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Si la fin du XXe siècle voit grandir le succès des jardins familiaux241, avec l’accès grandissant à la propriété privée notamment pendant la vaste période des « Trente Glorieuses »242 (aujourd’hui, plus d’un ménage sur deux a pour résidence principale une maison individuelle), les Français sont aussi de plus en plus nombreux à posséder un jardin attenant à leur maison individuelle243 : de sept millions de jardins environ en 1971 à près de quinze millions aujourd’hui qui couvrent, selon l’association Noé Conservation244, plus d’un million d’hectares.

Si les jardins collectifs sont quasiment uniquement des potagers et ont permis à nombre de français de subsister pendant et au sortir de la guerre, les jardins privatifs sont, eux, principa-lement orientés vers l’agrément depuis 1960 même s’il faut attendre dix ans de plus pour que le « jardin décoratif » ne s’impose dans les jardins ruraux (aujourd’hui, 57% le sont exclusi-vement et 38% sont dits mixtes-agrément/potager245). Ainsi, alors que le jardin de fleurs, « le jardin d’agrément cesse d’être un privilège réservé au petit nombre »246, c’est de « nou-velles » fonctions du jardin et du jardinage qui apparaissent : jardiner pour se distraire, comme mode de structuration du temps : pour « passer le temps sans perdre son temps » et surtout jardiner pour embellir sa maison. Nous nous proposons de mettre le terme «

241 Bonduel, P., (2009), Modes & tendances au jardin des années 60 à nos jours, Paris, Ed. Eugen Ulmer.

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Jacquot, A., (2006), Cinquante ans d’évolution des conditions de logement des ménages, INSEE, Données sociales, la société française, n°6 [en ligne,

http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/donsoc06za.pdf], consulté le 23 juin 2010

243 Aujourd’hui, 94% des maisons individuelles possèdent un jardin d’une surface moyenne de 650m². Source : Urbain, op.cit., p.132

244 http://www.noeconservation.org/index2.php?rub=12&srub=377&ssrub=377&goto=contenu&titre= Jardins+de+No%E9 [consultée le 21 juin 2010]

245 Bellanger, F. (2000), Habitats, La Tour d’Aigues, Ed. de l’Aube, p.44

246 Dubost, F., (2001), « Plates-bandes et herbes folles : les ethnologues au jardin », in Brunon, H. (dir),

velles » entre guillemets puisque cette fonction d’embellissement du cadre de vie est loin d’être neuve et remonte à plusieurs siècles avant le nôtre247

même si la notion « artistique » est maintenant moins présente que la notion « décorative » et davantage réservée aux jardins botaniques ou aux parcs des châteaux et demeures du patrimoine national.

Maintenant donc que la raison alimentaire (jardiner pour se nourrir) n’est plus comme autrefois essentielle, même si elle demeure et tend même à apparaître comme un objectif principal (nous le verrons), comment les jardiniers justifient-ils le fait de s’intéresser autant au jardin et au jardinage (qui est, avec le les soins prodigués aux enfants et aux animaux, l’activité de semi-loisirs248

la mieux notée en 2010249) ? Comment ces fonctions orientent-elles l’usage des produits de traitement ? Sont-orientent-elles hiérarchisées et différenciées selon les jardiniers ? Quels rôles joue le contexte social, économique du jardinier dans « l’attribution » de ces fonctions et là encore, peut-il expliquer un recours particulier aux pesticides ?

3.1 – Décor et décorum

Embellir sa maison, pour soi et pour les autres, est une fonction historique du jardin dont on trouve l’origine à la Renaissance. Les jardiniers sont encore très attachés à la fonction esthétique de leur jardin (plus de 70% déclarent qu’elle est plutôt ou très importante250

) et pour cause, le jardin d’agrément fait partie des normes de présentation de la maison elle-même. D’ailleurs, certains futurs propriétaires basent leur choix d’achat immobilier parfois davantage sur le jardin qui entoure la maison que sur la maison elle-même :

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Nous avons déjà parlé dans le chapitre précédent de l’ouvrage édité en 1599 par Olivier de Serres : « Le Théâtre d'Agriculture et Mesnage des Champs (...) dans lequel est représenté tout ce qui est

requis et nécessaire pour bien dresser, gouverner, enrichir et embellir la Maison Rustique, Paris :

Jamet Mettayer http://books.google.com/books?id=WFAOAAAAQAAJ) 248

Cette catégorie où sont classés généralement le jardinage et le bricolage, correspond à des activités non strictement accomplies sous l’emprise de la nécessité. Celles-ci peuvent donc être soustraites au calcul des temps contraints des jours ordinaires de travail.

249 INSEE, Enquête « Emploi du temps 2010 », [en ligne], http://insee.fr/fr/themes/document .asp?reg_id=0&ref_id=ip1378, consulté le 20 mars 2012

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« Ici quand on a acheté, c’était la première maison qu’on voyait qui avait un jardin comme ça, il embellissait la maison, c’est la première chose qu’on a regardée, après, on est rentré dans la maison ! » (E14/femme/70ans/CSP+)

Charles Blanc, dans sa « Grammaire des arts décoratifs », disait déjà en 1881 que la pelouse, les fleurs ou le mobilier extérieur composent les « agréments de l’entrée et l’ornement du vestibule »251.

Le jardin se présente aussi comme une pièce supplémentaire à laquelle les individus accordent autant d’importance que les autres dans la maison :

« Oui, quand j’achèterais une maison, je veux qu’il y ait un jardin, je trouve que c’est vraiment une pièce supplémentaire, c’est un lieu de détente… pour moi c’est un loisir aussi et maintenant que j’y ai pris goût, je ne pourrais pas m’en passer. » (E8/femme/30 ans/CSP-) ;

« Moi j’ai un jardin, je dirais, pas pour le plaisir de jardiner quoi, c’est pour l’agrément, pour avoir un espace de libre et joli qui donne sur l’extérieur. » (E11/femme/42 ans/CSP+).

Mais derrière cette convenance du décor, ne peut-on pas voir aussi une norme qui transforme le jardin en espace de représentation à travers lequel se revendique ou s’affirme un statut social ? Le jardin, entretenu, soigné ou esthétique est-il devenu un des enjeux de la compétition pour l’estime et la « distinction » sociales ? Cette hypothèse nous apparaît à la fois juste et fausse, car si en effet certains jardiniers rencontrés ressentent une certaine fierté quand on complimente leurs jardins et leur talent de jardiniers:

« Quand je vois le résultat je suis fière de moi, et puis les gens qui viennent, les amis qui viennent et me félicitent, en me disant que c’est génial tout ce que j’ai fait, ce que j’ai transformé. » (E8/femme/30 ans/CSP-)

…ou bien qu’ils revendiquent le fait d’avoir réalisé un « jardin différent » : « certains, quand je les vois tirer leur truc au cordeau, moi ça me rend malade, enfin bon, chacun sa technique, moi je fais différemment… » (E20/femme/64 ans/CSP+), d’autres, et la plupart même, justifient le fait d’avoir un « beau » jardin pour « profiter d’une nature à portée de la main ».

251 Blanc, C. 1882, Grammaire des arts décoratifs. Décoration intérieure de la maison, 2e éd., augm. d’une introduction sur les lois générales de l’ornement, Paris : Renouard, Henri Loones successeur.

Comment s’associent ces deux « attributs » du jardin : être beau et «être une représentation de la nature » ? Il s’avère difficile pour les jardiniers eux-mêmes de définir ce qu’est un beau jardin. La beauté est quelque chose d’éminemment subjectif et dont la quête obsède les indi-vidus depuis toujours. Si le corps humain est son medium privilégié, les indiindi-vidus souhaitent l’associer à d’autres « objets » : la maison (par le biais de la décoration) et le jardin sont de ceux-là. De la même façon que les magazines de mode féminine inscrivent la beauté dans des stéréotypes et en fixent les normes, la presse spécialisée dans le jardinage véhicule une cer-taine image du jardin qui a cercer-tainement son rôle à jouer dans la définition des critères d’un « beau jardin » par les jardiniers. Jardin de roses, jardin aquatique, « jardin zen », jardin odo-rant, la mode des jardins se décline en de multiples possibilités qui nous sont présentées à longueur de magazines par le biais de photos plus « belles » les unes que les autres. Le beau fait vendre :

« Je pense que si on a défini ce standard c’est quelque part aussi pour vendre. C’est l’idée la plus évidente. Donner envie d’un jardin idéal ça fait consommer.» (E21/Presse jardin/homme)

3.1.1 – Un dictat de la presse ?

Sans nous étendre sur ce point puisqu’il fera l’objet d’une analyse plus approfondie dans la partie suivante (appuyée sur les entretiens menés auprès de plusieurs journalistes de la presse spécialisée), il est important de mentionner ici l’importance des « modes » en termes de jardin, comme il en existe pour d’autres produits de consommation. Par exemple et de la même façon que les parfums qui portent maintenant le nom de personnalités du cinéma ou de la chanson, les fleurs, et les variétés de roses en particulier sont « à la page » et se nomment « Charles Aznavour », « Botticelli », « Grace Kelly » et même « Nicolas Hulot »252 !

Mais aujourd’hui, à l’heure du « verdissement » de la société, une nouvelle image du jardin est véhiculée par la presse, celui du « jardin vert », du « jardin bio ». « La presse surfe sur le côté vert, ça c’est certain » (E21/Presse jardin/homme). Jardiner avec la lune, faire son

252 « Cultivars de roses portant le nom de célébrités », Encyclopédie en ligne Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Cultivars_de_roses_portant_des_noms_de_c%C3%A9l%C3%A9brit% C3%A9s, [consulté le 8 juillet 2010]

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compost, pailler, favoriser la biodiversité…, tous ces thèmes sont dorénavant mis en avant par l’ensemble de la presse spécialisée qui, depuis quelques années (c’est récent, à l’exception du magazine de Terre Vivante, « Les 4 saisons du jardinage bio »253

) a axé ses lignes éditoriales sur le jardinage biologique. Malgré des paradoxes que nous soulèverons plus loin, cette orientation de la presse a certainement son rôle à jouer dans le fait que les jardiniers aient pour la plupart modifiés ou en tout cas fait part de leur envie de modifier leurs pratiques et qu’un « beau » jardin aujourd’hui pour certains soit un jardin qui respecte l’environnement et que les pratiques de jardinage soit une pratique écologique de plus mise en place dans le quotidien254.

3.2 – Les jardiniers et le rapport à la nature

La question du rapport à la nature intéresse les penseurs, les philosophes notamment, depuis toujours même si aujourd’hui, celle du rapport à l’environnement tend à s’imposer et a d’ail-leurs suscité l’intérêt de nombreux sociologues. C’est que l’environnement est un concept plus récent qui désigne les interactions entre la nature, l’homme et les processus physico-chi-miques de la Terre alors que le terme de Nature est plus abstrait, souvent déifié et ne con-cerne que les éléments naturels, biotiques et abiotiques, considérés seuls255, sans interaction avec l’Homme. Les jardiniers, lorsqu’on les interroge sur leur relation au jardin parlent bien davantage de rapport à la nature. La notion d’environnement apparaît dans les discours quand survient la question des pesticides ce qui n’est pas étonnant, car à environnement est aujour-d’hui associé protection de l’environnement et que les pesticides sont incriminés dans sa dégradation.

La question du rapport à la nature connaît cycliquement des regains d’attention qui se focalisent sur des dimensions particulières. Aujourd’hui, elle se cristallise autour de deux composantes principales : l’une est issue de l’économie de subsistance qui voit la nature

253 Cependant, même s’il a toujours promu un jardinage écologique, le titre du magazine a été modifié avec l’ajout du terme « bio » en septembre 2007 lors de sa mise en kiosque.

254 E4/homme/31 ans/CSP~ 255

comme un milieu riche de ressources potentielles, l’autre est « inventée » par les citadins qui font de la nature un espace de récréation.

La possession d’un jardin (qui est le fait de 7 français sur 10256) et celle d’animaux domestiques (6 sur 10) représentent les formes les plus répandues du contact avec les espèces végétales et animales. Cette fonction du jardin, celle d’aller au contact de la nature, ou plutôt de « faire entrer la nature chez soi » est plutôt importante ou très importante pour plus de 80% des jardiniers interrogés :

« Moi j’ai besoin de voir pousser des choses, j’aime la nature, ces bruits avant d’aller dormir… » (E14/femme/70ans/CSP+) ;

« Ce besoin d’extérieur et d’être à l’extérieur, de regarder ce qui se passe autour de vous, regarder un oiseau, découvrir, tiens, des nouveaux papillons ! » (E16/femme/54 ans/CSP~)

Cette notion de « besoin » est presque omniprésente, mais que signifie-t-elle ?

3.2.1 – Le jardin sanctuaire

D’abord il faut repréciser ici que notre enquête se déroule en milieu urbain et périurbain et que les jardiniers que nous avons rencontré « subissent » les rythmes de la ville, avec tout ce qu’ils peuvent comporter d’éléments anxiogènes (bruits, trafic routier, pollution, etc.). Une des caractéristiques les plus communément admise sur le jardin est qu’il agirait comme un sas permettant de passer d’un monde à un autre, d’un rythme à un autre : « quand je suis dans mon jardin, ça me permet de m’évader au niveau du travail » (E4/homme/31 ans/CSP~). Nietzche écrivait à ce propos : « le but de nos jardins et de nos palais est de mettre hors de notre vue le désordre et la vulgarité et de bâtir un havre pour la noblesse de l’âme »257

. Mettre hors de la vue, se soustraire d’un monde anxiogène et revenir à la simplicité, c’est aussi la promesse des maisons de campagne et des résidences secondaires258. La campagne (d’ailleurs

256 Maresca et Hébel, (1999), op.cit, p.67

257 Cité par Sansot P., Jardins publics, Paris, Payot, 1993, p.13 258

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souvent vue comme un « grand jardin »), comme le jardin, permettrait ce retour sur soi et sur une authenticité que nos vies urbaines et modernes auraient fait disparaître :

« Une maison avec un jardin c’était une priorité. On recherchait un peu de campagne, être un peu en vacances quand on est à la maison, être bien. » (E9/femme/45 ans/CSP~)

Cette vision « cocooning » du jardin est relativement récente et correspond aussi à une tendance bien identifiée en marketing. Défini comme un comportement psychosocial qui se caractérise par une tendance au repli dans le cocon protecteur du domicile que l’on tente de rendre le plus douillet possible, le cocooning correspond à bien à cette idée du jardin d’aujourd’hui vu comme un petit paradis intime qu’il fait bon retrouver, en famille ou entre amis, pour partager des moments appréciés :

« C’est vrai quand on a des enfants, pour qu’ils jouent, ils jouent au foot notamment, du coup je n’ai plus de gazon mais ce n’est pas grave, un jardin c’est fait pour y vivre et pour être heureux en famille. » (E11/femme/42 ans/CSP+)

On constate ici que ce jardinier établit une hiérarchisation dans les fonctions qu’il attribue à son jardin : le ludique prime sur l’esthétique du fait de l’âge des enfants. Mais quelle que soit la fonction qu’on donne à son jardin, la notion de plaisir et de « bonheur » y est souvent associée.

3.2.2 – Une relation fortement émotionnelle

Etre dans son jardin, au contact de la nature, c’est aussi pour les jardiniers rencontrés, on le constate, « être bien » :

« Quand j’arrive, mon premier plaisir, je viens faire le tour [du jardin], je regarde comment ça va, si j’ai des plantes qui crèvent, d’autres qui réagissent. Quand je suis là je ne pense à rien d’autre. Je me sens bien ici, je me laisse un peu aller. » (E20/femme/64ans/CSP+)

Comment expliquer ce lien entre se rapprocher de la nature et le fait de se « sentir bien » ? Outre le fait que le jardin permet de couper les ponts avec un quotidien parfois stressant, il revêt une dimension toute particulière pour les femmes, qu’on pourrait associer à du

« maternage ». En effet, les végétaux et surtout le fait d’être à l’origine de leur développement (par le biais de la plantation et de l’entretien), semblent renvoyer les femmes à la création de la vie, à la naissance, à la maternité :

« J’aime la vie et en fait un jardin j’ai l’impression que c’est tous les ans que la vie renaît, je trouve qu’avoir un jardin c’est comme donner la vie à un enfant, moi je ressens exactement la même chose… j’ai l’impression d’être dans le rythme de la vie. » (E10/femme/50 ans/CSP~)

Cette relation fortement émotionnelle à l’égard du jardin et la rhétorique anthropomorphique qui est souvent présente dans l’évocation des activités de jardinage (les plantes sont nourries, préservées des maladies et éventuellement soignées par des produits : « chaque arbuste, j’avais mis du terreau autour, mais là il n’y en a plus. Les plantes, quand on leur donne à manger, c’est comme les humains, comme nous » - E4/homme/31 ans/CSP~), nous permet de mieux comprendre l’attachement des jardiniers-ères à leur jardin, symbole de perpétuation de la vie :

« J’ai l’impression que de cultiver des légumes, ensuite les préparer, ça s’inscrit dans quelque chose… qui fait partie de l’humanité depuis longtemps… c’est la vie qu’on perpétue en s’occupant des végétaux, en semant, enfin, c’est très fort comme sentiment quoi. Je ne suis pas mystique mais j’ai vraiment le sentiment qu’en jardinant, je participe à un cycle qui existe depuis une éternité, que je prends ma place et que je transmets. » (E10/femme/50 ans/CSP~)

D’ailleurs, pour Robert Harrison, auteur de Jardins. Essai sur la condition humaine en 2007, les jardiniers et leurs homologues féminins, sont des êtres humains à part, qui ont conscience plus que d’autres des rythmes de la vie et y sont particulièrement sensibles à cause par exemple des aléas que leur impose la météorologie au fil des saisons ou encore de leur capacité d’adaptation face à un problème qui survient pour la première fois dans le jardin et auquel il « faut » faire face. Pour Harisson en effet, « cultiver son jardin », au sens propre comme au figuré (cultiver son âme) exige de surmonter sans relâche des difficultés pour que la nature révèle sa générosité. Et d’ajouter que « c’est dans le travail et l’action que se situent

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la survie biologique, la fécondation, le cycle des saisons et le partage avec d’autres hommes d’un sol dont il faut prendre soin »259

.

3.2.3 – Une nature domestiquée

Pour autant, ce besoin de renouer avec la Nature et ses cycles signifierait qu’à un moment donné le lien a été rompu et que le jardin permettrait la reprise de contact avec une « nature naturelle » et non plus uniquement domestiquée. Françoise Dubost parle de ce « nouveau » modèle de jardin, « le jardin indiscipliné, sans allée ni massif, et où les herbes folles ont droit de cité à l’ombre des pommiers rustiques »260

comme d’une invention des classes moyennes, récusant la tradition populaire du jardin (trop) bien ordonné. On pourrait aussi trouver ici la référence au « jardin planétaire » de Gilles Clément, à l’opération de Noé Conservation d’initier les jardiniers à la biodiversité en réalisant des comptages de papillons… Le jardin, non plus comme une reproduction de la nature adaptée et embellie par l’homme, mais comme un espace dédié à la nature, pour qu’elle y recouvre ses droits et dont le jardinier serait plus spectateur qu’acteur :

« Je n’aime pas les plantes qui demandent trop de travail où il faut être trop rigoureux, moi j’aime bien qu’il y ait un peu de laisser-aller, de hasard, que la nature prenne un peu sa place. » (E9/femme/45 ans/CSP~)

Cependant, et malgré 80% d’opinions favorables au fait que « le jardin représente un lien avec la nature »261 parmi les jardiniers que nous avons « interrogés » et les discours média-tiques vantant le jardin comme un espace de biodiversité, siège de nouvelles pramédia-tiques écologiques, une partie des réponses au questionnaire et une large part des entretiens semi-directifs convergent vers la notion de propreté et d’ordre. Le jardin « tiré au cordeau » persiste. Pour quelles raisons ?

259 Ibid., p.122

260 Dubost, 1997, op.cit, p.146

261 Réponse à la question 3 « Quel degré d’importance accordez-vous au fait d’avoir un contact avec la nature par le biais de votre jardin ? » de notre questionnaire.