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Le premier mouvement de formation du bloc africain olympique : La création des CNO des ex-colonies britanniques (1950-1958)

CNO Date de création

du CNO

Reconnaissance par le CIO

Indépendance du pays

Reconnaissance par l’ONU

Ex-empire colonial Rhodésie du Sud

(Zimbabwe en 1980)

1934 - (1980) 1965 (1980) - (1980) Royaume-Uni

Ethiopie 1948 1954 1896 1945 Empire

Ouganda 1950 1956 1962 1962 Royaume-Uni

Nigeria 1951 1951 1960 1960 Royaume-Uni

Ghana 1952 1952 1957 1957 Royaume-Uni

Liberia 1954 1955 1847 1945 Etats-Unis

Kenya 1955 1955 1963 1963 Royaume-Uni

Soudan 1956 1959 1956 1956 Royaume-Uni

Tunisie 1957 1957 1957 1956 France

Tanganyika (Tanzanie)

- 1958 1961 1961 Royaume-Uni

370 Viktor Kalu Eke, « Soviet-African Relations : A Critique of the Moving Forces », in The Soviet Union in world politics, The Global Significance of the USSR ; and issues in Soviet-African Relations, Nigeria, Fourth Dimension Publishers, 1988, pp.89-110.

- Le développement sportif des empires coloniaux au Mouvement olympique : enjeu des rivalités de la guerre froide

« Politically, the USSR seems to be dominating the scene with little opposition in any quarter. Today the Communists control all of Eastern Europe, they come to held the balance of power in most of the liberated countries, and they are extending their authority in Eastern, Western, and Central Asia. [...] If they decide to operate independently and command the participation of all states under Soviet hegemony it will be most unfortunate.

Without England and the dominions, the United States and Sweden, it would be difficult for them to make a showing, but on the other hand, if most of Europe is not representated, our events will not be all that they sould be »371.

Marc Michel (2005)372 note qu’au cours du congrès panafricain de Manchester d’octobre 1945, un positionnement géopolitique de l’Afrique noire se dessine entre les blocs communistes et occidentaux. Par exemple, en 1946, certains partis politiques des territoires ultramarins de la France (le Rassemblement démocratique africain au Cameroun) s’apparentent au Parti communiste français et engagent montrent une sympathie ouverte pour l’Union Soviétique. L’accélération de ce ralliement peut être liée selon Jacques Lévesque (1987) au « processus de déstalinisation » de l’URSS qui s’engage dès 1953, avec la nomination au Parti de Nikita Khrouchtchev, dans une politique de coexistence pacifique373. Un processus de politique extérieure de l’URSS qui n’implique aucun renoncement à la lutte idéologique et à la subversion interne des Etats bourgeois mais qui vise à conquérir de nouveaux espaces de pouvoir afin d’élargir sa zone d’influence et d’affirmer par là que le triomphe mondial du communisme pouvait être obtenu sans recours à la guerre.

371 Notre traduction : « Politiquement, l’URSS semble dominer la situation avec très peu d’opposition.

Aujourd’hui, les communistes contrôlent toute l’Europe de l’Est, ils en sont venus à imposer leurs vues dans la plupart des pays libérés et ils étendent leur autorité à l’Asie orientale, occidentale et centrale. Il serait dangereux qu’ils décident d’opérer de façon indépendante et de diriger la participation de tous les états sous domination soviétique. Sans l’Angleterre et ses dominions, les Etats-Unis et la Suède, il leur serait difficile de faire une démonstration, mais d’autre part, si la plupart de l’Europe n’est pas représentée, nos compétitions n’auront pas la grandeur qu’elles doivent avoir. » Archives CIO/Fond Avery Brundage, Box n°50, Avery Brundage à Lord Aberdare, 05/04/1945.

372 Michel Marc, Décolonisations et émergence du tiers monde, Paris, Hachette, 2005, p.195.

373 Lévesque Jacques, L'URSS et sa politique internationale de Lénine à Gorbatchev, Paris, Armand Colin, 1987, p.171. Repris par Rey Marie-Pierre in « La tentation du rapprochement », France et URSS à l'heure de la détente (1964-1974), Paris, Publications de la Sorbonne, 1991, p.8.

Ainsi, en 1955, l’URSS adopte une position idéologique embarrassante374 pour l’Occident lors de la Conférence de Bandung. La doctrine de non-alignement des nouveaux Etats sur les puissances de la guerre froide n’est pas une forme de « neutralité ». Par ses origines anti-coloniales, elle exprime plutôt des idées anti-occidentales. En 1956, ce positionnement qualifié de « changement d’attitude »375 se vérifie lors du discours du premier ministre Nikita Khrouchtchev au XXe congrès du Parti Communiste376. Celui-ci propose une ouverture en multipliant les appels en faveur de la sécurité et de la coopération avec l’Afrique qui s’intensifie en 1958 avec la Conférence du rassemblement des peuples africains (Accra)377. L’URSS s’engage alors dans une série d’épreuves de forces avec les Etats-Unis et les métropoles d’empires, que ce soit en Europe, au Proche-Orient et désormais en Afrique : c’est la prise de conscience d’un « enjeu africain »378 dans la guerre froide. De leur côté, les Etats-Unis font bénéficier les territoires africains de quelques fonds du plan Marshall à travers les ministères britanniques, français et belges puis décident peu à peu d’inciter les œuvres philanthropiques américaines (Ford, Rockefeller, Carnegie, etc.)379. L’intérêt des représentants américains pour l’Afrique se fait d’abord par des corps de missionnaires puis par le département d’Etat des Affaires du Proche-Orient et de l’Afrique qui nécessite une spécialisation après 1945 par la création d’une Section des Affaires africaines à Washington. Mais comme le note Cécile Laronce (2000), c’est plus par les pionniers, la diplomatie, les échanges culturels et par la diaspora américaine que le rapprochement avec certains Etats africains a lieu, plus que par les membres du gouvernement. Par ailleurs, juste après le conflit mondial comme le note Michael E. Lomax (2008)380, la discrimination raciale aux Etats-Unis ne permet pas encore une large représentation de sportifs afro-américains

Malgré ces timides rapprochements, après la fin de la Seconde Guerre mondiale et jusqu’au milieu des années 1950, le continent noir et le Sud en général, sont marginalisés par le Kremlin qui considère ces régions du monde comme des appendices des pays impérialistes381. Le seul destin prévu pour les colonies africaines consiste à suivre le réveil

374 Legvold Robert, Soviet Policy in West African, Cambridge, Harvard University Press, 1970, pp.3-9.

375 Viktor Kalu Eke, The Soviet Union in world politics, The Global Significance of the USSR ; and issues in Soviet-African Relations, Nigeria, Fourth Dimension Publishers, 1988, p.90.

376 Morrison David, The USSR and Africa (1945-1963), Londres, Oxford University Press, 1984.

377 Michel Marc, Décolonisations et émergence du tiers monde, Paris, Hachette, 2005, p.206.

378 Chaliand Gérard, L’enjeu africain, stratégies des puissances, Paris, Seuil, 1980, p.15.

379 Laronce Cécile, Nkrumah, le panafricanisme et les Etats-Unis, Paris, Karthala, 2000, p.51.

380 Lomax Michael E., Sports and the racial divide : African American and Latino experience in an Era of Change, Lomax Michael E. (Ed.), University Press of Mississippi, 2008.

381 Davidson A.B., Mazov S.M., Cypkin G.V., L’URSS et l’Afrique : l’histoire documentée de leurs relations mutuelles, Moscou, 2002.

du prolétariat européen afin de participer à l’avènement du communisme international. Les leaders africains comme Nkrumah et Azikiwe avaient l’audace de parler de « révolution africaine » au lieu de s’identifier au mouvement prolétarien international382 et « même au début des années cinquante, quand il devint déjà évident que la décolonisation serait inévitablement un phénomène global, l’attitude du Kremlin envers les futurs leaders des nouveaux pays indépendants du Tiers Monde resta idéologisée, dogmatique et méprisante, le Tiers-Monde n’ayant pas encore de valeur géopolitique importante pour leur politique réelle (ou « naturelle » pour reprendre l’expression de Molotov) »383. Alors, comment peut s’opérer l’influence soviétique au CIO alors que les pays africains sont à peine entrés au Mouvement olympique ?

En cette fin de période stalinienne, au sein du Mouvement olympique, la première des conditions d’une influence soviétique est liée à la création d’un Comité national olympique ainsi qu’à la nomination de membres soviétiques au CIO. Alors que depuis 1945, le vice-président du CIO est l’Américain Avery Brundage. Le Mouvement olympique va devenir l’objet d’une volonté de contrôle des deux grandes puissances de la guerre froide.

Avery Brundage est particulièrement attentif au développement du sport en URSS et se prépare à la création d’un comité national soviétique sportif dès le 13 septembre 1944384. Cette méfiance fait écho aux relations internationales tendues entre les deux grandes puissances puisqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale l’URSS se heurte aux Etats-Unis dans son extension au nord-ouest de l’Iran et en Turquie. Puis, à partir de mars 1947 une rupture avec le bloc occidental débute après l’échec de la conférence de Moscou sur les réparations allemandes et le refus de l’URSS de bénéficier du plan Marshall. C’est « la guerre froide » qui commence alors qu’au sein du Mouvement olympique, en octobre de la même année, le président du CIO Siegfried Edström (Suède) entretient – sous le sceau de la confidentialité – une correspondance avec P. W. Scharroo (Hollande)385 et les membres de la

382 Legum C., « Pan-Africanisme et Communisme », in The Soviet bloc, China and Africa, Londres, Pall-Mall Press, 1964.

383 Vladimir Bartenev, « L’URSS et l’Afrique noire sous Krouchtchev : la mise à jour des mythes de la coopération », in Outre-Mers, Revue d’histoire, L’URSS et le Sud, 1er semestre 2007, Société Française d’Histoire d’Outre-Mer, T.95, n°354-355, 2007, p.65-66.

384 Archives CIO/Fond privé d’Avery Brundage – URSS, Box 50, bobine n°30, Avery Brundage à Lord Aberdare, le 13/09/1944.

385 Colonel Wilhelmus Schaaroo, membre du CIO pour les Pays-Bas de 1924 à 1957, membre honoraire jusqu’à son décès en 1963. Membre de la commission exécutive du CIO entre 1946 et 1953. Revue olympique, « Les Pays-Bas et l’Olympisme », août 1911, p.125.

Commission exécutive au sujet d’une possible candidature de l’URSS : « […] we cannot possibly recognize any Communist Olympic committee386 ».

L’URSS, alors opposée au sport bourgeois,, va dans la conjoncture de 1945 à 1950 exprimer la prudence exercée par Staline afin de préserver la paix sur fond de propagande soviétique. Ceci se traduit internationalement par la levée du blocus de Berlin et la passivité de l’URSS devant l’intervention des Etats-Unis et de l’ONU en Corée. Dans ce contexte, la création d’un CNO soviétique est la suite logique d’un processus entamé par ses dirigeants dès 1945 par des négociations avec les fédérations internationales387 dans le but de transformer le « sport rouge » aux normes du sport amateur bourgeois et par essence olympique388. Comme le souligne Patrick Clastres à propos des Jeux d’Helsinki (1952) :

« (cette) […] contribution fraternelle des sportifs socialistes aux Jeux d’Helsinki illustre l’ambiguïté de la politique soviétique en 1951-1952 qui mise sur l’efficacité du Mouvement pour la paix en même temps qu’elle se prépare à une guerre en Europe389 ».

L’Américain Avery Brundage et nouveau président du CIO depuis 1952 a saisi les intentions soviétiques de retournement politique du CIO en faveur du bloc communiste. Il adopte alors une position prudente à l’égard du CNO russe en voie de reconnaissance comme l’illustre sa correspondance avec Siegfried Edström en 1950390 et celle du 14 juillet 1951 lorsqu’il répond au journaliste américain Roy Silver du New York Morning Telegraph à propos de la possible participation soviétique aux Jeux olympiques d’Helsinki (1952)391 :

« The entries for the Games of the Fifteenth Olympiad do not close until next summer, so we do not know whether the USSR will send a team or not. Because of the recognition given the USSR Olympic Committee by the IOC in Vienna, they are now eligible to enter in the sports where they hold membership in the International Federations (they have not been admitted to all International Federations yet). So far as their motives are concerned, I do not know what they are. There has been much speculation by the press as you know, perhaps they think they are strong

386 Archives CIO/Fond privé d’Avery Brundage – URSS, Box 149, bobine n°84, Avery Brundage à Sigfried Edström, le 7 décembre 1950.

387 Amar Marianne, Nés pour courir, Sport, pouvoirs et rébellions (1944-1958), Grenoble, PUG, 1987, p.114.

388 Ibid., p.121.

389 Clastres Patrick, « Paix par le sport et guerre froide : le neutralisme pro-occidental du Comité international olympique », in Soutou Georges-Henri et Sirinelli Jean-François (dir.), Culture et guerre froide des années 1940 aux années 1980, 2007.

390 Archives CIO/Fond privé d’Avery Brundage – URSS, Box 149, bobine n°84, le 07/12/1950.

391 Ibid., Box 230, Roy Silver du « The Morning Telegraph » (New York) à Avery Brundage, le 10/07/1951.

enough to impress the Western World, perhaps they wish to lull the apprehensions of other countries, who knows392. »

Malgré les craintes de l’exécutif du CIO, le CNO soviétique est rapidement élu ainsi que ses dirigeants cooptés au rang de membres du CIO. Ainsi, en 1951393, deux soviétiques, Constantin Andrianov394 alors député en charge du Comité des Affaires du Sport et de la Culture Physique et Aleksei Romanov395 fondent un Comité national olympique Russe. Dès le début du mois d’avril, le secrétaire Sobolev informe les membres du CIO qu’un Comité Olympique soviétique a été créé après avoir examiné et accepté les règles du CIO. Il demande alors au CIO de prendre en considération la requête d’admission du CNO soviétique au mouvement olympique. La candidature de ce comité russe est exposée télégraphiquement le 23 avril 1951 au président du CIO J. Siegfried Edström (Suède)396. Puis le CNO d’URSS est ensuite reconnu lors de la 45ème session du CIO des 7 à 9 mai 1951, à Vienne, par un vote à main levée : 31 voix pour et 3 voix contre397. A peine trois mois après la reconnaissance du CNO d'URSS, son président, Constantin Andrianov, annonce la position idéologique de son pays dans une correspondance adressée au chancelier du CIO, Otto Mayer, le 15 août 1951 :

« Je forme le vœu que l'intégration de l'URSS dans le CIO serve de lien d'amitié entre les sportifs de tous les pays et contribue à assurer la paix dans le monde entier398 ».

L’année suivante, J. Siegfried Edström arrivant au terme de sa présidence du CIO se renseigne sur les antécédents de dirigeant sportif de Constantin Andrianov399 auprès de

392 Notre traduction : « Les inscriptions pour les Jeux de la quinzième Olympiade ne seront pas clôturées avant l’été prochain, donc nous ne savons pas si l’URSS souhaite envoyer une équipe ou pas. Etant donné que le Comité olympique soviétique a été reconnu par le CIO à Vienne, ils ont maintenant le droit de se présenter dans les disciplines où ils comptent des membres dans les fédérations internationales (ils n’ont pas encore été admis dans toutes les fédérations internationales). On ne connaît pas encore leurs motifs. Il y a eu beaucoup de spéculations dans la presse comme vous le savez, peut-être se croient-ils assez puissants pour impressionner les occidentaux, peut-être souhaitent-ils calmer les appréhensions des autres pays, qui sait ? » Archives CIO/Fond privé d’Avery Brundage – URSS, Box 149, bobine n°84, avril 1951.

393 Archives CIO/Membre Andrianov – Correspondance 1951-1960, notice : 0054953, OU MO 01 41 07, Otto Mayer à Andrianov, lettre du 15/05/1961.

394 Archives CIO/Membre Andrianov – Correspondance 1951-1970, notice : 0054953, OU MO 01 41 07. « une ancienne star du football soviétique ». Il est réélu président du Comité Olympique Russe en 1960 comme l'indique la rubrique « Jeux Olympiques » de L'Equipe du samedi 9 et dimanche 10 janvier 1960, n°4.281, 9 et réélu en 1963 dont il est toujours le représentant au CIO in Archives CIO/Membre Andrianov – Correspondance 1951-1970, dossier n°6566, lettre d'Otto Mayer à Andrianov le 19/01/1963.

395 Archives CIO/Membre Romanov – Correspondance 1951-1970, notice : 0054953 et Correspondance 1947-1968, notice : 0058280, OU MO 01 41 07.

396 Le président du CIO J. Sigfrid Edström (1942-1952) se retire aux Jeux d'Helsinki de 1952.

397 Bulletin du CIO, extrait du P.V. de la 45ème session de Vienne, 7-9 mai 1951, p.9-10, Juin 1951, n°27, pp.8-15 et 44.

398 Niggli Nicholas, « Helsinki 1952 : les "Jeux Olympiques de la guerre froide" ? » in Le pouvoir des anneaux, Les Jeux Olympiques à la lumière de la politique 1896-2004, Milza Pierre, Jéquier François, Tétart Philippe, (dir.), Paris, Vuibert, 2004, p.223.

399 Clastres Patrick, « Paix par le sport et guerre froide : le neutralisme pro-occidental du Comité international olympique », in Soutou Georges-Henri et Sirinelli Jean-François, (dir.), op. cit..

l'ambassade d'URSS à Vienne. Constantin Andrianov s'intéresse au sport activement dans son pays en prenant part à divers championnats de sports, organisés entre les équipes recrutées parmi les sociétés sportives « Travail » et « Chimie ». De 1947 à 1950, il est président de l'union sportive de Moscou, de la section football d'URSS et participe parallèlement aux travaux de la section sportive du Comité soviétique pour le développement de l'athlétisme léger, de l'athlétisme lourd et des courses de patinage dont il a été le président en 1950 et 1951.

J. Siegfried Edström décide alors de le nommer membre du CIO en même temps que son confrère Aleksei Romanov qui s’occupe également de sport en Russie à partir de 1920. Il est titulaire d'une chaire en Education physique dans plusieurs Instituts de l'Union soviétique et professeur d’Education physique, vice-ministre de la Santé en URSS et président du comité d’Etat de Russie soviétique, vice-président du conseil des Méthodes de l'Union sportive, et rédacteur en chef d'un magazine sur la théorie de la pratique de la culture physique. Il pratique la culture physique générale, l’équitation, la luge, le ski, le football et la chasse. Athlète léger, il s’exerce au saut et au lancer de poids, il sera nommé dirigeant des sections d’athlétisme léger et de gymnastique. La création du CNO d’URSS symbolise l’ouverture du communisme dans leur représentation au sein d’institutions capitalistes et bourgeoises comme le Mouvement olympique. Ainsi, cette mise en scène internationale du conflit grâce à cette « détente olympique »400 est selon l’historien Jacques Lévesque (1987) l’opportunité d’ « ouvrir de nouvelles marges de manœuvre à l'URSS sur la scène internationale401 ». Dès lors, la doctrine soviétique au moment du dégel des relations internationales en lien avec le mouvement des indépendances en Afrique permet de poser les conditions d’émergence d’un bloc afro-soviétique au CIO.

En 1952, l’expression de « Tiers-Monde » est créée par le démographe Alfred Sauvy en tant que catégorie politique402 pour nommer « ces pays sous-développés » sous le sceau du progrès et du développement occidental puisque issus le plus souvent des anciennes colonies des empires européens. La question primordiale n’est pas de savoir sur quel camp s’aligner, mais quelle va être, à l’égard de ces pays, l’attitude des Etats-Unis et de l’Union soviétique403. En effet, cette immixtion des intérêts soviétiques inquiète les grandes puissances coloniales concurrentes comme la France et la Grande-Bretagne alors que le mouvement des

400 Ibid.

401 Lévesque Jacques, L'URSS et sa politique internationale de Lénine à Gorbatchev, Paris, Armand Colin, 1987, p.162.

402 Szczepanski-Huillery Maxime, « L’idéologie tiers-mondiste », Constructions et usages d’une catégorie intellectuelle en « crise », dans Raisons politiques, 18, vol. 2005-2, pp.27-48.

403 Wallerstein Immanuel, « C’était quoi, le tiers-monde ? », Paris, Le Monde diplomatique, août 2000, p.18-19.

indépendances est à peine enclenché404. Par exemple, l’élection des Soviétiques au CIO est contestée par certains membres conservateurs comme le Français Armand Massard. Pour lui, la candidature du membre russe a été à l'initiative du membre britannique Lord Luke405, et il craint l’influence soviétique au CIO :

« Cooptés respectivement à Vienne en 1951 et à Oslo en 1952, les Soviétiques Constantin Andrianov et Alexjev Romanov n’ont de cesse, sans jamais y parvenir, de prendre le contrôle du CIO et de sa Commission Exécutive (CE), à tout le moins d’en influencer les décisions. Pour cela, ils jouent de la rivalité entre le CIO issus des nations du Sud nouvellement constituées en Etats ou désireuses de s’émanciper des Etats-Unis. La « fraternité socialiste » se greffe ici sur le pacifisme olympique »406.

Les positions dominantes des blocs anglo-saxons et francophones se sentent alors menacées par l’utilisation politique que peut offrir le Mouvement olympique aux pays en voie de décolonisation. Ces nations sont susceptibles d’utiliser l’influence soviétique. En effet dès le début des années 1950, certaines colonies de l’Empire britannique407 accèdent à l’indépendance alors que s’engagent des contestations politiques dans les colonies de l’Empire français408. Le Marquis d’Exeter membre britannique influent du CIO souligne la précocité de la décolonisation britannique, qui est aussitôt exposée à la session du CIO à Copenhague les 15 au 17 mai 1950 :

« Colonies britanniques : Au sujet de la reconnaissance des CNO dans les colonies britanniques, il est décidé sur la proposition de Lord Burghley de les reconnaître si les conditions olympiques sont remplies et si ces pays respectifs ont un gouvernement constitué. Il est entendu que cela n’implique pas nécessairement l’admission de nouveaux membres de ces pays au sein du CIO »409.

Ainsi, le 5 janvier 1951, en parallèle à l’élection du CNO soviétique et à la

Ainsi, le 5 janvier 1951, en parallèle à l’élection du CNO soviétique et à la