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Chapitre 1 : La réussite du processus d’entrée des nouveaux embauchés dans

1. La réussite du processus d’entrée des nouveaux embauchés dans l’organisation au

2.2. L'évaluation de la réussite du processus de socialisation organisationnelle

2.2.1. D'une mesure indirecte du construit à la prise en compte d'indicateurs directs

Les premiers travaux sur la SO visaient non pas à évaluer le processus, mais plutôt à le décrire (Feldman, 1976 ; Louis, 1980 ; Van Maanen & Schein, 1979). A partir des années 1980, certains chercheurs ont étudié des modèles théoriques cherchant à dégager des liens entre des antécédents de la socialisation et les conséquences de celles-ci telles que : l'implication organisationnelle (Ashford & Black, 1996 ; Jones, 1986), la satisfaction au travail (Ashford & Black, 1996 ; Jones, 1986), l'intention de rester (Ashford & Black, 1996 ; Jones, 1986), la clarté de rôle (Jones, 1986) et la santé (Saks & Ashforth, 1997). Il est alors

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convenu qu'il est possible d'observer indirectement le niveau de socialisation d'un salarié en mesurant ses issues : la satisfaction au travail, l'implication organisationnelle et l'intention de rester.

Fisher (1986) et Chao et al. (1994) sont les premiers à exprimer qu'il serait nécessaire d'avoir une meilleure compréhension de la SO en analysant, non pas des indicateurs indirects, mais des indicateurs directs du contenu de la SO. Cette critique a été soulignée par Lacaze et Fabre (2005, p. 295). Pour ces auteures, "aucune étude n’indique que ces différentes variables

attitudinales [...] sont suffisamment reliées à la variable latente de socialisation organisationnelle pour en analyser la structure et en être un indicateur". De plus, il peut

exister des liens forts entre ces attitudes, ce qui constitue un premier niveau d'erreur méthodologique.

C'est pourquoi, afin d'identifier des indicateurs de réussite de l'entrée organisationnelle en lien avec le processus de SO, il convient de s'intéresser aux mesures directes de celui-ci (les plus développées sont présentées dans le tableau 4). Chacune d'entre elles développe des spécificités quant aux dimensions de la socialisation évaluées.

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Tableau 4 : Les dimensions des différentes échelles de contenu de la socialisation organisationnelle

Ostroff et

Kozlowski (1992)

Chao et al. (1994) Taormina (1994) Thomas et Anderson (1998) Anakwe et Greenhaus (1999) Haueter, Hoff Macan et Winter (2003) Perrot et Campoy (2009) 1. Maîtrise de la tâche 1. Compétence professionnelle 1. Formation reçue par les employés

1. Maîtrise des compétences et compréhension des objectifs

1. Maîtrise des tâches 1. Socialisation par rapport à la tâche

1. Apprentissage relatif au domaine du travail

2. Relations avec les collègues 2. Relations interpersonnelles 2. Compréhension de son rôle et du fonctionnement de l'organisation

2. Rapports sociaux 2. Fonctionnement du groupe de travail 2. Socialisation par rapport au groupe au travail 2. Apprentissage relatif au domaine de l'équipe de travail 3. Compréhension de la culture et des valeurs de l'organisation

3. Niveau politique 3. Aide et support moral des collègues de travail 3. Appartenance à un réseau d'entraide 3. Connaissance de la culture organisationnelle 3. Socialisation par rapport à l'organisation 3. Apprentissage relatif au domaine de l'entreprise 4. Responsabilités et comportements appropriés 4. Langage 4. Clarté de l'organisation quant aux perspectives de carrières offertes 4. Connaissance de l'environnement organisationnel 4. Acceptation de la culture organisationnelle 4. Intériorisation relative au domaine du travail 5. Objectifs et valeurs organisationnels 5. Apprentissage personnel 5. Intériorisation relative au domaine de l'équipe de travail 6. L'histoire de l'organisation

6. Clarté du rôle 6. Intériorisation relative au domaine de l'entreprise

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Ces différentes échelles ont recours aux trois domaines de la socialisation (travail, groupe de travail et organisation). Dans le domaine du travail, nous observons des éléments en lien avec la maîtrise de la tâche (Anakwe & Greenhaus, 1999 ; Chao et al., 1994 ; Haueter et al., 2003 ; Ostroff & Kozlowski, 1992). Dans le domaine de l'équipe de travail, les indicateurs concernent la compréhension du fonctionnement du groupe de travail (Anakwe & Greenhaus, 1999 ; Haueter et al., 2003), ou les relations interpersonnelles avec les collègues (Chao et al., 1994 ; Ostroff & Kozlowski, 1992). Concernant le domaine lié à l'organisation, l'ensemble des échelles est concerné. Ostroff et Kozlowski (1992) abordent la question de la compréhension de la culture et des valeurs de l'organisation. Chao et al. (1994) se centrent sur la connaissance du langage, du système politique et de l'histoire de l'organisation. Taormina (1994) identifie la compréhension du fonctionnement de l'organisation. Thomas et Anderson (1998) mesurent la connaissance de l'environnement organisationnel. Anakwe et Greenhaus (1999) évoquent la connaissance et l'acceptation de la culture organisationnelle. Enfin, Haueter et al. (2003) évaluent la socialisation par rapport à l'organisation.

Certaines différences peuvent être pointées. La première réside dans la prise en compte pour certaines échelles de domaines de socialisation complémentaire tels que l'apprentissage personnel, la clarté de rôle (Anakwe & Greenhaus, 1999) et les responsabilités (Ostroff & Kozlowski, 1992). La seconde différence concerne la prise en compte ou non de

mesures indirectes telles que la capacité à établir des relations professionnelles (Chao et al.,

1994), la formation reçue par les employés (Taormina, 1994), l'aide et le support moral des collègues de travail (Taormina, 1994), la clarté de l'organisation quant aux perspectives de carrières offertes (Taormina, 1994) et l'appartenance à un réseau d'entraides (Thomas & Anderson, 1998). La dernière différence, et certainement la plus importante, réside dans la prise en compte ou non du processus d'intériorisation. Seules les échelles de Chao et al. (1994) et Anakwe et Greenhaus (1999) s'y intéressent, et ce, uniquement pour le domaine de l'organisation.

C'est ainsi que les travaux de Perrot et Campoy (2009) aboutissent à la construction d’une échelle prenant en compte à la fois les trois domaines de socialisation organisationnelle (travail, équipe de travail et organisation) et aussi les deux processus (apprentissage et intériorisation). Cette approche constitue, selon nous, la vision la plus complète pour identifier des indicateurs d'une socialisation organisationnelle réussie. Ceux-ci peuvent être alors pris en compte dans l'évaluation de la réussite du processus plus général d'entrée organisationnelle.

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2.2.2. La durée du processus de SO

Les premières recherches empiriques sur la SO étaient initialement transversales (Fisher, 1986), puis, avec l'évolution de la compréhension de ce processus, et notamment, de son aspect dynamique, des études longitudinales ont été menées.

La majorité d'entre elles évalue la SO dans ses différentes étapes entre le premier

mois d'embauche et douze mois après la prise de poste (Adkins, 1995 ; Allen & Meyer,

1990 ; Ashforth & Saks, 1996 ; Ashforth, Sluss & Saks, 2007 ; Bauer et al., 1998 ; Bauer et

al., 2007 ; Cooper-Thomas & Anderson, 2002 ; Feldman, 1989 ; Kammeyer-Mueller &

Wanberg, 2003 ; Major et al., 1995 ; Morrison 1993a ; 1993b ; Ostroff & Kozlowski, 1992). La collecte des données auprès de nouveaux embauchés se fait en général en trois temps "la

première collection intervient en moyenne un mois après l’entrée, la seconde six mois après, et la troisième un an après l’entrée" (Fabre, 2005, p. 15).

Les premiers recueils de données ont lieu fréquemment un mois après la prise de poste afin d'évaluer les répercussions des informations données lors de la phase de "socialisation

anticipatrice". Il est possible que celles-ci ne correspondent pas toujours à la réalité du

contexte d'emploi et peuvent causer des départs de l'entreprise (Cable, Aiman-Smith, Mulvey & Edwards, 2000). Les seconds recueils de données sont majoritairement faits six mois après l'embauche pendant la phase dite "d'intégration" (Feldman, 1976) afin de mesurer l'apprentissage par les nouveaux embauchés de la culture d'entreprise, des procédures de travail, et du fonctionnement de l'équipe (Lacaze, 2001 ; Louis, 1980). Enfin, la dernière collecte de données a lieu de manière générale un an après la prise de poste lors du dernier stade de la SO, appelé "management des rôles" par Feldman (1976), "acceptation mutuelle" par Schein (1978) et "adaptation" par Louis (1980). Au cours de cette étape, la jeune recrue a déjà intériorisé les contenus de la socialisation et se trouve en mesure de résoudre les conflits liés à son travail ou à son rapport avec les autres membres de l’organisation (Fabre, 2005). Cette étape peut cependant durer dix-huit mois (Perrot, 2001) voire deux ans après la prise de poste (Bravo, Peiró, Rodriguez & Whitely, 2003 ; Jokisaari & Nurmi, 2009 ; Kim, Cable & Kim, 2005).

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2.3. Synthèse

Parce que l'entrée dans l'organisation s'apparente à une phase de transition professionnelle et qu'elle correspond à un changement de statut et de rôle, elle peut être étudiée au travers du concept de SO.

Dans celle-ci, nous avons d'abord abordé la définition du concept de SO et son évolution. Dans un premier temps, ce processus a été largement étudié au regard de l'action des entreprises qui façonneraient leurs nouveaux embauchés. Dans un second temps, une perspective interactionniste prenant en compte le rôle de l'individu a vu le jour. Nous avons également noté que la socialisation est plurielle et dépasserait donc la sphère professionnelle.

Par la suite, nous avons évoqué les différents stades de la socialisation (anticipée, intégration et management de rôle), ainsi que son contenu. Nous avons pu identifier trois domaines de socialisation qui s'articulent autour du travail, de l'équipe de travail et de l'organisation. La SO serait alors l'apprentissage et l'intériorisation des normes et des

valeurs liées à ces trois domaines et constitue un indicateur direct de cette phase de transition

de rôle(cf. figure 2).

Nous avons retenu que la SO a un impact sur le niveau de stress et certaines attitudes à l'égard du travail et de l'organisation identifiées dans la première partie de ce chapitre comme des indicateurs de réussite du processus d'entrée organisationnelle telles que la satisfaction au travail, l'implication organisationnelle, l'intention de rester dans l'entreprise. En ce sens, la SO constitue aussi un indicateur intermédiaire de réussite de ce processus.

45 Figure 2 : Indicateurs de réussite de l'entrée organisationnelle des nouveaux embauchés considérés au regard des théories sur les domaines et contenus de la socialisation organisationnelle Indicateurs de réussite de l'entrée organisationnelle des nouveaux embauchés = Contenus de la socialisation organisationnelle Processus d'intériorisation (acceptation et adhésion aux

normes et valeurs) : - Travail - Groupe de travail - Organisation Processus d'apprentissage (connaissance et compréhension des normes et valeurs) :

- Travail - Groupe de travail

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3. La réussite du processus d’entrée des nouveaux embauchés dans

l’organisation au regard des théories sur la santé psychologique

La transition de rôle que constitue l'entrée organisationnelle peut impacter la santé

psychologique du nouvel entrant (Arthur et al., 2005).

Les travaux récents d'Ellis et al. (2015), analysant plus d'une centaine d'articles sur le sujet, mettent en avant que la majorité des recherches, portant sur la santé psychologique des nouveaux embauchés, s'intéresse à l'étude des symptômes de stress. Par ailleurs, en ce qui concerne les interventions pratiques en milieu de travail, Schaufeli (2006) remarque que pour une qui se rapporte à la motivation, à la satisfaction ou à l’estime de soi, dix-sept sont axées sur l’anxiété, le burnout ou la dépression. Plus récemment, des études vont porter sur le bien- être des nouveaux (Vandenberghe et al., 2011). Pourtant, et comme nous l'avons vu précédemment, dès 1946, l'Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) définit la santé psychologique comme "un état de complet bien-être physique, mental et social" qui "ne

consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité". Cette conception permet

d'appuyer l'importance d'évaluer la santé psychologique sous l'angle du bien-être et pas uniquement par l'absence de maladie.