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Des éléments pour une didactique de l’éducation à la santé

Chapitre 4 Education et santé : une modélisation d’ensemble

42. Des éléments pour une didactique de l’éducation à la santé

didactique de l'éducation à la santé alors que cet enseignement se veut inter- ou transdisciplinaire, qu'il dépend du contexte social et culturel des personnes et qu'il sous-tend la multiréférencialité.

La didactique concerne les relations entre les processus d'enseignement (transmission) et d'apprentissage (appropriation) des connaissances, dans le cadre d'une discipline. Selon plusieurs auteurs du champ de la didactique des sciences expérimentales, il est nécessaire de partir des représentations de l'élève, pour qu’elles évoluent (Giordan, 1999) en prenant en compte les singularités des contextes d'apprentissage (Astolfi & Develay, 1989). Pour certains, ce sont principalement les difficultés d'appropriation qui sont intrinsèques aux savoirs, qui intéresseraient la didactique (Astolfi et al., 1997b). D'autres considèrent la didactique comme la composante technique de l'acte pédagogique (André, 1994). Dans les « éducations à … », il ne s’agit pas simplement de transmettre des savoirs scientifiques stabilisés, issus de disciplines scolaires mais « nous avons

Visées

Tâches

proposées

Références théoriques

davantage affaire à des savoirs non disciplinaires ayant une acception à caractère juridique, issus de compromis politiques et donc, par essence, polémiques, mouvants et objets de controverses »(Lange & Victor, 2006, p.89). Cependant, ce qui est important, c’est leur valeur heuristique, leur capacité à expliquer et à agir sur le monde (Rumelhard, 1987 ; Lange, 2004).

Dans ce contexte, il convient de donner aux savoirs scientifiques une dimension sociale en abordant ces thématiques de façon constructive et globale grâce à la construction « d’îlots de rationalité » : « les sciences engagées partent des

questions posées dans l’existence quotidienne pour construire autour d’elle une sorte d’îlot de rationalité, c’est-à-dire une représentation théorique qui empruntera ses éléments de savoir partout où elle en trouvera de pertinents » (Fourez, 1988, p.108). La visée éducative est alors orientée vers la responsabilisation des personnes, vers la construction d’un principe de responsabilité qui devient l’une des finalités des « éducations à … » (Lange & Victor, 2006). Il s’agit alors de rendre le sujet apte à prendre des décisions par rapport aux « questions vives » de notre société (Legardez & Simonneaux, 2006). L’importance du « rapport au savoir », défini comme le rapport d’un sujet au monde en fonction de son histoire et de ces attentes (Charlot, 1997), revient à réintroduire le « sujet-acteur » qui est « aussi bien l'élève que l'enseignant car

chacun d'eux mobilise, sur ces questions, des systèmes de « représentations-connaissances », c'est-à-dire des croyances, opinions représentations-connaissances médiatiques ou savoirs plus ou moins assimilés » (Lange & Victor, 2006, p.92).

J-M. Lange et P. Victor (2006) donnent un certain nombre de repères pour une didactique des « éducations à… ». Il ne s'agit pas simplement pour l'enseignant de permettre à l'élève de faire face à un problème de santé mais d'élaborer un principe de responsabilité afin que chaque individu prenne ses distances par rapport aux pratiques sociales de référence et puisse se construire une « opinion

raisonnée ». Pour cela, il convient d’aborder les thématiques de manière globale, avec une visée éducative qui contribue à la construction de la personne, en prenant en compte son « expérience réflexive ». L’opinion raisonnée va se construire à travers l’élaboration de réseaux sémantiques, d’îlots de rationalité, qui se composent entre autres de concepts et de notions scientifiques. « Cette

élaboration ne peut se faire qu’au moyen d’une interdisciplinarité mettant en œuvre des pratiques concrètes de négociations et par le moyen de l’apprentissage

au débat » (ibid., p.95). L’utilisation du débat en éducation à la santé est également soulignée par J. Fortin (2001) pour qui il convient de mettre en place, à l’école, des situations pédagogiques, afin de donner à l’élève « l’opportunité de

s’exprimer, de faire part de ses sentiments, d’interroger ses comportements et d’analyser ceux des autres, de manière à progressivement maîtriser émotions et conduites, aller vers des choix plus contrôlés et moins subis » (Fortin, 2001, p.9). Cette didactique devra tout d'abord identifier les conceptions des élèves qu’ils se sont construites à partir de connaissances incomplètes ou erronées et des pratiques sociales issues du milieu familial. Les élèves pourront apprendre à se mettre en situation d'acteurs à travers des jeux de simulation qui leur permettront de devenir des protagonistes afin de discuter d’attitudes et de valeurs. Les enseignants pourront guider l'apprentissage à travers une réflexion qui favorise l’exploration de questions et l'explicitation des valeurs sous-jacentes, afin d’orienter ou de renforcer les comportements. En replaçant les pratiques scolaires dans leur contexte social et culturel, la didactique des sciences humaines ou des sciences dites "dures" pourrait alors permettre de mieux appréhender les difficultés des situations d'apprentissage qui nécessitent un apprentissage pluridisciplinaire, holistique et systémique, et une participation active des élèves (VST, 200428).

28 Institut National de Recherche Pédagogique, cellule de veille scientifique et technologique, dossier de synthèse Education à l’environnement et au développement durable, Vers une didactique de l’EEDD http://www.inrp.fr/vst/Dossiers/EEDD/didactiques/didactique.htm [dernière

Synthèse du chapitre 4

Nous avons défini avec J. Fortin quatre grands modèles qui sous-tendent les interventions en éducation à la santé :

- Le modèle rationnel repose sur une pédagogie où le savoir est dispensé de manière descendante. Il se rapproche du modèle biomédical qui postule la rationalisation des conduites en écartant la subjectivité et les émotions.

- Le modèle humaniste dans lequel le sujet participe à la construction de ses savoirs auxquels il rajoute son vécu et son expérience. Les connaissances transmises et une image de soi positive vont permettre à la personne d’adapter son mode de vie et de modifier ses comportements pour les rendre conformes aux recommandations et prescriptions.

- Le modèle de la dialectique sociale questionne les rapports de l'homme à son environnement. L’enseignant accompagne les élèves dans une démarche qui vise la prise de pouvoir par les personnes et les groupes sociaux à travers l'acquisition de savoirs et le développement de compétences pour leur permettre d'accéder à une plus grande maîtrise de leur existence.

- Le modèle écologique s'intéresse à la personne dans sa globalité et aux interrelations de celle-ci avec les différents milieux. Il doit permettre à la personne de se développer de façon optimale en fonction de l'ensemble de ses potentialités, et souligne les limites de la rationalisation des comportements humains. Le concept de promotion de la santé est issu de ce modèle.

Dans la discussion de ces modèles, nous avons montré que l’information ne suffisait pas et que les déterminants des comportements n’étaient pas uniquement d’ordre rationnel, ce qui constitue une limite pour les modèles rationnel, humaniste et de la dialectique sociale. Le modèle écologique reprend des éléments des modèles précédents en y ajoutant une dimension dynamique et contextuelle, il ne repose pas seulement sur la rationalité des comportements mais prend en compte des facteurs groupaux liés au contexte social et culturel.

Pour faire le lien avec les trois modèles de santé, nous avons regroupé le modèle de la dialectique sociale et le modèle écologique qui nous paraissent suffisamment proches, afin d’obtenir trois modèles d’ES : le modèle biomédical ou rationnel, le modèle humaniste et le modèle écologique.

Chapitre 5 Des représentations sociales aux conceptions