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1. Analyse diachronique et synchronique de l’acrosport

1.2. Analyse synchronique de l’acrosport

1.2.3. Les pratiques de spectacle

Si le patinage, la danse ou bien le cheerleading peuvent aussi être présentés à l’occasion de spectacles, de galas, il existe d’autres pratiques d’acrobaties collectives, qui se consacrent exclusivement au spectacle, comme par exemple le cirque, le folklore et les démonstrations de pompiers. D’autre part, divers spectacles (par exemple les « sons et lumières », les cérémonies d’ouverture des jeux olympiques, les fêtes de villages, les comédies musicales, les spectacles de divertissement à la télévision) intègrent ponctuellement des pyramides pour émouvoir les spectateurs.

Le cirque se rapproche de l’acrosport par ses numéros de mains à mains et par la réalisation de figures acrobatiques utilisant du matériel très diversifié. Cette activité est devenue très populaire. D’après une étude du ministère de la culture de 1992, nous sommes 87 % à avoir vu au moins une fois un spectacle de cirque, le plus souvent en famille. Douze millions de spectateurs se sont bousculés aux spectacles de cirque, en l’an 2000 (Mandel, 2001). Le mains à mains consiste à enchaîner à deux plusieurs porters en gardant toujours les mains en contact avec son partenaire. Si certaines figures sont très proches de l’acrosport, les acrobates évoluent sur un espace réduit, parfois même sur une petite table et ne réalisent pas d’éléments individuels de liaison. Il s’agit, par un travail lent, de mettre en évidence la force, la puissance ou la beauté plastique pour impressionner le public. Dans d’autres numéros, des figures acrobatiques et collectives rappellent aussi l’acrosport, mais il y a très souvent utilisation de matériel divers (planche, bascule, trapèze, trampoline, vélo, assiette, balle…). Dans le cirque chinois, les acrobates utilisent des engins de la vie de tous les jours (plat, bol, jarres, table, chaise, tabouret, échelle) (Zhengbao, 1982). L’acrobatie est un art populaire, puisant ses sources dans la vie quotidienne. Le cirque et l’acrosport possèdent donc en commun la réalisation d’acrobaties collectives, mais celles-ci sont beaucoup plus diversifiées dans le cirque (choix du nombre d’acrobates, du temps, de l’espace, de la musique, du matériel, des effets scéniques, des costumes…) dans le but d’émouvoir et de plaire aux spectateurs. Le cirque est avant tout une activité d’expression, de communication. L’expression peut d’ailleurs utiliser d’autres canaux comme la prouesse, l’exploit physique, l’esthétisme, la synchronisation, la parodie, le rire, le danger. L’aspect artistique est largement développé, en proposant des numéros créatifs et originaux. De plus en plus, la recherche esthétique ou poétique proche de l’expression théâtrale, la danse contemporaine, l’imagination et la créativité imprègnent les

cirques modernes (le cirque du soleil, le cirque Plume), par opposition aux cirques traditionnels. Certains parlent d’un nouveau cirque, un cirque d’art, où la création domine. Il faut sans cesse inventer de nouveaux spectacles en s’imprégnant de cultures différentes. A l’inverse, lors des compétitions d’acrosport, l’exercice est soumis à des règles très strictes et universelles (code FIG). Le but premier est de gagner, d’obtenir la meilleure note possible et non de plaire aux spectateurs. C’est la virtuosité, l’exploit technique qui est recherché.

Les acrobaties proches de l’acrosport sont également présentes dans le folklore. C’est en Espagne, dans la région catalane, que la réalisation de pyramides humaines sans matériel perdure. Ce pays, qui a connu de nombreuses invasions, a réussi à conserver sa propre identité. Les catalans sont très attachés à leurs traditions, en particulier aux « castellers ». Les castellers sont âgés de 5 à 86 ans et réalisent des « castells », c’est-à-dire des châteaux humains, des tours de Babel humaines ou encore des citadelles de vertige qui approchent parfois la vingtaine de mètres de hauteur (environ six ou sept niveaux d’hommes). Pour le public, l’effet est garanti. La foule cesse de respirer en voyant les jambes des castellers trembler sous le poids de leurs compagnons et frémit encore quand la pyramide menace de s’écrouler. Diverses structures de pyramides sont répertoriées. Le pilier (colonne formée à la base par une personne) peut être aussi de deux, trois, quatre, cinq, six, sept ou huit personnes : il peut marcher, tourner. Le nom de la pyramide s’obtient après avoir compté le nombre de castellers à chaque étage, puis le nombre d’étages constituant la pyramide. Les castellers de différentes villes se réunissent pour participer à des compétitions et être classés. Pour la première fois en France, 1200 castellers venus de Catalogne et des Pyrénées orientales se sont réunis à Perpignan le 27 Mai 2000, où existe d’ailleurs la seule formation française qui a repris

cette très ancienne tradition catalane. Dans différentes villes de France, les catalans viennent faire des démonstrations, le plus souvent lors de fêtes de villes ou villages, de carnavals.

Dans d’autres pays, notamment en Afrique, certaines danses traditionnelles laissent apparaître également des figures acrobatiques, comme la danse du serpent pratiquée par la tribu Simbo de Côte d’Ivoire (De Wachter et Carlier, 1997). Ainsi, certaines troupes de cirque africaines (les « Kenyan Black Wizzar ») auraient repris ces coutumes pour construire leurs numéros. Le circus Baobab de Guinée (Mandel, 2001) est aussi un exemple. Les troupes d’acrobates sont choisis parmi les enfants de rue de Conakry pour présenter des numéros de cirque, par exemple à Paris lors du Festival Circafrica en 2001. De même, au Maroc, des enfants circulent de village en village et dans les villes pour proposer des démonstrations de pyramides humaines.

Les sections spéciales de moniteurs de gymnastique des Sapeurs-Pompiers de Paris réalisent également des acrobaties collectives, parfois très proches de l’acrosport. Dès 1919, les meilleurs spécialistes du régiment sont réunis à la caserne de Montmartre. Cette équipe spéciale des moniteurs de gymnastique du régiment du sport de Paris connaît une renommée croissante, en France ou à l’étranger. Les pompiers proposent des démonstrations lors de journées « portes ouvertes », lors des fêtes des « nuits du feu » ou encore lors de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de 1992, à Albertville (Demory, 2001). Ils participent à des championnats, en France et même à l’étranger. Les pyramides humaines sont réalisées sans ou avec matériel (barres parallèles, échelles…). Il s’agit d’impressionner le public (utilisation de musique, de jets d’eau, participation des spectateurs). Notons que policiers produisent également des pyramides à moto.

Finalement, nous découvrons une multiplicité de pratiques sociales tissant des liens avec l’acrosport de par la réalisation de figures acrobatiques collectives : des pratiques sportives, gymniques ou autres et des pratiques spectaculaires. D’ailleurs, Criley (1984) conseille de travailler en parallèle avec l’acrosport la gymnastique, la danse ou le cheerleading. Cela montre la complémentarité de ces pratiques. Certaines de ces activités sont très populaires comme le cirque, d’autres sont presque inconnues en France comme le cheerleading, le folklore catalan ou la gymnastique générale. Nous pouvons alors nous demander si les enseignants d’EPS s’inspirent de ces activités pour enseigner l’acrosport. Si oui, lesquelles ? Comment les professeurs choisissent-ils ces activités ? Quelles sont donc les relations entre les pratiques scolaires et les pratiques sociales ? Les enseignants s’appuient-ils sur d’autres éléments que les pratiques sociales pour construire les pratiques scolaires ? Le retour sur notre propre expérience a montré que nous avons utilisé des documents, les idées propres aux enseignants ou bien encore celles des élèves. Il s’agit donc de repérer les démarches des enseignants pour concevoir les contenus et caractériser les pratiques scolaires. Ces questions nous semblent fondamentales à poser en didactique. En effet, il « n’est pas possible de parler de didactique sans l’exercice de ce qu’on peut appeler une « responsabilité par rapport au contenu » de la discipline » (Martinand, 1987, p. 24).