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CHAPITRE III Evaluation des types de poussée durant le 2 ème stade du travail :

3. Description des connaissances actuelles

3.3. Les efforts expulsifs durant l’accouchement

Au cours de la phase d’expulsion du 2ème stade du travail (Béranger et Chantry, 2016), la plupart du temps, la femme va effectuer des efforts expulsifs afin d’aider la progression du mobile fœtale. Ces derniers comportent différentes caractéristiques qui peuvent être liées au choix de la femme ou au professionnel encadrant l’accouchement. Aussi les efforts expulsifs peuvent être : immédiats (dès la dilatation complète du col utérin) ou différés, spontanés ou dirigés, encouragés ou guidés, à glotte ouverte ou à glotte fermée. La durée des efforts expulsifs est également très variable entre les pays (Le Ray et Audibert, 2008).

3.3.1. Poussée immédiate ou différée lors du 2nd stade du travail

Le début des efforts expulsifs a été remis en question durant les dernières décennies. Les parturientes, grâce à leurs sensations et en fonction de leur position, débutaient leurs efforts expulsifs de manière contemporaine avec le début du second stade du travail (parfois avant en fonction du positionnement fœtal) (Roberts et al, 1987). Cependant, l’arrivée de l’analgésie péridurale (APD) a modifié les sensations de la parturiente durant son accouchement. Certains auteurs décrivent d’ailleurs une diminution voir une inhibition de l’envie de pousser des femmes bénéficiant d’une APD (Lemos et al., 2017). Les professionnels ont donc dû adapter leurs prises en charge. L’utilisation de la poussée différée serait associée à une augmentation du pourcentage d’accouchements par voie basse, mais pourrait être associée à une augmentation du pourcentage de pH ombilicaux

105 bas (Lemos et al., 2017). Aussi, le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) recommande, pour les femmes sous analgésie péridurale, de différer la poussée (2h après dilatation complète) afin de réduire le nombre d’accouchements opératoires difficiles lors des accouchements par voie basse (Vayssière et al., 2011). Il n’existe pas de recommandation pour les femmes sans analgésie péridurale.

3.3.2. Type de poussée

En France, il n’existe, à ce jour, aucune donnée sur le type de poussée utilisé à l’accouchement. Les poussées peuvent être différenciées en fonction des mécanismes musculaires mobilisés pour aider à la progression du mobile fœtal en appuyant sur l’utérus. Globalement il y a deux types de poussées, glotte ouverte ou fermée, qui peuvent être dirigés par un professionnel ou spontanés (laissés à l’initiative de la femme). Classiquement, c’est la poussée à glotte fermée dirigée, appelée type poussée Valsalva, qui semble être largement utilisée en France. Il n’existe aucune recommandation française sur le type de poussée à utiliser à l’accouchement (Barasinski et al., 2016; Ratier et al., 2015) mais le « Royal College of Midwives », au Royaume-Uni, préconise de ne pas utiliser la poussée type ‘Valsalva’ (RCM, 2012).

La poussée à glotte fermée et la poussée à glotte ouverte en expiration peuvent être expliquées et enseignées aux femmes durant la grossesse. Cette phase d’apprentissage ne semble pas améliorer la phase expulsive mais aide les femmes lors de celle-ci (Phipps et al., 2009).

3.3.2.1. Poussée à glotte fermée

La poussée à glotte fermée est aussi appelée poussée en bloquant. Elle repose sur l’hyperpression abdominale provoquée par la descente diaphragmatique. Celle-ci va agir comme un piston sur l’utérus et aider à la mobilisation du mobile fœtal en comprimant le fond utérin (Calais-Germain, 1996). L’utérus va être projeté vers le bas et l’avant sans contre-pression car les muscles grands droits sont écartés (de Gasquet, 2007).

Cette poussée est parfois appelée poussée type Valsalva en référence à la manœuvre de Valsalva décrite par Antonio Maria Valsalva, médecin italien, en 1704 afin d'équilibrer la pression entre l'oreille externe et l'oreille moyenne (Jellinek, 2006). Elle est aujourd’hui utilisée comme une épreuve respiratoire consistant à effectuer une expiration forcée, la

106 glotte fermée. Cette technique entraîne des modifications hémodynamiques puisqu’elle va augmenter la pression intra-thoracique ainsi que la pression artérielle systolique, en raison de la compression aortique. S’ensuit une diminution du retour veineux et de la pression artérielle systolique en dessous de la pression habituelle tant que la pression intra-thoracique est maintenue. Le relâchement du souffle va entraîner une diminution de la pression artérielle systolique suivi d’un pic de pression artérielle résultant de l’augmentation du débit cardiaque et d’une vasoconstriction sympathique (Barnett et Humenick, 1982).

Lors de l’accouchement, cette technique de poussée pourrait donc entraîner différentes modifications au sein de la circulation fœto-maternelle. Après l’inspiration forcée, la diminution de la pression artérielle maternelle pourrait entraîner une diminution de la perfusion placentaire et donc de l’oxygénation fœtale. On assisterait donc à une diminution du pH et de la pO2 de l’artère ombilicale fœtale (Barnett et Humenick, 1982). Cette technique de poussée pourrait donc favoriser la survenue d’une d’hypoxie et d’une acidose fœtale (de Gasquet, 2007).

Cette poussée peut être, par ailleurs, très efficace puisqu’elle permet de développer une force importante. Durant les efforts expulsifs, la parturiente peut aller jusqu’à 20 kg de force exercés sur les ligaments utéro-sacrés (de Gasquet, 2007).

Cette poussée pourrait avoir des conséquences néfastes sur la statique pelvienne pour plusieurs raisons. Elle va tout d’abord projeter le diaphragme vers le bas en entraînant l’ensemble des viscères. Cette poussée serait donc prolabante avec l’ensemble des conséquences qui peuvent s’y rattacher : incontinence urinaire, prolapsus, etc. L’hyperpression abdominale avec la descente des viscères va entraîner une pression sur le périnée qui va, en réponse, se bomber et se contracter en raison du réflexe myotatique à l’étirement (Shafik et al., 2003). Il faudra donc fournir des efforts expulsifs encore plus puissants afin d’expulser le mobile fœtal (de Gasquet et al., 2001). Ce mécanisme pourrait donc entraîner une augmentation du risque de lésions périnéales.

En pratique, lors de l’accouchement, l’équipe médicale va demander à la patiente de prendre beaucoup d’air, de garder l’air en le bloquant et de pousser très fort vers le bas afin d’expulser le mobile fœtal. La patiente va être encouragée à pousser plusieurs fois par contraction qu’elle va ressentir ou non.

107 3.3.2.2. Poussée à glotte ouverte

La poussée à glotte ouverte, dite aussi en expiration freinée, va mettre en jeu différents mécanismes musculaires visant à reproduire le réflexe expulsif mais sans en avoir la puissance. Ici, c’est la contraction de la sangle abdominale avec le muscle transverse abdominal et les obliques qui vont permettre la progression du mobile fœtal en comprimant l’utérus de part et d’autre (de Gasquet, 2007).

A la différence de la poussée à glotte fermée, le diaphragme va remonter. Il n’y aurait donc pas de descente des viscères, entraînés avec l’utérus, pas de contraction périnéale et donc pas de résistance des muscles périnéaux. Cette poussée ne serait donc pas prolabante. Durant cette poussée, la parturiente n’est pas en apnée ni en hyperpression diaphragmatique. Il n’y aurait donc pas de modifications hémodynamiques associées comme observées dans la poussée à glotte fermée.

La puissance développée par cette poussée a été étudiée avec l’analyse des poussées défécatoires. La pression développée par la poussée en expiration freinée était plus importante que celle en expiration simple ou celle en blocage inspiratoire (110 mm Hg vs 60 mm Hg et 80 mm Hg respectivement). Cette poussée semble donc très efficace (de Gasquet, 2007).

La poussée à glotte ouverte va donc chercher à mimer le réflexe expulsif. Cependant, la poussée à glotte ouverte est une forme inhabituelle de poussée puisqu’elle inverse le schéma habituel de respiration. Elle repose sur la respiration abdominale où le diaphragme doit remonter durant la phase d’expiration. Aussi, des parturientes peuvent être bloquées par ce schéma respiratoire inversé, en plus duquel il faut arriver à mobiliser la sangle abdominale pour pousser son bébé.

Durant les efforts de poussée, la patiente va, avec son volume d’air résiduel, expirer de manière à contracter ses muscles abdominaux. Pour cela, elle va souffler un flux d’air continu sur une période plus ou moins longue tout en contractant sa sangle abdominale. Les mécanismes en jeu lors de cet effort de poussée vont s’apparenter à ceux de la poussée spontanée. Aussi, afin de faciliter la compréhension de la parturiente, on peut s’appuyer sur des images afin de lui expliquer la technique comme « mettre une ceinture trop serrée »,

108 « plaquer son nombril contre sa colonne vertébrale » ou encore « pousser son bébé contre son dos ».

3.3.2.3. Poussée spontanée

La poussée spontanée a été décrite par de nombreux auteurs dans les anciens traités d’obstétrique (Playfair, 1879 ; Ribemont-Dessaignes et Lepage, 1896) où l’analgésie péridurale n’existait pas! Cet effort de poussée n’est pas guidé, mais il peut être encouragé. Il répond aux sensations maternelles. Cette poussée résulte de la contraction des muscles abdominaux. La femme va alors pousser avec son volume d’air résiduel en contractant ses abdominaux tout en relâchant de l’air (soit en soufflant, soit en gémissant, soit en criant). Ces efforts de poussée débutent une fois que la femme ressent suffisamment la contraction. Ils varient en durée et en intensité. Au fil de la descente du mobile fœtal, les efforts de poussée deviennent plus fréquents et puissants (Hanson, 2009).

Durant la poussée spontanée, la femme va effectuer des mouvements respiratoires qui vont permettre de minimiser la chute de la pO2 et la hausse de la pCO2 dans le sang artériel maternel (Caldeyro-Barcia et al., 1981). Par conséquence, l’oxygénation du fœtus pourrait être moins affectée que lors de la poussée à glotte fermée.

La poussée spontanée, en dehors du réflexe expulsif de Ferguson, est, soit laissée à l’appréciation des femmes sans formation préalable, soit laissée au choix des femmes qui ont eu un apprentissage de tous les types de poussées. Dans ce dernier type de poussée, un professionnel peut les encourager, les soutenir au cours de leurs efforts expulsifs sans leur imposer quand ni comment pousser. Cette technique de poussée est rare en France puisque les opérateurs présents à l’accouchement vont guider systématiquement la poussée de la patiente, d’autant que la majorité des femmes ont une analgésie péridurale.