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expressément 174 . La jurisprudence de la Cour de justice a eu pour objet la reconnaissance des sociétés et le conflit de lois pour limiter les effets du siège réel en affirmant la contrariété aux

articles 49 et 54 TFUE de la prise en compte du siège réel par l’Etat membre d’accueil soit

pour refuser de reconnaître la capacité juridique, soit pour appliquer, même seulement à titre

de loi de police, les dispositions locales légales. En droit international privé, la théorie du

siège réel demeure toujours applicable aux sociétés ayant leur siège statutaire dans un Etat

tiers à l’Union européenne mais compte-tenu de l’importance prise par le droit de l’UE, les

Etats membres revoient leurs positions traditionnelles en la matière. L’Allemagne, tenant

compte de l’évolution de la jurisprudence de l’UE, a instauré le critère du siège statutaire pour

les sociétés de capitaux

175

. Cette règle de conflit du droit de l’UE ne prend en compte qu’un

lien purement formel résultant de l’immatriculation, appelée aussi incorporation, de la société

sur un registre. Le critère de rattachement est le siège social tel qu’il figure dans les statuts et

corroboré par l’immatriculation. Par conséquent, le rattachement à la loi d’un Etat membre

s’effectue par le siège statutaire. La jurisprudence de l’Union européenne ne donne aucune

importance au lieu de la direction effective qualifié de siège réel (« head office ») en droit

français ou allemand. D’après l’examen de la jurisprudence de l’Union européenne, il semble

très peu probable de pouvoir rechercher si les fondateurs ont été animés par une volonté de

fraude dans le choix du lieu de constitution de leur société. Ce système tel qu’il résulte des

arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne

176

laisse une grande place à la volonté des

fondateurs dans le choix de la lex societatis.

174 L’article 49 TFUE concernant les sociétés dispose que « les sociétés constituées en conformité à la législation d’un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté sont assimilées, pour l’application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres. (…) ».

175 La MoMiG de 2007, entrée en vigueur le 1er nov. 2008, consacre le siège statutaire pour le rattachement des sociétés de capitaux : Rev. crit. DIP 2006, p. 712.

176 CJCE « Centros », 9 mars 1999, aff. C-212/97, Rev. sociétés 1999, p. 386, note Parléani ; Rec. CJCE 1999, I, p. 1459 ; « Überseering », 5 nov. 2002, aff. C-208/00, Rec. CJCE 2002, I, p. 9919 ; « Inspire Art », 30 sept. 2003, aff. C-167/01, Rec. CJCE 2003, I, p. 10155.

B. Le rôle subsidiaire et négatif du contrôle.

57. Le critère du contrôle, fondé notamment sur la nationalité des principaux actionnaires,

des dirigeants sociaux ou sur la provenance des fonds, est un critère punitif et privatif de

droits. Le contrôle n’a jamais été utilisé pour la détermination de la nationalité ou de la loi

applicable (1). Il s’agit là d’un critère institué par le législateur ou le pouvoir exécutif dans des

situations précises chaque fois que se pose la question de la jouissance des droits d’une

société a priori Française mais contrôlée par des étrangers (2).

1. Un critère non attributif de nationalité et réservé à la jouissance des droits.

58. Le « polymorphisme »

177

du contrôle a été le principal obstacle à sa généralisation. Le

critère du contrôle, malgré les différentes formes qu’il adopte, est explicitement défini par le

législateur ou le pouvoir exécutif. Il n’exige pas d’interprétation de la part des juges du fond.

« Le critère du siège social serait adopté, toutes les fois qu’il faudrait déterminer la loi

applicable à la société. Au contraire, il y aurait lieu de se référer au contrôle, toutes les fois

qu’il s’agirait de préciser les droits dont une société peut jouir en France, et les obligations

auxquelles elle est assujettie »

178

. P. Louis-Lucas proposa de faire une application distributive

de ces deux critères, il faisait valoir que le siège social ne révèle que le domicile de la société

et non les personnes qui la dirigent et la contrôlent effectivement

179

. Cet auteur préconisait de

distinguer l’existence de fait du groupement social, qui doit être appréciée d’après le critère du

contrôle, et la reconnaissance en droit de ce groupement de fait pour laquelle on devrait

177 Le contrôle peut revêtir différentes formes, ce qui a pu conduire certains auteurs a rejeté son application en jurisprudence. De plus, son application demande des investigations qui peuvent être difficiles pour les tribunaux. Toutefois, il convient de préciser que ce critère est indispensable pour apprécier si telle ou telle société peut bénéficier des activités réglementées et réservées aux sociétés françaises. Le contrôle peut s’apprécier d’après : le contrôle des associés, le contrôle des dirigeants, l’origine des capitaux, la détermination de l’Etat qui retire les bénéfices économiques et financiers de l’activité sociale.

178 Loussouarn et Bredin, Droit du commerce international, op. cit., n° 262, p. 278. En ce sens, v. Niboyet, Traité, t. II, 2ème éd., n° 750 et s. ; R. Savatier, Rev. crit. DIP 1939, p. 428 et Précis de droit international privé, 2ème éd., n° 49 ; Loussouarn, Les conflits de lois en matière de sociétés, thèse préc., n° 45 ; Rigaud, Rép. de la Pradelle et Niboyet, v. « Personnes morales », n° 80.

déterminer la nationalité en se référant au siège social. Il estimait aussi qu’une fois ces deux

questions résolues, les problèmes de jouissance des droits et de conflits de lois peuvent être

réglés sans difficultés. MM. Hamel et Lagarde

180

se rallient au critère du siège social pour la

détermination de la loi régissant le statut personnel de la société. En revanche, ils soutiennent

que le contrôle doit s’appliquer quand la société revendique l’exercice ou le bénéfice de droits

civils. Le domaine d’application du critère du contrôle serait parfaitement délimité par la

distinction opérée par Niboyet : le conflit de lois serait régi par le critère du siège social et les

problèmes de jouissance des droits seraient réglés par le critère du contrôle. Or, la

jurisprudence n’a pas toujours suivie cette distinction à la lettre. Exceptionnellement, le critère

du contrôle est perçu comme un critère complémentaire du critère du siège social, cette

position a été expressément consacrée par l’arrêt de la Cour de cassation du 30 mars 1971

181

qui établi une hiérarchie entre les deux critères. Par ailleurs, lors de sa mise en œuvre par les

tribunaux, ceux-ci semblent indifférents à privilégier l’une des formes du contrôle sur les

autres puisqu’ils utilisent de manière cumulative ou alternative les différentes formes du

contrôle. La même remarque est valable s’agissant des lois qui instaurent le critère du contrôle

pour la jouissance de certains droits, ces dernières optent pour des formes de contrôle très

variables et dépendant largement des secteurs d’activités que le législateur souhaite plus ou

moins protéger d’une certaine mainmise étrangère. On constate que la jurisprudence a

appliqué à maintes reprises le critère du siège social pour des questions relatives à la

jouissance des droits

182

. Dans sa décision « Barcelona Traction »

183

, la Cour internationale de

justice a consacré les deux systèmes du siège social et de l’incorporation. Dans le cadre de la

180 Hamel et Lagarde, Traité de droit commercial, t. I, op. cit., n° 420, p. 506.

181 Cass. 1ère civ., 30 mars 1971, Bull. civ. 1971, I, n° 111 ; Rev. crit. DIP 1971, p. 451, note Lagarde ; JCP G 1972, II, 17101, note Oppetit ; JDI 1972, p. 834, note Loussouarn. Les juges décidèrent que « si, en principe, la nationalité d’une société se détermine par la situation de son siège social, pareil critère cesse d’avoir application lorsque, le territoire sur lequel est établi ce siège social étant passé sous une souveraineté étrangère, les personnes qui ont le contrôle de la société et les organes investis conformément au pacte social ont décidé de transférer dans le pays auquel elle se rattachait le siège de la société afin qu’elle conserve sa nationalité et continue d’être soumise à la loi qui la régissait ».

182 S. Bastid, « La protection diplomatique et la nationalité des sociétés », in Travaux du comité français de Droit International Privé, 1969, n° 23. En matière de protection diplomatique, une utilisation combinée du siège social et du contrôle est faite par les tribunaux. Le critère normalement retenu est celui du siège social pour les Etats qui, comme la France, s’y réfèrent.

183 CIJ, 5 février 1970, « Barcelona Traction », Rec. CIJ 1970, p. 3 ; J. Charpentier, « L’affaire de la Barcelona Traction devant la Cour internationale de Justice », Annuaire français de Droit international 1970, vol. 16, n° 16, pp. 307-328.

protection diplomatique, le contrôle n’intervient que pour vérifier que le lien invoqué est