12. Proposition mécanistique pour l’hydroboration d’alcynes catalysée par HCo(PMe3)4

55

IV. Vers la diboration d’alcynes catalysée par des complexes de