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Chapitre 2 : Le rôle des entreprises dans la réussite du processus d’entrée des

1. Les pratiques de recrutement comme socialisation anticipée

1.1. Les pratiques de recrutement des entreprises comme source d'informations

1.1.1 Les étapes de la procédure de recrutement

Afin d'identifier les pratiques de recrutement les plus propices à la diffusion d'informations utiles sur le contexte d'emploi, il convient de faire un bref résumé des différentes étapes de la procédure de recrutement. Issu d'une revue de la littérature des trente dernières années, Laberon (2001) et Laberon et Bernaud (2011) rendent compte de ces différentes étapes (cf. figure 5).

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La première étape d'analyse consiste à comprendre quels sont les enjeux sous-jacents aux besoins de recruter et son origine. Elle intègre également la réalisation d'une définition de fonction ou d'un profil de poste, c'est-à-dire une description précise des caractéristiques du poste et de l'environnement de travail et organisationnel. Enfin, il est question d'apprécier l'ensemble des caractéristiques que doit posséder le candidat au regard des éléments dégagés dans la définition de fonction : qualifications, compétences, aptitudes, intérêts, etc. La phase de stratégie consiste à séduire les candidats potentiels, à identifier les sources de diffusion de l'offre d'emploi pour attirer les candidatures et à choisir les moyens et le mode de communication pour recruter (approche classique en recherchant les candidats grâce aux sources classiques, approche directe7 ou approche mixte8). La phase d'évaluation concerne le premier tri des candidatures reçues visant à sélectionner les candidats sur la base de leur lettre de motivation et de leur curriculum vitae en fonction des attentes en termes de caractéristiques des compétences requises définies précédemment. L'examen approfondi des candidatures vient compléter ce premier tri. Il peut s'agir de mener des entretiens (classique9, structuré10, situationnel11), d'effectuer des prises de références en recueillant des informations sur le passé professionnel du candidat, de mener des mises en situations ou de mettre en place des "assesment centers"12. La phase de sélection concerne le choix des candidats. Enfin, la phase de concrétisation comprend la négociation du salaire et la signature du contrat. Le dernier point consiste à intégrer le nouveau recruté à l'entreprise. Cette dernière phase est souvent négligée par les entreprises, alors qu'elle revêt un aspect tout aussi important que les qualités et les compétences de l'individu sélectionné et recruté (Laberon & Bernaud, 2011). En outre, en termes d'évolution de pensée, cette phase ne faisait pas partie initialement du recrutement dans les premières modélisations de la procédure. Les modes d'intégration mis en place dans l'entreprise seront largement abordés dans la seconde partie de ce chapitre portant sur la socialisation à l'entrée des nouveaux embauchés.

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Le recruteur rentre directement en contact avec un(e) salarié(e) pour lui proposer le poste. 8 Combinaison de l'approche classique et de l'approche directe.

9 L'entretien classique porte sur la personnalité, les motivations et objectifs de carrière et, en général, est peu structuré (Balicco, 1997).

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L'entretien structuré est " une suite de questions relatives au poste avec des réponses prédéterminées, qui sont appliquées sans exception dans tous les entretiens pour un poste en particulier" (Campion, Pursell, & Brown, 1988).

11 L'entretien situationnel a pour objectif de "mettre le sujet en face de situations spécifiques et représentatives

du poste en question" et de "déterminer comment un sujet répondrait à une situation dans le futur" (Balicco, 1997, p. 77).

12 Les assesment centers représentent une méthode recourant à "des mises en situations professionnelles

(individuelles et/ou collectives) et à des tests papier-crayon qui sont choisis en fonction du poste à pourvoir" (Borteyrou, 2011, p. 247).

72 Figure 5 : Modèle général classique de la procédure de recrutement d'après Laberon (2001) et Laberon et Bernaud (2011).

ANALYSE Analyse de la demande du besoin Définition de fonction / profil de poste

Choix des prédicteurs / profil du candidat idéal

STRATEGIE Approche "Recruitment" Identification des ressources Identification des moyens Campagne de recrutement

EVALUATION Premier tri

Examen approfondi

SELECTION

Décision de sélection/Choix des candidats Décision d'embauche

CONCRETISATION Négociation - Contrat

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1.1.2. La phase d'analyse comme sources d'informations socialisantes pour les futurs salariés

L'analyse du besoin de recrutement et la définition de fonction rendent possible l'aperçu réaliste d'emploi (realistic job previews). En effet, en identifiant les caractéristiques du travail et de l'environnement du poste (relations interpersonnelles, attentes organisationnelles, etc.), la définition de fonction contribue à véhiculer des informations sur les aspects avantageux et contraignants du poste et de l'entreprise (Phillips, 1998 ; Wanous, 1992). Ces informations peuvent servir de support à l'entretien d'évaluation et permettre de favoriser le réalisme des attentes des candidats. Celui-ci est associé à moins de déceptions de la part des salariés lorsqu'ils entrent en poste (Breaugh & Starke, 2000 ; Buckley, Mobbs, Mendoza, Novicevic & Beu, 2002 ; Meglino, Ravlin, & Denisi, 2000 ; Phillips, 1998) et cela impacte des variables attitudinales telles que la satisfaction et l'implication organisationnelle (Wanous et al., 1992). L'aperçu réaliste d'emploi contribue donc à la réussite de l'entrée organisationnelle des nouveaux embauchés.

1.1.3. La stratégie de recherche de candidats comme source d'informations socialisantes pour les futurs salariés

Les canaux de recrutement (intégrant la phase de stratégie de recherche de candidats), par leur caractère plus ou moins intermédié ou plus ou moins distancié (Marchal & Rieucau, 2010) jouent un rôle non négligeable dans l'intégration du nouveau et notamment dans le développement de ses attitudes à l'égard du travail et de l'entreprise.

En 2010, Marchal et Rieucau développent une typologie des canaux de recrutement à partir des modes de mises en relation entre le candidat et l'employeur. Pour les auteures, la première dimension prend en compte la longueur de la chaîne du recrutement, la mise en relation entre l'employeur et le candidat pouvant s'opérer directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une personne ou d'un organisme. Elle est directe dans le cas de candidature spontanée, de réembauches ou d'embauches suite à un stage. Elle est indirecte lorsqu'elle se fait par un intermédiaire (annonces, avis de concours, agences publiques ou privées, écoles et centres de formation, relations personnelles, professionnelles ou réseaux sociaux). La deuxième dimension concerne l'aspect plus ou moins distancié des mises en relation. Les mises en relation de proximité sont les relations personnelles, professionnelles et les réseaux

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sociaux et celles dites à distance concernent les annonces dans la presse, le recours à des agences d'emploi (publiques ou privées) ou à des écoles ou centres de formation pour recruter.

L'étude de Wanous (1992) montre que ce sont les canaux favorisant une mise en relation de proximité tels que les relations personnelles ou la cooptation qui permettraient un meilleur ajustement ultérieur du salarié à l'organisation. En outre, les sources de communication directes sans intermédiaire telles que la candidature spontanée ont le même effet. Wanous (1992) les regroupe sous le terme de canaux "informels". Dans ces cas, l'information diffusée aux candidats est plus réaliste et moins agressive que celle diffusée lors de recrutement sur campus ou par le biais d'une diffusion d'offres d'emploi dans la presse. En ce sens, elle parait plus honnête et apporte plus facilement des éléments sur les avantages de l'entreprise, mais aussi sur ses inconvénients (Delobbe, 2011). Ces informations transmises peuvent déjà représenter des sources d'informations socialisantes dans la mesure où elles apportent aux candidats des connaissances sur les caractéristiques du travail et de l'organisation.

1.1.4. La phase d'évaluation des candidatures comme source d'informations socialisantes pour les futurs salariés

La phase d'évaluation des candidatures représente également une source d'informations socialisantes pour les futurs salariés, notamment lorsqu'elle se situe dans une approche réaliste de l'emploi et permet de transmettre des informations tant avantageuses que contraignantes sur le poste et l'entreprise (Phillips, 1998 ; Wanous, 1992). Nous avons vu précédemment les répercussions bénéfiques sur le processus d'entrée des nouveaux embauchés dans l'entreprise.

L’étude de Delobbe et Dulac (2005) montre l’importance du rôle joué par les pratiques de recrutement sur la socialisation organisationnelle et la satisfaction au travail. Dans cette étude, les auteurs décrivent ces pratiques de socialisation anticipatrice en prenant en compte deux dimensions principales. Tout d’abord, la clarté et la précision de l’information reçue qui correspond aux informations contractuelles et non contractuelles, par exemple, recevoir des informations sur le contenu, l’organisation du travail ou encore sur la sécurité d’emploi ou les possibilités de développement personnel et professionnel. La deuxième dimension énoncée par les auteurs concerne l’accès à des sources d’informations internes à l’entreprise,

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qu’elles soient formelles ou informelles comme, par exemple, pouvoir consulter des documents internes à l’entreprise ou encore rencontrer ses futurs collègues de travail et discuter avec eux. En d’autres termes, la socialisation anticipée a pour but de préparer l’entrée de la personne dans l’organisation en participant à son adaptation effective au travail, à l’équipe de travail, à la culture de l’entreprise, etc. En outre, en 2011, nous avons précédemment montré que l'accessibilité et l'accès à ces diverses informations favorisent la santé psychologique des nouveaux embauchés, leur socialisation organisationnelle et leur intention de rester dans l'entreprise (Locufier, Laberon & Lagabrielle, 2011).