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3 Une première version de cet article a été soumise à la Revue Santé mentale au Québec et doit être resoumise

Bien plus qu’un logement, qu’une maison, qu’un abri : un Chez-soi pour

les personnes itinérantes présentant un problème de santé mentale

Samira Dahi*, Monique Carrière**, Michèle Clément***, Henri Dorvil**** * Candidate au doctorat en Santé communautaire, Université Laval

** Ph.D., Université Laval

*** Ph.D., CSSS Vieille-Capitale, centre affilié universitaire **** Ph.D., Université du Québec à Montréal

Résumé : Cet article présente une réflexion sur la problématique de l’habitation à laquelle

font face les personnes itinérantes présentant un problème de santé mentale. En nous inspirant de l’approche complexe, nous discutons le concept du Chez-soi. Nous démontrons que, si l’on attribue une relation uniquement causale entre la maladie mentale et l’itinérance, nous risquons, d’une part, de mettre en place des programmes d’interventions peu efficaces, et d’autre part, de perdre de vue toute la richesse de ce que représente la notion du Chez-soi.

Mots clés : Chez-soi, habitation, itinérance, maladie mentale.

Abstract: In this paper we address the challenge of housing homeless individuals suffering

from mental illness. Specifically, we explore the Chez-soi concept and rely on the complex approach. We contend that closely associating mental illness with the risk of homelessness may not only lead to ineffective interventions, but to detracting from the meaningfulness of having a home.

Introduction

Cet article soumet une réflexion sur la question de l’habitation chez les personnes itinérantes présentant un problème de santé mentale. Il est proposé de dépasser le lieu physique du logement pour voir au-delà de ses murs et comprendre autrement l’espace d’habitation. Dans cette perspective, le concept du Chez-soi est présenté à la lumière de l’approche complexe.

Dans une première partie, nous soulignons comment la désinstitutionalisation, la maladie mentale et les risques d’itinérance sont souvent liés. Puis, nous abordons la complexité de la problématique de l’habitation pour les personnes itinérantes présentant un problème de santé mentale en explorant les différents concepts habitation, domicile, Chez-soi. Ensuite, nous démontrons les limites d’une compréhension trop simpliste du phénomène de l’itinérance et de la maladie mentale et à quel point ces limites sont susceptibles d’entrainer des espaces d’exclusion. Enfin, nous montrons le potentiel du concept du Chez-soi dans le champ de l’intervention quant aux dimensions relatives à l’intégration de la personne itinérante présentant un problème de santé mentale.

Soulignons qu'afin d'alléger le texte l’acronyme PISM sera utilisé pour désigner la (aux) personne (s) itinérante (s) présentant un problème de santé mentale.

Itinérance et problème de santé mentale : phénomènes distincts

mais quelques fois liés

Contrairement à l’idée très répandue selon laquelle la désinstitutionalisation psychiatrique a contribué au phénomène de l’itinérance (L'association canadienne pour la santé mentale, 2003; Réseau d'Aide aux Personnes Seules et Itinérantes de Montréal, 2003), des études démontrent que l’itinérance et le problème de santé mentale sont des problèmes complexes, ne pouvant pas être réduits au phénomène de la désinstitutionalisation. En fait, l’itinérance découle de multiples ruptures, notamment le manque d’accès à l’emploi, la perte du logement, l’extrême pauvreté, la détérioration des conditions de vie, matérielles et environnementales (Castel, 1995; H. Dorvil, 1988; Roy, 1995). Le problème de santé

mentale est l’un des drames pouvant éventuellement conduire à l’itinérance mais l’inverse est aussi possible, le problème de santé mentale pouvant aussi se développer en raison de la vie itinérante.

Malgré toutes les difficultés qu’on lui reconnaît, la désinstitutionalisation a rendu possible l’émancipation des individus de la tutelle asilaire. Lesage et collègues (1999, 32) rappellent que certaines études réalisées aux États-Unis et en Grande-Bretagne ont démontré que le processus de désinstitutionalisation était bénéfique pour les personnes puisque la majorité d'entre-elles vivent désormais dans des ressources résidentielles sans ou avec le soutien minimal des services psychiatriques (Lesage et al, 1999, 11).

Si nous abordons le thème du « Chez-soi pour les personnes itinérantes présentant un problème de santé mentale (PISM)» c’est en raison de son lien historique avec l’exclusion. Lorsqu’on reconstitue l’histoire de la folie, on constate qu’on retrace également l’histoire de la pauvreté et d’autres inconvenances sociales (Braudel, 1962, 771) : les pauvres, les fous, les alcooliques, les indigents et les autres personnes différentes s'entrecroisent toujours d’une manière ou d’une autre pour se situer dans des espaces réservés aux déviants.

Ainsi, même si le logement est reconnu comme un déterminant important de la santé des populations (OMS, 1986) et comme un droit fondamental dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme (ONU, 1948, art. 25), ce droit, pour certains groupes de personnes ne va pas toujours de soi ou ne s’actualise pas dans les faits. Par exemple, les réfugiés politiques, les immigrants illégaux, les personnes itinérantes et un certain groupe de personnes présentant un problème de santé mentale ne trouvent pas facilement de logement convenable. Pour ces derniers, ce n’est qu’à partir des années soixante que le logement est reconnu comme une réponse à leurs besoins. Dans le contexte de la désinstitutionalisation psychiatrique, il est proposé de loger les personnes dans des conditions plus humaines que celles de l’asile (Mercier, 2002, 19). Pour cela, le développement de pavillons, de résidences d’accueil, de foyers de transition, de foyers de groupe, d’appartements supervisés, de logements sociaux et autres est préconisé (Brière, Chenard, Dorvil et Morin, 2000, 18).

La politique de désinstitutionalisations a eu des conséquences imprévues. Les personnes ne sont pas que désinstitutionnalisées, elles sont aussi transinstitutionnalisées4. En réalité, dans la plupart des services résidentiels5 les mêmes attitudes et les mêmes routines que dans les hôpitaux psychiatriques sont reproduites, notamment à l’égard de l’hygiène, des repas et des activités de groupe établies dans un horaire régulier (Mercier, 2002, 20). Ce sont des phénomènes qui reflètent notre méconnaissance et notre impuissance devant le défi de concevoir des interventions en faveur d’une société plus inclusive. À cet effet, les réformistes italiens soulignent que le projet de la désinstitutionalisation passe nécessairement par la reconstruction d’une complexité que l’hôpital avait essayé de simplifier (Rotelli, 2000 , 3). C’est essentiellement cette simplification de la question qui est au cœur de la problématique, à savoir la manière dont nous lions très étroitement l’habitat et le problème de la santé mentale. Autrement dit, placer le problème de la santé mentale au sommet du risque de l’itinérance rend légitime les interventions en santé mentale dans l’espace d’habitation, mais cela risque de priver la personne de la richesse de ce que l’on a appelé habiter et vivre dans un Chez-soi en étant libre de le faire à sa manière.

Des réalités complexes

L’approche complexe permet de comprendre les phénomènes de l’itinérance, du Chez-soi et de la maladie mentale en tant que réalités distinctes qui se croisent dans une situation d’ensemble et qui doivent être situées dans leur contexte.

Tout d’abord, précisons ce que nous entendons par «complexe». Généralement, l’adjectif « complexe » nous renvoie à quelque chose de «difficile à saisir » et est vu comme un synonyme de « compliqué ». Cependant, ces deux notions sont différentes (Ardoino, 1998; Morin & Le Moigne, 1999). Le «compliqué » suppose une possible simplification, il peut être décomposé en éléments simples et recomposé tout en gardant intacte son homogénéité alors que la « complexité » signifie en latin «tissé ensemble ». Une problématique

4 « T ransinstitutionnalisation » c’est la manière de traiter les personnes présentant un problème de santé mentale comme un objet que l’on déplace (Morin P., 2008, 16). En utilisant le mot transinstitutionnalisées, nous parlons des personnes présentant un problème de santé mentale qui ont continué à être soumises à la logique asilaire en dehors de l’asile.

5 Nous désignons par le terme « services résidentiels » les ressources résidentielles qui s’adressent à des groupes spécifiques telles que personnes itinérantes, personnes présentant un problème de santé mentale et autres. Ces ressources résidentielles peuvent prendre différentes formes comme familles d'accueil, appartements supervisés, appartements transitoires, pensions et autres.

complexe ne peut pas être saisie sans admettre les postulats d’hétérogénéité qui lui sont constitutives (Ardoino, 1998, 6). Pour illustrer la complexité, Edgar Morin (1990, p.114) nous renvoie à l'image de la tapisserie. La tapisserie comporte l’entrelacement de différents fils, de différentes matières et couleurs. Les fils de la tapisserie se croisent, se nouent, s’entrelacent d’une manière organisée, en fonction d’une unité. Défaire la tapisserie, point par point, fil par fil, ne favorise pas sa compréhension. La première leçon de l’approche complexe est donc de montrer l’inadéquation d’isoler un problème au sein d’un processus qui le détermine. Il y a toujours un processus dynamique entre le tout et les parties qui s’influencent et se constituent mutuellement (Morin, E., 1990, 101). Le système porte un ensemble de plusieurs éléments qui peuvent être contradictoires, concurrents, mais qui sont présents dans une inhérente complémentarité (Barbier, 2006).

Dans le domaine de l’intervention, la question de l’habitation ou du Chez-soi se pose selon la manière de définir la problématique – complexe ou compliquée. Ainsi, si nous pensons qu’avoir un Chez-soi, pour les PISM, est une problématique «compliquée», nous tenterons d’identifier les éléments structurels limitant l’accès à un Chez-soi et interviendrons de manière à éliminer ces barrières. Nous pouvons partir de l’à priori, par exemple, que l’amélioration de l’un ou de l’autre des aspects de la vie de la personne ou de son lieu d’habitation soit une condition nécessaire pour lui assurer un Chez-soi. Dans ce cas, la personne est perçue comme un « objet »; et par le fait même devient un problème à solutionner.

Par contre, si nous admettons qu’avoir un Chez-soi est de l’ordre du «complexe», nous pouvons aborder différemment la problématique et ouvrir une nouvelle voie pour aider les PISM à se constituer un Chez-soi. Ainsi, au lieu de se demander : « Quelles sont les structures dont nous avons besoin pour loger les itinérants présentant un problème de santé mentale? », on se demande : « Comment pouvons-nous mettre à profit les structures et les relations existantes pour la construction d’un Chez-soi avec les personnes itinérantes? » Ou encore, « Comment pouvons-nous aider les institutions sociales à rompre le circuit de l’exclusion sociale vécue par les PISM?». Dans cette dernière perspective, l’élément soi constitue l’à priori structurant du Chez-soi, cela veut dire qu’il fait partie de sa constitution. Nous pouvons aller plus loin et avancer que, dans un même mouvement, le

Chez-soi est construit par le soi et qu’il construit le soi. Autrement dit, la PISM est actrice et productrice de son histoire et, ainsi conçue, elle est une des structures existantes pour mettre à profit une pensée et une action stratégique pour la constitution du Chez-soi.

Cela dit, ce que nous proposons c'est d’opérer une réorganisation critique de la notion du Chez-soi à la lumière de la complexité afin de pouvoir envisager d’autres pistes d’intervention orientées vers la constitution d'un Chez-soi.

Avoir un domicile, habiter, vivre dans un Chez-soi

La notion du Chez-soi rend possible l’examen de la richesse sous-jacente de la relation entre l’homme et sa demeure. D’ailleurs, les auteures Laberge et Roy (2001, p.122) voient dans le concept de domiciliation la manière d’attirer notre attention sur la complexité du lieu d’habitation. Selon elles, le cas des personnes sans domicile fixe est souvent pensé en termes d’accès ou non à une structure d’habitation. Toutes les autres dimensions, pourtant si importantes sont sous-estimées. Elles précisent que l’accès à l’espace public passe par l’accès à la domiciliation. Autrement dit, la domiciliation est une condition d’accès aux lieux de circulation, de repos, de consommation et de loisirs. Elles considèrent qu’une politique de lutte contre l’exclusion devrait reconnaître les conditions nécessaires à l’exercice de la citoyenneté. En fait, la domiciliation occupe un rôle important et se définit comme étant:

…l’accès et l’usage continu, sécuritaire, intime, exclusif et souverain d’un espace (privé) de vie privée. Cet espace constitue le lieu de référence à la fois concret et symbolique pour l’individu qui y réside et pour ceux avec qui il est en interaction. (Laberge & Roy, 2001, 122)

La domiciliation a l’avantage de nous ramener à la notion des droits, notamment au droit d’usage des territoires publics et privés. Utilisé par les organismes officiels, le domicile s’inscrit dans le champ de la légalité. Le domicile est un signe de stabilité et d’intégration de l’habitant dans la société. Le manque d’accès à un domicile peut entraîner ce que Castel (1995, p.15) appelle la « désaffiliation », c’est-à-dire, une série de décrochages parfois même légitimés par les instances qui détiennent le pouvoir légal d’affilier. L’expression

«sans domicile fixe», qui appartient à l’origine à une terminologie administrative, a évolué vers l’abréviation SDF, aujourd’hui d’usage commun en France et qui véhicule la notion de cette perte d’espace de vie privé (Serfaty-Garzon, 2003a, 64) et de place dans la société. Saraceno (2001, p.114) suggère que nous fassions une distinction conceptuelle entre la condition d’être dans un espace et la condition d’habiter cet espace. Pour cet auteur, les personnes circulent dans de multiples lieux. En effet, l’être humain utilise maints espaces pour y réaliser des activités variées : on dort, on s’amuse et on travaille dans plusieurs espaces, en présence de personnes différentes et selon diverses règles. Dans la condition d’être dans un espace, l’individu a peu ou pas d’éléments matériels et affectifs dans cet espace. Il n’a presque pas de pouvoir matériel ou symbolique de décision. Effectivement, on peut être logé dans une maison sans être dans un Chez-soi. Selon Saraceno (2001, p.114), la qualité des personnes et leur capacité contractuelle sont représentées par la transformation de l’état d’être dans un espace en celui d’habiter un espace.

Cette formulation d’ « habiter » de Saraceno (2001, p.114) peut aussi être retracée chez Heidegger (1958). Pour Heidegger (1958, p.173), l’habitat apparaît comme le propre de l’homme. D’après cet auteur, habiter c’est être au sens d’exister et c’est aussi bâtir. Ainsi, exister, bâtir et habiter sont indissociables et ne peuvent être considérées comme des actions distinctes. C'est quand nous pouvons habiter que nous pouvons bâtir (Heidegger, 1958, 191), « Bâtir est déjà, de lui-même, habiter » (Heidegger, 1958, 171). La notion d’habitat nous amène donc à représenter cet espace comme un espace dynamique de l’existence sociale et individuelle de l’habitant. Comme le dit Boucher (2010, p.30), l’habitat se construit selon certains repères tels que l’âge, le groupe social, les conditions économiques et autres. En plus d’être un lieu d’ancrage personnel, il est aussi un lieu d’ancrage social et institutionnel. D’après Saraceno (2001, p.119), l’habiter fait référence «à plusieurs espaces de vie », non pas juste à l’espace « logement », « abri », «maison». Le fait d’habiter est associé au processus d’appropriation de l’espace. Cela implique la possibilité d’établir des contrats matériels et symboliques dans cet espace. Autrement dit, le pouvoir de décider de le transformer et de l’utiliser à sa manière. C’est Chez-soi que s’actualise la possibilité de développer le pouvoir d’agir et celui d’habiter. C’est là où nous

apprenons à avoir le plaisir de gagner ou le déplaisir de perdre des espaces. L’habitat est un lieu rempli de possibilités, mais non dépourvu de risques (Boucher, 2010, 30).

L’interaction humaine, à laquelle le concept de Chez-soi doit essentiellement s'intéresser, apparaît ainsi comme une dimension importante dans l’opération d’habiter. Comme le fait remarquer Anthony Giddens (1984, p.31), l’action et l’interaction des personnes jouent un rôle dans la construction des espaces au fil des jours et du temps. Il ne suffit pas de considérer le Chez-soi comme un simple abri, c'est-à-dire comme un élément important pour la survie, mais surtout comme un lieu où l’action et l’interaction humaines peuvent se développer d’une manière personnelle.

Ceci dit, nous espérons démontrer que le concept du Chez-soi est de l’ordre du complexe. Selon notre point de vue, le Chez-soi englobe d’autres dimensions et niveaux d’interaction qui peuvent enrichir notre compréhension sur la place que le Chez-soi occupe dans la vie des personnes.

Le Chez-soi exprime d’une manière singulière notre relation avec la demeure. Cette singularité se manifeste lorsque nous essayons de la préciser dans d’autres langues (Villela- Petit, 1989, 127). Par exemple, en portugais, bien que les termes – casa ou lar - puissent avoir des points en commun avec l’expression Chez-soi, il faut reconnaître qu’ils ne signifient pas la même chose. Dans le cas des langues latines, nous utilisons le pronom possessif – ‘ma’ maison, ‘ta’ maison - pour spécifier la relation de la maison à celui qui l’habite (Villela-Petit, 1989, 127). En portugais on dirait minha casa ou, meu lar, ou encore tout simplement, em casa pour nous approcher de ce qui concerne le Chez-soi. D’ailleurs, en français, la préposition chez vient du latin casa, ce qui signifie maison. Osons faire un jeu sémantique. Prenons les mots chez et soi. Tandis que le mot chez exprime à l’intérieur de et nous signale l’existence d’un habitat, le pronom personnel soi nous mène à la dimension personnelle et subjective d’habiter (Serfaty-Garzon, 2003b, 8). Ainsi, les mots chez et soi, analysés séparément, présentent un type de qualité différente de ce qui se produit lorsqu’ils sont ensemble. Le chez et le soi ensemble forment le Chez-soi lequel évoque un autre sens, apporte de nouvelles qualités et présente, par ailleurs, une forte charge affective et symbolique. Ce mariage des mots illustre bien la définition de la pensée

complexe selon laquelle le tout est plus que la somme des parties, puisqu’un élément d’un système, vu indépendamment du système, présente un type de qualité, mais, quand ce même élément est vu à l’intérieur du système, il en présente de nouvelles (Fortin, 2005; E. Morin, 1998). Revenons au jeu sémantique. La préposition chez peut se compléter avec le nom propre de la personne, par exemple, Marie. Alors, les deux ensembles deviennent chez Marie. La préposition chez peut aussi se compléter avec un pronom personnel – moi, toi, nous – et alors, ils deviennent chez (-) moi, chez (-) toi, chez (-) nous (Villela-Petit, 1989, 128). En disant chez Marie, on laisse entendre que Marie occupe un lieu qui lui est propre : le chez Marie appartient à Marie, Marie est maître chez elle6. Le chez Marie révèle le monde auquel Marie appartient; le Chez-soi révèle le monde auquel nous appartenons. Or, la question du Chez-soi n’est pas indépendante du qui je suis? (Villela-Petit, 1989, 133). Le Chez-soi montre notre identité par l’entremise des objets témoins des moments de notre vie. Notre existence et notre histoire sont associées aux souvenirs, aux couleurs, aux odeurs, aux objets, aux habitudes. Tout cela tisse le Chez-soi.

Si, d’une part, le Chez-soi révèle notre identité, d’autre part, notre identité se constitue chez-nous. La théorie des systèmes soutient l’idée que la société et les individus s’entreproduisent et se constituent mutuellement (Giddens, 1984; E. Morin, 2008). Le Chez-soi et l’individu se constituent mutuellement, ce qui rend questionnable les arguments en faveur d’un apprentissage préalable afin d’accéder à un Chez-soi7. Bien entendu, il n’y a pas un Chez-soi à apprendre : le Chez-soi se constitue en l’habitant.

La dynamique de construction d’un Chez-soi n’est pas toujours simple. Certaines traces identitaires peuvent rendre laborieuse sa constitution. Par exemple, quand on dit chez les personnes itinérantes présentant un problème de santé mentale, on révèle que la personne concernée appartient à un groupe de personnes pauvres, sans domicile et présentant un

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