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le Président.- Merci

La parole est à Isabelle CHOAIN, qui va nous parler du budget de l’autonomie.

Mme CHOAIN.- Merci, Monsieur le Président.

Monsieur le Président, Madame la Vice-présidente, mes chers collègues,

Le budget consacré à l’autonomie pour 2021 s’élève à 718 M€. La progression de ce budget est fortement corrélée avec l’augmentation de l’APA.

Deux points principaux à notre intervention : la question des allocations APA et PCH, d’une part, et votre politique en direction des établissements et du domicile, d’autre part.

Pour mémoire, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) sert à payer en totalité ou en partie les dépenses nécessaires pour vous permettre de rester à votre domicile, ou à payer une partie du tarif dépendance de l’établissement médicosocial, notamment en EHPAD, dans lequel vous êtes hébergé (APA en établissement). Face à l’explosion de cette allocation, vous entendez maîtriser cette dépense, un projet qui a de quoi questionner vu les prévisions démographiques qui induisent mécaniquement une hausse exponentielle du nombre de bénéficiaires à moyen et long termes. Ce phénomène de vieillissement de la population et d’accroissement de la dépendance est fondamental pour expliquer la hausse impressionnante de l’APA.

La deuxième explication réside dans l’augmentation des plafonds d’aide et dans la baisse du reste à charge pour les usagers, en lien avec la loi ASV de 2015, des mesures favorables aux usagers mais qui nécessitent une juste compensation financière de l’État dans la même logique que pour les revalorisations de RSA. Mais vous semblez écarter cette voie et vous proposez de freiner les dépenses APA – je cite – « en étant vigilant à la parfaite adéquation entre les besoins identifiés et le versement de l’allocation ».

Concrètement, qu’est-ce que cette notion de parfaite adéquation implique ? Que jusqu’à présent les personnes âgées percevant de l’APA dans le Nord bénéficient de plans d’aide trop élevés par rapport à leurs besoins réels ? Que ces besoins auraient été surestimés par nos services d’évaluation ? Dans ces conditions, doit-on s’attendre à voir les plans d’aides fondre comme neige au soleil ?

Ces questionnements sont légitimes pour une simple et bonne raison. Comme nous l’avons dit lors du débat d’orientation budgétaire, le Département du Nord ne figure pas parmi les départements les plus généreux en matière d’APA, comme en matière de PCH ; autrement dit, le montant moyen des plans d’aide se situe dans la moyenne nationale. Nous en déduisons que les marges de manœuvre sont faibles, à moins, comme nous le redoutons, de voir se développer des plans d’aide qui ne couvriront pas correctement les besoins.

Le souhait majoritaire des personnes âgées est de rester à domicile le plus de longtemps possible. D’ailleurs, l’APA domicile est largement plus répandue que l’APA établissement. Seulement, cela ne se traduit pas dans les faits par un soutien du Département à la hauteur des enjeux.

Au niveau national, le secteur de l’aide à domicile multiplie aujourd’hui les signaux de détresse. Quatre grandes associations du secteur ont lancé une campagne pour alerter sur l’urgence d’agir, avec trois revendications simples : une loi grand âge et autonomie ambitieuse, une revalorisation salariale des métiers de l’aide à domicile et des financements des pouvoirs publics plus importants pour couvrir les besoins. Sur les deux premiers points, la balle est plutôt du côté de l’État. Sur le dernier point, nous avons, nous Département, à intervenir puisque nous finançons en partie les structures d’aide et d’accompagnement à domicile.

Dans le Nord, cette prise en charge est de 21 € par heure d’intervention, un tarif unique de 21 € dont vous avez décidé en 2017.

Nous avions critiqué cette uniformisation qui méconnaît totalement la diversité des prises en charge selon les structures. Nous avions également critiqué l’insuffisance de ce montant qui a concrètement conduit certaines structures à travailler à perte, jusqu’à menacer leur pérennité. Vous aviez jusqu’à présent fermé la porte à toute revalorisation, en dépit des revendications de plusieurs fédérations.

En 2020, à l’occasion de la crise sanitaire, vous avez enfin consenti à une revalorisation du tarif à hauteur de 22 €, un pas qui aurait dû arriver bien plus tôt et qui ne permettra toujours pas d’atteindre l’équilibre financier. Votre argument selon lequel le tarif à 22 € dans le Nord est supérieur à d’autres départements ne fait pas avancer le problème. Pour de nombreuses structures nordistes, ce tarif ne couvre pas le coût de revient réel.

Votre politique en direction des établissements a également été rude. Alors que les EHPAD traversent une crise sans précédent, votre choix de restreindre des dotations départementales a contribué à plomber encore davantage le secteur.

Le budget 2021 pour l’hébergement des personnes âgées est en augmentation par rapport à 2020, certes, mais je tiens à rappeler que ces dépenses ont dégringolé depuis 2015. Voici quelques chiffres arrondis en millions : 128 M€ en 2015, puis 78 M€, 73 M€, 74 M€, 69 M€, 69,5 M€, 73 M€ pour 2021. Certes, il y a eu une modification dans le mode de versement des dotations qui joue en partie, mais l’effondrement des dépenses d’hébergement découle majoritairement des CPOM imposés aux EHPAD en début de mandat, avec une méthode à la limite du chantage puisqu’il leur a été demandé de choisir entre une baisse de 3 % de la dotation départementale ou une déshabilitation de l’aide sociale à l’hébergement. Avec la baisse de la dotation, vous leur proposiez finalement de rogner sur les sorties, les animations, les produits utilisés pour l’élaboration des repas, de facturer des services qui ne l’étaient pas, de supprimer des postes. Ils ont majoritairement refusé cette option et ont donc massivement déshabilité, ce qui ne va pas sans poser de questions sur l’accessibilité pour les résidents les moins aisés.

Entre le domicile et l’établissement, il y a des solutions alternatives, par exemple l’accueil familial, mais votre volonté légitime d’augmenter le nombre de personnes en accueil familial n’a pas été couronnée de succès, semble-t-il, puisque, depuis 2015, on observe même une diminution des dépenses : 1,6 M€, 1,7 M€, 1,3 M€, 1,5 M€, 1,6 M€. On constate donc que cette stratégie a plutôt été un échec par rapport à l’objectif affiché de voir le dispositif monter en puissance.

Concernant le secteur handicap, votre politique en direction des établissements a également consisté en des économies éclair. Les dépenses d’hébergement augmentent entre 2020 et 2021, certes, mais, encore une fois, un coup d’œil dans le rétroviseur suffit à remettre les choses en place. Ce budget n’a fait que baisser depuis 2015 : 235 M€ en 2015, 208 M€, 217 M€, 223 M€, 222 M€, 220 M€ et donc 229 M€ pour 2021. Le tournant 100 % inclusif ne doit pas justifier une suppression drastique de places en établissement, ni l’amputation de leur budget. Il reste la solution la plus adaptée pour certains handicaps lourds qui demandent un accompagnement très spécifique.

Je vous remercie, Monsieur le Président.

M. le Président.- Merci.

Je donne la parole à Maryline LUCAS sur l’insertion.

Je signale que l’on est d’ores et déjà à 15 minutes. Je veux bien qu’on explose un peu les 20 minutes, mais de manière raisonnable.

Maryline LUCAS, chère collègue, vous avez la parole.

Mme LUCAS.- Monsieur le Président, Madame la Vice-présidente, mes chers collègues,

Pour 2021, c’est un montant de 759,8 M€ qui est budgété pour la politique insertion, dont 700 M€ au titre du RSA.

L’augmentation de ce budget est clairement portée par la hausse des dépenses obligatoires de RSA (+40 M€ par rapport au budget 2020). Le reste du budget insertion hors allocation RSA ne progresse que de 1,8 M€.

Tout au long du mandat, nous avons exprimé des réserves et une approche différente sur la politique insertion. On a observé – et vous assumez ce choix – une nette inflexion des crédits en faveur de l’insertion professionnelle (deux tiers) au détriment de l’insertion sociale (un tiers), une stratégie payante en termes de chiffres peut-être, mais qui s’est très largement détournée – et c’est là tout le problème – des plus éloignés de l’emploi. Votre politique insertion n’a marché que sur une jambe.

On a observé également un doublement des exigences de résultat du Département vis-à-vis des opérateurs d’insertion, mais avec les mêmes budgets alloués, avec pour répercussion le développement d’une politique du chiffre diamétralement opposée au principe de l’accompagnement social qui nécessite du temps et dont les effets sont difficiles à chiffrer à l’aide d’indicateurs.

On a enfin observé la création d’un couloir parallèle à Pôle Emploi avec des structures comme les MDIE et des dispositifs comme le coaching emploi. Ne voyez pas de reproche, ni d’insulte là-dedans, mais un simple constat. En soi, nous ne saurions condamner cette implication pour l’accès à l’emploi, terme qui nous semble préférable à remise à l’emploi. D’ailleurs, on ne doute pas que les nouveaux entrants dans le RSA soient bien accompagnés.

La pomme de discorde réside dans le déséquilibre manifeste par rapport au volet social, la deuxième jambe de la politique insertion qui a été très amoindrie. La levée des blocages autour du logement, de la santé, de la garde d’enfants, de la mobilité, de l’illettrisme et de l’illectronisme a été considérée comme accessoire, voire secondaire ; alors que, paradoxalement, c’est le cœur des métiers du Département.

Les échanges que nous avons pu avoir avec les opérateurs d’insertion et avec des allocataires du RSA nous ont interpellés sur la brutalité de certaines pratiques, sur une politique du chiffre ne laissant plus aucune place à l’humain, au temps de l’accompagnement souvent long, c’est vrai, sur la perte du sens du travail pour les collaborateurs au Département. Que valent ces témoignages puisque le nombre d’allocataires a diminué ? Rien, si l’on en croit votre autosatisfaction sans cesse renouvelée.

Les chiffres ont parlé. Le débat n’a pas lieu d’être en quelque sorte. Voici un peu la philosophie qui est la vôtre quand nous sommes amenés à débattre de l’insertion.

Pour autant, nous persistons à émettre plusieurs réserves.

Concernant la crise sanitaire, tous les départements ne sont pas touchés de manière identique. Les plus fortes hausses sont répertoriées en Haute-Savoie, en Corse-du-Sud ou dans les Alpes-Maritimes, voire à Paris, écrivez-vous. Lors du débat d’orientation budgétaire, nous avons souligné que les fortes hausses sont ostensiblement corrélées aux caractéristiques de l’économie locale. Dans les zones où l’emploi touristique et hôtelier est sur-représenté, avec beaucoup de saisonniers, d’intérimaires, de contrats courts, le

nombre de personnes se retrouvant au chômage ou au RSA a explosé. La crise de la Covid a conduit à l’effondrement de certains secteurs bien précis, nous le savons tous.

Pour expliquer les progressions très variables selon les départements, il ne faut pas non plus omettre l’effet de masse du département du Nord. Il compte le plus gros contingent d’allocataires du RSA au départ devant tous les autres départements. Sur la période mars 2020 - décembre 2020, notre département a connu une augmentation de plus de 2 380 allocataires. Un autre département, l’Essonne, a connu une progression à peu près similaire, avec en plus 2 230 allocataires. Seulement, en valeur relative, cela aboutit à des résultats très différents : +2 % pour le Nord contre 8 % dans l’Essonne. Il faut donc prendre garde à ces résultats en trompe-l’œil.

La politique de l’insertion ne saurait de toute façon se contenter d’une présentation purement comptable. Connaître le nombre de sortants et d’entrants dans le RSA est un indicateur incontournable, cela va de soi, mais se limiter à cette unique porte d’entrée est très incomplet. Il s’agit de s’intéresser à la nature des sorties : combien de CDI, combien de CDD de plus de six mois, combien de reprises de formation. Cette approche qualitative est indispensable. Obtenir des contrats courts ou précaires est comptabilisé comme un retour à l’emploi, mais est-ce pour autant le signe d’une insertion durable et réussie ? On peut en douter.

Par ailleurs, nous nous étonnons toujours de l’absence de nuances de votre politique de contrôles et de sanctions. Quand elle sanctionne des personnes à l’attitude délibérément récalcitrante, cela s’entend, mais cela représente une minorité. Quand elle sanctionne le fait d’être désocialisé, éloigné des logiques administratives, en difficulté pour comprendre les courriers de l’administration, cela nous pose véritablement problème. Ces réalités sociologiques sont complètement ignorées par les procédures de contrôle de la CAF et du Département qui partent de l’a priori selon lequel les gens sont majoritairement des fraudeurs en puissance. Et pourtant, les cas sont multiples où des RSA ont été diminués, voire retirés, sans que l’on puisse considérer une volonté de frauder. Un changement d’adresse non pris en compte par l’administration, des ressources non déclarées comme des ventes de vêtements, des absences à un rendez-vous du fait d’une incompréhension du courrier reçu…, on ne peut pas dire que le système de contrôles et de sanctions fasse dans de la dentelle, on a le sentiment d’avoir plutôt affaire à un algorithme bête et méchant.

Concernant votre stratégie d’insertion, nous avons bien noté votre volonté de renforcer les liens avec le monde de l’entreprise, comme avec le MEDEF Lille Métropole dernièrement ; mais, selon nous, la nouveauté, l’innovation la plus ambitieuse serait de resserrer les partenariats avec les acteurs économiques spécialisés sur les filières d’avenir qui offrent des emplois non délocalisables.

On le sait, il existe des gisements d’emplois gigantesques dans les métiers liés à la conversion écologique et solidaire. À travers son office de logement social Partenord, le Département peut agir très fort pour offrir des débouchés au secteur du bâtiment durable. À travers la restauration collective, dans les établissements sociaux et médicosociaux et dans les collèges, le Département peut aussi multiplier les débouchés de l’agriculture durable et pas seulement locale. Un exemple tout simple pioché chez d’autres collectivités : pourquoi ne pas créer en régie une légumerie pour transformer les légumes utilisés dans nos cantines et pourquoi donc ne pas employer dans ces légumeries des personnes en insertion ?

Pour favoriser ces emplois porteurs de sens, le Département devrait pouvoir compter sur la Région, compétente en matière de formation et de développement économique. Vous affichiez en début de mandat une volonté de faire bouger les lignes afin que la Région consacre plus de moyens à la formation en direction des personnes sans emploi et des allocataires de RSA. À l’issue du mandat régional, peut-on dire que Monsieur BERTRAND a infléchi la politique de formation en ce sens ? Nous estimons que les résultats sont plus que mitigés.

Pour terminer sur la politique insertion, nous saluons évidemment la démarche de recours gracieux que vous avez adressée, Monsieur le Président, au Premier ministre afin que l’État compense au Nord les revalorisations de l’allocation RSA. Nous doutons malgré tout de l’issue de cette démarche. Ce n’est pas par hasard si 17 Départements de gauche ont d’ores et déjà engagé des recours contentieux. Cela traduit malheureusement un épuisement des démarches de négociation.

Merci.

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