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SIGNALÉTIQUE DES OPÉRATEURS

II. L’AFA UNE AGENCE D’ÉTAT

L’AFA est un organisme d’État, une agence publique instituée par la loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 et financée uniquement à partir de fonds publics attribués par le ministère de la Famille. L’Agence a pour mission d’informer, de conseiller et d’accompagner les candidats à l’adoption ; elle est sous la tutelle des ministères de la Famille, de la Justice et des Affaires Étrangères.

A. Les marqueurs identitaires

1. L’AFA un groupement d’intérêt public

La mise en place d’un intermédiaire public en complément de la démarche individuelle et des OAA, émane d’une volonté politique de pouvoir doubler « le nombre

d’adoption »68. Partant du constat que « plus de 23.000 familles veulent adopter un enfant pour seulement 4.000 adoptions par an. Il y a trop de familles qui veulent donner de

l’amour à un enfant (…) »69.

L’AFA prend la forme juridique d’un groupement d’intérêt public (GIP) constitué

de trois catégories de personnes morales : l’État, les départements – représentés par les présidents de chaque conseil général – et les trois fédérations d’OAA, qui ont le statut de

personnes morales de droit privé. Laure Néliaz, (juriste, rédactrice « Enfance et Famille » à

la direction générale de l’Action sociale au Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité́ de 2002 à novembre 2011) rappelle qu’en l’absence de guide juridique pour

établir les statuts de l’AFA, le groupe de travail s’est appuyé sur le GIPED (Groupement

d’Intérêt ublic pour l’Enfance en Danger). En effet, il semblait d’autant plus cohérent d’en

reprendre la structure que le GIPED, tout comme l’AFA œuvre pour la protection de l’enfant. Quant au choix de la dénomination de ce nouvel opérateur, Laure Néliaz indique

68L’express, « Un plan pour l’adoption », le 11 avril 2005.

69 Pierre Verdier, « Développer l'adoption, oui, mais pas à n'importe quel prix », Journal du droit des jeunes, volume 233, n°3, 2004, pp. 17-18.

qu’il revient à Yves Nicolin, député de la Loire. Père adoptif lui-même, il est à l’initiative de sa création et sera d’ailleurs le premier président de son Conseil d’Administration, de

2005 à 2011. Celui-ci est composé des tutelles de l’agence, des représentants des

départements français et d’un représentant des OAA. Le Conseil d’Administration établit le règlement intérieur, et nomme le directeur/trice de l’Agence.

Les statuts de l’AFA ne lui permettent pas réaliser d’actions de coopération dites « humanitaires ». Or, en contrepartie de l’agrément délivré à l’Agence, certains pays, dont le Vietnam, exigent l’accomplissement d’actions humanitaires. Aussi des aménagements

sont-ils mis en place : « Le conseil d'administration du 14 mars 2007 avait ainsi adopté une décision modificative au budget primitif pour prendre en compte la « nécessité de réaliser

certains projets humanitaires afin de pouvoir œuvrer dans certains pays », notamment le Vietnam »70. La question d’actions humanitaires qui incomberaient à l’AFA fait émerger

deux positions opposées : « une telle disposition faciliterait l'action de l'AFA et constituerait, dans certains pays, le seul moyen de la poursuivre »; a contrario « d’autres

craignent une confusion des genres » ou, pour le dire de manière plus explicite, une « marchandisation » de l'enfant »71. Par ailleurs, les adoptants suivis par l’Agence Française de l’Adoption s’inscrivent-ils ensuite dans une continuité, en poursuivant une

action de soutien au pays d’origine malgré l’absence de programme régulier de l’agence ?

2. Composition de l’agence

La première directrice de l’agence a été Laure de Choiseul, magistrate, en place de

2006 à 2009 ; cette nomination a pu être mise en lien avec le statut de son époux Pascal Clément, garde des sceaux et ministre de la Justice de juin 2005 à mai 2007. Béatrice Biondi, magistrate mise à disposition par le ministère de la Justice, lui succéde le 1er avril 2009 et occupe toujours cette fonction au 1er janvier 2017. Le poste de directeur/trice est

attribué par le conseil d’administration et est renouvelable tous les trois ans. La direction

de l’Agence est assurée par des magistrats. Lors de notre échange, Laure Néliaz indique que ce choix concernant la profession de la directrice de l’AFA permettait de garantir « des

70Cela a entraîné des difficultés notamment pratiques comme l’ouverture d’un compte bancaire.

Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier et Paul Blanc, Une seconde chance pour l’agence

française de l’adoption, Commission des finances et des affaires sociales, n°236, 2009, p. 68.

procédures d’adoption conforment en règle de droit ». Il faut noter que la directrice de

l’Agence est payée par le ministère de la Justice.

L’Agence compte trente-trois collaborateurs pluridisciplinaires. L’AFA se compose

de trois services : un service international qui regroupe des rédacteurs répartis par continent, une coordinatrice du suivi post-adoption et des correspondants locaux dans les pays

d’origine ; un service information et accompagnement, chargé des relations avec les départements, qui regroupe un pôle informations et conseils et un pôle santé ; un service administratif, financier et logistique qui comprend un pôle administratif et financier, un pôle secrétariat et inclut un chef de projets des systèmes d’information. De plus, des agents

sont respectivement responsables de la communication et de la comptabilité.

L’AFA s’appuie sur un réseau institutionnel assurant des contacts permanents avec les pays d’origine par l’intermédiaire de 14 correspondants locaux, des réseaux consulaires

et diplomatiques ainsi que des représentants au sein des Conseils généraux. Elle dispose de 135 correspondants départementaux : « désignés par les présidents des conseils généraux dans chaque service de l’ASE» et, à l’étranger, un réseau de correspondants et de référents

dans les consulats français72. Enfin, l’agence établit par son réseau un contact régulier et permanent avec les pays d’origine, notamment par l’intermédiaire des correspondants locaux et grâce aux services de rédacteurs spécialisés par continent.

L’approche genrée de la composition de l’AFA fait ressortir sa proximité avec celle

des OAA : on y trouve une majorité de femmes. Il convient de noter que les correspondants des départements ne sont pas comptabilisés dans ce recensement. Elle compte au siège 3 hommes et 30 femmes. Pour les correspondants locaux 3 hommes et neuf femmes73.

72 Loi n° 2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l'adoption ; Section 3 du chapitre V du titre

II du livre II du code de l'action sociale et des familles, consultable sur

https://www.legifrance.gouv.fr

Muriel Eglin, « Réforme de l'adoption. La loi du 4 juillet 2005 », Enfances & Psy, no 29, 2005, pp. 17-23. [En ligne] https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2005-4-page-17.htm, consulté en janvier 2013 ; AFA TV, consultable sur http://www.agence-adoption.fr/lafa-tv/lafa-et-ses-missions/

Document n° 1 : Organigramme de l’Agence Française de l’adoption

Source : Organigramme de l’AFA, juillet 2016

B. L’AFA, une « image » structurée

1. Le choix du logo

Le logo de l’AFA a été choisi par Chantal Cransac, (chargée de mission communication), par Laure de Choiseul, (première directrice de l’AFA), et par Marie Guite

Dufay (Présidente du Conseil Régional de Franche Comté). Chantal Cransac indique que ce choix a été fait « sur un coin de table », soulignant l’absence de financement à cette

étape de la mise en place de l’AFA. La création du logo a été « faite de façon très artisanale ». Le critère qui a présidé au choix de ce logo était la recherche de « quelque

chose d’humain, un enfant par continent. Le bouquet de fleurs rouges permettait de faire un parallèle avec la Chine », pays avec lequel l’AFA a commencé à réaliser des adoptions. Le

bouquet de fleurs mentionné par Chantal Cransac apparaît peu lisible, le logo reproduit des pivoines mais on ne distingue pas de véritable bouquet. En Chine, la fleur est utilisée régulièrement en tant que symbole. La pivoine est considérée comme la Reine des fleurs,

elle est aussi associée pour les Chinois à la beauté et l’amour et est symbole de prospérité

et de noblesse. Dans les sociétés occidentales la pivoine est, entre autres, symbole de protection74.

Image n° 2 : Logo AFA

Source :http://www.agence-adoption.fr/

Le logo de l’AFA montre des similitudes avec des logos d’OAA, notamment par le

choix d’une sphère et de visages d’enfants de continents différents, mais aussi par l’utilisation dominante de la couleur bleue, ainsi que celle du rouge. Ce code couleur renvoie au drapeau français et fait donc écho au statut de l’Agence, qui est un organisme

d’État. Lors de notre échange, Chantal Cransac indique que des critiques ont été émises

concernant le logo de l’AFA : il véhiculerait une image trop associative, et par-là, un « manque de rigidité institutionnelle ». Mais il n’est pas envisagé pour autant de le

modifier. « On a privilégié le cœur, on travaille dans l’intérêt de l’enfant […] », « pour

nous le logo nous représente et personne n’a proposémieux »75.

74 LTL Mandarin School, « Signification des fleurs et des arbres en Chine », le 12 novembre 2015, consultable surhttps://www.ltl-chinois.fr/signification-fleurs-arbes-chine/

2. La communication ciblée de l’AFA

Le même protocole de recherche a été appliqué pour évaluer le contenu et la portée du

site Internet de l’AFA. Chantal Cransac, chargée de mission communication, est seule à le

gérer depuis le lancement de l’Agence: elle jouit d’une expérience de trente-cinq ans dans le domaine de la communication, ayant exercé au sein de cabinets ministériels et

d’entreprises privées. C’est donc à elle que revient d’établir l’organisation du site et de

choisir les informations, tout en prenant en considération les retours des utilisateurs. Le site

ne fait l’objet d’aucun contrôle extérieur, que l’AFA a lancé dès sa création, le 18 mai

2005. Chantal Cransac a précisé lors de notre échange que son lancement a été effectif « en trois semaines » 76.

L’AFA est l’opérateur qui possède le site le plus complet : on y trouve l’ensemble des informations recherchées, ce qui est assurément lié à son statut d’agence d’État. Chantal Cransac note qu’à ce jour « plus de huit/neuf millions de personnes ont visité le site de l’AFA depuis son lancement (18 mai 2006), et huit à neuf cents personnes par jour le consultent ». D’autres points que ceux précédemment listés y figurent, et qui ont également leur importance : une section est ainsi consacrée à la présentation, des critères de reconnaissance des enfants à besoins spécifiques : « handicap, âge, fratrie, état de santé, histoire lourde, origine et histoires stigmatisan tes ».

Le site présente l’AFA et ses missions et diffuse les rapports d’activités de l’Agence

détaillant ses activités, sa gestion budgétaire, les statistiques et les aperçus de la situation

générale de l’adoption internationale. Il semblerait logique que les OAA publient également sur leur site un rapport complet de leurs activités. L’organisation du site prévoit

des espaces par catégorie d’acteurs : « espace pro », « espace adoptant », « espace institutionnel », « espace junior ». Seul l’espace junior ne requiert pas d’identifiant, les

informations sont accessibles à tous. Il se compose des sous-onglets suivants : « les pays », « histoire de l’adoption », « adoptés célèbres », « vos questions », « livres et cinéma ».

Grâce à cet espace, l’AFA permet à l’adopté de s’informer. Les sections « des adoptés célèbres » et « vos questions » permettent aux adultes adoptés de s’identifier à certaines

figures, de se sentir moins isolés, mais aussi, pour certains, d’oser poser une question de façon anonyme et, pour ceux qui ne franchissent pas le pas, d’avoir des réponses à

76 Entretien Chantal Cransac..., op.cit.

certaines questions intimes. L’espace adoptant permet aux postulants de contacter leur correspondant AFA, de modifier leur projet d’adoption, de consulter leur fiche candidat et

d’étudier les procédures pays avec un code d’accès.

L’AFA possède un site ludique, grâce à des schémas animés et à des vidéos qui illustrent et/ou synthétisent, par exemple, les modalités de prise en charge des candidatures

d’adoption. Il est le seul opérateur à proposer une frise chronologique avec les grands temps de l’adoption à partir de l’Antiquité. Présentée de façon attrayante et synthétique (présence de nombreuses illustrations, couleurs vives), elle donne les principaux repères de

l’histoire de l’adoption. La diffusion de vidéos rend les informations plus accessibles.

L’AFA possède d’ailleurs un onglet « AFA TV », à partir duquel les explications sont données par vidéo. Cette accessibilité se retrouve dans le module de simulation

d’orientation grâce auquel les postulants à l’adoption peuvent s’orienter vers un pays donné. Les fiches pays avec l’annotation en vert correspondant à des critères subjectifs permettent d’appréhender les diverses pratiques des pays d’origine. Dans un dossier intitulé « l’éthique de l’adoption », l’agence affirme son respect de la CHL et de la Convention des Droits de l’Homme et reprend les principes qui régissent l’adoption Elle publie sa propre charte et rappelle que l’adoption est une mesure sociale, définie comme

devant être « une rencontre entre l’enfant dans son besoin et les parents dans leur désir » rappelant que « c’est un droit pourl’enfant qui en a besoin, mais non pour les familles en désir d’enfant »77.

L’AFA n’a pas de page Facebook, ce qui sous-tend l’hypothèse d’une incompatibilité entre Agence d’État et réseau social. Chantal Cransac souligne la volatilité

de l’information sur ce type de réseaux, indiquant par ailleurs que les familles n’en n’ont

pas émis le souhait. Elle explique encore la difficulté que pose un tel réseau par la

réactivité qu’il requiert : de fait, un espace interactif entre parents adoptants et membres de

l’AFA avait été aménagé, puis fermé au « bout d’une semaine » durant laquelle les flux enregistrés ont pu atteindre quatre cents questions par jour. De tels flux étaient impossibles à gérer : « quand je cliquais pour voir les questions, on me disait vous avez ouvert mais pas répondu » ; de plus, « les questions sont trop pointues », les réponses devant être fournies par le service Information et Conseil78. Chantal Cransac évoque la possibilité d’interactions

entre les familles à travers les groupes sociaux (blogs, forums), et insiste sur le fait que

77[En ligne]

http://www.agence-adoption.fr/wpcontent/uploads/2013/12/L_ethique_de_l_adoption.pdf

l’absence de l’AFA sur Facebook n’est pas « un manque de transparence ». Hormis la

suppression de cet espace interactif, le site internet de l’AFA n’a connu aucune

modification depuis son lancement.

III. Les opérateurs dans l’espace national

Sur la scène de l’adoption internationale, les opérateurs sont en interaction avec différents acteurs qu’il convient de présenter. Les opérateurs (OAA et AFA) sont ainsi en

correspondance avec la MAI, autorité de tutelle des opérateurs, avec les adoptants,

notamment via les APPO (Associations de Parents par Pays d’Origine), et enfin avec les adultes adoptés, acteurs émergents, qui constituent un nouveau maillage du réseau de

l’adoption internationale. Par leur logique propre, ces différents acteurs influent sur la

perception de l’adoption internationale, qui suscite un intérêt particulier pour la société civile et implique une surinformation médiatique.

A. Les relations avec les autres acteurs de l’adoption

1. OAA et MAI : des relations variables

En sa qualité d’autorité centrale de tutelle79, la MAI est dotée d’un rôle de coordination, de structuration, d’informations et d’orientations auprès des différents

acteurs de l’adoption et particulièrement des opérateurs. Cependant, au cours des entretiens,

certains responsables d’OAA ont évoqué une certaine frustration sur le plan des échanges

d’informations et de la relation entre la MAI et les opérateurs : « la nouvelle ambassadrice on ne la connaît pas, la nouvelle responsable des OAA on ne la connaît pas »80. Il est ici

fait référence à l’ambassadrice Odile Roussel et à Cléa Le Cardeur, (chef du bureau régulations des opérateurs et relations avec les autres acteurs de l’adoption) toutes deux

79 Les missions de l’Autorité centrale : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/adopter-a-l-etranger/la-

mission-de-l-adoption-internationale/les-missions-de-l-autorite-centrale-pour-l-adoption-internationale/