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Les troubles de l’impulsion sont caractérisés par une augmentation de la tension ou de l’excitation avant de commettre un acte impulsif (ASAM, 2010). L’action est suivie d’une sensation de plaisir qui associe ses troubles aux mécanismes de renforcements positifs.

a- Le renforcement positif

Cette théorie se concentre sur les effets récompensants des drogues et implique que plus la satisfaction est importante, plus le risque d’addiction est important (Wise and Bozarth, 1987). Ces expériences positives peuvent à la fois concerner les sentiments de bien-être et le besoin de partager ou d’appartenir à une communauté. Ce modèle possède des limites puisque même si des effets euphorisants sont ressentis lors de la prise de drogue, ceux-ci vont s’estomper au fur et à mesure des prises (Volkow et al., 1999). Néanmoins, le tabac qui n’induit pas vraiment de plaisir mais plutôt un soulagement, est un des produits les plus addictifs connus à ce jour (Fidler and West, 2011). Il semble donc que le lien entre le degré de plaisir ressenti et le pouvoir addictogène de la drogue est faible

D’autre part, les troubles de la compulsion sont caractérisés par une anxiété et un stress avant de céder au comportement compulsif répétitif (ASAM, 2010). Ils sont associés aux mécanismes de renforcement négatif et automatique.

b- Le renforcement négatif

Ce phénomène est responsable de la dépendance physique qui peut-être très forte avec certaines drogues comme les opiacés (Koob et al., 1992). Le toxicomane aurait alors un véritable besoin de reprendre de la drogue pour se libérer des symptômes de sevrage entretenant ainsi un comportement compulsif (West and Gossop, 1994). C’est sur cette dépendance physique qu’interviennent les médicaments de substitution permettant de soulager le toxicomane lors du sevrage (Lingford-Hughes et al., 2004). Ce modèle a également des limites puisque d’une part certaines drogues comme les psychostimulants ou le tabac n’induisent pas de sevrage physique important et d’autre part que la rechute reste fréquente quand les symptômes de sevrage ont disparu. L’évitement du malaise psychologique et non physique ressenti lors du sevrage entre également en néanmois aussi en compte dans le renforcement négatif et est commun à toutes les drogues.

c- Les mécanismes automatiques

Les théories mettant en jeu des mécanismes automatiques s’appuient sur le fait que les toxicomanes deviennent dépendants à cause d’associations acquises inconsciemment via un processus d’apprentissage associant la prise de drogue à un contexte environnemental ou culturel, une sensation de plaisir ou l’évitement d’un stress. Plusieurs types d’apprentissages existent et sont retrouvés dans certains modèles animaux. L’apprentissage mettant en jeu le conditionnement opérant, sur lequel s’appuie par exemple l’auto-administration, consiste à modifier un comportement en fonction des indices disponibles (plaisir ressenti par la drogue, lumière, choc électrique) (Sanchis-Segura and Spanagel, 2006). L’apprentissage fondé sur le conditionnement classique, sur lequel s’appuie la préférence de place conditionnée, implique la réalisation d’une association entre un stimulus environnemental et une réaction automatique ou réflexe de l’organisme. Cependant, les processus qui poussent le toxicomane à prendre un produit le soulageant, n’impliquent pas que des comportements automatiques mais également des processus cognitifs qui n’existent vraisemblablement pas chez l’animal.

Deux autres théories sont également proposées pour expliquer la mise en place d’un comportement compulsif : la dérégulation homéostasique de l’hédonie et la sensibilisation de la motivation.

d- Dérégulation homéostasique de l’hédonie

Cette théorie applique celle des processus opposants proposée en 1974 au niveau du circuit de la récompense (Solomon and Corbit, 1974; Solomon, 1980). Salomon et Corbit proposent que le plaisir ressenti après une expérience euphorisante est automatiquement suivi d’une sensation de déplaisir. Ce deuxième phénomène apparaît lentement et croît progressivement avec la répétition du stimulus. La théorie de la dérégulation homéostasique de l’hédonie propose donc que l’addiction est la conséquence d’une dérégulation du système de la récompense induite à la fois par une diminution de l’activité des circuits de ce système et par un recrutement des systèmes de stress comme le CRF (Koob and Le Moal, 1997, 2008). Ce phénomène pourrait être à l’origine du malaise physique ou psychique ressenti lors du sevrage. Il favoriserait également la prise de drogue compulsive par un mécanisme de renforcement négatif.

Figure 2 : Extension du modèle des processus opposants de Salomon et Corbit appliquée à l’hypothèse de l’allostasie. Les courbes représentent la réponse affective induite par la présentation de la drogue lors de la première exposition (en haut) ou lors d’administration chronique (en bas). Le processus-a représente un état hédonique positif et le processus-b, un état négatif. (Koob et a., 2008).

e- La théorie de la sensibilisation de la motivation

Cette théorie publiée en 1993 par Robinson et Berridge sous le terme anglais d’ « incentive-sensitization » (Robinson and Berridge, 1993) propose d’identifier les processus neurobiologiques qui sous-tendent le passage d’une utilisation récréationnelle et ponctuelle de la drogue à une prise incontrôlée pouvant se mettre en place chez les personnes les plus vulnérables. Dans le cadre de cette théorie, les changements psychologiques sont dus à une « sensibilisation » ou à « une hyper-sensibilité des effets motivationnels (récompensants) » des drogues et des stimuli associés aux drogues. Cette sensibilisation de la motivation est présentée ici comme un processus pathologique qui permet de dépasser la prise intentionnelle de la drogue et induit ainsi un besoin compulsif de recherche de drogue. La thèse centrale de cette théorie est que l’exposition répétée peut, chez des personnes vulnérables et dans des circonstances particulières, induire des changements persistants au niveau des neurones et des circuits neuronaux qui attribuent une valence motivationnelle aux stimuli, un processus psychologique qui est impliqué dans les activités nécessitant une recherche de satisfaction. Ces adaptations rendraient ces circuits hypersensibles ce qui les amèneraient à attribuer une valeur trop importante à la motivation exercée envers les drogues ou le contexte qui leur est associé. Cette sensibilisation persisterait longtemps (éventuellement des années chez l’Homme et plusieurs mois chez l’animal (Boileau et al., 2006) et serait responsable du désir excessif que ressent l’ancien toxicomane envers la drogue même après un long sevrage. L’envie irrépressible pour la drogue prendrait alors le pas sur le fait de ne la rechercher que pour le plaisir qu’elle pourrait procurer (Robinson and Berridge, 2001). Les comportements qui se développent à la suite de cette sensibilisation peuvent s’exercer consciemment ou non et impliquent donc un apprentissage, notamment le conditionnement classique (Robinson and Berridge, 2008). Cette théorie s’appuie sur certains modèles d’addiction, comme durant l’acquisition de l’auto-administration ou la préférence de place, dans lesquels on peut observer une augmentation de l’effet de la drogue induite par les injections répétées. Un des

autres modèles auquel s’applique cette théorie, est celui de la sensibilisation comportementale. Chez les rongeurs, il s’agit de la potentialisation de l’activité locomotrice induite par des injections répétées de même quantité de drogue que nous développerons ultérieurement. C’est sur ce modèle que nous allons nous appuyer durant notre étude afin d’étudier les modifications neurobiologiques qui persistent après un long sevrage. Ces modifications pourraient être associées à cette envie irrépressible de drogue que peut ressentir le toxicomane et qui le conduit à la rechute.

2- LES MODELES ANIMAUX

L’addiction est une maladie strictement humaine puisqu’elle fait intervenir des processus psychologiques qui ne sont vraisemblablement présents que chez l’homme. La prise de conscience des effets négatifs de la drogue sur la santé ou la vie sociale de l’individu est un élément fondamental de la maladie. Il n’existe pas encore de modèle animal intégrant tous les aspects de l’addiction mais chaque modèle y apporte sa contribution. Il est par exemple estimé que seulement 20% des consommateurs basculent sur une prise compulsive (Warner et al., 1995), or il n’existe qu’un seul modèle qui permette de prendre ce paramètre en compte (Deroche-Gamonet et al., 2004). D’autre part, cette vulnérabilité peut-être influencée par des facteurs extérieurs, comme le stress, qui peuvent également être reproduits (Caprioli et al., 2007).