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Chapitre I : Le Promontoire Baléares dans le contexte méditerranéen occidental :

I.1. La Méditerranée occidentale et son évolution :

I.1.1. Présentation de la Méditerranée occidentale :

Dans la Méditerranée occidentale, on dénombre 5 bassins (Fig. I.1). D’ouest en est : la mer d’Alboran située proche de l’arc de Gibraltar, entre les chaînes Bétiques et Rifaines, le bassin Algérien au sud des Baléares, le Golfe de Valence au nord des Baléares, contre la marge Ibérique, le bassin Liguro-Provençal qui se prolonge du Golfe de Gènes jusque dans la région située entre les Baléares et la Sardaigne et enfin la mer Tyrrhénienne qui est le bassin situé entre le bloc Corso-Sarde et l’Italie. L’ensemble de ces bassins se met en place dès la fin de l’Oligocène et majoritairement durant le Miocène, et tous n’ont pas la même structure crustale. La mer d’Alboran et le golfe de Valence sont des bassins dont le substratum est de nature continentale amincie (Torné et al., 1992 ; Pascal et al., 1992 ; Platt et Vissers, 1989). Le socle de la mer d’Alboran est généralement associé à celui des Bétiques internes de par sa nature géologique (Comàs et al., 1992, 1996, 1999). C’est un bassin dont la profondeur est en moyenne de 1000 m et caracterisé par une profonde vallée centrale. Le golfe de Valence est considéré comme un rift avorté oligo-miocène (Maillard et al., 1992; Mauffret et al., 1992) bien que certains auteurs comme Fontboté et al. (1991) ou Gelabert et al. (1992), l’ interprètent comme un bassin d’avant-pays. Ce bassin peu profond (entre 1000 et 2000m) est dans la continuité du bassin Liguro-Provençal mais les études montrent qu’il est limité à l’est par la zone de fracture nord Baléares (Rehault et al., 1984 ; Mauffret et al., 1992). Les bassins Algérien et Liguro-Provençal sont des bassins profonds (4000 m en moyenne, Fig. I.1) ayant subi une océanisation durant leur ouverture. La mer Tyrrhénienne est le bassin le plus récent formé dans le domaine occidental. Elle a commencé à s’océaniser très récemment avec deux bassins bien distincts (Vavilov et Marsili), néanmoins la nature crustale du socle tyrrhénien est très complexe puisqu’en plus des zones océanisées, le socle est constitué de croûte continentale amincie et de manteau exhumé (Kastens et Mascle, 1991).

Figure I. 2 : Schéma structural du bassin Méditerranéen. Les principaux bassins y sont présentés en terme de nature crustale. Les principaux accidents des segments orogéniques sont

Les différents segments orogéniques entourant les bassins sont supposés avoir pour origine un grand bourrelet orogénique qui était situé en avant du front de subduction contre la marge Eurasienne (Bouillin et al., 1986; Rosenbaum et al., 2004). Ce bourrelet s’est progressivement effondré durant l’Oligo-Miocène pendant l’ouverture des bassins et a donné naissance à plusieurs nouveaux segments orogéniques dans le domaine méditerranéen. (Fig. I.2; Fig. I.3)

Outre la chaîne des Alpes qui provient de la collision entre le promontoire Apulien et la marge eurasienne, de nombreux segments orogéniques de type alpin ceinturent le bassin Méditerranéen. D’ouest en est, on trouve les cordillères Bétiques sur la marge Ibérique, les chaines du Rif, du Tel et les Kabylies (abrégé en Maghrebides) sur la marge Africaine qui se prolongent par l’unité Péloritaine et la Calabre et enfin les Apennins sur le promontoire Apulien. Ces différents segments orogéniques sont caractérisés par des zones internes séparées de zones externes par une unité de flysch.

Figure I. 3: schéma structural de la méditerranée occidentale d’après Bouillin, (2012). Les zones rouges correspondent aux zones internes des segments. Les zones en bleu aux zones externes des maghrébides. En mauve, aux zones externes des Bétiques. Les zones en vert correspondent aux flyschs.

Les zones internes sont des unités de socle d’âge Hercynien qui ont enregistré un épisode de déformation alpine. D’est en ouest, les zones internes correspondent aux massifs Calabro- Péloritains, aux deux Kabylies, et à certaines régions des chaînes Bético-Rifaine.

Les zones externes correspondent aux paléomarges de l’océan Téthys. Ce sont généralement des zones marquées par une épaisse sédimentation. D’est en ouest, les zones externes correspondent à la Sicile, aux chaines du Tell ainsi qu’à certaines régions du Rif et des Cordillères Bétiques. Les zones externes des Bétiques se prolongent jusqu’aux Baléares (Bourrouilh, 1973, Fourcade et al., 1982 ; Durand-Delga et al., 1982 ; Sabat et al., 2011).

Les Apennins présentent des caractéristiques communes aux zones externes. Ils correspondent à l’accrétion des nappes de la marge Adriatique sur le promontoire Apulien.

La région méditerranéenne actuelle se caractérise par l’association de zones en extension et de zones en compression dans le contexte de la convergence entre les plaques Eurasie et Afrique. Cette convergence consiste en une rotation de la plaque Afrique par rapport à l’Eurasie, son pôle d’Euler étant situé au voisinage de l’archipel des Canaries (DeMets et al., 1990, Fig. I.4). Les compilations de données GPS montrent que les vitesses moyenne de convergence AF-EU en Méditerranée occidentale atteignent environ 5mm/an dans la direction NO (Fig. I.4, Nocquet et Calais, 2004; Serpelloni et al., 2007).

La sismicité régionale est forte à la limite entre les plaques Afrique et Eurasie, et les mécanismes au foyer montrent plutôt des mouvements transformants et/ou compressifs (Fig. I.5) (Serpelloni et al., 2007). Ces observations traduisent une augmentation de l’obliquité de la convergence AF-EU depuis les 3 derniers millions d’années (Calais et al. 2003; Serpelloni et al., 2007).

Figure I. 4: Synthèse des modèles de vitesse de convergence pour le domaine Méditerranéen d’après Nocquet et Calais, 2004.

La sismicité montre de même que la convergence ainsi induite est accommodée en majeure partie par les différents segments orogéniques (Bétiques, Rif, Tell pour le sud et l’ouest, Apennins, Péloritain et Sicile pour l’est). On remarque aussi que les régions comme les Baléares, le bloc Corso-Sarde ou les bassins se déforment pas ou très peu. (Fig. I.5)

Figure I. 5: Mécanismes au foyer et carte de sismicité de la région ouest méditerranéenne (Serpelonni et al., 2007)

Deux zones de subductions actives avérées relativement étroites existent actuellement en Méditerranée : l’arc hellénique, l’arc calabrais. Ils sont des vestiges de l’ancienne et unique subduction continue qui s’est fragmenté lors de l’ouverture du bassin ouest-Méditerranéen (Lonergan et White, 1997). Une partie de la convergence AF-EU est accommodée dans la partie orientale de la Méditerranée par l’arc Hellénique et par l’arc de Calabre. Ces deux subductions océan-continent actives contribuent à recycler la portion océanique ancienne de la plaque Afrique, vestiges de l’océan Téthys (croûte océanique mésozoïque, voir Fig. I.2). En surface, il existe des arcs volcaniques actifs ainsi que des prismes d’accrétion. En Calabre, l’arc est marqué par les archipels des îles Eoliennes et par le volcanisme actif dans la région Napolitaine (Champs Phlégréens, Vésuve). Les magmas produits sont calco-alcalins dans les deux provinces (Carminati et al., 2012).

Les hypocentres des séismes intermédiaires et profonds dessinent deux plans de Wadati- Benioff, l’un à pendage N sous l’arc Hellénique et l’autre à pendage ONO sous l’arc de Calabre et confirme les données tomographiques (Wortel et Spakman, 2004 ; Fig. I.6).

Figure I. 6: Modèles et coupes tomographiques réalisées en Méditerranée d’après Wortel et Spakman (2004)

Dans la partie occidentale de la Méditerranée, la majeure partie de la zone de collision AF- EU est à un stade très avancé d’évolution (collision ou extension arrière-arc pour certains segments). Au niveau de l’arc de Gibraltar de nombreuses études géophysiques et pétrologiques montrent l’existence d’un troisième segment de subduction qui migre vers l’ouest (Lonergan et White, 1997; Gutscher et al., 2002; Mauffret et al., 2004; Gutscher et al., 2012). Dans le golfe de Cadiz, des études bathymétriques et sismiques ont mis en évidence l’existence d’un complexe accrétionnaire comparable à celui qu’on retrouve au niveau des arcs Calabrais

et Helléniques (Gardner et al., 2001; Gutscher et al., 2002; Gutscher et al., 2012). Le substratum de la Mer d’Alboran est fortement intrudé par des volcans fossiles dont les magmas sont assimilables à ceux de zones de subduction (Carminati et al., 2012). Les données tomographiques mettent en évidence une zone de fortes vitesses d’ondes P sous le détroit de Gibraltar qui serait compatible avec les reliques de l’océan Téthysien en cours de subduction (Fig. I.7) (Bijwaard et Wortel, 2000; Gutscher et al., 2002; Wortel et Spakman, 2004).

Figure I. 7: Données tomographiques montrant la présence d’un corps froid sous l’arc de Gibraltar. Ce corps est interprété comme les vestiges du slab téthysien (Wortel et Spakman, 2004, Gutscher et al. 2010)