• Aucun résultat trouvé

Pratiques et positions durant la phase d’expulsion du 2 ème stade

CHAPITRE II Enquête sur les pratiques des sages-femmes durant l’accouchement

5. Discussion

5.2. Pratiques et positions durant la phase d’expulsion du 2 ème stade

Une récente étude Française, menée dans différentes maternités sur seulement 551 femmes ayant accouché par voie basse spontanée, retrouvait des pratiques similaires à notre étude avec 86,1% d’accouchement en décubitus dorsal (ou position gynécologique), 3,8% en décubitus latéral, 0,9% à 4 pattes et 1% en position verticale (Desseauve et al., 2016). Dans notre étude, les sages-femmes déclaraient préférer, pour 87,6% d’entre elles, le décubitus dorsal, qu’il soit genoux vers l’intérieur, en lithotomie ou aux cale-pieds. La position en décubitus dorsal avec les genoux vers l’intérieur est très répandue en France depuis les travaux du Dr de Gasquet qui préconise cette position afin d’ouvrir le périnée et le bassin en arrière (de Gasquet, 2012). Soixante-six pour cent des sages-femmes déclaraient également une utilisation régulière des étriers. Une enquête mené au Canada en 2006 retrouvait elle aussi 57% de recours aux étriers durant l’accouchement (Chalmers et al., 2012). Même si l’utilisation des étriers ne semble pas être associée à une augmentation des déchirures périnéales (Corton et al., 2012), d’autres études retrouvent que la position lithotomie est un facteur de risque de déchirures des 3ème et 4ème degrés, particulièrement chez les patientes multipares (Elvander et al., 2015). Par ailleurs, l’utilisation d’étriers contraint tout de même la femme à conserver la même position en décubitus dorsal pendant la durée des efforts expulsifs ce qui peut avoir un effet délétère sur l’oxygénation fœtale (Carbonne et al., 1996). Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) recommande aux praticiens britanniques de ne pas encourager les femmes à utiliser une position allongée ou semi-allongée durant le 2ème stade du travail (NICE, 2014). Cependant, l’étude sur les positions d’accouchement publiée par le « Royal College of Midwives » retrouvait la position semi-allongée pour 51% des femmes ayant accouché normalement ou encore la lithotomie pour 3% des femmes (RCM, 2010). Une autre étude suédoise retrouvait un pourcentage moins important de position en lithotomie à

84 l’accouchement, avec une différence en fonction de la parité des femmes (nullipares ~25%, multipares ~ 10%) (Elvander et al., 2015). Dans cette même étude, la position assise était la position la plus utilisée, que ce soit chez les primipares ou les multipares (respectivement, 38,5% et 41,3%) (Elvander et al., 2015). Alors qu’une étude Néerlandaise retrouvait 89,7% de positions en décubitus dorsal, en 2001 lors d’accouchements à l’hôpital ou à domicile (de Jonge et al., 2009). Cette étude retrouvait différents facteurs sociodémographiques des femmes associés à l’utilisation d’une position autre qu’un décubitus dorsal comme l’âge ≥ 36 ans, un plus haut niveau de scolarité et l’accouchement à domicile.

Concernant la poussée, la pratique française est d’adopter une « poussée différée ». Le Collège National des Gynécologues-Obstétriciens Français (CNGOF) recommande, pour les femmes sous analgésie péridurale, de différer la poussée (2h après dilatation complète) afin de réduire le nombre d’accouchements opératoires difficiles lors des accouchements par voie basse (Vayssière et al., 2011). Par contre, il n’existe aucune recommandation sur le type de poussée à utiliser. Dans notre étude, 46,4% des sages-femmes conseillaient la poussée bloquée qui correspond donc à la poussée ‘Valsalva’ (Barasinski et al., 2016). Nous avons retrouvé très peu d’études décrivant les techniques utilisées par les sages-femmes au niveau international. Une enquête transversale descriptive japonaise retrouvait que la poussée ‘Valsalva’ était utilisée dans presque tous les cas pour 37,9% des hôpitaux, 50% des cliniques et seulement 10% des maisons de naissances interrogés dans cette étude (Baba et al., 2016). Une étude américaine a retrouvé que 25,7% des nullipares et 16,3% des multipares participant à un essai clinique randomisé sur les techniques de soutien périnéal ont utilisé la poussée bloquée (Albers et al., 2006). D’après le Royal College of Midwives, il n’y a pas d’argument scientifique pour justifier l’utilisation d’une poussée dirigée avec la technique de Valsalva puisque la poussée en bloquant pourrait être délétère (RCM, 2010). Dans notre étude, on retrouve un temps de poussée moyen maximal de 35,3 minutes. En France, les recommandations du CNGOF préconisent une extraction instrumentale lorsque la durée des efforts expulsifs dépasse 30 minutes, sous réserve d’un rythme cardiaque fœtal sans anomalie (Dupuis et Simon, 2008). Cependant, cette politique n’est pas retrouvée au niveau international (Le Ray et Audibert, 2008) où l’on peut retrouver des durées d’efforts expulsifs allant jusqu’à plus de 4 heures (Grobman et al., 2016).

85 Concernant les techniques de protection périnéale, une enquête Australienne retrouvait que 44,9% des sages-femmes interrogées utilisaient des compresses chaudes (East et al., 2015). Seulement 24% des sages-femmes de notre étude ont déclaré utiliser des compresses chaudes lors de l’accouchement. On retrouvait dans notre enquête une large utilisation de la technique ‘hands on’ (91,4% des répondantes) alors qu’à l’international, cette technique semble beaucoup moins utilisée puisqu’en Australie, entre 37% et 60,9% des sages-femmes, selon les études, l’utilisaient (East et al., 2015; Ampt et al., 2015) et, en Angleterre, 48,6% des sages-femmes l’utilisaient (Trochez et al., 2011). Les données contradictoires de la littérature sur les techniques de soutien périnéal (Bulchandani et al., 2015) se retrouvent dans les différentes attitudes des professionnels vis à vis de cette pratique. Cependant, cette pratique courante en France semble être associée à un taux de déchirures périnéales sévères (3ème et 4ème degré) plus faible (0,54% en 2012, Audipog) que d’autres pays n’ayant pas cette pratique (Suède entre 4,2% et 5,7%, Danemark 3,6%, Norvège 4,1%, Angleterre 3,1%) (Ekéus et al., 2008 ; Birthplace in England Collaborative Group, 2011; Laine et al., 2009 ).

Notre étude montre des différences de pratiques entre les sages-femmes en fonction de leur années d’expériences, mais aussi de leur lieu d’exercice, comme on le retrouve dans la littérature (Zinsser et al., 2016). Différents auteurs ont observé des pratiques plus physiologiques dans les maisons de naissances extra-hospitalières (Zinsser et al., 2016; Baba et al., 2016). L’importante cohorte anglaise « Birthpace » retrouvait que les femmes ayant planifié leur accouchement en maison de naissance et à domicile bénéficiaient, seulement pour les multipares, de moins d’interventions que celles ayant planifié leur accouchement en unité obstétricale (Birthplace in England Collaborative Group, 2011). Les sages-femmes françaises travaillant en maternité de type I, où seules des grossesses à bas risques peuvent accoucher, pensaient que la physiologie était plus souvent respectée que celles travaillant en type II et III. On retrouvait chez ces sages-femmes des pratiques plus variées avec plus de positions maternelles d’accouchement autres qu’en décubitus, plus de poussée en expiration, plus de poussée spontanée et plus d’utilisation de compresses chaudes sur le périnée. Une étude ne retrouve pas de différence sur le taux d’interventions observées (déclenchement du travail, césarienne, accouchement instrumental et épisiotomie) en France selon le type de maternité mais celui-ci semble dépendre du statut de la maternité, public ou privé (Coulm et al., 2012). Cependant, cette

86 étude se focalise sur certaines pratiques non spécifiques aux pratiques maïeutiques, ce qui n’est pas le cas de notre travail.