4. Traitements et résultats
4.1. Etude de trois secteurs représentatifs de différents contextes
4.1.4. Comparaison des trois situations : Vivier, Chemin Dolais, et Vains
Ces méthodes nous ont permis de voir que les trois secteurs étudiés présentent des
situations assez différentes (Figure 82).
Le secteur où la zonation de la végétation apparaît le plus clairement est le marais à
l’Ouest du Vivier. On observe après la digue, vers 7,5 m d’altitude, un haut schorre peu
étendu de pente nulle ou faible caractérisé par la présence d’Elytrigia atherica et parfois
Festuca rubra. En se dirigeant vers la mer, on passe rapidement à un moyen schorre à sol plus
irrégulier, à Atriplex prostrata et Halimione portulacoides, situé vers 7 m d’altitude. Un peu
plus bas, le bas schorre est parcouru de chenaux et de buttes allongées. Situé entre 6,5 m et
5,5 m, il est couvert d’Aster tripolium, Suaeda maritima, et Puccinellia maritima. Enfin, la
haute slikke, constituée de pente plus forte et située entre 5,5 m et 4 m d’altitude, est couverte
par Spartina sp. et Salicornia sp..
Figure 82 : Schéma récapitulatif de l’organisation de la végétation par rapport aux facteurs
altitude et Sédiment sur trois des transects étudiés.
Dans ce marais, le facteur déterminant l’organisation de la végétation est bien
l’altitude. Le contexte sédimentaire semble également jouer un rôle, puisque toutes les
espèces ont montré une relation significative à l’un des trois types de sédiments rencontrés
dans ce secteur. Par ailleurs, le moyen et le bas schorre sont parcourus de chenaux étroits et
peu profonds, dont le fond inondé permet la remontée vers le haut schorre d’espèces
halophiles telles que Salicornia maritima et Suaeda maritima. Au contraire, les bords de ces
chenaux, légèrement surélevés, sont recouverts d’Elytigia atherica qui descend ainsi vers le
bas schorre. La géomorphologie est donc un facteur influençant l’organisation de la
végétation sur ce secteur.
Sur le secteur de Chemin Dolais, la zonation est perturbée par la présence de deux
cordons coquilliers. Ceux-ci retiennent l’eau à marée descendante sur le schorre, créant ainsi
deux vasières constamment inondées, à des altitudes élevées où le schorre est habituellement
peu fréquemment immergé. On trouve Elytrigia atherica entre 8,5 m et 7,5 m, puis vers 7 m
une dominance de Puccinellia maritima, et enfin une vasière couverte en majorité de
Salicornia maritima. Après le premier cordon coquillier cette zonation se répète, avec
Elytrigia atherica sur les versants du cordon, puis Puccinellia maritima au pied du cordon, et
enfin Salicornia maritima dans la deuxième vasière entre les deux cordons. On ne peut donc
pas parler ici de haut, moyen, et bas schorre à proprement parlé. Salicornia maritima qui se
rencontrait en moyenne vers 4,5 m d’altitude sur le marais du Vivier-sur-Mer se trouve ici
vers 6,5 m. La géomorphologie a donc ici un rôle prédominant, et a pour conséquence
l’augmentation de l’altitude moyenne où se rencontre chaque espèce. La présence d’une
plante n’est donc pas un critère suffisant pour indiquer l’altitude du terrain.
Enfin, le secteur de Vains semble très marqué par le pâturage. On n’y rencontre pas
certaines espèces caractéristiques des marais salés telles que Halimione portulacoides ou
Suaeda maritima. On peut y voir par contre une dominance de graminées telles que Agrostis
stolonifera, Puccinellia maritima, Elytrigia atherica, et Festuca rubra. Des espèces
continentales y on également été rencontrées, ainsi que des espèces de prairies. Ce secteur est
un terrain quasiment plat, situé entre 7 m et 8 m d’altitude, et la relation entre l’altitude et les
espèces végétales n’apparaît pas clairement. On a pu voir cependant dans le transect V108 une
tendance de Agrostis stolonifera et Puccinellia maritima à se développer sur les terrains plats
de basses altitudes (7 m), composés de sables, tandis que Elytrigia atherica, et Festuca rubra
seraient liés aux terrains pentus et de plus hautes altitudes (8 m), comme les bords de
chenaux, composés de Tangue.
La comparaison de ces trois secteurs montre que la végétation de la Baie du
Mont-Saint-Michel est loin d’être homogène. L’altitude est bien un facteur déterminant
l’organisation spatiale de la végétation. Cependant la succession haut, moyen, bas schorre et
haute slikke n’apparaît pas toujours, pour peu que l’influence de facteur autre que l’altitude,
tels que le pâturage ou la géomorphologie, soit importante. L’altitude ne saurait donc suffire
pour réaliser une carte de la végétation potentielle de la Baie. Il faudrait pour cela utiliser des
cartes des autres facteurs influençant la végétation, comme une carte de la géomorphologie,
ou plus simplement de la pente, une carte du pâturage et une carte des sédiments.
D’un point de vue méthodologique, les méthodes utilisées pour analyser ces données
de végétation apportent chacune une vision différente de la situation et se révèlent tout à fait
complémentaires (Tableau 47).
Tableau 47 : Résumé des apports des différentes méthodes utilisées pour analyser les données de
végétation et les données écologiques sur les trois secteurs.
Méthode Apport
Analyse descriptive
(1) Profils altitudinaux et
répartition des points
Permet d’analyser la répartition de la végétation sur le transect : l’espèce se
concentre-elle en début, en fin de transect? La répartition est-elle homogène ?
Peut-on mettre en évidence un lien avec la géomorphologie, identifiable ici sur
le profil altitudinal ?
(2) Graphique des altitudes
moyennes et écart-types
Permet de mettre en évidence une zonation dans la végétation. Les écarts-type
donnent une indication sur la valence des espèces par rapport à l’altitude.
(3) Courbe de densité
Précise la valence des espèces pour l’altitude, en offrant plus de détail que les
écarts-type: parfois deux pics sont visibles, et on peut alors penser qu’un autre
facteur que l’altitude entre en jeu dans la répartition de l’espèce considérée. La
comparaison des répartitions des différentes espèces permet également de savoir
si l’on a à faire à une communauté ouverte ou fermée.
(4) Test de comparaison de
moyenne
Rapproche les espèces selon leur répartition selon l’altitude. A ce stade, on ne
peut pas encore parler d’association végétale, mais cette méthode offre une
première vue synthétique. Une comparaison entre transects est également
possible afin de savoir si une espèce présente la même répartition selon
l’altitude dans les différents secteurs étudiés.
Analyse Factorielle des
Correspondances
Permet d’identifier des portions de transect homogène et de déterminer leur
composition floristique, afin de mieux comprendre l’organisation de la
végétation le long des transects. Cette méthode permet ainsi une visualisation
plus simple des données des transects, résumant l’information de tous les points
et toutes les espèces à une série de segments pour lesquels on connaît les
espèces principales. Une mise en parallèle des segments et des profils
altitudinaux permet d’analyser le rôle de la géomorphologie dans la succession
des espèces le long du transect.
Analyse fréquentielle
Permet de dégager les associations caractéristiques des transects grâce aux
liaisons fortes, mais également d’identifier les transitions entre les associations,
ou des nuances dans la composition des associations, grâce aux liaisons faibles :
cette méthode réconcilie en quelque sorte les méthodes sigmatistes et
continuistes.
Enfin, si les méthodes utilisées précédemment ont y en évidence de façon
qualitative des liens entre les facteurs écologiques et les espèces végétales,
l’analyse fréquentielle les montre ici de façon statistique.
Dans le document
Apports du LiDAR à l'étude de la végétation des marais salés de la baie du Mont-Saint-Michel
(Page 149-153)