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5.3 Les résultats de l’étude prospective

6.2.1 Premier temps de mesure

L’objectif de l’étude prospective est de fournir une meilleure compréhension de la persévérance aux études universitaires de premier cycle grâce à la validation d’un modèle de persévérance basé sur l’intention de persévérer.

6.2.1.1 Les résultats relatifs aux variables qui prédisent l’intention de persévérer

Les résultats de l’étude prospective démontrent que trois facteurs motivationnels et deux facteurs interactionnels prédisent l’intention de persévérer. Cinq variables au total prédisent l’intention de persévérer et qui sont : la perception de compétence, l’engagement institutionnel et universitaire, les attentes de succès, l’intérêt et les interactions avec les pairs.

Pour les facteurs motivationnels, les résultats démontrent que la perception de compétence, les attentes de succès et l’intérêt prédisent positivement l'intention de persévérer. Ce résultat a été déjà démontré dans des recherches antérieures (Galand & Frenay, 2005; Kahn & Nauta, 2001; Neuville et al., 2013; Schmitz et al., 2010; Robbins, et al., 2004). Ces résultats confirment que plus les étudiants se sentent compétents, plus ils anticipent du succès, plus ils éprouvent du plaisir dans leurs études et plus ils ont l'intention de persévérer.

En ce qui a trait aux facteurs interactionnels, il ressort de nos résultats que deux facteurs seulement sont liés directement à l'intention de persévérer aux études. Les résultats confirment que les interactions avec les pairs et l’engagement institutionnel et universitaire prédisent l’intention

de persévérer. Plus les étudiants possèdent de bonnes relations avec leurs pairs, plus leur attachement à l’université est fort, plus ils accordent de l’importance à être diplômé de l’Université Laval et plus ils ont l’intention de persévérer. Ces résultats corroborent les conclusions de Pascarella et Terenzini (2005) et de l’étude de Neuville et ses collègues (2013) selon lesquelles les interactions et les contacts positifs avec les pairs et l’engagement institutionnel universitaire favorisent chez les étudiants l’intention de persévérer. Plusieurs autres recherches, dont celle de Johnson (1994), ont démontré que le fait d’avoir de l'intérêt pour ses études et que ses pairs soient disponibles pour aider l’étudiant sont des facteurs associés à la persévérance. La qualité des relations avec les pairs, les enseignants et les membres de la Faculté et de l'université est associée positivement au jugement que l’étudiant porte sur ses expériences à l’université et par la suite à sa persévérance (Tinto 1975). Une bonne intégration sociale, ainsi que la présence d’un soutien académique et social approprié favoriseraient le développement des habiletés sociales et intellectuelles, stimuleraient un certain engagement pour la poursuite de ses études et donc la persévérance aux études (Pascarella & Terenzini, 2005; Tinto, 1997).

En l’occurrence, les étudiants qui se perçoivent compétents au niveau de leurs études, qui anticipent du succès et qui ressentent du plaisir dans leurs cours ont plus de chance de persévérer, tout comme les étudiants qui ont de bonnes relations avec leurs pairs et qui déclarent un engagement envers leur diplomation et un attachement envers leur université. Ces résultats fournissent un bon degré de soutien pour notre modèle, mais ne corroborent pas en tous points les résultats observés dans l’étude rétrospective. Ces résultats concordent toutefois avec certaines recherches antérieures (Cabrera et al., 1992; Neuville et al., 2013; Pascarella & Terenzini, 2005; Sandler, 2000).

Pour ce qui est de la situation financière, elle n’entretient aucun lien avec l’intention de persévérer comme c’était le cas pour l’étude rétrospective. Les variables financières ne prédisent pas l’intention de persévérer ni au premier temps ni au deuxième temps de mesure alors qu’elles sont associées à la persévérance dans certaines recherches antérieures (Braxton et al., 2004; Cabrera et al., 1992; Leslie & Brinkman, 1988; Molette & Cabrera, 1991; St. John, 1990; Wilcox, 1991). Cette différence entre les deux études de cette thèse est difficile à expliquer. On peut toutefois émettre l’hypothèse qu’avec des perceptions plus exactes sur l’environnement universitaire et les états motivationnels, les facteurs financiers deviennent moins importants pour expliquer l’intention de persévérer. Cette intention est plus attachée à la motivation de l’étudiant

117 qu’à sa situation financière. Si l’étudiant se trouve dans une situation financière difficile, il sera obligé d’abandonner ses études même si sa motivation est élevée.

De même, malgré que certaines études aient soutenu le rôle important des performances scolaires antérieures comme déterminant de la persévérance (Bean, 1980; Bean & Vesper, 1990; Neuville et al., 2013), ce rôle n’a pas été confirmé pour l’étude prospective lorsqu’il est question de l’intention de persévérer.

6.2.1.2 Les résultats relatifs aux liens entre les facteurs interactionnels et les facteurs motivationnels

Du côté des coefficients de régression, nos résultats indiquent que le développement intellectuel et académique est corrélé à la perception de compétence, ce qui démontre que les étudiants qui sont satisfaits du développement de leurs connaissances académiques se perçoivent plus compétents. De plus, il existe une relation positive entre les interactions avec les pairs, le développement intellectuel et académique et les attentes de succès. Une intégration sociale telle qu’évaluée par une bonne relation avec les pairs et une satisfaction sur le plan du développement des connaissances sont liées aux attentes de succès dans les études. Des bonnes relations avec les pairs prédisent le développement d’un sentiment d'appartenance à l’université et, par conséquent, favorisent un meilleur engagement envers les études. Ces interactions procurent aux étudiants des opportunités d'échange sur les stratégies d'apprentissage efficaces et favorisent une meilleure adaptation aux exigences universitaires.

En effet, l’utilité est liée au développement intellectuel et académique et avec l’engagement institutionnel et universitaire. Ceci pourrait être expliqué par le fait que l’attachement envers l’université et une satisfaction envers le développement des connaissances académiques renforcent en quelque sorte la perception de l’utilité de la diplomation au sein de cette université pour la vie future de l’étudiant. Avoir un diplôme de l’Université Laval est très valorisant pour l’étudiant. De même pour l’intérêt, il est positivement corrélé à l’engagement institutionnel et universitaire et au développement intellectuel et académique. Un attachement à l’université et une satisfaction envers le développement des connaissances académiques traduisent un plaisir de poursuivre des études universitaires. Plus l’étudiant est satisfait de ses acquis académiques et de la valeur ajoutée attribuable à sa formation universitaire, plus il ressent un plaisir de poursuivre ses études. Les coûts sont associés positivement aux interactions avec les membres de la faculté ce

qui semble indiquer que plus les étudiants se sentent intégrés sur le plan social et plus ils ressentent des coûts psychologiques liés aux études. Ce résultat est fort difficile à expliquer. Des études subséquentes devront vérifier si un tel lien est corroboré. Pour l’instant, nous avançons avec prudence l’idée que les enseignants avec qui les étudiants entretiennent des relations positives sont peut-être plus exigeants sur le plan des examens et des travaux qu’ils demandent à leurs étudiants de produire. Une autre explication possible serait le fait que les étudiants bien intégrés ne voudraient pas décevoir leurs enseignants et éviteront des coûts psychologiques liés à toute déception.

Toutefois, il est important de mentionner que les coûts sont associés négativement au développement intellectuel et académique et à la préoccupation de la Faculté par rapport à l’enseignement et au développement des étudiants. Ceci montre que 1) plus les étudiants sont satisfaits de leur développement académique dans les cours et moins ils ressentent des coûts psychologiques et 2) plus les étudiants perçoivent que l’enseignement est de qualité, plus les enseignants accordent de l’importance à l’étudiant et à son développement académique, moins ils perçoivent des coûts psychologiques liés à la poursuite des études.

Ces résultats correspondent en partie à certaines données obtenues par Neuville et ses collègues (2013), la seule étude, à notre connaissance, qui a examiné les relations entre la persévérance, les facteurs motivationnels et les facteurs interactionnels au niveau universitaire.

6.2.1.3 Les résultats relatifs aux liens entre les facteurs financiers et les facteurs motivationnels

Selon nos résultats, la situation financière de l’étudiant (Log(A/P)) est associée très faiblement aux facteurs motivationnels (les attentes de succès, la perception de compétence, l’intérêt, l’utilité et les coûts). Un autre résultat non attendu, la situation financière de l’étudiant n’est pas associée aux variables motivationnelles du modèle comme c’était le cas pour les résultats de l’étude rétrospective.

En revanche, la perception de la situation financière de l’étudiant est corrélée avec les attentes de succès, la perception de compétence et les coûts. La perception de la situation financière est associée négativement aux coûts comme c’était le cas pour les résultats de l’étude rétrospective. Plus la perception de la situation financière des étudiants est bonne, plus les étudiants sont satisfaits de leur situation financière durant les études, moins ils ressentent des

119 coûts psychologiques. De plus, la perception de compétence est corrélée positivement avec la perception de la situation financière. Ce qui signifie qu’une bonne situation financière est liée à une meilleure perception de compétence chez les étudiants. Une explication possible est qu’avant son inscription à l’université dans un programme d’études, l’étudiant planifie ses sources de revenus possibles (les parents ou la famille, les bourses, les prêts, ou autres). Une fois l’inscription effectuée, le souci financier ne représente plus une contrainte à la poursuite des études et, dans ce cas, c’est plutôt sa motivation qui prévaut sur les aspects financiers.

6.2.1.4 Les résultats relatifs aux liens entre le genre, l’expérience et les performances scolaires antérieures et les facteurs motivationnels

Nos résultats indiquent que les femmes se sentent plus compétentes dans leurs études que les hommes. Au Québec, les enquêtes ICOPE (Indicateurs de Conditions de Poursuite des Études) réalisées auprès des étudiants à leur première session de leur programme d’études ont fait ressortir les facteurs qui caractérisent les étudiants qui obtiennent leur diplôme dans une moins grande proportion que les autres (Ménard, 2010). Les résultats de ces enquêtes (Pageau & Bujold, 2000; Bonin, 2006) effectuées auprès de 12 600 étudiants, ont permis d’identifier plusieurs facteurs dont être un homme et détenir un autre diplôme que le diplôme d’études collégiales (DEC) comme formation préuniversitaire. D’autres études consultées ont rapporté aussi des différences sur le plan des résultats académiques attribuables au genre (Lekholm & Cliffordson, 2008; Luthy, 1996). Une étude effectuée auprès de 2 927 étudiants inscrits en première année dans deux universités belges a démontré une différence selon le genre au niveau des taux de réussite des hommes (32.4%) et femmes (43.1%). Plus précisément, les résultats ont démontré qu’à âge égal et que pour une discipline académique similaire, les femmes réussissent mieux que les hommes et qu’elles ont généralement plus de chance de réussir leur première année que les hommes (Lafontaine et al., 2012). Cette différence de réussite entre les femmes et les hommes a été interprétée par des attitudes relativement plus favorables aux études pour les femmes, une plus grande implication aux études et plus de temps consacré aux études (Gruel & Thiphaine, 2004).

Aussi, les étudiants ayant des cotes R élevées détiennent un niveau de perception de compétence plus élevé que ceux ayant une Cote R faible durant les études collégiales. Un étudiant ayant une cote R élevée signifie qu’il a eu une bonne performance scolaire antérieure et donc qu’il

détient les prérequis nécessaires pour être compétent et réussir ses études universitaires. D’un autre côté, ceux qui ont une cote R faible accordent plus d’utilité aux études. Même si les étudiants ont des cotes R faibles, la décision de poursuivre des études universitaires démontrent qu’ils sont conscients des conséquences positives de cette décision sur leurs plans futurs. En plus, le fait de suivre des études préuniversitaires au Cégep est négativement associé à l’utilité et aux coûts. Ce qui démontre que les étudiants qui n’ont pas poursuivi d’études collégiales accordent plus d’utilité aux études universitaires, mais, en même temps, supportent plus de coûts psychologiques.

En ce qui concerne les liens indirects, aucun lien statistiquement significatif n’a été détecté au niveau de l’étude prospective. C’est pour cette raison que nous ne les avons pas abordés tout au long de la discussion des résultats.