• Aucun résultat trouvé

B/ Les obligations spécifiques pesant sur les sociétés étrangères

113. Certaines obligations concernent la société elle-même (1). Cette dernière est soumise

à une série d’obligations relatives notamment à la publicité, la loi applicable à son statut ou le

nom des associés. D’autre part, il existe une série d’obligations pesant directement sur les

membres de la société (2).

1. Les obligations pesant sur la société.

114. Qu’il s’agisse des personnes morales ou physiques étrangères, celles-ci sont soumises

à des règles particulières que certains auteurs qualifient de règles « discriminatoires »

357

.

Certains droits privés leurs sont refusés comme le droit de vote. Logiquement, ces

discriminations ne revêtent pas la même forme pour les personnes morales et les personnes

physiques étrangères. En la matière, ce qui intéresse les sociétés commerciales ce sont les

conditions d’accès à certains activités réglementées. L’article L. 122-1 du Code de commerce

dispose que les sociétés étrangères qui souhaitent exercer une activité commerciale,

industrielle ou artisanale en France doivent en faire la déclaration préalable auprès du préfet

du département où l’exercice de cette activité est prévu

358

. Cette disposition subordonne

l’établissement en France à l’octroi d’une autorisation spécifique et n’a pas prévu le cas de

357 Ibid., n° 1057 et s.

358 La loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a supprimé l’exigence d’obtention d’une carte de commerçant étranger. Toutefois, certaines activités ne pourront être exercées en France que sous réserve d’une autorisation préalable comme, par exemple, en matière de prestations de sécurité privée même à titre ponctuel.

l’établissement ouvert par une société étrangère. Par conséquent, la nécessité d’une carte de

commerçant pèse sur les étrangers associés en nom ou dirigeants qui ont, à ce titre, la qualité

de commerçant, et sur tous les employés étrangers de la société. En revanche, si les dirigeants

sociaux n’ont pas la qualité de commerçant, aucune obligation ne pèse sur eux. La société

peut avoir un établissement en France à la condition de se soumettre à la publicité au registre

du commerce et des sociétés

359

. En outre, une société étrangère est soumise à l’impôt français

sur les sociétés pour les résultats d’opérations effectuées en France dans les cas où elle

dispose d’un établissement en France, ou si elle y effectue des opérations par l’intermédiaire

de représentants ne possédant pas de personnalité morale distincte, ou bien si elle y réalise

des opérations se détachant de celles effectuées à l’étranger et formant un cycle commercial

complet, ou bien si elle participe à un chantier ayant une réelle autonomie ou si elle fournit un

ensemble « clés en main »

360

. Les revenus d’immeubles situés en France sont également

soumis à l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 206-1 du Code général des impôts qui

vise « toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations à

caractère lucratif ». Dans un arrêt du 30 novembre 2001, la Cour d’appel de Paris a jugé que

le bureau de liaison ouvert par une société ayant son siège social à l’étranger constitue un

établissement secondaire au sens de l’article R. 123-30 du Code de commerce justifiant

l’immatriculation dès lors que ce bureau est permanent et que son activité avait pour but de

tisser des liens juridiques avec d’éventuels clients, ce qui participait nécessairement à

l’activité commerciale de la société étrangère

361

. Cette obligation d’immatriculer un bureau,

une succursale ou une agence a les mêmes conséquences juridiques que l’immatriculation de

la société étrangère en elle-même. Il s’agit là avant tout d’une mesure de publicité pour les

tiers. En effet, « l’immatriculation n’a pas d’effet créateur sur la personnalité de la société

étrangère, celle-ci est conférée par le droit de l’Etat dans lequel elle s’est constituée »

362

,

c’est la lex societatis de la société étrangère qui lui confère la personnalité morale et non pas

la mesure d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

359 Y. Loussouarn, P. Bourel et P. de Vareilles-Sommières, op. cit., n° 715.

360 J.-M. Mousseron, J. Raynard, R. Favre et J.-L. Pierre, Droit du commerce international, éd. Litec, Paris, 1997, n° 161, p. 111.

361 C.A. Paris, 3ème Chambre, section C, 30 nov. 2001, Bull. Joly sociétés, p. 406, note J.-M. Bahans.

Il appartient en outre à la personne désignée comme représentante de la société étrangère

en France de rapporter la preuve qu’elle a bien reçu le pouvoir de représenter celle-ci

363

. La

seule inscription sur l’extrait délivré par le greffe du tribunal de commerce d’une personne en

qualité de représentant en France d’une société étrangère ne dispense pas de rapporter la

preuve du pouvoir de représentation de cette société.

2. Les obligations pesant sur les dirigeants ou associés étrangers d’une société étrangère.

115. Depuis la publication des décrets de 2007

364

de mise en application de la loi du 24

juillet 2006, il existe deux régimes :

– d’une part, le régime défini aux articles L. 122-1 et L. 122-2 du Code de commerce pour

l’étranger qui dirige une société en France, sans y résider ;

– et d’autre part, le régime défini à l’article L. 313-10 du Code de commerce de l’entrée et du

séjour des étrangers et du droit d’asile pour l’étranger qui dirige en y résidant une société ou

un établissement social.

Dans un arrêt du 28 juin 2002

365

, la Cour d’appel de Paris a considéré, sur le fondement de

l’ancien article L. 227-7 du Code de commerce relatif à la carte de commerçant étranger,

qu’en présence d’une personne morale étrangère présidente d’une société par actions

simplifiées de droit français, est tenue d’obtenir la carte de commerçant étranger, non le

dirigeant légal de la personne morale étrangère, mais la personne délégataire, par décision des

représentants légaux de la personne morale étrangère, du pouvoir de diriger ou d’engager à

titre habituel la SAS.

363 C.A. Versailles, 11 avril 1996, Bull. Joly sociétés 1996, p. 705 ; Rev. soc. 1996, somm., p. 597.

364 Décret n° 2007-1141 du 26 juillet 2007 dont les dispositions sont insérées aux articles D. 122-1 à D. 122-4 du Code de commerce ; décret n° 2007-912 du 15 mai 2007 dont les dispositions figurent aux articles R. 313-3-1, R. 313-16 et suivants, R. 313-36-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers.

Conclusion :

116. La reconnaissance internationale des sociétés étrangères est largement tributaire du

droit international et du droit de l’UE en particulier. La question de la reconnaissance des

sociétés a très tôt préoccupé les Etats qui voulaient faire en sorte que les meilleures conditions

soient réunies pour assurer un développement serein de leurs sociétés commerciales. En outre,

reconnaissance et jouissance des droits par une société étrangère sont des questions

interdépendantes et indissociables : la reconnaissance conditionne l’étendue de la capacité

juridique des sociétés étrangères reconnues. Longtemps espérée et attendue tant par la

jurisprudence que la doctrine, la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit

est enfin venue, discrètement, abroger la loi de 1857 permettant ainsi une reconnaissance de

plein droit de toutes les sociétés étrangères. Solution heureuse pour toutes les sociétés

étrangères de capitaux même si l’absence totale de dispositions réglementant l’admission à

exercer une activité commerciale a été justement critiquée en doctrine

366

. La question de

l’exercice des droits pour une société étrangère est désormais limitée uniquement par les

incapacités spéciales prévues par la loi de l’Etat d’implantation de la société étrangère.

Celle-ci peut donc exercer une activité légalement − dans les limites prévues par sa lex societatis − à

l’exclusion des matières règlementées ou interdites aux sociétés étrangères, à partir du

moment où elle respecte les règles impératives du droit français et les dispositions relatives

aux sociétés étrangères. Certaines règles ont une importance considérable et leur respect par

les sociétés étrangères s’impose, il en est ainsi des règles relatives à la publicité ou à la

protection des tiers. On constate également que le développement du droit de l’UE et la

position libérale de la Cour de justice ont considérablement affaibli le champ de la

reconnaissance d’une société étrangère par les Etats membres de l’Union européenne. Sur ce

point, la conclusion d’une convention internationale entre les Etats membres est devenue

inutile : la Cour de justice par son interprétation extensive et une application directe de

l’article 54 TFUE a permis une reconnaissance mutuelle des sociétés issues d’un Etat membre

souhaitant exercer une activité, à titre principal ou secondaire, dans un autre Etat membre.

L’article 54 TFUE devient le pilier de la reconnaissance en droit de l’UE. Les effets directs de

cette jurisprudence sont que la reconnaissance internationale ne concerne désormais que les

Etats tiers à l’Union européenne.

TITRE II : LES DIFFICULTES JURIDIQUES SOULEVEES PAR L’ACTIVITE