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Le marché du jardinage amateur a représenté un chiffre d’affaires de plus de six milliards d’euros en 2008 en France dont 12%331

, soit 732 millions d’euros, étaient issus des ventes de « produits de jardin ». Ces derniers sont constitués des amendements et supports de culture (24% des ventes), des engrais (21% des ventes) et des pesticides (55%)332. Ces derniers ont donc généré en 2008 environ 402 millions d’euros de chiffre d’affaires.

La fabrication des pesticides est principalement aux mains de grandes entreprises multinationales qui œuvrent dans des secteurs divers (produits agricoles, médicaments, etc.). Les produits de jardinage ne représentent qu’une petite partie de l’activité de ces firmes mais qui demeure importante car elle offre à la marque une vitrine « grand public » permettant de peaufiner son image médiatique qui se répercutera sur l’ensemble de ses autres produits.

Le marché des produits de jardinage, y compris donc celui des pesticides domestiques, est un marché de biens de consommation fluctuant. Réaliser des prévisions en termes de gain ou de perte de chiffres d’affaire se révèle très délicat. Les acteurs de ce marché analysent ses évolutions de différentes manières et leurs arguments nous donnent à voir les référentiels dans lesquels ils se situent et le contexte dans lequel ils agissent sur ce marché.

331 Association pour la promotion du jardinage, de l'amélioration de l'environnement et du cadre de vie végétal et animal (Promojardin), 2009, « Le marché du jardin 2008 », [En ligne], http://www.promojardin.com/etudes-et-chiffres/chiffres-annuels/chiffres-annuels/, consulté le 26 mars 2009. Des données plus récentes, du marché 2010, sont disponibles (le marché du jardinage dans sa globalité a représenté 7 milliards d’euros de chiffre d’affairess en 2010) mais comme les dernières données disponibles liées spécifiquement au marché des pesticides datent de 2008, nous utilisons les chiffres de 2008.

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6.1 – Un marché soumis à des évolutions plurielles

Avant de voir quelles sont ces évolutions et comment les acteurs du marché les perçoivent, il est essentiel de dresser un portrait le plus représentatif possible de ce marché. Nous basons nos informations sur les études réalisées par l’Association pour la promotion du jardinage, de l’amélioration de l’environnement et du cadre de vie végétal et animal, autrement appelée Promojardin qui regroupe 161 adhérents du « monde du jardin » parmi lesquels des distributeurs (généralistes, spécialisés, indépendants), des entreprises spécialisées dans la vente et le soin des animaux de compagnies, des magazines de la presse spécialisée, etc. qui fournissent leur chiffre d’affaires régulièrement à l’association qui les compilent et en tire divers documents : des bilans annuels, des baromètres mensuels, ou encore des études thématiques.

6.1.1 – Le marché du jardin amateur en France : situation et évolutions

Après avoir augmenté de 2,5% en 2009, le marché du jardin amateur a enregistré un léger repli en 2010 avec une baisse de l’ordre de 0,7%. D’après Promojardin, cette baisse serait liée à « des conditions météorologiques défavorables à l’activité de jardinage ».

On note tout de même que sur la période 2005-2010, le chiffre d’affaires du marché du jardin amateur est en augmentation : de 6,9 milliards d’euros en 2005 à 7,26 milliards d’euros en 2010 avec un « pic » en 2009 à 7,31 milliards d’euros.

Figure 6.1 – Marché total jardin amateur 2005-2010. Source : Promojardin, 2011

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Détaillé par secteur d’activité, le marché du jardin amateur apparaît multiple et son évolution inégale. En effet, sept secteurs le composent généralement même si les catégories ont un peu varié depuis les 10 dernières années (par ordre décroissant du chiffre d’affaires): les loisirs du jardin, les végétaux d’extérieur, les végétaux d’intérieur, les produits pour le jardin (pesticides, engrais, amendements, supports de culture, etc.), les contenants, l’équipement, les outils motorisés, l’aménagement et la décoration.

Figure 6.2 – Poids des segments du marché du jardin amateur en 2010. Source : Promojardin, 2011

Les outils motorisés et les produits pour le jardin sont les deux secteurs qui ont subi la plus forte baisse de leur chiffre d’affaires entre 2009 et 2010. Les loisirs et les végétaux d’intérieur sont les segments qui enregistrent la plus forte hausse.

Figure 6.3 – Tendance 2009-2010 du marché du jardin amateur Par segment. Source : Promojardin, 2011

Le secteur des produits de jardin est globalement en hausse sur 10 ans (+8,5%) même s’il est en perte de vitesse depuis 2005 (-1,1% sur son chiffre d’affaires). La « forte » baisse du chiffre d’affaires sur les produits de jardin en 2010 (-8%) s’avère donc plutôt conjoncturelle.

Figure 6.4 – Évolution 2005-2010 du marché du jardin amateur par segment. Source : Promojardin, 2011

Tableau 6.1 – Évolution 2000-2010 du marché du jardin amateur par segment. Source : Promojardin 2005 et 2011

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L’ensemble de ces produits est distribué aux consommateurs via deux circuits distincts qui en 2010 se partagent le marché :

• Les circuits spécialisés (horticulteurs pépiniéristes, jardineries, Libre-Service Agricole (LISA), spécialistes motoculture, fleuristes marchands grainiers) ;

• Et les circuits généralistes ou multi-spécialistes (grandes surfaces alimentaires, grandes surfaces de bricolage, vente par correspondance).

L’implantation et la croissance rapide de grandes sociétés (souvent franchisées) spécialisées (Botanic, Jardiland, Gamm Vert…) et de rayons dédiés au jardinage souvent importants dans les grandes surfaces alimentaire et de bricolage sont un phénomène important des années 1970.

Figure 6.5 – La distribution jardin en 2010, Poids des circuits. Source : Promojardin 2011

Jusqu’en 2008, la répartition des parts de marché par circuit était différente : les circuits spécialisés représentaient 57% ou 58% du marché contre 50% en 2010. Les circuits généralistes ont fait d’importants gains en termes de parts de marché (+20%), notamment les grandes surfaces de bricolage (+21% entre 2005 et 2010), et si les jardineries et les LISA accroissent légèrement leur part de marché, les autres circuits spécialisés (motoculture, horticulteurs et pépiniéristes indépendants, vente directe, grainetiers etc.) voient leur marché se réduire considérablement.

Tableau 6.2 – Evolution 2005-2010 des parts de marché des circuits de distribution jardin. Source : Promojardin 2005 et 2011

Les évolutions des pratiques de jardinage que nous avons relevées dans la partie précédente, y compris leur relative « écologisation » (même si on note que les études de marché que nous avons consultées n’abordent jamais cette question…), bousculent la position des distributeurs et plus particulièrement celle des jardineries. Elles tirent en effet leur spécificité de leur savoir-faire sur le végétal et du conseil en magasin, deux caractéristiques qui semblent « légitimer la structure encore très atomisée de ce circuit de distribution »333. De fait, le côté artisanal de la filière horticole, en amont (encore beaucoup de petits producteurs locaux) comme en aval (de nombreux indépendants) a freiné jusqu’alors le regroupement de la distribution spécialisée. Toutefois, l’industrialisation en marche (recomposition de l’assortiment au profit de l’aménagement extérieur, concurrence exacerbée de multi-spécialistes, mise en place de filières d’importation de végétaux) semble poser la question

333 Woerner, G. (dir), (2007), « Le marché du jardin en mutation : les stratégies de croissance des distributeurs », étude réalisée par le cabinet Precepta, filiale du groupe Xerfi, juin 2007, p.1

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d’une restructuration des réseaux de jardineries. L’étude de marché du cabinet Precepta parle de « concentration inéluctable, notamment parce que le marché arrive à maturité, faisant de la conquête de parts de marché au détriment des indépendants une source de croissance prioritaire »334. En effet, ces derniers, de moins en moins nombreux, souffrent d’une concurrence importante ne bénéficiant pas des intérêts des économies d’échelle, des publicités à échelle nationale et dans les grands médias etc. : « Les indépendants aujourd’hui, c’est malheureux je dirais, mais ils souffrent énormément. » (E25/Distributeur GSB/homme).

Les pépiniéristes indépendants que nous avons rencontrés défendent leurs valeurs et leur identité, mais admettent aussi que la situation est délicate et les oblige à des choix difficiles et cruciaux pour l’avenir de leur commerce :

« À l’heure actuelle, je trouve que c’est difficile. Le problème d’après moi c’est que si on veut arriver à vivre aujourd’hui, il faut perdre son identité, faudrait qu’on se mette en franchise, en enseigne, qu’on s’oblige à et bon nous on n’est pas prêt à ça. » (E26/Distributeur pépinière indépendante/femme).

Cumulées, les ventes de produits manufacturés (mobilier, barbecue, outillage, clôture, produits de traitement et de « soin ») devancent aujourd’hui celles des végétaux. Cela se traduit, entre autres, par « le recours croissant et massif au grand import, une baisse des prix et en conséquence, une déformation de l’équilibre entre produits végétaux et produits industriels dans les rayons »335. Une évolution à laquelle semblent souscrire les consommateurs qui ont fait du jardin, comme nous l’avons vu, une pièce à vivre, mais qui se montrent très sensibles au prix de son aménagement (la chute du pouvoir d’achat impacte toujours en premier ce genre de secteur).

Face à cette évolution, la distribution, et notamment les spécialistes ont diversifié leur offre et proposent maintenant articles de décoration, de travaux manuels etc. : « on a toute une section arts de la table, décoration de la maison et travaux manuels qui se développent… ça marche très bien » (E29/distributeur jardinerie/homme). Des jardineries proposent aussi des produits

334 Ibid., p.2 335

d’alimentation, notamment Botanic avec une gamme de produits biologiques venue renforcer l’image de jardinerie modèle sur le plan écologique :

« On commence aussi à travailler avec des produits bio en alimentaire en magasin. Parce qu’on a une politique en fait, qui est de proposer, en plus d’une jardinerie, à terme, des produits issus de l’agriculture biologique. Ça passera par les fruits et légumes, les cosmétiques, les produits frais, même des vins. » (E28/Distributeur jardinerie/homme)

De nombreux magasins ont par ailleurs mis en place des « ateliers de formation » où les jardiniers amateurs peuvent venir s’informer ou se perfectionner sur telle ou telle technique…une façon nouvelle de générer du trafic dans les magasins :

« On organise des ateliers, eau, paillage. Ça marche bien, c’est presque toujours complet… mais bien sûr, c’est aussi une façon pour nous d’attirer les clients, je ne m’en cache pas… il n’y a que les clients qui sont un peu dupes… » (E27/Distributeur jardinerie/femme)

Si la plupart ne l’avoue pas, cette diversification de l’offre est le signe le plus clair de la plus faible croissance des ventes sur les rayons végétaux et produits d’entretien par rapport aux rayons plus « déco et loisirs » : « pour compenser les pertes sur le végétal, ben on propose d’autres produits, par exemple 10% de boutique-cadeau, on a été obligé de faire ça » (E26/Distributeur pépinière indépendante/femme). Certaines enseignes voient cette diversification comme un moyen d’attirer une nouvelle clientèle et d’augmenter leur chiffre d’affaires, mais pour d’autres, et notamment les indépendants, cela équivaut à un « désaveu » de leur activité, le symbole d’un échec :

« Il faut qu’on puisse générer du chiffre d’affairess autrement qu’en vendant des végétaux, et tout en restant dans le même milieu parce que c’est ça qu’on sait faire. A un moment on me disait mais pourquoi tu ne vends pas des barbecues, du mobilier ou des piscines. Mais moi je dis on est spécialiste en plantes on n’est pas picciniste. » (E26/Distributeur pépinière indépendante/femme)

6.1.2 – Un marché jugé complexe et fluctuant…

Les fabricants de produits (pesticides et/ou biopesticides, engrais) que nous avons rencontrés avancent plusieurs raisons aux difficultés que traverse leur secteur depuis quelques années ; les ventes de produits baissent régulièrement en effet, nous l’avons vu, depuis 2005:

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« Moi quand je suis arrivé sur le marché il y a 20 ans, on connaissait des progressions à 2 chiffres et après des progressions à 5, 6% et maintenant depuis 5, 6 ans à 3% voire moins. » (E30/Fabricants/homme)

Le premier élément mis en cause est le fait que les ventes de produits sont soumises aux aléas des conditions météorologiques et donc peu prévisibles, rendant la gestion des stocks de produits chez les distributeurs relativement complexe. Il suffit d’un week-end de beau temps assez tôt dans la saison (mars) pour que les consommateurs se ruent sur les végétaux et achètent donc les produits qui y sont souvent associés alors que la totalité des stocks n’était pas « rentrée » (« Cette année on a multiplié par 5 le chiffre d’affaires en anti-limace, il a énormément plu, ce n’était pas prévisible et on a été en rupture de stock.» - E30/Fabricants/homme). A contrario, au moment de la pleine saison (avril-mai), si le temps se dégrade et ne permet pas la pratique du jardinage, les ventes chutent fortement et cela se répercute là encore sur la gestion des stocks.

Le second élément problématique est partagé par les fabricants et les distributeurs qui estiment que l’âge avancé du cœur de cible rend le marché « lent » et peu propice aux évolutions et aux innovations :

« C’est un gros pachyderme ce marché, ce n’est pas un marché qui évolue très rapidement, à tous les niveaux. Et ça en fait c’est essentiellement lié, enfin à mon sens, que le cœur des consommateurs, c’est les 55 ans et plus, donc entre guillemets les anciens et les anciens, c’est la tradition, c’est les mêmes marques depuis 30 ans. » (E30/Fabricants/homme)

Les distributeurs segmentent aussi le marché par catégorie d’âge : les plus jeunes, peu expérimentés mais ouverts à toutes sortes de techniques et d’apprentissage et enclins à aller vers le « bio » ; les plus âgés souvent sévèrement jugés : « les vieux, les anciens, issus du milieu agricole, alors, là, rien à en tirer » (E25/Distributeur GSB/homme). Quant aux baby-boomers, ils chercheraient apparemment l’efficacité à peu de frais et d’effort : « eux, ils voudraient que tout soit solutionné de façon magique » (E25/Distributeur GSB/homme).

Notre enquête auprès des jardiniers, si elle a apporté des nuances à ce constat des professionnels, le confirme en partie. En effet, les jardiniers les plus âgés sont dans une