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a- La sensibilisation neurochimique est commune à toutes les classes de drogues d’abus.

Nous avons montré que les injections répétées de psychostimulants (amphétamine et cocaïne), d’opiacés (morphine) et d’éthanol induisent une sensibilisation des systèmes sérotoninergique et noradrénergique (Salomon et al., 2006; Lanteri et al., 2008). Dans chaque expérience les drogues sont injectées une fois par jour pendant quatre jours et après quatre jours de sevrage, les libérations corticales de noradrénaline et de sérotonine sont respectivement induites par une injection systémique d’amphétamine ou de para-chlora-amphétamine. L’activité locomotrice est mesurée en parallèle et a permis de mettre en évidence une cross-sensibilisation comportementale pour chaque drogue, à l’amphétamine et à la para-chloro-amphétamine. La sensibilisation neurochimique et comportementale de chaque drogue est bloquée par les antagonistes des récepteurs α1b-adrénergiques et 5-HT2A (Lanteri et al., 2008).

Le tabac étant une drogue au pouvoir addictif très important, nous avons également cherché à savoir s’il partageait les mêmes propriétés que celles énumérées précédemment. La nicotine est considérée comme la substance permettant au tabac d’induire une dépendance (Dani and Heinemann, 1996; Di Chiara, 2000). Cependant, les études animales révèlent que la nicotine ne possède pas toutes les caractéristiques communes aux drogues. Son injection n’entraîne une hyperactivité locomotrice que chez les rats et les souris C3H (Marks et al., 1983; Smolen et al., 1994) et la sensibilisation comportementale que l’on peut obtenir chez les rats ne persiste pas longtemps (Ksir et al., 1985; Villégier et al., 2003). D’autre part, nous n’obtenons pas de sensibilisation des systèmes noradrénergique et sérotoninergique à la suite d’injections répétées de nicotine (1mg/kg, i.p.), (Lanteri et al., 2009, voir article 4 de cette thèse). Le tabac étant composé de nombreuses substances, nous avons donc essayé de mettre en évidence celles qui participent à son pouvoir addictif. Le tabac et sa fumée contiennent des inhibiteurs de monoamines oxydases (IMAO) (Breyer-Pfaff et al., 1996) qui, injectés en même temps que la nicotine, permettent le développement d’une sensibilisation comportementale robuste chez les rats (Villégier, Blanc, et al., 2003a). De manière intéressante, l’injection concomitante et répétée de tranylcypromine (IMAO) (6 mg/kg, i.p.) et de nicotine (1mg/kg, i.p.) permet également d’obtenir une sensibilisation des systèmes sérotoninergique et noradrénergique chez la souris C57BL/6J, après quatre jours de sevrage. Cette sensibilisation neurochimique est accompagnée d’une cross-sensibilisation comportementale à l’amphétamine et à la

para-chloro-amphétamine. Comme toutes les drogues d’abus cette sensibilisation neurochimique et comportementale est bloquée par les antagonistes α1b-adrénergique et 5-HT2A (Lanteri et al., 2009). D’autre part, les IMAO améliorent également les effets récompensants de la nicotine, ils permettent en effet d’induire une auto-administration de nicotine très robuste (Villégier et al., 2007). Nous détaillerons ultérieurement le mécanisme d’action de la tranylcypromine.

b- La sensibilisation des systèmes noradrénergique et sérotoninergique est spécifique des drogues.

Nous avons vu que l’activation des récepteurs α1b-adrénergiques et 5-HT2A est indispensable au développement de cette sensibilisation neurochimique, il semble cependant que cette propritété ne soit pas suffisante. En effet les injections répétées de deux composés non addictifs, la venlafaxine et la clorimipramine, qui inhibent la recapture de noradrénaline et de sérotonine, n’induisent pas de sensibilisation sérotoninergique et noradrénergique (Lanteri et al., 2008). Il est possible que la cinétique d’activation de ces récepteurs soit très lente ou que les antidépresseurs possèdent des propriétés pharmacologiques qui empêchent cette sensibilisation neurochimique. La clorimipramine possède par exemple des propriétés antagonistes des récepteurs α1b-adrénergiques (Dekeyne and Millan, 2003).

c- La sensibilisation neurochimique se développerait sans intervention du système dopaminergique.

Les injections répétées un inhibiteur de la recapture de dopamine, le GBR12783 (20 mg/kg, i.p.) n’induit pas de sensibilisation des systèmes noradrénergique et sérotoninergique (Lanteri et al., 2008), ce qui est en accord avec le fait que cette molécule induise une hyperactivité locomotrice mais pas de sensibilisation comportementale (Drouin, Blanc, et al., 2002). De plus l’injection concomitante de venlafaxine et de GBR12783 ne permet également pas d’induire une sensibilisation neurochimique (Lanteri et al. non publié). Par ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment le blocage des récepteurs D1 et D2, n’empêche pas la sensibilisation comportementale et neurochimique.

4- QUELS MECANISMES POURRAIENT ETRE RESPONSABLES DE L’HYPER-REACTIVITE DES SYSTEMES NORADRENERGIQUE ET SEROTONINERGIQUE ? Comme nous l’avons mentionné ultérieurement, le développement de l’hyperactivité noradrénergique et sérotoninergique par les injections répétées de drogues implique une activation répétée des récepteurs α1b-adrénergiques et 5-HT2A et serait également le résultat d’une perte de la régulation mutuelle qui s’exerce entre ces deux systèmes. Nous ne savons cependant pas quels mécanismes permettent de maintenir cette hyperactivité en place après un long sevrage.

Plusieurs hypothèses peuvent être proposées : soit l’hyper-réactivité peut être due à une activation de ces systèmes par une LTP s’opérant au niveau des corps cellulaires des neurones noradrénergiques et sérotoninergiques soit cette activation est due à une désinhibition via une désensibilisation des auto-récepteurs.

La première hypothèse vient de ce que les noyaux sérotoninergiques et noradrénergiques reçoivent des innervations glutamatergiques du cortex préfrontal (Sara and Hervé-Minvielle, 1995; Tao et al., 1996a; Jodo et al., 1998; Celada et al., 2001). Il est possible que ces transmissions soient renforcées par un phénomène de plasticité impliquant de la LTP. Cela a en effet été observé au niveau du noyau accumbens (Winder et al., 2002; Kalivas, 2005) ou dans l’ATV (Ungless et al., 2001; Wolf et al., 2004) après des injections répétées de psychostimulants.

La seconde hypothèse vient de ce que les auto-récepteurs de ces deux systèmes contrôlent la réactivité des neurones sur lesquels ils sont localisés. Nous allons voir quelles études supportent leur implication dans l’addiction.

Auto-récepteurs Récepteurs alpha2a-adrénergiques ou 5-HT1A

Figure 12. Voie de signalisation des auto-récepteurs alpha2A-adrénergiques et 5-HT1A. La liaison du neurotransmetteur au récepteur couplé à la protéine Gi/o induit la dissociation de la protéine hétérotrimérique et libére les sous-unités Gα et Gβγ. Les sous-unités Gβγ activent les canaux GIRK et Ca2+ (Schneider et al., et 1997). La sous-unité Gα inhibe l’adénylate cyclase et donc la production d’AMPc, diminuant ainsi l’activité de la PKA. Cela va notamment affecter l’expression de gènes dépendants de CREB.

A- Régulation de la transmission noradrénergique somato-dendritique et terminale est