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Hydroalkoxylation intramoléculaire énantiosélective d’alcènes

Chapitre 3 : Vers une version énantiosélective de l’hydroalkoxylation

I.2. Hydroalkoxylation intramoléculaire énantiosélective d’alcènes

Parmi les réactions d’hydrofonctionnalisation intramoléculaires, un bon nombre ont été étudiées dans leur version stéréosélective. Entre autre, des réactions d’hydroamination énantiosélectives ont été développées avec divers métaux de transition.205 Concernant les réactions d’hydroalkoxylation intramoléculaires, les méthodes énantiosélectives sur les alcynes et les allènes sont nombreuses.150 En comparaison, seuls quelques exemples d’hydroalkoxylation énantiosélective d’alcènes ont été rapportés jusque-là. Alors que cette transformation a été pour le moins étudiée dans sa version non stéréosélective, et qu’un grand nombre de méthodes ont été décrites, la version énantiosélective n’est que très peu développée. Ce défi est d’autant plus grand que cette transformation mène à des hétérocycles oxygénés, que

205 C. Michon, M.-A. Abadie, F. Medina, F. Agbossou-Niedercorn, J. Organomet. Chem. 2017, DOI 10.1016/j.jorganchem.2017.03.032.

163 l’on retrouve dans bon nombre de produits naturels et molécules à intérêt thérapeutique. Du coup, être capable de synthétiser ce type de motifs en contrôlant la stéréochimie des centres stéréogènes formés serait pour le moins intéressant.

Malgré tout, quelques exemples d’hydroalkoxylation énantiosélective d’alcènes ont été décrits ces cinq dernières années, concernant d’un côté les alcools phénoliques et de l’autre les alcools aliphatiques.

Notamment, une méthode au titane permettant l’hydroalkoxylation intramoléculaire énantiosélective de dérivés 2-allylphénols a été développée en 2015 par Hintermann (Schéma I.10).206 Elle repose sur un système catalytique ternaire comprenant l’iso-propanolate de titane(IV), un acide carboxylique chiral jouant le rôle de ligand, et une quantité équimolaire d’eau par rapport au complexe. L’eau a ici un rôle crucial pour le succès de la réaction, puisque les auteurs ont montré dans cette étude que la quantité d’eau présente dans le mélange influait sur les rendements et les excès énantiomériques obtenus. L’eau réagirait ici avec le complexe de titane, changeant ainsi la nature de l’espèce catalytique active. D’autre part, les conditions utilisées ici sont particulièrement drastiques, puisque les réactions sont réalisées sous activation micro-ondes à très haute température. Pourtant, l’induction de chiralité s’est avérée relativement bonne même dans ces conditions. En revanche, cette méthodologie reste à ce jour limitée aux alcools phénoliques et aux doubles liaisons C‒C non substituées. D’autre part, les ligands utilisés ici nécessitent des synthèses multi-étapes (6 à 7 étapes). Enfin, des analyses ont été réalisées pour tenter d’identifier l’espèce catalytique active, et même si la structure n’a pas clairement été élucidée, les analyses par spectrométrie de masse suggèrent une structure tétramérique de titane comprenant des ponts oxo et des ligands hydroxy.

Schéma I.10. Hydroalkoxylation énantiosélective de dérivés 2-allylphénols catalysée par des complexes de titane

164 Plus récemment une méthode de catalyse enzymatique a été proposée pour la synthèse de l’atrovenetine mettant en jeu une réaction d’hydroalkoxylation intramoléculaire énantiosélective d’un alcool phénolique sur un alcène terminal.207

L’hydroalkoxylation énantiosélective intramoléculaire impliquant des dérivés hydroxyalcènes aliphatiques reste quant à elle peu étudiée et encore limitée à l’utilisation de deux substrats apparentés.

Dans le cadre d’une étude sur la réaction de carboalkoxylation intramoléculaire d’hydroxyalcènes, Chemler a mis en évidence un système catalytique pour lequel il est possible de changer la chimiosélectivité de la réaction (Schéma I.11).208 En présence de triflate de cuivre(II), d’un ligand de type bis(oxazoline), d’une base et d’un oxydant, le 1,1-diphénylpent-4-èn-1-ol subit une réaction de carboalkoxylation impliquant une première étape de cyclisation via la formation d’une liaison C‒O, puis une seconde cyclisation par formation d’une liaison C‒C, tout cela dans le cadre d’un mécanisme radicalaire. En présence d’un additif supplémentaire tel que le 1,4-cyclohexadiène, l’intermédiaire radicalaire réaliserait alors préférentiellement une abstraction d’hydrogène pour former le produit cyclique d’hydroalkoxylation. Le dérivé tétrahydrofurane résultant a ainsi pu être isolé avec 85 % de rendement et 76 % d’excès énantiomérique. Une fois encore, l’induction de chiralité est relativement efficace compte tenu des conditions réactionnelles utilisées et en particulier de la température.

Schéma I.11. Carboalkoxylation (gauche) et hydroalkoxylation (droite) énantiosélectives du 1,1-diphénylpent-4-èn-1-ol

207 S.-S. Gao, M. Garcia-Borràs, J. S. Barber, Y. Hai, A. Duan, N. K. Garg, K. N. Houk, Y. Tang, J. Am. Chem. Soc. 2017, 139, 3639‒3642.

165 Le 2,2-diphénylpent-4-èn-1-ol a aussi été engagé dans des conditions réactionnelles propices à la cyclisation énantiosélective de ce dernier (Schéma I.12). Lors de leur étude sur l’hydroalkoxylation intramoléculaire d’alcènes catalysée par un complexe de cuivre(I), Ohmiya et Sawamura ont tenté de proposer une version stéréosélective de cette méthodologie.171 Pour ce faire, ils ont utilisé la diphosphine chirale (R)-DTBM-SEGPHOS en présence du cuivre(I) mésitylène et d’un additif, le t-butanol. Dans ces conditions, le produit de cyclisation a été isolé avec un rendement de 39 % et un excès énantiomérique de 71 %. Malheureusement, cette méthodologie n’a pas été étendue à l’utilisation d’autres substrats de manière à apprécier son potentiel champ d’application. Shigehisa a lui aussi tenté de proposer une méthode énantiosélective pour l’hydroalkoxylation d’alcènes.169 Sur ce même substrat, il a utilisé des conditions réactionnelles similaires à celles décrites pour l’hydroalkoxylation d’alcools protégés ou non, mais cette fois-ci avec un complexe de cobalt portant un ligand chiral. Dans ces conditions, le dérivé tétrahydrofurane a été isolé avec un rendement de 78 % et un excès énantiomérique modeste de 28 %.

Si ces exemples sont restreints étant donné qu’ils se limitent à un seul type d’hydroxyalcène et que les résultats obtenus en termes de rendement et d’excès énantiomérique sont modestes, ils montrent tout de même le potentiel de la catalyse organométallique pour l’hydroalkoxylation intramoléculaire énantiosélective d’alcènes tout en soulignant la difficulté à contrôler la stéréosélectivité observée au cours de ces transformations.

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II. Objectifs du projet

Au cours de notre étude sur la catalyse au niobium(V) cationique pour la réalisation de réactions d’hydrofonctionnalisation intramoléculaires, nous avons pu montrer et valoriser le potentiel du niobium comme catalyseur efficace pour ce type de transformations. Ceci est donc un premier pas vers la mise en avant de ce métal pour des applications en catalyse organique mais à ce stade, une seule conclusion peut être faite : les complexes de niobium sont capables, pour cette catégorie de réactions, de faire aussi bien que des complexes à base de métaux nobles ou d’autres complexes à base de métaux non nobles. La question à présent est la suivante : peuvent-ils faire mieux ?

Pour répondre à cette question, nous nous sommes penchés vers un challenge beaucoup plus grand : celui de la catalyse énantiosélective. En effet, certains exemples de catalyse énantiosélective au niobium ont été rapportés et même s’ils s’avèrent être fort prometteurs, ils restent malgré tout relativement rares. D’autre part, nous avons beaucoup travaillé sur l’hydroalkoxylation intramoléculaire d’alcènes en catalyse au niobium(V) cationique, et ce catalyseur s’est montré particulièrement efficace pour cette transformation. Ceci est une aubaine, puisque c’est justement cette réaction qui semble être particulièrement délicate à réaliser efficacement dans sa version énantiosélective. L’objectif de ce troisième projet était donc de proposer une méthode viable pour l’hydroalkoxylation énantiosélective d’alcènes via la catalyse au niobium.

Pour ce faire, nous nous sommes concentrés sur l’utilisation du 2,2-diphénylpent-4-èn-1-ol comme substrat modèle que nous avions déjà pu étudier auparavant en version non stéréosélective et qui a fait l’objet d’études en hydroalkoxylation énantiosélective, nous donnant ainsi des points de comparaison utiles (Schéma II.1).

Schéma II.1. Proposition d’hydroalkoxylation énantiosélective du 2,2-diphénylpent-4-èn-1-ol catalysée par un complexe de niobium

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III. Hydroalkoxylation énantiosélective catalysée par le