3. Présentation des données et des méthodes
3.3. Présentation des méthodes utilisées
3.3.1. Méthode générale
Nous avons choisi de commencer notre étude par l’analyse comparée de trois secteurs
de la Baie du Mont-Saint-Michel. Dans le but de comprendre l’organisation spatiale de la
végétation, les données des transects correspondant aux trois secteurs sont soumises à une
analyse descriptive et des tests statistiques de comparaison, puis à une Analyse Factorielle des
Correspondances (AFC), et à une Analyse Fréquentielle. Dans un deuxième temps, l’étude est
élargie à l’ensemble de la Baie. Une relation entre l’altitude et la cordonnées X est recherchée
par des méthodes de régressions linéaires et non linéaires. Des analyses fréquentielles
permettent ensuite l’étude des associations végétales de la Baie et leur liaison avec les
différents facteurs écologiques considérés.
3.3.2. L’Analyse Factorielle des Correspondances (AFC)
L’Analyse Factorielle des Correspondances (AFC) est une méthode d’analyse
multivariée permettant de synthétiser graphiquement l’information de grands tableaux de
données, grâce à la prise en compte des écarts à l’indépendance (P. Cibois, 1983). Le tableau
est décomposé par un algorithme produisant tout d’abord un tableau d’estimation des écarts à
l’indépendance, puis une suite de tableaux correctifs affinant cette estimation, généralement
de moins en moins informatifs. Chaque tableau donne pour chaque ligne (individu) et chaque
colonne (variable) une valeur qui servira de coordonnées dans la représentation graphique,
définissant ainsi un axe factoriel. Généralement, le croisement des deux axes factoriels les
plus informatifs sur un repère orthonormé permet d’analyser visuellement le contenu du
tableau, en observant les attirances ou les répulsions entre les individus et les variables.
En écologie végétale, les AFC peuvent être utilisée pour mettre en évidence les
facteurs d’organisation de la végétation, et notamment des gradients écologiques (Alexandre,
1996). Dans notre étude, le tableau soumis à l’AFC est constitué des espèces végétales en
colonnes, et des points d’observation en ligne, classés pour chaque transect dans l’ordre de la
distance à la côte. Les cases du tableau décrivent l’absence (0), la présence (1) ou la
dominance (2) des espèces au niveau des points d’observation. En visualisant les valeurs des
axes de l’AFC des points d’observation en fonction de leur distance à la côte, on donne à la
représentation graphique des résultats une signification spatiale. Il est alors possible, en
croisant graphiquement plusieurs axes de l’AFC, de mettre en évidence des discontinuités
entre portions de transect où les trois courbes ont des comportements relativement
homogènes. Un certain nombre de segments homogènes sont ainsi identifiés le long des
transects.
La composition floristique simplifiée de ces segments est ensuite déterminée de la
manière suivante : pour chaque espèce, on calcule la fréquence des notations 0, 1 et 2 dans
l’ensemble des relevés de 2 m composant le segment, et la notation retenue est celle qui est
majoritaire. Si une espèce est présente dans moins de la moitié des relevés du segment, on lui
assigne le symbole « * » pour indiquer sa présence. Cette méthode simple est préférée à des
calculs plus élaborés, par exemple de fréquence spécifique, qui exigent des séries de données
supérieures à 33 (Daget & Poissonet, 1995). On peut résumer cette information à des suites
ordonnées d’espèces du type « ASTE > SUAE, PUCC >> ELYT », ce qui signifie que Aster
tripolium est l’espèce dominante (notée « 2 »), alors que Suaeda maritima et Puccinellia
maritima sont majoritairement présentes (notées « 1 ») et Elytrigia atherica minoritairement
présente (notée « * »). Lorsque la composition floristique simplifiée mettra en évidence une
espèce dominante (par exemple Aster tripolium) et une espèce minoritairement présente (par
exemple Elytrigia atherica), on notera alors « ASTE >>> ELYT ».
La pertinence des segments définis par l’AFC peut ensuite être vérifiée en comparant
les compositions floristiques simplifiées deux à deux. Si les segments ont une réalité
floristique, on trouvera alors des associations floristiques différentes. Une autre méthode
consiste à superposer les segments à l’orthophotographie et voir s’ils correspondent à des
changements radiométriques de l’image.
3.3.3. L’analyse fréquentielle
L’analyse fréquentielle est un ensemble de méthodes statistiques permettant
l’identification des groupements végétaux et leur caractérisation écologique (Godron, 1968 ;
Daget & Godron, 1982). Cette méthode est basée sur la constitution des tablesde contingence
des présences et absences de chaque paire d’espèces végétales d’après des relevés de terrain.
Deux espèces sont d’autant plus liées que la probabilité de leur table de contingence est faible,
et elles sont alors regroupées dans le même groupement végétal. Les données de
présence-absence d’une espèce selon les modalités d’un paramètre de l’environnement peuvent
également être étudiées grâce à une table de contingence et au calcul de sa probabilité. Ceci
permet de définir le profil écologique de chaque espèce végétale.
Prenons l’exemple de deux espèces végétales dont le tableau de contingence est le
suivant (Tableau 10) :
Tableau 10: Tableau de contingence théorique entre l’espèce 1 et l’espèce 2.
Espèce 2
Présence Absence Total
Présence a b a+b
Espèce 1
Absence c d c+d
Total a+c b+d n
La probabilité qu’une telle situation se rencontre sur le terrain est donnée par la
formule : P=(a+b)!(c+d)!(a+c)!(b+d)!/n!a!b!c!d!
Si les deux espèces se répartissent indépendamment l’une de l’autre, a, b, c, et d
présentent des valeurs proches, et la probabilité de la table de contingence est forte (proche de
un). Au contraire si les deux espèces sont rencontrées ensemble plus souvent que ne le
permettrait le hasard, la probabilité de la table de contingence est faible.
L’observation d’une situation sur le terrain apporte d’autant plus d’information que sa
probabilité est faible, c'est-à-dire qu’elle s’éloigne de la situation attendue si les espèces se
répartissaient au hasard. Pour quantifier cette information, on utilise la formule de Brillouin
(1962) : I=log2 1/P
L’unité d’information est le "sha".
Deux espèces seront donc d’autant plus liées que la probabilité de leur table de
contingence est faible, c'est-à-dire que la quantité d’information est forte. Elles seront alors
associées dans la même association végétale.
Les données de présence des espèces végétales dans les transects sont donc analysées
de la manière suivante, les différents calculs étant effectués par un programme réalisé par M.
Godron, sous l’environnement Dyalog : pour chaque paire d’espèce, la quantité d’information
apportée par la table de contingence est calculée. La valeur la plus forte est alors
recherchée parmi l’ensemble des paires d’espèces considérées. Elle correspond à la liaison la
plus forte existant entre deux espèces. Ces deux espèces donnent les premières lignes du
graphe de la première association végétale. Ce graphe est lu horizontalement, et la valeur
d’information est indiquée entre les deux espèces végétales, au bout de deux lignes dont la
longueur dépend de la valeur d’information. A nouveau, la valeur d’information la plus forte
avec l’une des deux espèces est alors recherchée, et l’espèce correspondante est indiquée sur
la troisième ligne. Ceci est répété, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’espèce ayant une liaison
positive avec les espèces de la première association végétale. Les espèces restantes sont alors
assemblées de la même manière dans une ou plusieurs autres associations végétales. Il est
possible de ne faire apparaître chaque espèce seulement avec sa liaison la plus forte, ce qui
permet d’obtenir les liaisons les plus fidèles.
La répartition d’une espèce selon les modalités d’un facteur écologique peut également
être étudiée grâce à cette méthode. La table de contingence entre une espèce et un état d’un
facteur est constituée afin de calculer sa probabilité. Lorsque une liaison entre une espèce et
un état d’un facteur est statistiquement significative, c’est-à-dire lorsque la probabilité de la
table de contingence est inférieure à 0,05 et elle est indiquée par un « + » (« ++ » et « +++ » si
la probabilité est inférieure respectivement à 0,01 et 0,001.) Si l’espèce et l’état d’un facteur
sont négativement liés, on indiquera cela par des « - ». Les degrés de signification des liaisons
entre une espèce et chacun des états d’un facteur sont alors rassemblé dans un tableau. On
obtient ainsi les valeurs préférentielles de chaque espèce pour chaque facteur de
l’environnement. Réalisée sur plusieurs facteurs de l’environnement, cette analyse permet de
tracer le profil écologique de chaque espèce.
Dans le document
Apports du LiDAR à l'étude de la végétation des marais salés de la baie du Mont-Saint-Michel
(Page 85-89)