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PRATIQUE DES OPÉRATEURS ET MÉCANISME POLITICO-JURIDIQUE

LES OPÉRATEURS AU CŒUR DES ENJEUX POLITIQUES ET DIPLOMATIQUES

II. PRATIQUE DES OPÉRATEURS ET MÉCANISME POLITICO-JURIDIQUE

Depuis les années 1990, divers gouvernements français sollicitent des rapports sur le

fonctionnement du système de l’adoption internationale. Ainsi, en 1994, le rapport demandé par le Premier ministre Édouard Balladur au député Jean-François Mattei, pédiatre, suggère que les organismes agréés pour l’adoption soient regroupés en une confédération unique et qu’une autorité centrale soit créée 96. D’où la promulgation de la

loi du 5 juillet 199697 qui substitue la dénomination « organismes agréés pour l’adoption »

à celle d’«œuvres agréées pour l’adoption ». En 2000, le rapport demandé par le Premier

ministre Lionel Jospin au député Gérard Gouzes, met en avant les difficultés de l’autorité

centrale, la pratique des OAA et souligne déjà la nécessité de donner aux postulants la

possibilité de choisir une autre voie que celle d’un OAA pour adopter 98. Le 24 janvier 2004, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, évoque l’objectif d’augmenter le nombre d’adoptions, en annonçant la créationd’une agence de l’adoption : « Il y a trop de verrous bureaucratiques, administratifs et juridiques, et je veux vraiment donner un nouvel élan à

l’adoption »99. En 2007, face au constat du déséquilibre entre le nombre de postulants et le

nombre d’adoptions internationales effectivement réalisées, le Président de la République Nicolas Sarkozy charge Jean-Marie Colombani100 de rendre un rapport sur le système de

l’adoption internationale en France101. La succession de ces différents rapports met en

exergue l’objectif des gouvernements d’améliorer dans son ensemble le système de l’adoption internationale.

95 Fiche pays États-Unis, consultable sur https://www.diplomatie.gouv.fr/

96Yves Denéchère, Des enfantsop.cit, p. 288 ; Jean-Françsois Mattei et Marie-Christine Le Boursicot, Enfant d’ici, d’ailleurs: l’adoption sans frontière : rapport au premier ministre, La Documentation française, 1995, pp. 174-175, p. 189.

97 Loi n°96-604.

98 Gérard Gouzes, Pour une éthique de l’adoption internationale, Paris, La documentation Française, janvier 2001, pp. 67-70.

99 Joël Plantet, « L’adoption une affaire de familles et de droits de l’enfant », Lien social, n°737, 20 janvier 2005.

100 Ancien patron du journal Le Monde et père de cinq enfants dont deux adoptifs.

A. Les procédures d’adoption : une question de politique intérieure

Différents marqueurs de l’implication des responsables politiques dans le système

de l’adoption internationale peuvent être soulignés. En premier lieu, l’obtention de l’agrément, attribuée au Président du Conseil départemental (Conseil Général jusu’en

depuis 2013102), relève d’une décision politique, ce qui n’est pas le cas par exemple en

Italie où l’agrément, dénommé « decreto di idoneità », est délivré par le juge des mineurs.

En second lieu, une autre particularité française est la gestion politique de l’adoption

internationale, placée sous la tutelle de quatre ministères : celui de la Famille, des Affaires Étrangères et Européennes, de la Justice et de l’Intérieur. La pluralité des ministères de tutelle et des différentes approches induites alourdissent le système et imposent la recherche de consensus, conduisant à des lenteurs administratives imputables à tous les interlocuteurs.

1. L’AFA, un choix politique

La création de l’AFA, service public, est à l’origine un choix politique. Lors de

l’inauguration du lancement de l’AFA en mai 2006, Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, déclare : « ce jour est important, car il illustre la volonté du gouvernement de donner une nouvelle impulsion à l'adoption internationale dans notre pays en optimisant notre dispositif de soutien au service des familles »103. Philippe Douste-Blazy est père adoptif et a donc un rapport particulier à l’adoption. Il souligne l’intérêt

politique en ajoutant que : « l'adoption internationale, parce qu'elle répond à un besoin fondamental des familles françaises, revêt, à mes yeux, une importance particulière. Elle représente l'une des priorités d'action de mon ministère. Depuis 2003, près de 80 % des adoptions menées par des familles françaises concernent des enfants nés à l'étranger […] les familles françaises souhaitant adopter sont de plus en plus nombreuses… »104. Cette déclaration rejoint les propos de la MAI dans son rapport sur le déploiement de l’AFA en

102 Loi n°2013-403 du 17 mai 2013, article 1.

103 Déclaration Philippe Douste-Blazy sur les objectifs et les priorités d’action de l’AFA en matière d’adoption internationale, Paris le 18 mai 2016. [En ligne] http://discours.vie-publique.fr/notices/063001829.html, dernière consultation septembre 2015.

2011. Elle rappelait : « la France, en créant une agence publique d'adoption s'est distinguée des autres pays d'accueil qui ont fait le choix (Italie, Espagne, pour rester en Europe) d'un soutien fort aux organismes privés. La création de l'Agence Française de l'Adoption a été un choix politique »105. Cela va dans le sens du conseil départemental de Loire-Atlantique qui explique la création de l’agence pour répondre notamment « à des candidats électeurs »106.

Laure de Choiseul, première directrice de l’agence de 2006 à avril 2009, justifie la création de l’AFA par la nécessité de répondre à « la demande » des adoptants en proposant une troisième alternative : « Beaucoup de pays se sont fermés à l’adoption

individuelle donc il apparaissait urgent de créer une troisième voie pour permettre aux adoptants de continuer à adopter »107. L’AFA apparaît d’abord tel un soutien aux

postulants à l’adoption. Elle exerce à la fois une mission d’information, d’intermédiaire et d’accompagnement. En effet, «l’Agence Française de l’Adoption […] informera les candidats à l’adoption sur les aspects techniques et juridiques de la procédure d’adoption,

notamment sur les procédures applicables dans les pays d’origine ». Par ailleurs, « elle

conseillera les candidats à l’adoption pour la constitution de leur dossier et la préparation du projet d’adoption. Elle évitera ainsi aux futurs parents des démarches complexes avec

les administrations des autres pays ». Enfin, « elle accompagnera les familles, une fois de

retour en France (…) »108. Afin de remplir ses missions l’AFA est dotée à son lancement d’un budget de 4 millions d’euros109.

La création de l’AFA est censée provoquer la diminution du nombre des démarches individuelles en générant un effet mécanique puisque vouée à accueillir toutes les candidatures sans sélection, contrairement aux OAA. Pour rappel, la démarche individuelle est réalisée par les postulants sans accompagnement par un organisme. Il faut rappeler que la CLH indique un cadre à respecter et que chaque État est ensuite libre de

105 Patricia Vienne, Thierry Leconte, Le déploiement de l’Agence Française de l’Adoption à

l’étranger, Inspection Générale des Affaires Sociales, 2011, p. 5.

106 Entretien réalisé au Conseil Général de Loire Atlantique, avec Michèle Boutin (responsable du Service adoption) et Françoise Bacque (correspondante AFA), le 10 janvier 2015.

107L’adoption internationale, une adoption subsidiaire. Interview de Laure de Choiseul, 30 octobre

2007. [En ligne]

http://www.justice.gouv.fr/justice-civile-11861/ladoption-internationale-une-adoption-subsidiaire-23862.html,

108 Pascale Clément, Intervention du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice à Paris le 18 mai 2006, consultable sur : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/adopter-a-l-etranger/les-acteurs-de-l-adoption/les-operateurs-de-l-adoption/agence-francaise-de-l-adoption-afa/

109Auguste de Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc, Une seconde chance…op.cit., p.18,

mettre en place les normes qu’il juge adéquates. La CLH n’impose pas l’interdiction de la

démarche individuelle110. Une interprétation de l’article 14 de la CLH, qui stipule que « les personnes résidant habituellement dans un État contractant, qui désirent adopter un enfant dont la résidence habituelle est située dans un autre État contractant, doivent s'adresser à

l'Autorité Centrale de l'État de leur résidence habituelle », a conduit de nombreux pays à

interdire progressivement l’adoption sans intermédiaire. Pour l’ACPF notamment : « en vertu de la Convention de La Haye, il n'existe aucun argument légal, justifiant de maintenir cette pratique, et ce, quel que soit l'endroit »111. La démarche individuelle se distingue de

l’adoption dite directe. Cette dernière renvoie à l’adoption par laquelle la famille

biologique choisit la famille adoptive à qui elle souhaite confier son enfant. Ce procédé

n’existe pas en France mais aux États-Unis112.

2. La remise en question de la démarche individuelle

Si la France recommande de réaliser toutes les démarches d’adoption via l’AFA ou un OAA, elle n’interdit pas la démarche individuelle. Il apparaît que cette voie et son

interdiction relèvent d’une volonté politique. En France, la démarche individuelle fait l’objet d’un réel débat. En 1997, la question est déjà abordée à l’occasion du rapport de

Monique Cerisier Ben-Guiga, sénatrice du parti socialiste, qui déclare que l'article 14 de la convention de La Haye interdit l'adoption par démarche individuelle en faisant obligation aux adoptants de s'adresser à l'Autorité Centrale de leur État de résidence avant tout contact avec les organismes du pays d'origine de l'enfant ». Cependant aucune interdiction

juridique n’est mise en place113.

110 Anne Georget, Adoption, le choix..., op.cit ; Laura Martinez Mora (responsable du service post convention bureau de la Haye), le rappelle en indiquant que la « CLH a été réalisée pour encadrer

les adoptions […]de façon éthique et légale […] la CLH en soi établit des normes de bases, donc

c’est à chaque pays de décider de comment mettre en œuvre la Convention …». 111 ACPF, op .cit., p.29.

112 Florence Laroche-Gisserot, « L’adoption ouverte (open adoption) aux États-Unis : règles,

pratiques, avenir en Europe », Revue Internationale de droit comparé, volume 50, n°4, 1998, pp.

1095-1123.

113 Monique Cerisier-Ben-Guiga, « Projet de loi autorisant l’approbation de la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale », rapport n°151, 1997-1998.

En 2009, Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires Étrangères, affiche une position claire, en témoigne le journal Le Figaro : « Kouchner remet en cause l’adoption individuelle »114 , suite à sa déclaration « avant d’adopter plus, il faut adopter mieux », ce qui peut conduire à une suspicion à l’égard des adoptions réalisées auparavant ainsi qu’à l’égard des démarches individuelles. Aussitôt, le MASF réagit sur son site par un communiqué en déclarant : « on peut légitimement faire la lecture qu'avant on n'adoptait pas bien, et les milliers de familles concernées apprécieront cette méconnaissance abyssale de l'Histoire et des histoires »115.

En 2010, pour Édith Sudre, magistrate adjointe de l’ambassadeur de l’adoption internationale de 2008 à 2012, la France continue à autoriser les adoptions individuelles car : « il existe des actions de lobbying extrêmement importantes. Je pense par exemple à

des familles qui ont adopté il y a 7-8 ans en Russie et qui sont persuadées que leur seule chance d’aboutir aujourd’hui reste la voie individuelle. Et elles ont raison, les chiffres le prouvent. L’an dernier, l’AFA n’a réalisé́ que 8 adoptions en Russie. Il en est de même pour les OAA […] Ces familles s’unissent au sein d’associations et jouent un rôle très

important, avec des implications politiques […] le SAI (ancienne appellation de la MAI) mène un vrai combat pour tenter de mettre un terme à l’adoption individuelle »116.

En 2011, pour Michèle Tabarot, députée UMP et présidente du CSA d’avril 2006 à octobre 2012, l’arrêt des démarches individuelles est prématuré117. Elle souligne d’une part, un risque de débordements des demandes vers les OAA, d’autre part, un attachement des

Français à cette procédure. « Les Français y sont attachés. Il va falloir changer les mentalités en douceur ». L’arrêt des démarches individuelles se présente bien comme un enjeu politique, voire électoral. Dès lors, promulguer une loi pour interdire cette démarche

paraît politiquement délicat. Par ailleurs, l’adoption concerne directement un grand nombre d’électeurs mais aussi, par effet de ricochets, un nombre bien plus large de personnes (notamment famille élargie, amis).

114 Le Figaro, « Kouchner remet en cause l’adoption individuelle », 12 décembre 2009.

115 MASF, op.cit.

116Conférence sur l’adoption internationale, aide à l’intégration de l’enfant dans sa famille et dans son pays d’adoption, Comité National de l’Enfance, Paris, le 26 mai 2010 p. 9, [En ligne]

http://www.cne-fr.org/Conferences/2010/2010-3-4_ADOPTION-INTERNATIONALE.pdf, dernière consultation janvier 2016.

117Le Figaro, « Une interdiction de la démarche individuelle est prématurée », 12 janvier 2011 ;

En juin 2012, le numéro d’actualité de la MAI consacré à « l’Afrique, les mutations de l’adoption internationale »118 propose un éclairage particulier sur « la recrudescence des

risques liés à l’adoption ». Il est rappelé l’importance de procéder à une démarche d’adoption encadrée par un opérateur (OAA/AFA). Dès lors, risque et démarche

individuelle sont régulièrement mis en parallèle. Dans ce sillage en juin 2014, lors d’un

entretien, Cécile Brunet-Ludet, magistrate adjointe à l’ambassadeur de l’adoption (MAI),

indique que le cadre juridique français n’est pas adapté pour l’arrêt définitif des procédures en individuel et qu’il faut notamment une loi pour qu’il n’y ait plus la

possibilité de procéder à une démarche d’adoption par voie individuelle: « l’outil majeur défaillant est qu’on autorise toujours les adoptions individuelles ». Elle insiste sur le fait

qu’ « en démarche individuelle les dérives procédurales sont à haut risque […] les dossiers

qui nous bloquent sont les dossiers individuels en Afrique »119. De plus, les OAA rappellent que la démarche par opérateur permet un balisage, que soulignent respectivement les responsables de Païdia et de la Famille Adoptive Française, « c’est un

garde-fou contre les dérives », cela « permet de garantir que tout a été fait dans les règles », ou encore « une traçabilité de la procédure », une « sécurisation des procédures »120.

En France, l’adoption individuelle est possible vers les pays n’ayant pas adhéré à La Haye tel que le Tchad. La démarche individuelle est une spécificité française qui représentait en 2001 plus des deux tiers de démarches d’adoption. Cela s’explique par

différents facteurs mis en exergue dans le rapport de Marie-Christine Le Boursicot, chargée en 2001 par la ministre déléguée à la Famille de faire un état des lieux des organismes. Elle

l’explique notamment par le fait que les parents refusent de se soumettre de nouveau à des

démarches proches de celles de l’agrément (entretiens, évaluations…)121. En 2017, 16,9 % des adoptions en France ont été effectuées par démarche individuelle122.

118 MAI, Afrique les mutations de l’adoption internationale, n°11, janvier-mai 2012, p. 6 [En ligne]

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/News11test_cle091811-1.pdf, consulté le 16 juin 2015.

119 Entretien MAI, op .cit.

120 Entretien Mme P (responsable anonyme d’OAA) et Danièle Ikidbachian…, op.cit., Geneviève Vial…, op.cit, Raymond Speroni op.cit.

121 Marie-Christine Le Boursicot, Les organismes intermédiaires pour l’adoption, Paris, octobre

2001, remis au ministre délégué de la Famille, op.cit., p.X

122 La République centrafricaine et la Côte d’Ivoire sont les pays dans lesquels le nombre d’adoptions par démarche individuelle a été le plus important soit chacune trente-sept adoptions. MAI, statistiques 2014, op .cit. ; 47 % des adoptions sont réalisées par OAA, 22% des adoptions

Graphique n°3 :Nombre d’adoptions réalisées par démarche individuelle en France de 2005 à 2017 123

Source : Mission Adoption Internationale Statistiques de 2005 à 2017 Le fort déclin de la démarche individuelle s’explique par la ratification ou l’adhésion croissante de la CLH par les pays d’origine et l’interprétation de sa prohibition de la démarche individuelle. La baisse des adoptions individuelles en 2007 s’explique

notamment par l’arrêt de cette démarche à Madagascar. Les 701 adoptions réalisées en Haïti par démarche individuelle suite au séisme d’Haïti expliquent le pic de 2010124. La baisse significative à partir de 2010 s’explique par une diminution des adoptions individuelles en Haïti post séisme. S’ajoute pour les années suivantes leur interdiction par des pays qui présentaient un fort taux de cette procédure, dont la Russie125. En 2017, les

pays d’origine autorisant cette démarche sont : Honduras, Kosovo, Liban, Niger, Tchad,

Tunisie, Ukraine, Russie Vanutu. Ceci étant, ces pays ne représentent que peu d’adoptions. L’année 2017 est marquée par la l’interdiction de la démarche individuelle par de nombreux pays : Arménie, Bénin, Congo, Côte d’Ivoire Dominique, Ghana, Laos126.

La question de l’opportunité de légiférer pourl’interdire est difficile à trancher par une

décision politique. Cependant, les pays d’origine interdisant de plus en plus cette voie par

leur ratification de la CLH, il semble possible d’émettre l’hypothèse que peu à peu l’interdiction de la démarche individuelle sera imposée par les pays d’origine. Ainsi,

123Pour l’année 2017, sont prises en compte les adoptions engageés avant les interdictions ou suspensions de la démarche individuelle. Mission Adoption Internationale, Rapport statistiques 2017, p. 5.

124 Mission Adoption Internationale, Statistiques 2010, p. 17.

125 Traité bilatéral signé le 8 novembre 2011 entrée en vigueur le 27 décembre 2013. La Russie représentait en 2012 185 adoptions individuelles.

126 Mission Adoption Internationale, Rapport statistiques 2017, p. 5.

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016

Madagascar en 2004 et l’Éthiopie, en 2009, rendent obligatoire l’adoption par un

intermédiaire. Peuvent aussi être cités le Vietnam en juillet 2011, Haïti qui a ratifié la Convention en décembre 2013, et la Russie qui, par un traité bilatéral entré en vigueur le 27 décembre 2013 la prohibe. Or, en 2005, ces pays faisaient partie des 10 premiers pays

d’origine, les adoptions dans les pays non partie la Haye représentaient 74 % des enfants accueillis et la démarche individuelle représentait 62 % des adoptions127. Tandis qu’en

2015, 62,3 % des adoptions sont réalisées avec des pays parties La Haye et 37,7 % avec des États non parties à la Haye.

B. Les opérateurs face aux situations de crise

Le rapport Colombani souligne l’importance de la diplomatie en indiquant «

l’adoption internationale n’est pas au départ un objectif en soi ou une finalité de l’action

des États les uns par rapport aux autres. C’est en revanche un objet de l’action

diplomatique »128. En effet, l’adoption internationale est un outil diplomatique, différents cas en témoignent, parmi eux, celui de la Corée du Nord et de la Corée du Sud. Yves Denéchère prend cet exemple dans le documentaire : « Adoption, le choix des Nations ». «

La Corée du Nord a accusé la Corée du Sud de vendre ses enfants, d’être tombé dans un système capitaliste, dans une faillite morale de l’ensemble de sa société etc. et la preuve de la faillite de ce système capitaliste sud-coréen imposé par les Américains, c’est que la

Corée du Sud était incapable de prendre en charge ses enfants »129. Rappelons également

l’exemple des relations entre la Roumanie sous Nicolae Ceausescu et la France sous la présidence de François Mitterrand. Les critiques de ce dernier envers les droits de

l’Homme non respectés en Roumanie ont conduit Nicolae Ceausescu à utiliser les processus d’adoptions d’enfants roumains par des Français comme moyen de pression sur François Mitterrand130.

127 MAI, Statistiques Adoption 2005, p. 1, 4 et 6.

128 Jean-Marie Colombani, Rapport sur l’adoption.., op .cit., p. 271.

129 Anne Georget, Adoption, le choix..., op.cit.

130 Yves Denéchère, « L’adoption des “enfants de Ceauşescu”, un fait social au coeur des relations franco-roumaines », Les Cahiers d’Histoire immédiate, 2013, pp. 171-184 ; Yves Denéchère et Béatrice Scutaru, « International adoption of Romanian children and Romania’s admission to the European Union (1990-2007) », Eastern Journal of European Studies, n°1, 2010, pp. 135-151.

Le cas du Vietnam et de sa convention bilatérale signée avec la France le 1er février 2000 et entrée en vigueur le 1er novembre, donne un autre exemple. Gérard Gouzes, dans

Une éthique pour l’adoption internationale, explique la mise en place de la convention

bilatérale. Il rappelle aussi l’importance particulière du Vietnam pour la France qui

accueille « près de la moitié des enfants vietnamiens adoptés par des pays étrangers ». Cet

accord résulte d’une suspension de toutes les procédures d’adoption en avril 1999 jusqu’à la conclusion de l’accord bilatéral qui fait suite aux différentes dérives constatées concernant, entre autres, des réseaux de traite d’enfants131. En 2005, le Vietnam interdit

toute démarche d’adoption individuelle. Cette même année, cinq OAA ont obtenu une accréditation pour le Vietnam à savoir MDM, Destinées, Enfance Avenir, La Providence,

Œuvre de l’adoption comité de Marseille132.

Dans son article « la gestion des adoptions internationales », Hervé Boéchat évoque

la gestion d’une situation post-catastrophe en s’appuyant sur l’exemple du séisme d’Haïti

et révèle « les décisions dans l’urgence, la médiatisation des évacuations d’enfants

adoptés »133 . Dans des circonstances exceptionnelles, telles que l’Affaire de l’Arche de

Zoé et le séisme d’Haïti, la gestion de l’adoption internationale met en exergue les failles du système dans certains de ses fondements. Et dans son article du journal Libération, la