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1. Analyse diachronique et synchronique de l’acrosport

1.1. Analyse diachronique de l’acrosport

1.1.3. La pratique fédérale actuelle

L’acrosport est une activité sportive codifiée et universelle, qui regroupe environ mille licenciés en France (1115 licenciés exactement en 2002), alors qu’il y en a plus de 100000 en gymnastique. La pratique fédérale de l’acrosport reste donc intimiste. Cependant, elle semble se développer progressivement (795 licenciés en 1998).

• Des pyramides ou éléments collectifs. Ceux-ci peuvent être statiques, c’est-à-dire qu’il y a un contact permanent entre les partenaires, ou dynamiques (avec une phase d’envol) ;

• Des éléments individuels (éléments de souplesse, d’acrobaties, d’équilibre, sauts chorégraphiques, séries acrobatiques au sol), qui peuvent être statiques ou dynamiques ;

• De la chorégraphie pour lier les éléments entre eux.

Cinq formations sont possibles : duo féminin, duo mixte, duo masculin, trio féminin et quatuor masculin. Les enchaînements, d’une durée maximale de 2 minutes 30 secondes, sont réalisés en musique sur un praticable de 12 mètres sur 12 (comme en gymnastique au sol).

Chaque formation présente trois mouvements :

• Un mouvement statique avec des pyramides statiques et des éléments individuels statiques ;

• Un mouvement dynamique avec des pyramides dynamiques (lancers, rattrapers) et des éléments individuels dynamiques ;

• Un mouvement combiné avec des éléments collectifs statiques et dynamiques et des éléments individuels statiques et dynamiques.

Le code de pointage international d’acrosport (règlement) constitue un outil de référence à la fois pour les gymnastes, les entraîneurs, les juges et les spectateurs. L’analyse du règlement permet de remonter à « la logique interne » de l’activité, c’est-à-dire « le projet constant suscité par le système de règles qui gouverne les conduites des pratiquants de haut niveau » (Boda & Recopé, 1991, p. 58). Ajoutons que ce système de règles ne gouverne pas

exclusivement les conduites des pratiquants de haut niveau, mais les conduites de tous les pratiquants, qu’ils soient de niveau débutant, débrouillé ou confirmé. Ces auteurs ajoutent : « Une cohérence organise l’ensemble du règlement de l’APS, partout présente, mais rarement explicitée, elle fonde la logique interne ». Il convient donc d’expliciter la logique interne de l’acrosport, en étudiant le règlement. Deleplace (1983) propose de distinguer dans le règlement les règles constitutives ou noyau central de règles et les règles secondaires, qui n’influencent pas la logique interne de l’APS (par exemple la tenue des gymnastes, l’organisation du jury). Nous nous intéressons ici uniquement aux règles constitutives. Nous pouvons différencier :

• Les règles d’organisation de la victoire, qui précisent ce qu’il faut faire pour marquer le plus de points possibles. Ces dernières correspondent en EPS aux critères de l’évaluation « sommative » (Allal, Cardinet & Perrenoud, 1979 ; Maccario, 1985) ;

• les règles d’organisation de l’activité, qui précisent dans quelles conditions les gymnastes doivent produire leur enchaînement (par exemple le nombre de gymnastes par groupe, la durée de l’enchaînement, l’espace de pratique, l’utilisation de la musique, de matériel).

Les règles d’organisation de la victoire permettent de faire émerger la logique interne de l’acrosport. Deux règles constituent depuis toujours des permanences : ce sont les exigences de difficulté et les exigences d’exécution. Depuis 2001, une nouvelle règle vient enrichir le code : il s’agit des exigences artistiques. Trois exigences structurent donc l’activité (Charlier, Robin, Berthelot, Mauriceau & Musard, sous presse) :

• Les exigences de difficulté (environ 25 % de la note). Plus les difficultés relatives aux éléments collectifs et individuels sont importantes, plus la note de difficulté augmente. De fait, cette exigence propre aux activités acrobatiques met en jeu l’intégrité physique

(ça peut faire mal) et psychique (ça peut faire peur) des gymnastes. Ceux-ci sont tenus de « prendre des risques ». Si elle n'existait pas, alors l'acrosport ressemblerait davantage à une chorégraphie proche de la danse, avec ou sans engins.

• Les exigences d’exécution (environ 50 % de la note). Plus il y a d’erreurs techniques (faute de tenue du corps, déséquilibres, chutes …), plus la note d’exécution diminue. Ainsi, les gymnastes sont tenus de maîtriser les risques pris, de réaliser l’enchaînement avec facilité, aisance et grâce. Si elle n'existait pas, alors l'acrosport serait une discipline dans laquelle on verrait une grande quantité d’éléments majoritairement réalisés sous des formes « anti-techniques » et aboutissant à une pratique dangereuse. On pourrait alors parler de surenchère acrobatique.

• Les exigences artistiques (environ 25 % de la note) se rapportent à la composition de l’enchaînement, à la chorégraphie et à l’interprétation musicale, à la présentation et à l’allure générale de l’enchaînement et enfin à l’originalité et à la créativité. Le terme « artistique » est donc ici pris dans un sens large : il s’agit de « produire une émotion, un sentiment de beau » (Loquet, 2000, p. 25). Cette règle encourage une plus grande variété des productions. Elle a donc pour vocation de « spectaculariser » et de médiatiser l’acrosport.

Les deux premières exigences dominent l’activité et font apparaître une contradiction essentielle : il s’agit de prendre des risques et de les maîtriser. L’acrosport est donc une activité acrobatique. Le sens donné à l’acrobatie par Pozzo et Studeny (« les rotations aériennes du corps », 1987, p. 19) mérite d’être élargi, car « l’acrosport ne vise pas les rotations aériennes du corps comme finalité unique » (Froissart, 1997, p. 10). Dès 1977, Strehly regrette déjà une conception réductrice de l’acrobatie. Il rappelle que le mot acrobate signifie étymologiquement

« celui qui marche sur la pointe des pieds » : « En tout cas, c’est à tort que certaines personnes l’interprètent par celui qui marche en l’air » (p. 138). Dans la même orientation, Carlier (1997) indique qu’on ne peut exclure les exercices de mains à mains, statiques, de la définition de l’acrobatie. Goirand (1998b, p. 82) précise en quoi consiste la prise de risque dans le cas de la gymnastique : « c’est entrer dans des situations plus aériennes, plus tournées, plus manuelles, plus renversées ». Mais cette définition nécessite une adaptation pour ce qui concerne l’acrosport. En effet, les positions instables (voltigeur sur un bras ou sur les pieds du porteur...) ou la hauteur caractérisent également l’acrobatie dans les figures statiques d’acrosport. La troisième règle principale révèle que la dimension artistique est présente en acrosport. L’acrosport peut donc être caractérisé comme une activité acrobatique et artistique. La dimension acrobatique, qui consiste à prendre des risques et à les maîtriser, apparaît fondamentale en acrosport, puisqu’elle compte pour 75 % de la note environ. La démarche artistique est donc au service du projet acrobatique. Ainsi, les gymnastes sont tenus de prendre des risques (exigences de difficulté), de maîtriser ces derniers (exigences d’exécution) et de présenter un enchaînement artistique (exigences artistiques). La logique interne de l’acrosport apparaît alors proche de celle de la gymnastique, résumée par Goirand (1998b) dans le sigle ROV : risque, originalité et virtuosité.

Nous remarquons que la production d’articles à propos d’acrosport fédéral émerge depuis peu dans des revues spécialisées (Gym’Technic, Le gymnaste). Ainsi, Bardy (1999) décrit plusieurs types de porters (ATR mains au sol, ATR mains sur la porteuse, porters « en chaise » ou « en planche ») et fournit des éléments d’organisation d’un cycle d’initiation en acrosport (préparation gymnique de base, programmation des figures dynamiques à une étape

ultérieure). D’autre part, Charlier (2002) présente l’acrosport (règlement, déroulement des compétitions), les éléments incontournables de l’activité (les prises, les placements, les différents rôles) et donne des conseils relatifs à la constitution des groupes et à la logique de progression. Charlier & Mauriceau (2003) précisent à partir de l’analyse des pyramides statiques et dynamiques un certain nombre de règles d’action permettant de respecter les alignements segmentaires et proposent des pistes pour l’entraînement. De plus, elles réalisent une vidéo et un fascicule d’initiation à l’acrosport (édité par la Fédération Française de Gymnastique en 2002). Les spécialistes de l’activité, notamment les entraîneurs commencent tout juste à formaliser les pratiques. En revanche, la littérature étrangère est plus abondante sur les sports acrobatiques. Dans les années soixante-dix, quatre-vingt, plusieurs périodiques traitent exclusivement des sports acrobatiques ou de l’acrosport, par exemple les revues Acrobatics (Royaume-Uni), Acrobatics Magazine (Royaume-Uni), Acrosports (Etats-Unis) ou encore Pyramida (Slovaquie). Des ouvrages étrangers portent aussi sur les sports acrobatiques, comme celui de Coulton (1981), de Smith (1982) ou de Palmers (1992).

Enfin, quelques recherches sont produites dans le domaine scientifique à propos des sports acrobatiques. A cet effet, des colloques réunissent chercheurs, entraîneurs et cadres. Par exemple, chaque année, de 1981 à 1985, se déroule « Acrotramp » (Blois & Barrault, 1985), la semaine internationale des sports acrobatiques. Des physiologistes, des psychologues travaillent sur différents thèmes (1981 : analyse comparative entre les sports acrobatiques, 1982 : les pertes de figures, 1983 : l’angoisse en acrobatie, 1984 : les informations sensorielles, 1985 : des expérimentations). De même, l’institut de médecine du sport organise un colloque sur les sports acrobatiques à Rennes en 1992. Des articles sont publiés dans d’autres revues, comme Cinésiologie (Grapton & Barrault, 1999 ; Perrin, Vitte & Pozzo, 1991) ou Symbioses

(Biau, 1984). Hughes (2001) analyse la performance en acrosport selon les différents exercices et formations. Par ailleurs, il confirme que peu de recherches portent sur l’acrosport, car ce sport est relativement jeune.

En conclusion, nous pouvons retenir que l’acrosport constitue depuis peu un sport acrobatique à part entière, avec un règlement universel (géré par la Fédération Internationale de Gymnastique). L’analyse diachronique a mis en évidence, en fonction des époques, diverses pratiques acrobatiques collectives. L’analyse synchronique s’intéresse maintenant aux pratiques actuelles proches de l’acrosport.