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qui se prévaut d’une existence juridique propre, il faut décider si cette existence est ou non

122. D’après M. Menjucq

377

, il peut y avoir une confusion entre la reconnaissance des

sociétés étrangères et la lex societatis dans la mesure où leurs rapports sont assez flous et leurs

domaines d’application peuvent se confondre. Il cite pour exemple la controverse qui opposa

Drobnig à Goldman lorsqu’il présidait le groupe d’experts chargés de rédiger le projet de

convention sur la reconnaissance mutuelle des sociétés dans la Communauté européenne.

Drobnig

378

pensait fermement que la reconnaissance ne présentait aucun intérêt et que le seul

véritable problème était la détermination de la règle de conflit. Ce à quoi, Goldman rétorqua, à

juste titre, que « rationnellement, avant de désigner la loi applicable à un organisme étranger

qui se prévaut d’une existence juridique propre, il faut décider si cette existence est ou non

374 Dicey et Morris by L. Collins, op. cit. D’après ces auteurs, « All matters concerning the constitution of a corporation are governed by the law of the place of incorporation ». Ce qui signifie que tous les aspects relatifs à la constitution d’une société sont gouvernés par la loi de son lieu d’incorporation.

375 D. Vidal, Droit des sociétés, 7ème éd., LGDJ, Paris, 2010, n° 1394, p. 690.

376 Pour la forme des actions : C.A. Paris, 2 décembre 1963, RTD com. 1964, p. 642, obs. Houin ; Rev. crit. DIP 1966, p. 40, note Y. Loussouarn. Dans cette affaire, la Cour a admis de façon implicite la compétence de la lex societatis pour déterminer la forme des actions.

377 M. Menjucq, Droit international et européen des sociétés, op. cit., n° 23.

378 U. Drobnig, « Zeitschrift für das gesante handelsrecht und wirtschaftsrecht » (« Remarques critiques sur l’avant projet de convention C.E.E. sur la reconnaissance des sociétés »), Stuttgart 1967, n° 129, p. 93 et s.

admise, autrement dit, si on la reconnaît ou non en termes concrets »

379

. À l’instar de la

doctrine majoritaire, L. Lévy partage ce point de vue et définit la reconnaissance comme

« l’admission sur le territoire nationale de l’existence et des effets d’une personne juridique

(physique ou morale) étrangère »

380

. Pourtant, un auteur minimise la portée de la

reconnaissance des sociétés pour n’y voir tout au plus qu’« une règle de compétence

internationale des autorités »

381

. Partant de ce constat, le droit français ne va reconnaître une

société, valablement créée selon les règles de son Etat de constitution, qu’après avoir vérifié

que le siège réel

382

de cette société se situe bien sur le territoire de l’Etat en question. La

reconnaissance internationale de la société commanderait donc la vérification d’une condition

supplémentaire, à savoir l’exigence d’un lien juridique, déterminé par les règles du droit

international privé français, entre la société et l’Etat de constitution

383

. La solution

controversée de la jurisprudence

384

, retient dans les conflits de lois comme facteur de

rattachement, la nationalité de la société pour déterminer la loi applicable au statut de la

société.

123. Dans une très large mesure, la lex societatis va résulter du choix des parties au contrat

de société

385

. Celle-ci ne va pas s’imposer aux fondateurs de la société en application du

principe de l’autonomie de la volonté même s’il faut bien évidemment admettre que des règles

impératives viennent limiter et encadrer les choix éventuels des associés. Pour être

valablement créée, la société étrangère doit respecter toutes les conditions de fond et de forme

379 B. Goldman, Rables Zeitschrift, 1967, p. 205. Pour l’auteur, « cela signifie, par exemple, qu’avant de désigner, selon le droit international privé français, la loi qui devra régir le fonctionnement d’une société constituée en Allemagne, il faudra décider si une telle société peut ou non être considérée, en France, comme apte à être titulaire de droits et d’obligations ».

380 L. Lévy, thèse préc., p. 51.

381 P. Mayer, op. cit.

382 B. Goldman, A. Lyon-Caen et L. Vogel, op. cit., n° 70. Selon eux, le critère de rattachement du droit français serait le siège réel. Toutefois, rien ne permet de penser que les articles L. 210-3 du Code de commerce et 1837 du Code civil, ainsi que la jurisprudence, prônent une telle solution. En revanche, une autre interprétation est possible et permet de rattacher la société par le critère du siège statutaire, exception faite de la fraude.

383 M. Menjucq, La mobilité des sociétés dans l’espace européen, thèse préc., n° 23 p. 19.

384 L. Lévy, La nationalité des sociétés, thèse préc., n° 66 et s. ; R. Libchaber, note sous Cass. com., 9 avril 1991, Rev. sociétés 1991, p. 746 ; M. Menjucq, Droit international et européen des sociétés, op. cit., n° 92 et s. ; H. Synvet, L’organisation juridique du groupe international de sociétés, thèse préc., n° 92, p. 205 et du même auteur, Rép. int. Dalloz, « Société », n° 44.

imposées par sa loi nationale, c’est la condition pour que cette société puisse exercer une

activité en France. Si les associés souhaitent soumettre leur future société à la loi française, la

société est considérée comme valablement créée et dotée de la personnalité morale à partir du

jour de l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés. D’après M. Menjucq,

« seule l’adhésion à une structure juridique préalablement déterminée par la loi est de nature

à conférer à l’entité ainsi créée la personnalité morale », par conséquent, « la seule mention "

société de droit suisse " ne permet pas de caractériser la nature juridique et, de ce fait,

l’existence légale de la requérante »

386

. L’examen de la personnalité juridique de la société

étrangère se fait au regard de sa loi nationale, la société étrangère doit bénéficier de la

personnalité morale dans son Etat de constitution pour pouvoir en demander le bénéfice en

France. Toutefois, il existe certaines hypothèses où la société non titulaire de la personnalité

morale dans son Etat de constitution peut se voir reconnaître une capacité juridique par la

jurisprudence si la société se rapproche de l’une des catégories de sociétés définies par la loi

française.

124. En droit international privé comparé, deux systèmes sont en vigueur :

– d’une part, les Etats qui soumettent la société à la loi du siège social ;

– d’autre part, ceux qui se réfèrent au critère de l’incorporation.

Dans le premier système, qui était celui de la plupart des Etats européens continentaux

387

, la

compétence législative se détermine d’après la localisation du siège social. Il peut s’agir soit

du siège statutaire, soit du siège réel. Le droit allemand a toujours retenu cette solution. Mais

récemment, s’agissant des sociétés de capitaux et sous la pression conjuguée du droit de l’UE

et d’un phénomène de law shopping, le droit allemand a introduit le critère du siège statutaire

386 M. Menjucq, note sous C.A. Paris, 30 avril 1997, Bull. Joly 1997, p. 778.

387 L’Italie, la Suisse (loi fédérale du 18 décembre 1987, article 154, v. Rev. crit. DIP 1988, p. 438) et les Pays-Bas se sont ralliés au système de l’incorporation même si, à l’image de l’Italie, des aménagements ont été pris pour éviter les rattachements frauduleux pour éluder les dispositions impératives de la loi italienne. En effet, la loi italienne du 31 mai 1995 réserve l’application du droit italien « si le siège de l’administration est situé en Italie, ou si l’objet principal de telles entités [sociétés, associations, fondations] se trouve en Italie ». La loi italienne du 31 mai 1995 est reproduite à la Rev. crit. DIP 1996, p. 179. Dans le même état d’esprit, la loi néerlandaise du 25 juillet 1959 (aujourd’hui codifiée dans le nouveau Code civil, livre I, article 10) condamne les pseudo-sociétés étrangères. S’agissant de l’Italie et des Pays-Bas, le critère retenu s’apparente plus au critère du siège statutaire mais ces effets, en pratique, sont les mêmes que le critère de l’incorporation. Ces deux pays se réfèrent désormais au siège statutaire.