4. Traitements et résultats
4.1. Etude de trois secteurs représentatifs de différents contextes
4.1.1. Le Vivier-sur-Mer : un marais salés « simple »
4.1.1.2. Analyse descriptive de l’organisation spatiale de la végétation
Les neuf espèces ont été rencontrées sur ces transects : Aster tripolium (rencontrée sur
46% des points d’observation du premier transect et 55% du second), Atriplex prostrata (47%
et 37%), Elytrigia atherica (43% et 26%), Festuca rubra (20% sur JB03, absente sur Vi06),
Halimione portulacoides (46% et 34%), Puccinellia maritima (35% et 28%), Salicornia sp.
(20% et 13%), Spartina sp. (44% et 14%), et Suaeda maritima (65% et 61%). Couvrant plus
de la moitié des transects, Aster tripolium et Suaeda maritima sont très présentes sur le
secteur. Trois espèces végétales sont observées en moyenne pour chaque point. C’est dans le
moyen schorre qu’on rencontre le plus d’espèces, avec un nombre maximal d’espèces
rencontrées en un point d’observation égal à six.
Les données Lidar permettent de tracer le profil altitudinal de chaque transect, et le
rapprocher à la répartition de chaque espèce (Figure 48 et 49).
Figure 48 : Profil altitudinal du transect Vivier Ouest JB03 et répartition de chaque espèce
végétale le long du transect (point noir = dominance, point blanc = présence).
Figure 49 : Profil altitudinal du transect Vivier Est Vi06 et répartition de chaque espèce végétale
le long du transect (point noir = dominance, point blanc = présence).
Les zones de répartition des espèces végétales sont larges, la plupart des espèces étant
présente la majorité du transect, exception faite de Festuca rubra rencontrée seulement en
début de transect et de Salicornia sp. observée seulement en fin de transect.
Les données LiDAR ont également permis de calculer la moyenne d’altitude à laquelle
chaque espèce a été rencontrée (Figure 50 et 51, Tableau 11).
Figure 50 : Altitude moyenne et écart-type de chaque espèce végétale rencontrée sur le transect
Ouest, JB03.
Figure 51 : Altitude moyenne et écart-type de chaque espèce végétale rencontrée sur le transect
Est, VI06.
Tableau 11 : Statistiques des altitudes (m, IGN69) où a été rencontrée chaque espèce végétale sur
les Transect Ouest (JB03) et Est (VI06) du Vivier-sur-mer.
Transect Ouest JB03 Transect Est VI06
Espèce
Minimum Moyenne Maximum
Ecart-type Minimum Moyenne Maximum
Ecart-type
Elytrigia atherica 6,62 6,90 7,02 0,08 5,90 6,75 7,05 0,30
Festuca rubra 6,67 6,88 7,02 0,08
Halimione
portulacoides 5,23 6,60 7,00 0,30 5,07 6,55 6,95 0,30
Atriplex prostrata 5,56 6,54 6,95 0,26 5,17 6,50 7,05 0,33
Aster tripolium 5,08 6,32 7,00 0,33 4,32 6,03 6,99 0,66
Suaeda maritima 4,53 6,06 6,91 0,60 4,17 6,04 6,95 0,77
Puccinellia maritima 4,77 6,03 6,52 0,43 4,59 5,96 7,00 0,63
Spartina sp. 4,58 5,94 6,89 0,67 3,72 4,46 6,75 0,66
Salicornia sp. 4,21 4,98 5,99 0,52 3,72 4,23 5,11 0,34
On observe bien une organisation des espèces végétales selon l’altitude, dans l’ordre
suivant (les altitudes moyennes sur les transects Ouest et Est sont entre parenthèse) : Elytrigia
atherica (6,90 m et 6,75 m), Festuca rubra (6,88 m, présente uniquement sur le transect
Ouest), Halimione portulacoides (6,60 m, 6,55 m), Atriplex prostrata (6,54 m et 6,50), Aster
tripolium (6,32 m et 6,03 m), Suaeda Maritima (6,06 m et 6,04 m), Puccinellia maritima
Si l’organisation spatiale de la végétation selon altitude est bien visible sur les figures
50 et 51, certaines espèces présentent des écarts-type d’altitude importants. C’est le cas
notamment pour les espèces du moyen schorre, comme Suaeda maritima (d’écart type 0,60 m
et 0,77 m), qui est présente sur presque tout le transect (65% et 61% des points) comme le
montre sa répartition sur les Figures 48 et 49. Ces écarts-type élevés sont la preuve d’une
certaine plasticité de ces espèces vis-à-vis du facteur altitude.
Une autre façon de visualiser la valence de chaque espèce par rapport au facteur
altitude est de tracer les courbes de densité des espèces selon l’altitude (Figure 52 et 53) : plus
une courbe de densité est aplatie, plus l’espèce sera susceptible de se développer sur une large
plage de valeur du facteur considéré.
Figure 53 : Densité de la distribution des espèces selon l’altitude pour le transect Est Vi06.
On peut remarquer que la plupart des espèces présentent des distributions aplaties,
preuve d’une certaine plasticité vis-à-vis de l’altitude. Certaines distributions apparaissent
presque bimodales, ce qui pourrait être le signe de l’influence d’un autre facteur que
l’altitude. D’autre part, on peut noter que certaines espèces présentent des courbes de densité
de distributions très différentes d’un transect à l’autre. Ainsi Elytrigia atherica présente une
distribution unimodale dans le transect Ouest, mais une courbe bimodale dans le transect Est,
avec un pic vers 6,9 m correspondant aux points situés en début de transect sur le haut
schorre, et un autre vers 6,1 m, correspondant aux points situés au bord d’un micro-chenal. La
présence d’Elytrigia atherica à cette altitude pourrait être la conséquence d’un autre facteur
écologique que l’altitude, comme la pente ou la géomorphologie. De même, Spartina sp.
présente une densité de présence selon l’altitude différente d’un transect à l’autre (Figure 54) :
sa distribution apparaît aplatie et bimodale dans le transect Ouest, alors qu’elle est unimodale
dans le transect Est. Cette espèce est présente dans le transect Ouest en deux zones d’altitude
différentes, une vers 6,7 m et l’autre vers 5,7 m. Si la deuxième correspond aux altitudes
auxquelles on peut s’attendre pour une espèce halophile comme Spartina sp., la première zone
correspond à une altitude assez élevée pour cette espèce. Sa présence à cette altitude est
probablement liée à une zone de micro-chenaux, visibles sur l’orthophotographie, qui
parcourent le marais perpendiculairement à la côte et maintiennent des zones humides
permettant la présence d’espèces végétales de haute slikke sur le schorre. Cela montre
l’influence des entités géomorphologiques sur la répartition spatiale de la végétation.
Figure 54 : Répartition de Spartina sp.sur les transects et courbe de densité selon l’altitude.
L’observation des courbes de densité du transect Ouest JB03 ne permet pas
d’identifier de groupes d’espèces bien distincts. On ne peut donc pas avec cette méthode
identifier d’association végétale. Cependant, on peut rapprocher les distributions unimodales
et étroites, centrées sur l’altitude 6,9 m, de Elytrigia atherica et Festuca rubra, qui se
superposent presque parfaitement, preuve que ces deux espèces présentent des préférences
écologiques similaires pour ce facteur. A l’autre extrémité de l’échelle d’altitude, Salicornia s.
présente une distribution aplatie autour de 4,9 m. Entre les deux, les autres espèces présentent
des distributions aplaties, se superposant entre 6 m et 7 m. Dans le cas du transect Est Vi06,
on peut distinguer deux groupes : d’une part l’ensemble Elytrigia atherica, Halimione
portulacoides, Atriplex prostrata, Aster tripolium, Puccinellia maritima, et Suaeda maritima,
qui présentent des distributions étalées de 6 à 7 m ; d’autre part Spartina sp. et Salicornia sp.
dont les distributions se superposent autour de 4,2 m.
Afin de vérifier statistiquement ces regroupements, nous avons réalisé un test de
comparaisons multiples non paramétrique de Wilcoxon-Mann-Whitney. Cela a permis
d’identifier pour le transect Ouest JB03 cinq ensembles de distribution selon l’altitude
identique (Figure 55) : Elytrigia atherica + Festuca rubra, Halimione portulacoides +
Atriplex prostrata, Aster tripolium seule, Puccinellia maritima + Spartina sp. + Suaeda
maritima, et enfin Salicornia sp. seule. Si l’on tente de rapprocher ces cinq ensembles au
schéma classique des marais salés, Elytrigia atherica + Festuca rubra peut être assimilé au
haut schorre, Halimione portulacoides + Atriplex prostrata au moyen schorre, Puccinellia
maritima + Spartina sp. + Suaeda maritima au bas schorre, et Salicornia sp. à la haute slikke.
Cependant, Spartina sp., espèce caractéristique de la haute slikke, est alors située dans le bas
schorre, et Aster tripolium est à cheval sur le moyen et le bas schorre.
Pour le transect Est Vi06, on observe quatre ensembles (Figure 55) : Elytrigia atherica
seule, Halimione portulacoides + Atriplex prostrata, Aster tripolium + Puccinellia maritima +
Suaeda maritima, et Spartina sp. + Salicornia sp. Ici on observe donc bien le schéma
classique des marais salés, avec Elytrigia atherica au haut schorre, Halimione portulacoides +
Atriplex prostrata au moyen schorre, Aster tripolium + Puccinellia maritima. + Suaeda
maritima au bas schorre, et Spartina sp. + Salicornia sp. en haute slikke. Cependant les
superpositions entre ces ensembles de répartitions altitudinales identiques sont parfois très
importantes.
Ces regroupements ne peuvent pas être qualifiés d’association végétale, car ils sont
réalisés uniquement à partir de la distribution des espèces selon un seul facteur. Cependant, ils
permettent de tracer les premières lignes d’une vision synthétique de l’organisation de la
végatation.
Nous avons pu remarquer que les deux transects présentent des différences. Le test
non paramétrique de comparaison de moyenne de Kruskal-Wallis indique qu’il y a une égalité
dans les distributions selon l’altitude entre les deux transects pour Halimione portulacoides,
Puccinellia maritima, Suaeda maritima, et Atriplex portulacoides. Les autres espèces,
c'est-à-dire Elytrigia atherica, Festuca rubra, Aster Tripolium, Salicornia sp. et Spartina sp.,
présentent des distributions selon l’altitude différentes d’un transect à l’autre. Il serait donc
inexact de croire que les statistiques d’altitude obtenues sur un transect pour une espèce
végétales peuvent être étendues à l’ensemble d’un marais salé.
Figure 55 : Schéma de la répartition des espèces végétales selon l’altitude des transects Ouest
JB03 et Est Vi06. Les regroupements d’espèces correspondent aux ensembles de répartition
altitudinale identique (p-value>0,05 au test de comparaisons multiples de
Wilcoxon-Mann-Whitney.) Pour déterminer l’altitude d’un regroupement, la moyenne de l’altitude plus ou moins
l’écart-type a été calculée pour chaque espèce et la valeur minimale et maximale au sein d’un
regroupement.
Pour conclure, nous pouvons dire que la zonation altitudinale des espèces du marais
salé existe bien, et que certains regroupements d’espèces végétales selon l’altitude peuvent
être faits, et que leur ordre le long du gradient d’altitude correspond au schéma communément
admis. Cependant, il existe une superposition importante des ceintures végétales, qui masque
cette organisation. Nous avons vu également que la valence des espèces vis-à-vis du facteur
altitude est variable, et que les objets géomorphologiques, même de petite taille, pouvaient
perturber l’organisation de la végétation. Enfin, nous avons mis en évidence des différences
entre les deux transects, ce qui montre que les observations de terrain ne peuvent pas
forcement être étendue à l’ensemble d’un marais, même aussi peu large que celui de l’Ouest
du Vivier.
Dans le document
Apports du LiDAR à l'étude de la végétation des marais salés de la baie du Mont-Saint-Michel
(Page 91-99)