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Chapitre 5 Des représentations sociales aux conceptions individuelles

32. Présentation et discussion de la grille de lecture KVP

P. Clément (2004) propose une grille de lecture C = f (K, V, P) où les conceptions (C) d'un individu proviennent de l’interaction des connaissances (K comme Knowledge) dont il dispose, de son propre système de valeurs (V) et des pratiques professionnelles, personnelles et sociales (P) en lien avec les connaissances en jeu dans une situation donnée.

Pour le pôle K, cette grille montre que l’enseignant ne peut pas viser simplement l'acquisition de connaissances sans s'intéresser à leur champ de signification pour l'apprenant, aux cadres et pratiques de référence qui conditionnent ces acquisitions

et leur mobilisation ultérieure ainsi qu’aux valeurs sous-jacentes par rapport au système de valeurs de l'apprenant (Clément, 2004).

Le pôle P correspond au concept de « pratiques sociales de référence » qui a été introduit par J.-L. Martinand (1986) et qui les décrit de la manière suivante :

- « pratiques » car ce sont des activités objectives de transformation d’un donné naturel ou humain ;

- « sociales » car elles concernent l’ensemble d’un groupe social et non des rôles individuels ;

- « de référence » car la relation avec les activités didactiques n’est pas d’identité, mais en termes de comparaison.

D. Jodelet et S. Moscovici (1990) définissent les pratiques sociales comme « des

systèmes d’action socialement structurés et institués en relations avec des rôles » (Jodelet & Moscovici, 1990, p.287). Le pôle P renvoie aux pratiques des acteurs dont les conceptions sont analysées, qu’il s’agisse de pratiques sociales mais également de pratiques professionnelles ou citoyennes.

Pour le pôle K, l’auteur définit les valeurs comme « ce qui fonde le jugement » et qui peut se retrouver à la base des opinions, croyances et idéologies.

La grille KVP (figure 9) a été construite pour analyser les conceptions des élèves mais il peut également servir à analyser les conceptions des autres acteurs du système éducatif en particulier les formateurs, afin de comprendre l’influence des conceptions sur les pratiques.

Figure 9 : les conceptions comme le résultat de l’interaction entre les connaissances, les valeurs et les pratiques sociales de références (d'après Clément, 2004)

Dans la grille d’analyse nous utilisons, les connaissances représentent ce que la personne sait ou croit savoir sur les questions de santé.

Les pratiques sociales renvoient à son vécu, soit dans le cadre familial, soit en tant qu’élève, stagiaire ou enseignant, par rapport aux questions de santé, et qui peuvent constituer une norme.

Par contre, nous souhaitons prendre de la distance par rapport au pôle valeurs. En effet, nous pouvons définir « valeur » comme « ce qui est posé comme vrai, beau,

bien d’un point de vue personnel ou selon les critères d’une société et qui est donné comme un idéal à atteindre, comme quelque chose à défendre » (dictionnaire Larousse en ligne29). Nous avons défini plus haut les valeurs comme des principes à partir desquels les individus font des choix. Or, les choix des personnes sont également orientés par leurs points de vue, leurs croyances, leurs idées et cet ensemble s’est construit à travers les interactions de la personne avec la société. C’est pourquoi, nous pensons qu’il est plus judicieux de remplacer le pôle valeurs par celui de représentations sociales qui nous apparaît comme plus complet. Ainsi, les conceptions (C) sont des variations individuelles par rapport

Connaissances

scientifiques

Systèmes de

valeurs

Pratiques

sociales de

référence

Conceptions

aux représentations sociales (RS) et nous pouvons écrire que C = f (K, RS, P) (figure 10), ce qui va constituer notre grille d’analyse des conceptions.

Figure 10 : les conceptions comme le résultat de l’interaction entre les connaissances, les représentations sociales et les pratiques sociales de références

Connaissances

Représentations

sociales

Pratiques

sociales de

référence

Conceptions

Synthèse du chapitre 5

La représentation sociale se place à l'interface du psychologique et du social. Il s'agit d’une connaissance socialement élaborée et partagée qui s'élabore à partir des expériences, informations, savoirs, modèles de pensée reçus et transmis par la tradition, l’éducation, la communication. Elle concerne des objets saillants de la vie quotidienne.

Les représentations sociales occupent une place prépondérante dans la dynamique des relations sociales et dans les pratiques grâce à quatre fonctions essentielles :

- elles permettent de comprendre et d’expliquer la réalité (fonctions de savoir) ;

- elles définissent l’identité et permettent la sauvegarde de la spécificité des groupes (fonctions identitaire) ;

- elles guident les comportements et les pratiques (fonctions d’orientations) ;

- elles permettent a posteriori de justifier les prises de position et les comportements (fonctions justificatrices).

Elles sont constituées par un noyau central autour duquel elles se structurent et par un système périphérique plus individualisé. L’organisation du noyau central est déterminée de manière essentiellement sociale en fonction de valeurs et de normes du groupe auquel il se réfère. Autour du noyau central, le système périphérique est plus individualisé et lié au contexte dans lequel évoluent les individus, il est tributaire des caractéristiques individuelles des personnes.

Il existe différentes conceptions du lien entre pratiques et représentations sociales :

- la vision « radicale », où ce sont exclusivement les pratiques qui déterminent les représentations. Les conduites découleraient du cadre institutionnel et de l’environnement social auxquels les personnes sont confrontées, plutôt que de leurs croyances, leurs représentations ou même leur système de valeurs.

- les pratiques sont déterminées par les représentations : le comportement d’un groupe lorsqu’il est face à une situation où il doit résoudre un problème est déterminé par la représentation qu’il a de la tâche à

effectuer.

- l’interaction entre les représentations et les pratiques sociales : la quasi-totalité des chercheurs s’accordent sur le fait que les représentations et les pratiques s’engendrent mutuellement.

Cependant, ce lien peut dépendre de la situation :

a) les représentations déterminent les pratiques dans des situations qui contiennent une forte charge affective et où il y a une référence à la mémoire collective du groupe pour justifier l’identité, l’existence ou les pratiques de ce groupe ;

b) les représentations jouent un rôle déterminant sur les pratiques lorsque l’acteur dispose d’une certaine autonomie par rapport aux contraintes de la situation ; c) il y a interaction entre les pratiques et les représentations dans les situations à fortes contraintes, qu’elle soit sociale ou matérielle.

Les pratiques des formateurs semblent correspondre au cas b) où l’acteur est confronté à un ensemble de choix possibles, sans que certains de ses choix apparaissent comme incontournables.

Nous avons utilisé la grille de lecture KVP de Clément où les conceptions d’une personne proviennent de l’interaction des connaissances (K), de son propre système de valeurs (V) et des pratiques professionnelles, personnelles et sociales (P). Cependant, nous avons choisi de remplacer le pôle valeurs par celui de représentations sociales qui nous apparaît comme plus complet. Ainsi, les conceptions (C) sont des variations individuelles par rapport aux représentations sociales (RS) et nous pouvons écrire que C = f (K, RS, P). Cette grille va constituer un outil qui doit nous servir à analyser les conceptions des formateurs, afin de comprendre leur influence sur les pratiques.

Chapitre 6 L’influence du contexte professionnel sur la