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CT est une étudiante de 24 ans au baccalauréat en géographie environnementale qui a été diagnostiquée TDAH avec dyslexie et dysorthographie à 19 ans. Exceptionnellement énergique, elle a appris à utiliser l’activité physique intense comme exutoire pour réguler son hyperactivité intellectuelle et ainsi, offrir une performance académique mieux contrôlée. Après avoir consommé du Ritalin sur une base régulière et de manière stratégique pendant environ trois ans, elle a graduellement développé une aversion profonde non seulement envers les substances généralement utilisées en milieu académique, mais envers l’idée même d’une

société orientée vers une normalisation des gens dans un carcan où le travail de bureau et les études poussées sont mieux valorisées que la connaissance de soi et le choix d’un mode de vie épanouissant. Elle ne consomme aujourd’hui aucune substance psychotrope et affirme mieux se porter que jamais.

LQ est une femme de 28 ans au baccalauréat avec majeure en histoire de l’art. Ayant traversé une période d’abus sexuels et psychologiques de sa mère qui enseignait à l’école primaire qu’elle fréquentait, LQ a développé une profonde anxiété mêlée à des sentiments dépressifs qu’elle a associés au contexte académique, puis qui se sont étendus à l’ensemble de sa vie. Elle a été faussement diagnostiquée d’un trouble scolaire (trouble inexistant), ce qui a contribué à la marginaliser et l’isoler au fil de son parcours scolaire. Elle utilise la naturopathie et l’herboristerie dans le but de calmer son anxiété et d’arriver à se concentrer sur son travail académique de manière plus efficace.

MSA est un homme de 28 ans ayant effectué un retour aux études après avoir été 4 ans sur le marché du travail. MSA a sombré dans deux profondes dépressions, l’une à l’adolescence et l’autre, juste avant de quitter le marché du travail. Son rapport à la médication est ancré dans une quête ardue de mieux-être, tant via les antidépresseurs que par un usage récréatif de substances illicites et d’alcool, ou encore par l’exploration de divers psychostimulants pour l’aider à mieux faire abstraction de ses soucis pour se concentrer sur ses études.

SO est un étudiant de 28 ans sur le point de terminer sa maîtrise en science politique. SO a complété une technique en graphisme avant de se lancer dans les études universitaires, ce qui lui offre une sécurité d’emploi qui le satisfait, malgré une dose d’inquiétudes quant à ses capacités de se trouver un emploi dans sa spécialisation universitaire. Il a commencé à faire des crises d’anxiété dirigées vers la performance intellectuelle dès la fin de ses études secondaires et expérimente de manière méthodique et systématique plusieurs substances psychotropes, tous profils confondus (produits naturels, drogues illicites, psychotropes non médicaux, médicaments de prescription), dans une quête de connaissance de soi, d’équilibre physique et psychique et d’optimisation de ses capacités de performances académiques.

CM est une jeune femme de 23 ans inscrite en année préparatoire à la Faculté des Arts et Sciences. D’un naturel très anxieux, elle a obtenu un diagnostic de TDA avec dyspraxie dès l’âge de 3 ans. Convaincue qu’elle présente des lacunes évidentes par rapport aux autres et

qu’elle n’arriverait jamais à traverser son parcours académique ni sa future vie professionnelle sans médication, elle consomme du Concerta 7 jours sur 7 et du Ritalin avec des boissons énergisantes, en périodes d’examens et de remises de travaux. Son tempérament très anxieux lui vaut un sentiment de stress permanent, dès qu’elle se trouve en contexte social ou devant une tâche à accomplir.

JRD est une étudiante de 23 ans au baccalauréat en études internationales qui a changé de parcours à quelques reprises : d’abord en droit, elle est allée en médecine podiatrique pour abandonner le programme après une année et s’inscrire en études internationales, malgré l’incertitude professionnelle de ce programme en comparaison avec les précédents. JRD est entourée d’amis s’étant procurés des diagnostics de TDA, sans fondement réel à son avis, dans le but d’obtenir des psychostimulants pour performer à l’université. Elle a voulu participer à la présente étude pour partager son mécontentement et son manque de confiance envers le système de santé et les prescripteurs ; elle semblait en conflit interne par rapport au fait qu’elle-même consomme systématiquement des psychostimulants de prescription en périodes d’examens et de remises de travaux. JRD refuse d’attribuer le mérite de ses performances académiques aux substances stimulantes et croit que l’accès à ces dernières par des gens ne présentant pas de vrai problème représente une injustice en milieu universitaire.

JG est âgée de 24 ans, d’origine chilienne et actuellement inscrite au certificat en toxicomanie. JG rêve de devenir infirmière pour faire de l’aide humanitaire à travers le monde, mais a rencontré beaucoup d’obstacles sur son chemin : son congédiement du poste d’infirmière stagiaire en CHSLD qu’elle occupait après avoir complété sa technique infirmière, puis l’abandon après une session au baccalauréat en sciences infirmières, et deux échecs sur trois à l’examen d’admission à l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. C’est là qu’elle est allée consulter et a obtenu un diagnostic de TDA, qui lui est apparu comme une libération et une porte ouverte vers la réalisation de son rêve. Depuis lors, elle tente, par le certificat en toxicomanie, de remonter sa cote Z pour entamer le baccalauréat en soins infirmiers.

MAP est un homme de 23 ans inscrit à un double baccalauréat en philosophie et en science économique. Il a été diagnostiqué TDAH à l’école primaire, a consommé de la Dexédrine sur une base régulière jusqu’à la fin de son secondaire, période tumultueuse lors de laquelle il a commencé à avoir des accès de colère très profonde, incontrôlable et imprévisible

et a décidé de son propre chef d’arrêter la médication. Il a recommencé à consommer de la Dexédrine à l’occasion au cégep, jusqu’aujourd’hui, de manière stratégique et sporadique. Il a également un diagnostic d’hypogonadisme et consomme de la testostérone prescrite. L’existence entière de MAP est orientée vers une recherche insatiable de perfection en tout point : offrir une performance académique excellente, mener une vie professionnelle exceptionnelle («il n’y a rien de pire que d’être banal») obtenir une apparence physique parfaite, etc. Il utilise donc sa médication pour contrôler plusieurs aspects de sa vie : la Dexédrine contrôle ses performances, ses humeurs et son appétit, alors que la testostérone contrôle l’intensité de ses entraînements physiques, sa définition musculaire et son accumulation de graisses. Il dit être habité d’un profond mal-être et d’un dégoût vis-à-vis du monde, ce qui l’incite à consommer régulièrement de l’alcool jusqu’à en perdre conscience.

SL est un étudiant de 24 ans à la maîtrise en philosophie. Il a été diagnostiqué TDAH à 4 ans et a graduellement arrêté le Ritalin, sous les conseils du médecin, au début du secondaire. À la moitié de son baccalauréat, SL a commencé à vivre d’intenses crises d’anxiété l’empêchant de manger, de dormir et de faire quoi que ce soit d’autre que travailler. Il a fait remettre à jour son diagnostic de TDAH pour bénéficier des privilèges institutionnels prévus à cet effet (changement de prêts en bourses et diverses ressources d’aide au travail) et pour recommencer à consommer du Ritalin sur une base régulière. SL est très lucide et critique quant à sa relation avec la performance, le contexte social dans lequel prend forme cet idéal de performance et le désir de recourir à la médication pour y accéder ; il estime toutefois qu’il est nécessaire de recadrer le désir de performer et de le sortir de l’idéologie néolibérale, parce que la performance et le désir de repousser ses propres limites ne sont pas intrinsèquement mauvais.

TN est une étudiante de 21 ans au baccalauréat bidisciplinaire en philosophie et littérature française. Elle est très passionnée par ses études et vise une carrière universitaire, malgré de grandes difficultés à naviguer dans cet univers et malgré des débouchés très incertains. Elle a été diagnostiquée d'un TDAH après avoir traversé une dépression occasionnée notamment par l’incapacité à se valoriser par autre chose que ses performances, combinée à l’incapacité à performer aussi bien qu’elle l’aurait voulu. Elle s’est fait répéter tout au long de son parcours scolaire qu’elle était paresseuse et manquait de volonté et a appris à être très dure envers elle-même. Elle a arrêté les antidépresseurs qui ne l’aidaient pas et mise

plutôt sur sa thérapie, au cours de laquelle elle apprend graduellement à se connaître, à s’accepter, à construire une vision du TDAH comme un trait caractéristique parmi d’autres et à se valoriser autrement que par ses performances intellectuelles.

MF est un étudiant au baccalauréat en philosophie âgé de 22 ans, très passionné et aspirant, à l’instar de TN, à une carrière universitaire. MF déplore son historique familial violent chaotique et la situation socioéconomique très défavorisée dans lesquels il a grandi, qui avaient très peu de ressources pour l’aider à naviguer en société et à poursuivre ses études. La quasi-entièreté des substances que MF consomme, tous profils confondus (stimulants de prescription, pilules de caféine et boissons énergisantes, speed), est orientée à des fins de performance académique, surtout pour le garder éveillé longtemps. MF a cependant désiré se détacher des substances et favoriser un mode de vie sain pour optimiser son rendement académique. Cela s’est avéré très fructueux, mais l’équilibre psychique de MF s’en trouvait étouffé : son besoin d’apprendre lui apparaît insatiable pour ce que son corps peut tolérer. Il cherche ainsi un juste milieu entre le désir de surcharger son horaire et son besoin d’une hygiène de vie pour rester en santé et offrir une performance académique satisfaisante, et utilise les psychotropes à cette fin.

YN est un fils de diplomates âgé de 25 ans ayant beaucoup voyagé et en voie de compléter un baccalauréat en communication et politique. D’un naturel plutôt détendu, il n’est pas particulièrement anxieux par rapport à ses performances académiques, mais a tendance, à son propre désavantage, à vouloir remplir chaque sphère de sa vie sans rien sacrifier au profit d’une autre ; il a donc des journées chargées combinant le sport, les activités sociales, le travail académique et la famille. Pour rattraper le retard et compenser son manque d’énergie à consacrer à ses études, il a à deux reprises consommé du Adderall, fourni par son frère qui s’est procuré une prescription de son propre chef. Il n’a pas apprécié ces deux expériences, considérant que la médication le rendait moins en possession de ses moyens intellectuels, plus embrouillé et inapte à réfléchir de façon posée. Il n’a pas l’intention de recommencer.

LPD, enfin, est un étudiant de 23 ans au baccalauréat en psychologie, qui aspire à compléter un doctorat et à travailler en clinique privée. Il a été diagnostiqué TDAH à 6 ans et consomme du Ritalin depuis son enfance ; il continue à ce jour même s’il croit que le trouble s’est atténué avec l’âge et profite de la médication lors de périodes de travaux et d’examens et en prévision de journées chargées. LPD n’a pas de père, s’occupe régulièrement de son frère

de 7 ans et vit une relation très conflictuelle avec sa mère, qui est ouvertement déçue qu’il ne devienne pas médecin et le jette régulièrement dehors de chez eux. LPD semble avoir construit une façade entre lui et les autres, n’a pas de vie sociale et semble entretenir un rapport décalé entre lui-même et son soi idéal, ce qui donne l’impression que son rapport à la performance et à ses capacités n’est que partiellement ancré dans la réalité.