3. Présentation des données et des méthodes
3.2. Préparation des données et données dérivées
3.2.1. Contrôle qualité et correction de données LIDAR
3.2.1.5. Discussion
Fiabilité des données LIDAR premier écho et dernier écho
Le dernier écho présente des valeurs d’altitude (Zlp) plus hautes que le premier écho
(Zfp). Ce résultat est étonnant car théoriquement le premier écho devrait correspondre à la
première surface rencontrée par le laser, donc potentiellement à la végétation, et le dernier
écho à la dernière surface rencontrée, c’est-à-dire le sol. Zlp devrait donc en théorie être plus
petit que Zfp, ce qui n’est pas le cas ici puisque la moyenne des différences Zfp-Zlp est égale
à -4 cm. Ce problème a déjà été rencontré dans une autre étude (Rosso et al., 2006), où il a été
constaté une différence entre les données premier écho et les données dernier écho de -1,9 cm
pour des données acquises au-dessus de la végétation, et de -1,1 cm pour des données
acquises au-dessus d’une route. Ce problème pourrait être dû au fait que les deux hauteurs
d’impact sont trop proches l’une de l’autre dans le cas d’une végétation basse. La hauteur
minimale entre deux surfaces discernables par deux échos différents dépend de la durée de
l'impulsion laser et est généralement comprise entre un et deux mètres (Baltsavias, 1999).
Puisque la végétation du marais salé ne dépasse généralement pas 1 m de haut, les deux
retours de l’onde se font quasi-simultanément et il est alors difficile de distinguer les deux
échos. Le premier écho serait alors plus fiable que le dernier écho, et c’est en effet le premier
écho qui est généralement utilisé pour les études concernant des zones de végétation basse
(par exemple Streutker et al., 2006). Contrairement aux études en milieu forestier, la
différence premier écho – dernier écho ne peut donc pas ici nous renseigner sur la hauteur de
la végétation.
Fiabilité des données LIDAR en fonction de la couverture au sol
L’estimation de la fiabilité du LIDAR premier écho montre que la route présente les
plus faibles valeurs d’erreur moyenne quadratique (8 cm), d’erreur systématique (4 cm) et
d’écart-type (7 cm). Ces faibles valeurs d’erreur montrent la haute précision de ces données
LIDAR. Pour comparaison, une erreur moyenne quadratique de 6 à 8 cm a été mesurée au
niveau d’une route par Rosso et al. (2006).
Les données LIDAR premier écho acquises au-dessus de la végétation présentent une
surestimation de 7 à 19 cm. Les résultats montrent que l’erreur systématique des données
LIDAR dépend du type de végétation, c'est-à-dire de sa hauteur et de sa densité (Figure 42).
On peut en effet remarquer que les associations végétales présentant les erreurs systématiques
les plus faibles sont celles dont les espèces dominantes présentent soit une hauteur faible
comme la Puccinellie, soit une hauteur moyenne mais une faible densité, comme la Salicorne,
la Soude, et la Spartine. Au contraire, les associations végétales comportant les espèces les
plus hautes et denses, comme le Chiendent et l’Obione, présentent les erreurs systématiques
les plus élevées. On peut remarquer le cas des associations végétales présentant à la fois des
espèces hautes et des espèces basses. Par exemple, l’association végétale « Puccinellie (Aster,
Obione) » présente une erreur systématique de 15 cm, bien supérieure à celle de « Puccinellie
(Salicorne) » qui est de 7 cm : cette valeur élevée est certainement due à la présence de
l’Aster, qui peut être haute en septembre, date de l’acquisition des données LIDAR, alors
qu’elle est encore en floraison. L’autre cas concerne l’Obione, qui, accompagnée par la
Puccinellie, présente une erreur systématique plus faible (8 cm) que seule (14 cm) ou
accompagnée de Chiendent (17 cm). On peut penser que lorsque l’Obione est en présence de
Puccinellie, elle est à la fois moins haute et moins dense, ce qui permet cette faible valeur
d’erreur.
On peut donc voir que l’erreur systématique des données LIDAR acquises au-dessus
de la végétation des marais salés dépend non seulement de la hauteur, mais aussi de la densité
de la végétation, et que pour comprendre cette erreur il faut considérer à la fois les espèces
dominantes et les espèces accompagnatrices.
Ces valeurs d’erreur systématique correspondent à celles mesurées dans une autre
étude concernant les marais salés où le biais mesuré au-dessus du Chiendent était de 20 cm, et
celui de l’Obione de 15 cm (Populus et al., 2001). Cette surestimation ne correspondrait pas à
la hauteur de la canopée, mais à une certaine hauteur entre le sol et la canopée à partir de
laquelle la végétation devient trop dense pour que le faisceau LIDAR puisse la traverser.
Figure 42 : Erreurs systématiques (m) pour chaque type de couverture au sol, obtenues en
comparant les levés topographiques considérés comme points de contrôle et les données LIDAR
les plus proches, premier écho (Zfp) et dernier écho (Zlp), ainsi que les données LIDAR
d’altitude minimale (Zmin), moyenne (Zmoy) et maximale (Zmax) dans un carré de 3x3 m
autour de chaque levé topographique.
Recherche d’une correction
L’acquisition de levés topographiques permet le calcul de l’erreur systématique des
données LIDAR pour les différents types de couverture au sol. Ainsi, il est possible de
corriger les données LIDAR en soustrayant l’erreur systématique correspondant à chaque type
de couverture au sol. Cependant, l’acquisition de levés topographiques n’a été réalisée ici que
sur une petite surface, et nous ne connaissons pas les erreurs systématiques des autres types de
couvertures au sol situées dans le reste de la Baie. Il faudrait réaliser d’autres levés
topographiques, mais c’est une opération longue et souvent malaisée dans ces zones difficiles
d’accès. Il est donc intéressant de chercher une autre méthode de correction qui serait
applicable à l’ensemble des marais salés, et non spécifique à chaque association végétale.
C’est dans ce but que nous avons comparé les mesures topographiques aux mesures LIDAR
d’altitude minimale. Considérer la mesure LIDAR d’altitude minimale dans un carré de 9 m2
permet, pour 8 types de couverture au sol sur 9, une amélioration de 1 à 11 cm par rapport à la
mesure LIDAR la plus proche, ce qui ramène l’erreur systématique de 1 à 10 cm en valeur
absolue, au lieu de 7 à 19 cm. Seules la route et l’association végétale « Salicorne (Soude,
Puccinellie) » présentent une erreur systématique plus élevée avec la valeur minimale dans le
carré de 3x3 m qu’avec la mesure la plus proche (l’augmentation de l’erreur est de 1 cm pour
la route et de 2 cm pour « Salicorne (Soude, Puccinellie) »). Pour quatre types de couverture
au sol (Route, Estran nu, « Salicorne (Soude, Puccinellie) », et « Puccinellie (Salicorne) »),
les résultats aboutissent à une estimation du terrain allant de 1 à 9 cm. Cette
sous-estimation peut être due au fait que le terrain présente des irrégularités, en particulier dans les
zones pionnières où la végétation est organisée en mottes hautes de 20 à 30 cm (Langlois et
al., 2003). Ainsi la mesure d’altitude minimale peut correspondre à une petite dépression alors
que la mesure topographique a pu être prise sur une butte. Cette erreur reste cependant faible,
et nous pouvons dire que malgré cela, la méthode de correction est satisfaisante puisqu’elle
permet d’obtenir des erreurs systématiques inférieures ou égales à 10 cm. Une correction
possible du Modèle Numérique de Surface au niveau de la végétation des marais salés est
d’utiliser un filtre minimum de fenêtre 3x3 m. L’efficacité de cette correction sera maximale
au niveau des zones éloignées de plus de 1 m des chenaux et où la végétation est continue
mais peu dense. La taille de fenêtre de 3x3 m a été choisie ici pour avoir un nombre
raisonnable de mesures LIDAR (ici en moyenne 4,5) : pour de futures études, cette taille de
fenêtre pourra donc être réévaluée selon la densité des données LIDAR.
Conclusion
Nous nous sommes proposé dans ce travail d’évaluer le potentiel des données LIDAR
multiécho pour l’étude de la végétation du marais salé de la baie du Mont-Saint-Michel. Nous
avons mis en évidence que les données LIDAR acquises au-dessus de la baie du
Mont-Saint-Michel présentent une surestimation systématique. Cette surestimation est de 4 à 19 cm pour
les données premier écho et de 7 à 25 cm pour les données dernier écho. Les données premier
écho sont donc plus fiables que les données dernier écho. Le fait que les données dernier écho
correspondent à des altitudes plus élevées que les données premier écho n’a pas encore été
expliqué, et nécessite de futures études. Ce phénomène pourrait être dû au fait que la faible
hauteur de la végétation (<1m) ne permet pas de distinguer les deux retours. On ne peut donc
pas dans notre cas étudier la hauteur de la végétation à partir de la différence des données
premier écho et des données dernier écho.
D’autre part, nous avons mis en évidence que le biais des données LIDAR dépend de
la hauteur et de la densité des différentes espèces végétales présentes sur le marais salé. La
valeur de cette erreur systématique dépend aussi bien des espèces végétales dominantes que
des espèces accompagnatrices. La surestimation est de 7 à 8 cm pour les associations
végétales de hauteur de canopée faible à moyenne, et de densité faible. Elle est de 14 à 19 cm
pour les associations comprenant des espèces végétales hautes et denses.
Une correction possible de ce biais consiste à considérer la valeur LIDAR minimale au
sein d’un carré de 3x3 m. Cette correction réduit l’erreur systématique à moins de 10 cm.
Cette erreur est assez faible pour permettre l’étude de la relation entre l’altitude et les espèces
végétales du marais salé, et les données que nous utilisons dans la suite de ce travail ont été
corrigées avec cette méthode.
Dans le document
Apports du LiDAR à l'étude de la végétation des marais salés de la baie du Mont-Saint-Michel
(Page 77-81)