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Présentation des trois projets de réaménagement de berges

Chapitre 6 : Une analyse de trois projets d’aménagement paysagers à Bordeaux, Lyon

3. Présentation des trois projets de réaménagement de berges

La présentation des trois projets de réaménagement de berge va nous permettre de contextualiser les documents de conception.

3.1 Le réaménagement des berges, trois temporalités imbriquées : la trajectoire d’évolution des berges, le processus du projet de réaménagement, l’étape de

conception

L’inscription dans une trajectoire large d’évolution des berges

Le réaménagement actuel des berges s’inscrit dans une temporalité bien plus longue de l’évolution des berges. Nous avons pu en avoir un aperçu dans la partie I, et notamment dans le chapitre 5, où nous avons retracé la trajectoire d’évolution des berges de la Maine à Angers entre le XVIIIème siècle et l’époque actuelle. Nous n’allons pas, dans cette présentation des projets, développer plus en avant cette trajectoire des berges. Et nous renvoyons le lecteur à des références historiques et géographiques plus générales sur la trajectoire d’évolution des berges urbaines (Guillerme, 1983, Pelletier, 1990, Béthemont, 1999)8. Nous ne donnerons ci- dessous que quelques repères, afin de situer nos cas d’étude (Figures 97 et 98).

A Bordeaux, l’arrêt de l’activité portuaire maritime s’est produit au cours des années 1990. Le réaménagement des quais s’est déroulé peu de temps après le départ de cette activité. Aussi, dans l’intervalle, peu de nouveaux usages s’étaient installés sur les quais hormis quelques stationnements (parkings). Le projet a donc pu bénéficier d’un espace relativement libre. En revanche, à Lyon et Angers, l’arrêt de l’activité portuaire fluviale s’est faite bien plus tôt, à partir des années 1950. Aussi de nombreux usages s’étaient établis sur les berges sur ce laps de temps de plus de 50 ans. Les bas-ports et les quais ont d’abord été utilisés spontanément comme parkings par les riverains et les visiteurs du centre-ville. A Lyon, cet usage a été organisé par la collectivité et a perduré jusqu’au projet de réaménagement. Une piscine a également été bâtie. A Angers, une voie rapide a été construite au cours des années 1970 sur les anciens quais (cf. partie I). Cette « pénétrante » a eu un double usage, à la fois tronçon de l’autoroute Paris - Nantes, mais aussi axe de déserte à l’échelle de l’agglomération.

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Guillerme André, 1983, Les temps de l’eau - la cité, l’eau et les techniques, éd. du Champ Vallon, Seyssel, 263 pages. ; Pelletier Jean, 1990, « Sur les relations de la ville et des cours d’eau », dans Villes et fleuves au Japon

et en France, Revue de géographie de Lyon, vol. 65, n°4, pages 233-239. ; Bethemont Jacques, 1999, Les grands fleuves, entre nature et société, A. Colin,, 255 pages.

Figure 97 : Les fonctions des berges de la fin du XVIIIème siècle à aujourd’hui (Schéma : Bodénan, 2014)

« Ce schéma se retrouve partout, avec des décalages temporels selon les lieux » (Note de l’auteur) Figure 98 : « Les grandes étapes de la mise en place des paysages fluviaux urbains »

(Schéma : Valette, Vidal, 2006)

L’inscription dans un processus de projet d’aménagement des berges

L’étape de conception du réaménagement des berges s’inscrit quant à elle dans une temporalité plus vaste du processus de projet d’aménagement. Les chronologies des figures 99, 100 et 101 permettent de situer les principales étapes de ces processus. On peut ainsi observer que les processus de projets enjambent plusieurs décennies, et ont par conséquent été portés par différentes équipes d’élus et d’aménageurs. Cette temporalité reflète le temps de procédures administratives et financières pour acquérir la maîtrise foncière, pour modifier les documents d’urbanisme, mais c’est aussi le temps des études et du débat politique. C’est aussi

le temps de la planification. L’aménagement des berges intègrent ainsi un certain nombre de documents en amont tels les plans d’aménagement nommés « Plan Garonne9 » à Bordeaux et « Plan bleu10 » à Lyon.

Figure 99 : Les principales étapes du processus du projet d’aménagement à Bordeaux (Chronologie : Bodénan, 2016)

Figure 100 : Les principales étapes du processus du projet d’aménagement à Lyon (Chronologie : Bodénan, 2016)

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Le plan Garonne est l’un des cinq grands Plans fleuves (Plans Loire, Rhône, Seine, Meuse et Garonne) mis en place par l’Etat pour constituer des outils d’aménagement et de financement volontaristes

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Le plan Bleu est un document d'orientation pour l'aménagement des berges du Rhône et de la Saône produit par la communauté urbaine de Lyon (Grand Lyon). La première version date de 1991 et une actualisation a été effectuée en 1998. (Source Grand Lyon, 2014, http://www.millenaire3.com/Affichage-de-la- ressource.122+M5410652aad6.0.html, consulté le 08/06/2015).

Figure 101 : Les principales étapes du processus du projet d’aménagement à Angers (Chronologie : Bodénan, 2016)

3.2 Les enjeux de l’aménagement des berges tels qu’identifiés dans les projets Nous présentons ici les principaux enjeux identifiés dans les projets. Ces enjeux se déclinent à différentes échelles, au niveau de l’agglomération ou du territoire, mais aussi à des échelles plus fines spécifiquement en lien avec l’espace des berges (Figure 103). Ces enjeux fournissent ici des éléments de contexte à notre étude des documents de conception. Ils ne seront pas étudiés en tant que tels11.

Pour ce travail, nous nous sommes basés sur les documents programmatiques des trois projets fournis par la maîtrise d’ouvrage (Figure 102). Les programmes sont le fruit du travail de diagnostic effectué par l’assistance à maîtrise d’ouvrage. Ils s’appuient à la fois sur des documents d’urbanisme et de planification territoriale existants tels que le plan local d’urbanisme (PLU), le schéma d’agglomération ou le schéma de cohérence territoriale (ScoT), mais aussi sur des études qui ont été spécialement commanditées. Selon les cas d’étude, le programme n’est pas aussi détaillé. De fait, à Angers, un travail complémentaire de diagnostic fait partie intégrante de la commande. Le diagnostic établi dans les programmes porte également les choix politiques. Nous y reviendrons au point 3.3.

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Mais d’autres études ont approché et porté un regard critique sur les enjeux portés par les projets de réaménagement de berge. Cela a fait l’objet d’études et d’analyses dans lesquelles nos projets semblent se placer dans la continuité (Calenge, 1997 ; Carre, Chartier, 2005 ; Girardot, 2004 ; Bonin, 2007 ; Romain, 2011)

ANGERS (VILLE), 2010, Contexte et premières orientations, Mission berges de Maine, 27 pages.

ANGERS (VILLE), 2011, Programme, Maîtrise d’œuvre urbaine des berges de Maine Rives nouvelles à Angers, Mission Berges de Maine, 10 pages.

ANGERS (VILLE), 2010, Cahier des Clauses Techniques Particulières (CCTP), Mission berges de Maine, 9 pages.

BORDEAUX (Communauté urbaine et Agence d’urbanisme), 1999, Programme :

Prescriptions urbanistiques et programmatiques, Bordeaux, Aménagement des quais rive

gauche Concours d’architecture et d’ingénierie – Dossier de concours, Direction Générale des services techniques, 48 pages.

LYON (Communauté urbaine et agence d’urbanisme), 2002, Etude de définition,

Aménagement des bas-ports de la rive gauche du Rhône - Dossier de consultation des concepteurs, 66 pages.

Figure 102 : Les références des documents programmatiques des trois cas d’étude (Encadré : Bodénan, 2016)

Figure 103 : Schémas synthétiques des enjeux de structuration à l’échelle des communes de Bordeaux, Lyon et Angers (Cartes : Bodénan, 2014, Fond cartographique BD Topo, IGN 2011)

Structurer et étendre le centre-ville

L’un des enjeux majeur est la structuration de la ville et l’organisation d’une cohérence générale. Il s’agit de relier les quartiers existants, entre eux, avec des quartiers rénovés ou avec de nouvelles extensions urbaines.

A Bordeaux (Bordeaux, 1999), l’enjeu est double. D’abord, face à un constat d’étalement urbain, il s’agit de revaloriser le centre ville et ses quartiers riverains. Ensuite, il s’agit d’ouvrir le développement à venir de la ville vers la rive droite. Ceci se fait dans un objectif de rééquilibrage alors qu’historiquement, la ville s’est développée essentiellement sur la rive gauche, le fleuve ayant très longtemps été une barrière majeure.

A Lyon (Lyon, 2002), on retrouve cet enjeu d’une revalorisation du centre-ville mais avec une tournure un peu différente. Le projet vise à relier les deux parties du centre-ville de part et d’autre du Rhône. Le centre ancien est situé sur la presqu’île entre Rhône et Saône et sur les rives de la Saône, sur le site primitif de la ville. Alors que le centre moderne se trouve sur la rive gauche du Rhône, exondée et donc urbanisée tardivement au cours des XIXème et XXème siècles. Enfin l’aménagement des berges vise à créer un axe longitudinal en jouant un « rôle de liaison [Nord-Sud] entre les deux grands parcs de la Tête d’Or et de Gerland » (Lyon, 2002, p. 63) qui permettrait de structurer une série de grands projets urbains.

A Angers, les enjeux portent sur une revalorisation du centre-ville « pour contrebalancer ou compléter le développement de sa périphérie » (Angers, 2011, p. 3). Contrairement aux deux autres villes, cela passe par une extension directe du centre-ville. Cette extension est pensée en terme de bâti, mais il s’agit aussi de penser les liaisons avec les quartiers centraux plus anciens situés de part et d’autre de la rivière.

Adapter la ville à de nouvelles fonctions (ville post-industrielle)

Les programmes visent à suivre les évolutions socio-économiques de la ville post-moderne. Il s’agit à la fois de confirmer une économie tertiaire, d’adapter une offre en adéquation avec la valeur du temps libre et des loisirs et de prolonger une politique de transport alternative à la voiture.

D’un point de vue économique, il est ainsi question d’entamer (Bordeaux) ou de poursuivre (Lyon et Angers) la reconversion d’anciens espaces portuaires et industriels. Les programmes visent à accompagner et favoriser une économie essentiellement tournée vers le secteur tertiaire. Le secteur marchand et le tourisme apparaissent comme centraux : à Angers, le programme vise un « renforcement commercial du centre-ville » (Programme Angers, p. 3), de même à Bordeaux où l’on site notamment les secteurs de « l’hôtellerie et restauration, tourisme, artisanat local, marchés, etc. » (Bordeaux, 1999, p. 14). Les activités tertiaires sont susceptibles d’être assez mobiles, aussi les programmes recherchent une attractivité forte autant pour attirer les entreprises que les habitants. De fait, il est envisagé que ces projets contribuent à l’image valorisante de la ville et à sa compétitivité face à d’autres villes.

Les nouveaux modes de vie portés par les valeurs du temps libre et des loisirs nécessitent de mettre en place une offre d’espaces publics et d’activités adaptée. Il est attendu par la maîtrise d’ouvrage des trois projets étudiés que l’aménagement intègre des lieux pour des activités sportives et de loisirs, mais aussi pour des manifestations culturelles et artistiques. On lit ainsi à Angers que cet « espace public nouveau, de grande qualité sur et autour de la rivière [doit contribuer] au développement des fonctions touristiques dans la ville ; celui du sport et des loisirs » (Angers, 2011, p. 3). A Lyon, ces usages potentiels liés au secteur tertiaire sont directement listés (Figure 104).

Figure 104 : Illustrations du programme lyonnais - Adapter la ville à de nouveaux usages : loisirs et temps libre (Documents : LYON (Communauté urbaine et agence d’urbanisme), 2002)

C’est enfin, une politique de transport à laquelle le projet doit contribuer. Entreprise à l’échelle de la ville, celle-ci vise une réduction de l’usage de la voiture et un développement des moyens de transport alternatifs. Nous noterons ainsi qu’à Bordeaux et à Angers les projets de réaménagement des berges sont concomitants des premiers projets de tramway de ces villes12. A Bordeaux et à Angers, les projets envisagent de recalibrer des axes routiers majeurs (Figure 105) en axes de desserte locale. A Lyon, cette politique se traduit par une réduction importante de l’offre de stationnement : les emplacements sur les quais disparaissent mais sont compensés en partie par des parkings souterrains. Des pistes cyclables sont aussi aménagées le long des berges.

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A Bordeaux, le projet de la première ligne - dont une partie du tracé va passer sur les berges - est lancé en 2000. Quant à Angers, le programme est écrit l’année même de l’inauguration de la première ligne.

Figure 105 : Une forte présence automobile sur les berges

- En haut à gauche : Lyon, (Photographie :

Grand Lyon, vers 1990)

- En haut à droite : Angers, (Photographie :

Bodénan, 2014)

- En bas : Bordeaux, (Photographie : auteur

inconnu, milieu des années 70)

Des enjeux patrimoniaux

La notion de patrimoine s’exprime au travers des grands éléments architecturaux et bâtis auxquels sont rattachés les sites des projets. A Lyon ce patrimoine est constitué « [par] les bâtiments exceptionnels qui appartiennent au patrimoine historique de la ville » (Lyon, 2002, p. 51). A Bordeaux, ce patrimoine tient à l’ensemble des façades du XVIIIème siècle qui bordent les quais. A Angers, il s’agit de mettre en avant les monuments tels que le château ou la cathédrale qui donnent directement sur la rivière. On lit dans le projet angevin : « Figure patrimoniale maîtresse à la mesure du site, le château est essentiellement associé à la Maine qu’il domine. Il doit jouer un rôle majeur dans le projet, par sa présence emblématique et par son attractivité culturelle et touristique à développer » (Grether-Phytolab, 2011, p. 31).

Ce patrimoine tel qu’il est décrit tient aussi dans un lien nostalgique au fleuve, à son rôle originel, historique dans le développement de la ville (voir Lechner, 2006 dans Romain, 2011) : c’est le « nouveau lien entre la ville et son fleuve » (Bordeaux, 2002 p. 6). De même à Angers, « la reconquête des berges de Maine » cherche à « redonner aux Angevins l’usage de sa rivière et de ses rives » (Angers, 2010 CCTP, p. 1). Le site des berges est identifié comme un « lieu emblématique au cœur des grandes composantes paysagères de l’agglomération » (Angers, 2011, p. 7).

Des enjeux environnementaux et écologiques

Les projets lyonnais et angevins, les plus récents des trois, se tournent également vers une valorisation environnementale et écologique du cours d’eau et de ses berges. Il est ambitionné de redonner une place forte à la dimension biophysique du fleuve, à la « nature » (Figure 106). Les documents programmatiques de ces deux projets cherchent à valoriser la situation des projets en lien avec la présence physique du fleuve (Figure 109), mais aussi avec les espaces semi-naturels en présence (Figure 108). A Lyon le programme souligne que « rechercher l’amélioration du biotope » (p. 63) est l’un des objectifs de l’aménagement. A Lyon et à Angers, on parle par ailleurs explicitement d’« enjeux de renaturation » (Lyon, 2002, p. 56). A Lyon ce concept reste encore assez flou, tandis que le projet angevin développe largement

l’idée. L’équipe Grether-Phytolab consacre ainsi un quart de son projet au thème de « l’environnement » qu’elle décline suivant deux axes : « régulation et renaturation » et « nature et biodiversité ». Le projet angevin, le seul postérieur à 2010, se positionne par ailleurs par rapport aux lois du Grenelle de l’environnement de 2009 et 2010, en intégrant les notions de « trame verte et bleue » et de biodiversité (Figure 107). La composition des équipes de conception à Lyon et Angers reflète également l’importance prise par ces enjeux environnementaux. A Lyon, l’équipe intègre un bureau d’étude technique spécialisé en ingénierie écologique (l’entreprise Biotech), tandis qu’à Angers, les paysagistes revendiquent fortement une compétence en écologie (cf. chapitre 7).

Figure 106 : « La nature en ville » devient l’un des objectifs du projet lyonnais

(Schéma : In Situ, 2003 ) a

Figure 107 : La « trame verte » écologique à Angers : une influence certaine des lois du Grenelle de l’environnement (Schéma : Grether-Phytolab, 2011)

Figure 108 : Une connexion au réseau d’espaces semi-naturels à Angers. (Carte schématique : Grether-Phytolab, 2011)

Figure 109 : Une connexion au fleuve comme réalité physique affichée sur les motifs rythmant le

document de présentation du projet lyonnais.

(Illustrations : In Situ, 2003 )a

La prise en compte de l’inondabilité

Les trois projets sont tous situés dans des zones directement sous l’influence d’un cours d’eau. A Angers et à Lyon les périmètres à aménager se trouvent pour tout ou partie en zone inondable. Les projets se doivent d’intégrer cette contrainte physique liée à l’eau afin que les aménagements puissent résister à la submersion et à la force du courant. C’est également une obligation réglementaire.

Dans les trois cas d’étude, cette contrainte liée à l’eau a été à l’origine de l’aménagement des berges et de la construction de nombreux ouvrages : un quai insubmersible à Bordeaux, des bas ports surmontés d’un quai-muraille à Lyon, des quais à Angers (Figure 110). Ceux-ci répondent à différents objectifs tels que se prémunir des crues, améliorer les conditions de navigation, produire de l’électricité (Lyon), avoir un meilleur accès à l’eau, etc.13 Et si

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Voir la bibliographie précise sur l’aménagement de ces trois sites : Bethemont Jacques, Pelletier Jean, 1990, « Lyon et ses fleuves : des berges perdues aux quais retrouvés » dans Villes et fleuves au Japon et en France, Revue de géographie de Lyon, Vol. 65 n°4, pages 300-307. Bravard Jean-Paul, 2004, Villes de réservoirs sur le

Yangzi et sur le Rhône : niveaux fluviaux et gestion des berges à Chongqing et Lyon, Géocarrefour Vol. 79/1,

pages 49-62. Bertoldi Sylvain, 2009, D’une rive à l’autre – La Maine ou l’histoire de notre ville, panneaux de l’exposition. Comte François, 1998, « Angers à travers ses plans (1652-1813) : une cité immobile ? » dans

aujourd’hui, il ne s’agit pas d’accéder à une maîtrise supplémentaire du fleuve (Romain, 2011), il ne s’agit pas pour autant de revenir sur ces acquis. La gestion de l’inondabilité reste une question importante. Aussi ces ouvrages constituent un héritage qui doit être pris en compte dans les projets. On lit dans le projet bordelais : « [le] sol de fondation dont nous savons qu’il est encombré par des ouvrages de toutes natures » (Corajoud, 1999, p. 19) (Figure 110). La maîtrise du fleuve ne constitue pas ici l’objectif principal des projets comme cela a pu être le cas auparavant.

(Schéma : In Situ, 2003 )a

Coupe des quais de Bordeaux avec les installations portuaires de 1928-1937 où l’on distingue les fondations du rempiétement (Archive du port autonome de Bordeaux, dans Lescorce, 1997) Figure 110 : Une prise en compte de l’inondabilité par les infrastructures à Lyon et Bordeaux

Petitfrère Claude (dir.), Images et imaginaires dans la ville à l’époque moderne, Presses universitaire Francois- Rabelais, Tours, pages 153-173. Cussonneau Christian, 1995, Moulin d’Angers et d’Anjou, catalogue d’exposition, Angers.

3.3 Une dimension politique forte parcourt les enjeux identifiés

L’ensemble des enjeux présentés précédemment est traversé par une dimension politique forte. La simplicité apparente avec laquelle ces différents enjeux semblent se combiner est en réalité le résultat d’un débat politique fait de compromis et d’arbitrages, mais aussi de rapports de force. Quelques exemples peuvent témoigner de cette réalité.

Réorienter des espaces occupés par la voiture, une politique volontaire

Les trois projets étudiés se positionnent en faveur d’une politique de transport alternative à la voiture (cf. ci-dessus 3.2). Mais ce positionnement est un choix politique qui n’a pas nécessairement fait consensus. La perte d’un stationnement aisé et gratuit à Bordeaux et à Lyon a fait l’objet de contestations. A la suite d’une négociation à Lyon, en compensation d’une partie des stationnements supprimés, des parkings souterrains ont été construits. A Angers, le parti du projet de transformer la voie rapide en boulevard urbain a également été un choix âprement discuté. D’un côté, le parti du projet est de favoriser les transports collectifs au détriment de la voiture dans un souci d’environnement et une meilleure qualité de la pratique de l’espace urbain. De l’autre côté, les détracteurs du projet mettent en avant les avantages de la voie autoroutière pour la déserte du centre-ville. Ils avancent notamment des arguments économiques (facilité d’accès aux commerces) et de confort pour les résidents du centre-ville. Cette divergence de vues s’est notamment manifestée à Angers lors des élections municipales de 2014. Une liste d’opposition à la majorité en place présentait une alternative au projet tel qu’il se préfigurait alors. Le parti central de cette autre proposition est de conserver voies sur berges et de couvrir celles-ci au niveau du centre-ville (Figure 111). (C’est cette dernière liste qui a été élue).

Figure 111 : A Angers, des propositions alternatives au projet pour garder les voies sur berge (Tract du candidat Chritophe Béchu pour les élections municipales de 2014 à Angers)

Des « petits usages » qui n’apparaissent pas dans les enjeux du projet

Un certain nombre d’usages et de fonctions ont été identifiées dans les programmes des projets. Mais ceux-ci marquent déjà une première sélection. De multiples usages plus discrets apparaissaient sur les berges avant le projet et n’ont pas été pris en compte, ou s’ils ont été mentionnés dans les éléments programmatiques, ils disparaissent rapidement dans la suite du projet. Ces « petits usages » qui comprennent « une grande variété d’usagers et de publics » (Lyon, 2002, p. 62) se trouvaient en marge des parkings à Lyon et en marge de l’infrastructure routière à Angers (cf. chapitre 5). On y trouvait notamment des pêcheurs, des promeneurs solitaires, des personnes marginales, ou des sans-abri (Figure 112). Le programme lyonnais précise en outre que cet espace est « sans conflit d’usages » et que les usagers ne demandent pas « d’aménagement sophistiqué », ne souhaitant pas « que ce lieu devienne ‘touristique’ » (Ibid). Or ces « petits usages » ne sont pas du tout pris en compte dans le projet. Les enjeux à l’échelle de la ville s’imposent politiquement sur ces usages à l’échelle des berges sans qu’aucun choix ne soit clairement affirmé. Le caractère « peu revendicatif » des usagers explique certainement en partie cette absence de considération (Trajectoires-Réflex, 1997, p.