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Le critère du contrôle n’intervient qu’exceptionnellement et seulement si un texte prévoit son application en matière de jouissance des droits

2. Le recours au contrôle dans les matières réglementées et sensibles de l’économie.

59. Les dispositions législatives mettant en œuvre le critère du contrôle témoignent d’une

absence totale d’homogénéité. Le législateur définit dans chaque matière le type de contrôle

visé. Cela permet au législateur d’une part, de « doser ses investigations en fonction du but

qu’il se propose d’atteindre » ; d’autre part, de donner à ce « procédé une plasticité

indispensable »

184

. Il est évident que le secteur de l’armement ou de la presse ne nécessitent

pas le même degré de contrôle de la part du législateur. Ne retenir qu’un type de contrôle, par

exemple l’origine des capitaux, occulterait tous les autres types de contrôle susceptibles de

s’appliquer comme la nationalité des dirigeants sociaux, le contrôle des associés ou encore

l’Etat qui retire le plus d’avantages économiques et financiers de l’activité de la société. En

dehors du temps de guerre, le législateur fait appel au contrôle lorsque l’intérêt national le

commande

185

. Le siège réel reste toutefois le principe, auquel il est fait exception, par

certaines règles plus exigeantes, relevant de la condition des étrangers

186

. En principe, les

investissements étrangers en France sont libres et ne donnent lieu qu’à une simple déclaration

administrative, sauf s’il s’agit de domaines sensibles pour lesquels une autorisation spécifique

est nécessaire

187

. Sont concernés par ces mesures, les investissements effectués dans des

184 Loussouarn et Bredin, op. cit., n° 269, p. 288.

185 D. Kitic, Droit international privé, éd. Ellipses, Paris, 2003, 224 p., pp. 198-203.

186 Ibid.

activités participant en France, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique,

les investissements dans des activités de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité

publique ou aux intérêts de la défense nationale, ainsi que ceux réalisés dans des activités de

recherche, de production ou de commerce d’armes, de munitions, de poudres et substances

explosives

188

. Parfois, le législateur fait référence à la nationalité des associés

189

. Il se peut

aussi que le législateur fasse appel au lieu de résidence des actionnaires. Ainsi, la loi NRE du

15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques renforce les moyens

d’identification des actionnaires non-résidents

190

. Le législateur fait aussi un usage cumulatif

des différentes formes du contrôle : la loi du 28 octobre 1946 relative à la réparation des

dommages de guerre utilisait la nationalités des capitaux, des associés et la localisation du

siège social

191

. Enfin, certains traités étendent le domaine du contrôle en précisant qu’il peut

être direct ou indirect

192

.

investissements étrangers en France résulte des articles L. 151-1 à L. 151-4 du Code monétaire et financier (modifiés par la loi 2004-1243 du 9 décembre 2004) et des articles R. 151-1 à R. 153-12 du même Code (modifiés par le décret 2005-1739 du 30 décembre 2005), complétés par un arrêté du 7 mars 2003. D’après ces textes, avant tout investissement étranger dans un secteur d’activité sensible, une demande d’autorisation préalable doit être adressée au ministre de l’économie et des finances même s’il s’agit d’investissements d’un Etat membre de l’Union européenne.

188 Sont également soumis à autorisation les investissements indirects ayant trait à la défense nationale et aux armes et explosifs. L’article 4 de l’arrêté du 4 mars 2003 précise la liste des renseignements à fournir dans la demande d’autorisation. En outre, doivent être autorisées, les créations de succursales et la prise de participation dans une société française dans la mesure où cette prise de participation permet de prendre ou d’accroître le contrôle de la société considérée, ou encore les opérations ayant pour effet d’assurer l’extension d’une société française sous contrôle étranger. Toutefois, le décret du 7 mars 2003 dispose que la simple participation n’excédant pas 33,33 % dans le capital d’une société dont les titres sont cotés en bourse peut être librement effectuée (article 1er, 4°, II, d).

189 C’est le cas pour les sociétés concessionnaires de services publics (décret-loi du 12 novembre 1938) ; la propriété des entreprises de presse ( loi n° 86-987 du 1er août 1988) ; les entreprises de publications destinées à la jeunesse (loi du 16 juillet 1949). L’article 4 de la loi du 27 janvier 1967 sur la réglementation des changes exige que « les constitutions en France d’investissements directs par des sociétés en France sous contrôle étranger direct ou indirect » fassent l’objet d’une déclaration auprès du Gouvernement.

190 Art. L. 228-21 du Code de commerce.

191 Art. 11, L. 28 oct. 1946 sur les dommages de guerre ; art. 221 du Code des douanes sur le droit des sociétés à la francisation des navires leur appartenant.

192 Art. 6 de la Convention franco-algérienne relative à la mise en valeur des richesses du sous-sol saharien du 28 août 1962 ; l’article 13 de la Convention d’établissement franco-américaine du 25 novembre 1959 ; art. 10 de la loi du 6 août 1986 sur la privatisation d’entreprises du secteur public qui limite à 20 % la participation d’une société étrangère. V. Pinto, « Le régime juridique des investissements étrangers en France », JDI 1967, p. 235.

60. L’influence du droit de l’UE en matière d’activités réglementées et soumises à

restrictions a incité certains Etats membres à revoir leur position

193

. La liberté d’établissement

prônée par les articles 49 et 54 TFUE a vu la consécration d’une jurisprudence ultra libérale

où la liberté d’établissement des sociétés est quasi-totale. L’on peut citer l’exemple du

transport aérien ou de la marine marchande pour lesquels la Cour de justice de l’Union

européenne a eu à se prononcer. S’agissant de la nationalisation des navires, dans un arrêt du

25 juillet 1991

194

, la Cour de justice a condamné, au nom de la liberté d’établissement, les

dispositions du Merchant Shipping Act de 1988 qui subordonnaient l’octroi du pavillon

britannique à un navire de pêche à ce que le propriétaire, l’affréteur ou l’exploitant soient de

nationalité britannique ou bien des sociétés constituées au Royaume-Uni. En outre, les trois

quarts des administrateurs devaient être de nationalité britannique et 75 % du capital devait

être détenu par des citoyens britanniques. La France, l’Irlande et la Grèce ont également été

condamnés par la Cour de justice pour les mêmes motifs

195

. En dépit d’un manque

d’homogénéité qui est source de difficultés et d’incohérence, la souplesse du critère du

contrôle permet au législateur d’apprécier au plus juste et selon les intérêts économiques et

stratégiques en jeu les sociétés susceptibles de bénéficier des droits invoqués. Les différentes

formes du contrôle sont utilisées de façon distributive ou cumulative, mais « cette diversité

n’est-elle pas inhérente au contrôle lui-même, n’est-elle pas la rançon de sa souplesse et de

ses facultés d’adaptation »

196

?

193 H. Synvet, Rép. Int. Dalloz, « Société », n° 180. D’après l’auteur, « les occasions de discriminer à l’encontre des sociétés étrangères sont en diminution, par l’effet libéralisateur du droit communautaire. D’autre part, quand un régime restrictif subsiste, le législateur marque, par réalisme, une préférence pour le critère du contrôle ».

194 CJCE, 25 juillet 1991, « Factortame », aff. C-221/89, Rec. CJCE I, p. 3905.

195 S’agissant de l’Irlande : CJCE, 4 oct. 1991, aff. C-93/89, Rec. CJCE, I, 4569 ; 12 juin 1997, aff. C-151/96, Rec. CJCE, I, 3327. Pour une condamnation de la Grèce : v. CJCE, 27 nov. 1997, aff. C-62/96, Rec. CJCE, I, 6725. La France a aussi été condamnée par la Cour de justice, celle-ci a jugé que les dispositions de la loi du 3 janvier 1967 « qui limitent le droit d’immatriculer un navire dans le registre national et de battre pavillon français aux navires qui appartiennent pour plus de la moitié à des personnes physiques ayant la nationalité française, à des personnes morales ayant leur siège en France (…) la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 6, 48, 52, 58, et 221 du traité CE ». CJCE, 7 mars 1996, aff. C-334/94, Rec. CJCE, I, 1307.

Après avoir étudié la conception française de la nationalité des sociétés et son application