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MANIER.- Merci, Monsieur le Président

SOLIDARITÉS TERRITORIALES

M. MANIER.- Merci, Monsieur le Président

Monsieur le Président, chers collègues,

Depuis le début de votre mandature en 2015, vos documents budgétaires se suivent et se ressemblent. Vos priorités restent mot pour mot identiques. Il s’agit pour vous de maîtriser coûte que coûte les dépenses de fonctionnement, les crédits dédiés aux politiques publiques et au fonctionnement des services départementaux. Il s’agit également pour vous de poursuivre le désendettement acharné de la collectivité en remboursant les banques.

J’ai bien noté les propos ici ou là des uns et des autres. Tout cela, convenons-en, est fait pour compenser le désendettement de l’État et la non-compensation des allocations par ce même État. Nous le savons, que ce soit nous hier ou vous aujourd’hui, le problème majeur des Départements en général et du Département du Nord en particulier est la non-compensation des allocations en général et du RSA en particulier. Il s’agit donc pour vous de garder le pied sur la pédale de frein malgré les besoins de la population et ceux de nos territoires.

Vous avez fixé le cap dès votre arrivée aux commandes de notre Département et votre trajectoire financière n’a pas dévié d’un iota. Vous l’écrivez vous-même dans votre rapport budgétaire en page 3 – je cite – : « Le département a décidé de mener une politique en continuité » et vous surlignez en gras dans le texte « continuité par rapport au début du mandat ».

Je me demande parfois si nous vivons les mêmes réalités. Face à la crise, vous souhaitez rester dans la continuité et poursuivre sur les mêmes logiques politiques, économiques et financières. Nous ne sommes pas du tout sur cette ligne car nous ne faisons pas du tout les mêmes constats et, par conséquent, nous n’avons pas les mêmes réponses. En effet, je l’affirme, une autre politique était possible, une autre politique est possible.

L’épidémie de la Covid-19 a accéléré les mutations dans de nombreux secteurs, que ce soit celui de l’entreprise, celui du commerce, mais aussi ceux des services publics et des collectivités. Le Département ne doit pas rester au bord de la route à regarder les trains passer en continuant la même gestion comme si rien n’avait changé. En effet, le Nord doit se mobiliser sur de nouvelles réponses face à la crise. Pour cela, son logiciel politique doit évoluer. La crise sanitaire a d’ailleurs largement rebattu les cartes.

Votre discours sur les bons et les mauvais gestionnaires n’est plus le débat d’aujourd’hui et ne sera pas le débat de demain. Ce débat est caduc, Monsieur POIRET. J’entendais Monsieur HENNO qui s’érige facilement en procurateur et nous accuse du péché originel d’avoir mal géré le Département. Monsieur HENNO, dans le péché originel, un peu de modestie. Je vous renverrai à votre engagement à ne pas augmenter les impôts et à la manière dont vous avez matraqué les Nordistes ! Un peu de modestie, s’il vous plaît !

Il ne s’agit pas à l’heure actuelle de savoir qui fera le plus d’économies sur le service public ou qui supprimera le plus grand nombre de postes de fonctionnaires. Votre refrain sur le soi-disant redressement financier du Département n’est plus audible et je crains que le disque ne soit rayé.

Aujourd’hui, personne ne va vous remercier d’avoir augmenté massivement les impôts des Nordistes ou d’avoir exécuté un plan de 100 M€ d’économie sur les politiques départementales, personne ne va vous féliciter d’avoir conclu des CPOM pour limiter les dotations des établissements sociaux et médicosociaux ou d’avoir suspendu si longtemps le recrutement des sapeurs-pompiers – vous savez, cette fameuse armée mexicaine.

Cette gestion devrait appartenir au passé. Les débats se jouent désormais entre ceux qui tireront des leçons de la crise et ceux qui poursuivront sur le même chemin sans tenir compte ni de l’urgence actuelle, ni du nouveau paysage qui peut se dessiner plus

favorable aux solidarités et plus soucieux de nos biens communs que sont le climat, l’environnement, la biodiversité ou encore la santé.

Depuis plusieurs mois, le débat d’idées progresse et de nouvelles voix se font entendre.

Le dernier best-seller économique américain est l’ouvrage d’une professeure de l’université de l’État de New-York, son livre

« le mythe du déficit » déconstruit une à une les idées reçues sur la dette publique et renoue avec l’idée du new-deal. Pour résumer, nous ne pouvons pas continuer sur le même modèle en restant accroché aux vieux dogmes néolibéraux de la fin du XXe siècle.

Quelles conclusions en tirer pour les élus, qu’ils soient locaux ou départementaux ? Il faut passer d’une logique de l’austérité à une logique de relance keynésienne au niveau de nos collectivités. Si nous voulons que les Départements participent à la reprise économique, si nous voulons sauver des emplois, ancrer nos territoires dans un développement plus vert, conforter nos services publics de proximité, poursuivre la rénovation thermique des bâtiments publics, transformer les transports polluants en mobilités douces et consommer plus local, il faut lâcher du lest par rapport aux critères financiers qui semblent aujourd’hui totalement dépassés. Non, la dette des collectivités territoriales n’est pas une mauvaise dette. Elle relance, elle finance notre pays. Plus de 70 % des investissements publics émanent des collectivités territoriales.

C’est pourquoi nous sommes à nouveau surpris de votre stratégie qui reste, selon vos propres mots – je cite – « centrée sur l’autofinancement et le désendettement ». Le rapport budgétaire indique en effet que le besoin d’emprunts inscrit au BP est de 180 M€, il ne devrait être mobilisé qu’à hauteur de 146 M€ en fin d’année. Je pense que c’est un non-sens historique. Vous êtes loin en effet du « quoi qu’il en coûte ».

Durant tout le mandat, vous n’avez pas souhaité emprunter. Vous avez préféré augmenter massivement les impôts sur le dos des contribuables nordistes à hauteur de 100 M€ chaque année selon les chiffres du dernier rapport de la Chambre régionale des comptes.

Les Départements qui investissent aujourd’hui pour préparer l’avenir de leur territoire, comme la Gironde, le département du Président du groupe de gauche à l’ADF, ne sont pas dans cette stratégie, ils mobilisent évidemment de l’emprunt. Résultat, la Gironde va investir en 2021 271 M€ pour 1,6 million d’habitants. Le Nord va investir 300 M€ pour 2,6 millions d’habitants. En 2021, la Gironde mobilise 167 € par habitant, le Nord mobilise 115 € par habitant. Nous ne jouons pas dans la même catégorie. La réalité est cruelle, mais les chiffres sont là, ils ne mentent pas. En cinq ans, la Gironde a investi 1 Md€ pour 1,6 million d’habitants.

En cinq ans, le Nord a investi 1 Md€ mais pour 2,6 millions d’habitants.

Je le sais, quand on se regarde, on se rassure. Malheureusement, aujourd’hui, quand on se compare, on s’inquiète. Je peux écouter tous les beaux discours ou lire dans votre rapport budgétaire de belles tirades sur la relance de l’investissement. D’ailleurs, la plupart des investissements de notre département – vous les citiez tout à l’heure et hier encore –, nous les avons initiés, que cela soit Seine-Nord, que cela soit le contournement nord de Valenciennes, que cela soit le syndicat mixte du haut débit, ce sont des investissements que nous avons initiés et heureusement. Le Nord a aujourd’hui un niveau d’investissement comparable à un département de 1,6 million d’habitants, alors que nous en avons 2,6 millions. C’est la réalité.

Concernant les dépenses de fonctionnement, vous présentez dans votre rapport budgétaire des dépenses supplémentaires volontaristes pour les personnes âgées, pour les personnes en situation de handicap, pour les ressources humaines. C’est très bien et nous nous en félicitons. Mais qu’aurions-nous entendu à l’époque si nous avions développé davantage de moyens à la veille d’échéance électorale ? Vous auriez peut-être parlé de budget électoraliste.

Nous constatons en effet que vous ouvrez les vannes sur un certain nombre de politiques après des années de disettes budgétaires. Quand on cherche, on peut trouver des moyens, vous nous le démontrez, c’est bien.

J’ai également été frappé dans votre rapport budgétaire par le numéro d’autosatisfaction concernant la politique d’insertion et de retour à l’emploi. Le Nord, selon vous, serait en avance sur les autres départements en matière d’accompagnement professionnel. Là encore, il faut sortir de sa bulle et regarder ce qui se passe chez nos voisins, même lointains :

‐ En Loire-Atlantique, une Job Académy a été créée, elle permet à des allocataires du RSA volontaires d’être coachés par des entreprises et des professionnels membres du réseau Agir contre l’exclusion.

‐ Dans le Lot-et-Garonne, la plate-forme Job47 a été mise en place avec des partenaires afin de se faire rencontrer les offres et les demandes d’emploi.

‐ En Haute-Saône, un groupement d’intérêt public Insertion 70 a été monté. Après un diagnostic de la situation du demandeur d’emploi, un plan d’action est validé dans un contrat d’engagement. Deux leviers sont actionnés, un pack mobilité et la formation professionnelle.

Je précise évidemment qu’il s’agit d’initiatives pour l’emploi de Départements de gauche.

Vous le voyez, le Nord, fort heureusement, n’est pas le seul à se préoccuper du retour à l’emploi des allocataires du RSA ; sauf que ces Départements de gauche mettent également l’accent sur l’accompagnement social surtout en période de crise. Ils cherchent à améliorer l’accès aux droits des plus fragiles.

Dans la Nièvre, une complémentaire santé scolaire est proposée à celles et ceux qui ne bénéficient pas de mutuelle et qui disposent de revenus faibles.

Pour lutter contre l’illectronisme, la Gironde – toujours – finance des chèques qui permettent à des personnes éloignées de l’outil numérique de payer totalement ou partiellement des services d’accompagnement.

En Ardèche, l’opération « un permis pour l’emploi » propose aux jeunes de 14 à 25 ans, accompagnés par une mission locale, de bénéficier d’une aide à l’obtention du permis de conduire.

Que faut-il comprendre ? Certains Départements s’engagent pour apporter des solutions innovantes à leur population. Je pourrais évoquer la création en Seine-Saint-Denis de plus de 1 700 places d’accueil en crèche depuis 2015, le financement en Dordogne de sept jours à haute valeur ajoutée en termes d’activités culturelles, sportives et environnementales pour les enfants et les jeunes pris en charge dans le cadre de l’ASE ; la création toujours en Gironde avec Mobalib du premier réseau social pour faciliter la vie quotidienne des personnes en situation de handicap, ou encore la création dans le département voisin et ami du Pas-de-Calais de l’Aidotec afin de recycler les matériaux médicaux à destination des personnes âgées, si coûteux pour le budget des familles et pourtant si indispensables au maintien à domicile.

Nous aurions, nous aussi, voulu voter dans le Nord un budget engagé, un budget innovant, un budget solidaire qui soit du côté de l’avenir pour notre population et nos territoires. Nous l’avions dit lors du rapport d’orientations budgétaires de février dernier, nous aurions souhaité que notre collectivité se mobilise sur deux enjeux : un plan d’urgence et un plan de relance.

Un plan d’urgence de court terme pour continuer de faire face à la crise sanitaire. Vous parlez beaucoup du coût de la crise, vous n’évoquez jamais les actions de soutien nécessaires. Dans votre document, les nouvelles dépenses supplémentaires sont largement des dépenses contraintes (RSA, APA, hébergement), mais guère de dépenses volontaristes. Vous ne dépassez pas le cadre du plan pauvreté (13 M€ en 2021) qui finance des actions intéressantes, mais limitées. Nous serions allés plus loin face à la casse sociale de la Covid-19. Un plan d’urgence pérenniserait l’aide départementale aux foyers les plus démunis, en partenariat avec les associations caritatives : subventions exceptionnelles à la banque alimentaire et aux épiceries solidaires et sociales, distribution de bons alimentaires pour la prise en charge de dépenses d’alimentation et des produits d’hygiène de première nécessité, reconduction des opérations de paniers frais. Un plan d’urgence débloquerait un fonds d’aide pour les jeunes, les artisans, commerçants et auto-entrepreneurs qui subissent de plein fouet la crise. Il prévoirait aussi un véritable plan Marshall départemental en faveur de la vie associative, de la culture et du sport si malmenés par les deux confinements et le couvre-feu. Un plan d’urgence permettrait également de lancer un appel à projets solidaires pour mobiliser les associations de nos quartiers et de nos villages voulant s’engager dans la lutte contre l’isolement des personnes vulnérables.

Enfin, un plan de relance permettrait d’envisager autrement la vie du Nord et des Nordistes. Nous pensons que le Département est le bon échelon de proximité pour préparer et enclencher sur nos territoires les transitions écologiques et solidaires. Nous pourrions par exemple investir massivement sur un nouveau plan cyclable pour nos routes départementales. Nous le savons, l’explosion de l’usage du vélo est une réalité, cela ne concerne pas seulement le cœur des agglomérations. En Seine-Saint-Denis, le nombre de kilomètres de voies cyclables a été doublé en cinq ans ; nous en sommes loin. Le Nord pourrait améliorer l’accompagnement des agriculteurs par la création d’un réseau de conseillers agroenvironnement, avec pour objectif d’amplifier la gestion économe de l’eau, de protéger nos sols, de limiter les pesticides et d’inciter au développement de l’agriculture bio. Le Nord pourrait agir davantage sur la reconversion écologique d’anciennes voies ferrées ou le foncier des friches industrielles, urbaines et rurales afin de proposer des projets d’avenir : création de voies vertes, ouverture de tiers lieux et d’espaces de coworking, de recycleries ou ressourceries. Le Nord pourrait utiliser le levier de l’économie sociale et solidaire pour soutenir localement les commerces de proximité, cela se fait dans certains départements qui proposent des aides au démarrage d’activités. Enfin, le Nord pourrait développer des investissements massifs pour la production et la réhabilitation de logements en partenariat avec les bailleurs sociaux de notre département. Ce chantier doit être une priorité, il y a un levier économique et écologique avec à la clef des emplois locaux, utiles, non délocalisables.

Voilà ce que je souhaitais dire sur nos deux priorités, plan d’urgence et plan de relance.

Nous sommes bien conscients que les citoyens attendent un nouveau départ après cette crise sanitaire qui dure depuis trop longtemps. Les espérances du monde d’après ne doivent pas retomber. Nous pouvons sortir par le haut de la période. Le rôle du Département est d’accompagner, favoriser le changement qui se dessine et lancer sur nos territoires de nouvelles initiatives solidaires de nouveaux projets locaux.

Avec votre budget primitif, vous passez malheureusement à côté de l’enjeu, vous restez, selon vos propres termes, dans la continuité de votre mandat, ce qui nous semble être une double hérésie.

Selon nous, votre première erreur – c’est peut-être le péché originel de votre mandat – est d’avoir totalement essoré les politiques départementales et d’avoir augmenté de manière spectaculaire le taux de la taxe foncière payée par les contribuables nordistes (+25 % en 2016). Vous l’avez fait avec dogmatisme et démesure, beaucoup trop d’impôts pour beaucoup moins de solidarité et de services publics.

Vous avez pris des décisions souvent injustes à court terme et souvent inefficaces à moyen et long terme. Je cite :

‐ la fermeture des points PMI dans les quatre plus grosses maternités nordistes ;

‐ la suppression de 700 places dans les établissements de l’aide sociale à l’enfance avec une pénurie organisée de places dans les foyers ;

‐ la diminution des subventions aux acteurs culturels (-20 % sur les scènes nationales et les grandes structures labellisées métropolitaines, -10 % pour les structures hors métropole et -10 à 25 % sur les festivals) ;

‐ la suppression du chéquier jeune et du passeport pour les collégiens ;

‐ la suppression du dictionnaire qui, pour vous, ne représentait – je cite – que « la mousse sur les vagues » ;

‐ la réduction de moitié de l’enveloppe dédiée aux départs en vacances, les oubliés des vacances sont devenus aussi les oubliés du Département ;

‐ pour la jeunesse, la fusion à marche forcée des clubs de prévention et l’arrêt des subventions de fonctionnement attribuées aux missions locales – c’est une réalité – ;

‐ la division par deux des dotations pédagogiques versées aux collèges.

Je ne vais pas plus loin, la liste est longue, trop de désengagements depuis le début du mandat.

Je dois remercier à mon tour les collaborateurs du Département qui assument malgré tout leur mission dans des conditions loin d’être idéales.

Votre deuxième erreur est, selon nous, de rester calé sur une gestion du passé qui ne prépare pas suffisamment la sortie de la crise. Vous vous félicitez des ratios financiers, vous engrangez avec gourmandise des recettes de droit de mutation à titre onéreux (366 M€). Je rappelle tout de même que, à l’époque, Monsieur POIRET, Président de l’opposition, avait voté contre ce principe.

Aujourd’hui, Monsieur POIRET, Premier vice-président chargé des finances, est heureux de ce que nous avons voté et qu’il n’avait pas voté.

Vous actez dans votre document un coût de la crise moins élevé que prévu. Pour autant, vous ne dévoilez pas et ne prévoyez pas de véritable stratégie de rebond pour l’année qui vient. Or, vous le savez, l’année qui vient risque d’être terrible pour les personnes qui vont être sans emploi, qui vont donc être au chômage et que nous allons récupérer dans le cadre du RSA. Le Département du Nord reste aujourd’hui sur son train-train, l’œil collé sur la maîtrise aveugle des dépenses de fonctionnement et le désendettement qui ne prépare pas l’avenir. Nous pensons que cette trajectoire est en décalage, elle est en décalage avec les éléments actuels, elle est en décalage avec les besoins sociaux du département et la nécessité de repenser des solidarités nouvelles entre les Nordistes.

Oui, une autre politique était possible. Oui, une autre politique est possible.

C’est pourquoi, Monsieur le Président, nous voterons contre le budget primitif pour 2021.

Je vous remercie de votre écoute.

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