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Chapitre 3 : Présentation des résultats

3.7. Parcours de requalification professionnelle

3.7.1. La décision de retour aux études

La décision de retour aux études est la première étape du parcours de requalification professionnelle et c’est l’étape pour laquelle la collecte de données a été la plus riche. C’est la section avec le plus de résultats, car bien que seulement quatre participantes de l’échantillon aient fait un retour aux études, il est possible d’avoir de l’information des onze participantes à l’étude, sur leur motivation et leurs obstacles à un retour aux études ou non.

En premier lieu, aucune participante ayant fait un retour aux études n’avait planifié ceci avant sa migration au Canada. Leah résume bien, par ce passage, la situation des AFR à la suite du PAFR :

Parce qu’avoir une résidence permanente n’est pas une garantie que tu vas avoir une vie meilleure. Tu es seulement une résidente permanente ici. Cela veut dire que le Canada ne peut pas te dire d’aller à la maison. C’est seulement une partie… Cela ne change pas tes rêves, sauf si tu les changes. Je dis toujours aux femmes de retourner à l’école parce que pour moi cela va te donner une meilleure… Ce n’est pas une garantie que tu auras un meilleur emploi, mais cela élargit tes opportunités et te donne plus de chances d’avoir un meilleur emploi et de ne pas être travailleuse domestique. Je ne blâme pas les femmes voulant rester travailleuses domestiques ou nounous si elles aiment leurs emplois ou employeurs, je ne les blâme pas… C’est juste que, pour moi, la plupart des femmes ont de hautes attentes, qu’à partir du moment où elles obtiendront leur résidence permanente tu aies un emploi selon ta profession aux Philippines. Mais cela n’arrive jamais. Cela n’arrive jamais pour une aide familiale résidante, cela n’arrive jamais pour les immigrants et n’arrive jamais pour un travailleur temporaire alors… (Leah) 45

Pour celles ayant fait un retour ou le planifiant, le moment du retour semble avoir été dans les mois à un an suivant l’obtention de la résidence permanente. En regardant le

45 Because having a permanent residence it’s not a guarantee that you are going to have a better life. You are just a permanent resident here. It’s means that Canada cannot tell you to go home. It’s only a part… It doesn’t change your dreams unless you change it. I always tell women to go back to school because for me it will give you a better… it’s not a guarantee that you are going to have a better job… but it widens your opportunities and give you more chances to have a better jobs and not being domestic worker. I don’t blame women who wants to keep being a domestic worker or a nanny if they loved their job or employer, I don’t blame them… It’s just, for me, most of the women have their high expectations that as soon as you get you permanent resident you gonna get a job according to your profession back home. But it never happened. It never happened to live-in caregiver, it never happened to immigrants and never happen to temporary workers so (Leah)

Tableau 9 (p.112), comme le délai entre l’arrivée au Canada et l’obtention de la résidence permanente varie d’une participante à l’autre et que certaines n’ont pas encore fait un retour officiel aux études, nous pouvons dire que le retour aux études ne se fait pas avant la quatrième année au Québec. Les raisons de ce délai sont expliquées dans une section précédente.

Ensuite, un obstacle majeur empêche ou complique pour ces immigrantes l’accès à la formation. Lorsqu’elles ont été interrogées sur le sujet, la contrainte financière fut majoritairement le principal obstacle à la décision d’un retour aux études.

Tableau 24 : Situation financière

Envois de fonds Participantes Coûts payés à l’agence (Personne qui a déboursé) Sous le PAFR Sous le permis ouvert de travail Au moment de l’entrevue

Leah NA Oui++ Oui+ Oui+

Gina 2000 $ (mère) Oui++ Non Non

Jennifer NA Oui++ Non Non

Michelle NA Oui + Oui+ Oui+

Joan 3 500 $ (Joan) Non Non Non

Mary Jane 4 500 $ (Mary Jane) Oui++ Oui++ Oui++

Catherine 1 000 $ (Catherine) Oui+ Non Oui+

Arlene 2 500 $ (Cousine) Oui++ Oui++ Oui ++

Aileen N/A Oui++ Oui++ Oui++

Grace 3 065 $ (Grace) Oui++ Oui++ Oui++

Joséphine 3 500 $ — 4000 $ (Joséphine) Oui++ Oui++ Oui++

+ : Envois de fonds au besoin ++ Envois de fonds réguliers

Leurs revenus provenant de leur travail d’AFR suivi d’emplois à bas salaires, conjugués à leurs obligations financières illustrées dans le Tableau 24, ne laissent pas de place pour la majorité de celles-ci aux économies. On peut voir qu’Arlene, Aileen, Grace et

Joséphine, devaient assumer des envois de fonds réguliers à leur famille aux Philippines, et ce en continu depuis leur arrivée jusqu’au moment de l’entrevue. Dans ce passage, Grace ne voit pas comment elle pourrait retourner aux études tout en étant capable de répondre à ses obligations financières :

Non. Je n’ai pas le budget pour cela. L’argent est la raison principale. Si tu vas à l’école à temps plein, comment fais-tu pour survivre ? Étant donné mes factures. J’étais la seule. Jusqu’à maintenant, je vis seule. Personne ne m’aide pour mes factures. J’envoie aussi de l’argent à ma mère. Je travaille fort. Je reçois toujours le salaire minimum jusqu’à aujourd’hui. Je n’ai seulement que mes besoins de base pour avoir un gros budget à envoyer à ma mère. Donc, j’ai un intérêt à aller à l’école. J’aimerais pratiquer ma profession et travailler dans un bureau. Je suis une fille de bureau aux Philippines. Comment pourrais-je aller à l’école ? (Grace)46

Ce que dit Grace dans ce passage met aussi en lumière un autre obstacle qui semble avoir un impact sur le retour aux études. Comme déjà mentionné, plus de huit d’entre elles résidaient seules (sans conjoint) au moment de l’entrevue et le conjoint et les enfants d’Arlene venaient tout juste d’arriver au Québec, au moment de l’entrevue. Ces neuf participantes étaient donc seules avec d’importantes responsabilités financières, sans conjoint ni famille au Québec. Elles ne pouvaient donc pas compter sur l’aide ou le support de ceux-ci. Pour pouvoir faire un retour aux études, Mary-Jane disait attendre l’obtention de sa résidence permanente et l’arrivée de sa famille pour pouvoir suivre à temps plein une formation de préposée aux bénéficiaires. Comme son conjoint et sa fille travailleront, il sera plus facile pour elle de réduire ses heures de travail pour suivre ses cours. De plus, pour Jennifer et Gina, le soutien du conjoint a été aidant à leur retour aux études. En parlant de sa situation financière aux études, Jennifer mentionnait l’aide apportée par son conjoint :

46 No. I don’t have budget for that. Money is the main reason. If I go to school full time, how could I survive? Giving with my bills. I was the only one. Until now, I’m leaving alone. No one helping me with my bills. I also send money to my mother. I worked hard. I’m still receiving the minimum wage until this time. I’m just have my basic need to have a good budget to send to my mom. So I have interest to go to school. I would like to practice my profession and work in a office. I’m an office girl in the Philippines. How could I go to school? (Grace)

C’était bien parce que je ne travaillais pas. J’étais concentrée. J’avais de bons résultats. J’avais vraiment de bons résultats. Je viens juste de commencer à travailler cet été et c’est un emploi facile et je suis à ma dernière session. Donc tout était « smooth ». Et j’avais mon conjoint pour me supporter donc je n’étais pas inquiète à propos de l’argent (…) Juste de vivre ensemble m’aidait beaucoup parce que j’avais le soutien financier, le soutien émotionnel et comme je disais, je n’avais pas à payer de loyer. Et il y a eu un moment où je devais vraiment envoyer de l’argent à la maison et il m’a aidé pour cette urgence. (Jennifer)47

Enfin, il y a un délai considérable au début du retour aux études et les résultats illustrent une situation financière précaire qui semble nuire, à différentes mesures, à leur retour aux études. S’ajoutent aussi les responsabilités qu’elles doivent assumer, en majorité, seules durant plusieurs années.