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Pratiques des agences privées d’emploi

Chapitre 1 : Revue de littérature

1.3. Passage des immigrantes sous le PAFR

1.3.2. Pratiques des agences privées d’emploi

1.3.2.1. Impacts des pratiques des agences privées d’emploi sous le PAFR Il est important d’aborder la question des pratiques des agences d’emploi privées, parce qu’elles jouent, selon la littérature, un rôle important en ce qui trait à la création d’obstacles à l’intégration sociale et économique des AFR (Atanackovic & Bourgeault 2013 et 2014 ; Amnistie internationale, 2006 ; OIT, 2013 ; Oso Casas, 2002). Plusieurs pratiques des agences de placement sont considérées comme « douteuses ». Notamment, les agences peuvent faire travailler les AFR pour divers employeurs, malgré le permis alloué par le PAFR qui associe l’AFR à un seul employeur. Des AFR peuvent aussi arriver au Canada et se retrouver sans travail parce que les agences veulent avoir des candidates « en attente ». Ces pratiques peuvent les placer sans protection sociale, dans l’illégalité et même leur causer un renvoi dans leur pays d’origine (CISO, 2012). De plus, les agences privées d’emploi à l’international et au Canada sont une partie importante de la création de la dette associée à la migration de la travailleuse. Pour traiter leur demande (sans compter les frais de déplacements et autres), ces agences imposent des frais de plusieurs milliers de dollars aux travailleuses (Atanackovic & Bourgeault 2013 et 2014 ; Amnistie internationale, 2006 ; Blackett, 2011 ; CISO, 2012 ; Fudge, 2011 ; OIT, 2013 ; Oso Casas, 2002). La première formalité à remplir pour

entreprendre ce projet est donc de trouver les ressources pour financer cette migration. Oso Casas (2006) indique, par les résultats de ses entrevues avec ces femmes migrantes travaillant en Espagne, que plusieurs moyens étaient déployés pour trouver ces sommes d’argent. Par moyens, on entend notamment une hypothèque, un prêt bancaire, mais aussi un prêt de leur entourage (familles, amis, conjoint, etc.). On voit donc un phénomène de privatisation de l’immigration qui ne se limite pas seulement au travail de soins, mais que l’on retrouve maintenant au Canada dans tous les secteurs (Boti & Guy, 2012).

Selon le Rapport sur le monde du travail de 2014 de l’OIT, les agences privées d’emploi jouent un rôle important pour les migrantes et migrants de plusieurs régions du monde. Plus de 80 % des travailleuses et travailleurs de l’Asie et du Moyen-Orient sont passés par ces agences, pour travailler à l’étranger dans différents secteurs. Pour ce qui est des AFR, dans l’objectif de se trouver un employeur potentiel au Canada et afin de remplir tous les formulaires nécessaires pour obtenir les divers permis associés au PAFR, plusieurs font affaire avec des agences privées d’emploi directement du pays où elles se trouvent ou directement du Canada, si elles doivent changer d’employeur. Pour ce qui est des employeurs, la raison principale pour laquelle ils font affaire avec des agences est de pouvoir entrer en contact avec une AFR et de minimiser leur charge de travail en ce qui a trait aux documents relatifs à l’immigration à remplir (Atanackovic & Bourgeault, 2013).

Les agences de placement sont vues comme des consultantes au sens de la Loi sur l’immigration et elles sont à but lucratif. Fudge (2011) indique que la croissance des agences privées d’emploi au Canada qui exigent des frais aux travailleuses migrantes, coïncide avec le déclin général du rôle des services publics dans l’emploi et des efforts des agences pour

légitimer leur rôle comme étant les intermédiaires dans le marché du travail. Ces agences de placement peuvent leur réclamer entre 2 000 et 5 000 $ US (Amnistie internationale, 2006).

Du côté de la législation fédérale et provinciale au pays, les pratiques des agences ne sont pas règlementées. En avril 2010, le gouvernement fédéral a indiqué que les employeurs devraient payer pour tous les frais de recrutement et de voyage des travailleuses et a rappelé que quelques provinces ne permettaient pas aux agences de placement de facturer aux travailleuses ces frais. Cependant, il n’a pas formellement interdit à celles-ci de le faire. En fait, le fédéral a transféré ces compétences de surveillance aux provinces qui n’ont en majorité pas instauré de règles à ce sujet.

Il est aussi pertinent de mentionner que des conventions de l’OIT couvrent ce sujet, tel qu’indiqué précédemment. En plus de la Convention 189 qui balise le pouvoir des agences par son article 15, la Convention 181 sur les agences d’emploi privées d’emploi aborde des points importants. L’article 7 (1) indique que « Les agences d’emploi privées ne doivent mettre à la charge des travailleuses et travailleurs, de manière directe ou indirecte, en totalité ou en partie, ni honoraires ni autres frais » et l’article (1) :

« Tout Membre doit, après consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, prendre toutes les mesures nécessaires et appropriées, dans les limites de sa juridiction et, le cas échéant, en collaboration avec d’autres Membres, pour faire en sorte que les travailleurs migrants recrutés ou placés sur son territoire par des agences d’emploi privées bénéficient d’une protection adéquate, et pour empêcher que des abus ne soient commis à leur encontre. Ces mesures doivent comprendre des lois ou règlements prévoyant des sanctions, y compris l’interdiction des agences d’emploi privées qui se livrent à des abus et des pratiques frauduleuses. »

De plus, l’article 8 (2) impose que : « Lorsque des travailleurs sont recrutés dans un pays pour travailler dans un autre, les Membres intéressés doivent envisager de conclure des accords bilatéraux pour prévenir les abus et les pratiques frauduleuses en matière de recrutement, de placement et d’emploi. »

Enfin, les pratiques des agences privées d’emploi à l’international comme au Canada amènent de réels problèmes. De plus, le Canada n’a ratifié aucune des conventions internationales touchant cette problématique.

1.3.2.2. Impact des pratiques des agences privées d’emploi à la suite du PAFR

Les pratiques des agences privées d’emploi entrainent des embûches pendant la période où les travailleuses doivent exercer l’emploi d’AFR sous le PAFR, notamment par l’obligation de remboursement qui place ces femmes dans une position de vulnérabilité. Elles seront prêtes à accepter plusieurs conditions pour pouvoir continuer de rembourser leur dette (Oso Casas, 2002). Cependant, il semble que l’endettement suit les travailleuses pendant plusieurs années, parfois même à la suite des 24 mois accomplis en tant qu’AFR. Un des premiers obstacles à la requalification professionnelle de celles-ci, selon Atanackovic et Bourgeault (2014), est l’obstacle financier. Par rapport à ce point, Galerand et Gallié (2014) rapportent de leurs entrevues que les travailleuses disaient s’être endettées en moyenne entre 2000 $ et 3500 $ seulement pour pouvoir migrer, et ce, au profit des agences privées d’emploi. Plusieurs de ces travailleuses remboursaient encore leur dette au moment de l’entrevue, bien que plus de la moitié d’entre elles (24 participantes sur 33) avaient terminé leurs 24 mois sous le PAFR lors de ces entrevues. Ces constats rappellent ceux d’Oso Casas (2002) qui indiquait que la dette contractée par la travailleuse serait le premier obstacle à l’ascension de classe sociale de celles-ci dans le pays d’accueil.