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Chapitre I : Le Promontoire Baléares dans le contexte méditerranéen occidental :

I.1. La Méditerranée occidentale et son évolution :

I.1.4. Les différents modèles géodynamiques :

Tous les auteurs s’accordent sur le fait que la zone de subduction ouest-méditerranéenne située au sud du bloc AlKaPeCa va commencer à migrer vers le sud vers 30 Ma. Les modèles s’accordent sur plusieurs points bien contraints par des données multidisciplinaires. L’extension commence toujours dans la zone Golfe du Lion-Mer Ligure et s’accompagne de la rotation antihoraire du bloc Corso-Sarde ainsi que de la fragmentation du bloc AlKaPeCa entre 25Ma et 20Ma.

Le cas d’Alboran est complexe et sujet à de nombreuses hypothèses malgré un ensemble très dense de données de tous horizons (géophysique, géologique, pétrologique, forages…). Les données géophysiques et sédimentaires montrent néanmoins clairement deux phases extensives. Une première est décrite dans une direction N-S vers 23Ma (Lonergan et White, 1997 ; Rosenbaum et al., 2004), suivie d’une seconde phase qui serait plus récente et dans une

direction E-W. Cette seconde phase est suggérée par les données du volcanisme qui montrent une migration de l’arc volcanique d’est en ouest ainsi que par les données de tomographie qui montrent la présence d’un slab penté vers l’est à l’ouest de Gibraltar. Le retrait de ce slab vers l’ouest en accord avec la migration du volcanisme ainsi qu’avec la morphologie générale des chaînes bético-rifaines. C’est par contre la position initiale du bloc Alboran-Gibraltar qui est très discutée et différente selon les modèles. Plusieurs auteurs proposent des théories « autochtonistes » en considérant qu’Alboran ne se déplace pas (Zeck et al., 1999; Rosenbaum et al., 2002; Jolivet et al., 2008) alors que d’autres sont plutôt « allochtonistes » avec des distances de migration variant entre 670 km et 150 km (Platt et Vissers, 1989; Lonergan et White, 1997; Mauffret et al., 2004; Bezada et al., 2012; Medhaouri et al., 2014).

L’interprétation du bassin Algérien est rendue difficile du fait de la position au sud des Baléares et adjacente au bassin Liguro-Provençal ainsi qu’à cause de sa morphologie très étroite. Le bassin Algérien possède une couverture fragmentaire en termes de données géologiques alors que les marges ont fait l’objet de nombreuses études (entre autres les profiles sismiques profonds ESCI sur la marge Espagnole en 1995 et MARADJA et SPIRAL sur la marge algérienne jusqu’en 2014, voir chapitre II). La couverture de données sismiques industrielles est très dense mais la plupart des données disponibles sont anciennes et ne permettent pas d’observer les structures profondes du bassin. Les données magnétiques sont anciennes (Galdeano et Rossignol, 1977) et les anomalies visibles dans le bassin Algérien ne montrent pas de centre d’accrétion dans un sens ou dans l’autre. A terre les rares données paléomagnétiques ou structurales montrent que l’ouverture du bassin est complexe et ne se fait pas via une simple rotation comme dans le Liguro-Provençal. Enfin et surtout, il n’existe aucun forage disponible ayant atteint le socle donc il existe une forte incertitude sur la nature crustale et l’âge du bassin Algérien. La géodynamique de ce bassin est donc totalement incertaine à l’heure actuelle. En effet, les marges du bassin, très différentes quant à leur morphologie et leur structure, peuvent amener à des interprétations très diverses. Les études réalisées du côté espagnol où les marges sont très escarpées amènent souvent à des modèles d’ouverture E-O et inversement du côté algérien où les marges sont raides mais où une partie des structures est masqué par la tectonique compressive actuelle de la région nord-Algérienne.

Auteurs Principales données

utilisées Mécanisme invoqué

Rehault et al., 1984 Sismique reflexion, Ages

Ar/Ar, paléomagnétisme Accrétion

Dewey et al., 1989 Géophysique, magnétisme

et données SEASAT Accrétion

Doglioni et al., 1999

Forages du Leg ODP 161, synthèse de données terrain et sismique réflexion

Slab rollback

Vergès et Sabat, 1999 Géophysique et terrain Slab rollback

Frizon de Lamotte et al.,

2000 Terrain Slab rollback

Rosenbaum et al., 2004

Pétrologie, géochimie, tomographie,

paléomagnétisme

Slab rollback et rupture locale de slab

Martin, 2006 Géophysique et

modélisation Slab rollback et accrétion

Schettino et Turco, 2006 Synthèse géophysique Slab rollback

Vergès et Fernandez, 2012

Synthèse de modèles géodynamiques géochimie et pétrologie

Slab rollback et rupture de slab

Tableau I. 1 : Tableau synthétisant une partie des modèles ouvrant le bassin Méditerranéen occidental selon une direction principalement NO-SE

Ce modèle est suggéré par un ensemble d’observations multidisciplinaires et minimisent ou nient la possibilité d’un déplacement vers l’ouest d’Alboran. Le bassin Algérien représentant la continuité géographique et géologique du bassin Liguro-Provençal, il est alors logique de supposer que l’extension se fasse dans la même direction pour les deux bassins. Les études de terrain montrent que les Kabylies appartenant au bloc AlKaPeCa sont caractérisées par des chevauchements vers le sud (Leblanc et Olivier, 1984 ; Bouillin et al., 1986) ce qui implique une position plus au nord avant l’ouverture du bassin. Le dernier argument suggérant ce modèle est la nature de la faille nord-Baléares qui découplent le bassin Liguro-Provençal du bassin Algérien. Cette faille située à l’est de Minorque est décrite comme un accident transformant dextre (Mauffret et al., 1992 ; Gueguen et al., 1995 ; Mauffret et al., 2004) ce qui serait cohérent avec un mouvement N-S sur l’ensemble des bassins, la faille servant de relai extensif au bassin Liguro-Provençal.

Néanmoins, ce type de modèle est difficilement compatible avec d’autres observations pétrologique et géologique. La migration des arcs volcaniques liées à la subduction de la croûte téthysienne a été étudiée en détail (Lonergan et White, 1997 ; Rosenbaum et al., 2004 Duggen et al., 2008 ; Carminati et al., 2012). Dans le bassin Liguro-Provençal l’arc volcanique migre vers le SE jusqu’en Calabre, sa position actuelle. Dans la zone bassin Algérien-Alboran, les observations de terrain montrent clairement une migration du volcanisme vers l’ouest durant le Miocène, l’arc actuel étant celui de Gibraltar. Il est donc difficile de corréler l’ouverture vers le sud d’un bassin alors que l’arc volcanique se déplace vers l’ouest.

Auteurs Principales données

utilisées Mécanisme invoqué

Bouillin et al., 1986 Données de terrain et pétrologie

Poinçonnement et accrétion

Lonergan et White, 1997 Synthèse de données multidisciplinaire (terrain, géophysique, pétrologie)

Slab rollback

et modélisation analogique slab

Rosenbaum et al., 2002 Modélisation Slab rollback

Cavazza et al., 2004 Programme TRANSMed, géophysique,

tomographie, terrain

Slab rollback

Facenna et al., 2004 Tomographie, modélisation

Slab rollback, déchirure du slab

Mauffret et al., 2004 Synthèse géodynamique,

sismique réflexion Slab rollback Mattauer et al., 2007 Terrain et modèle

conceptuel

Dérive due à des courants asthéosphériques

Jolivet et al., 2008 Article de synthèse, modélisation, anisotropie des anomalies de vitesse dans le manteau

Slab rollback, déchirure du slab

Frizon de Lamotte et al., 2008

Données de terrain, sismique réflexion

Slab rollback

Bezada et al., 2012 Tomographie et

modélisation

Slab rollback et déchirure du slab

Medhaouri et al., 2014 Sismique réflexion,

gravimétrie et magnétisme Slab rollback Van Hisbergen et al., 2014 Article de synthèse,

modélisation, tomographie

Slab rollback, déchirure du slab

Tableau I. 2: Tableau synthétisant une partie des modèles incluant un mouvement E-O lors de l'ouverture du bassin Algérien.

Ce modèle considère la possibilité de mouvements vers l’ouest, importants (Mauffret et al., 2004) ou minimes (Faccenna et al., 2004 ; Jolivet et al., 2008). Dans ce modèle, l’existence de mouvements vers le sud dans le bassin Algérien n’est pas toujours contestée et peut-être décrite de manière synchrone ou asynchrone aux mouvements vers l’ouest (Rosenbaum et al., 2004 ; Frizzon de Lamotte et al., 2009).

La morphologie raide des marges tant du coté espagnol (Bousquet, 1979 ; Martinez-Diaz et al., 2002 ; Alfaro et al., 2012) que du coté Algérien (Bouillin et al., 1986 ; Deverchère et al., 2005 ; Domzig et al., 2006 ; Frizon de Lamotte et al., 2008 ; Strzerzynski et al., 2009 ; Leprètre, 2012) associée à l’existence de nombreux accidents transformants orientés selon une direction globalement E-O (Bouillin et al., 1986, Frizon de Lamotte et al., 2008 pour la marge Algérienne, Comas et al., 1999 ; Platt et al., 2004 ; Alfaro et al., 2012 pour l’Espagne) suggèrent aussi un mouvement transformant vers l’ouest. Les données de sismique réflexion ont de plus mis en évidence un ensemble de blocs basculés d’orientation N-S et à pendage E à la limite entre le bassin Algérien et la mer d’Alboran (Comas et al., 1995 ; Booth-Rea et al., 2007). Enfin, les données géochimiques et pétrologiques font ressortir une migration de l’arc volcanique de Gibraltar vers l’ouest durant le Miocène (Lonergan et White, 1997 ; Duggen et al., 2008 ; Carminati et al., 2012).

Cependant, les modèles contestant les mouvements vers le sud dans le bassin Algérien n’arrivent pas expliquer l’existence de chevauchements vers le sud dans les Kabylies ni le fait qu’elles aient probablement été situées plus au nord. L’intégration de mouvements vers le sud dans certains modèles permet d’expliquer le mouvements des Kabylies mais ne répond pas à la problématique du timing de ce mouvement. La position du bloc Alboran est toujours discutée et aucune donnée actuelle (géologique ou géophysique) ne permet de replacer le bloc Alboran dans sa configuration d’origine. L’amplitude des mouvements vers l’ouest est de fait très diverse. Le fait que les deux bassins (Liguro-Provençal et Algérien) soit séparé par une faille transformante rend difficile le changement de direction de l’extension. On ne peut expliquer les mouvements vers l’ouest si la faille nord-Baléares est une faille transformante dextre. Van Hisbergen et al., (2014) proposent que la faille Nord-Baléares (NTFB) soit plus courte et qu’il y’ait un point triple entre plusieurs accidents décrochants dans la région de Minorque pour expliquer les variations de la direction d’extension. Enfin, le fait que la marge Algérienne soit reprise en compression, et donc que les structures liées à l’ouverture du bassin Algérien aient été réactivées (Deverchère et al., 2005 ; Domzig et al., 2006 ; Strzerzynsk et al., 2009) ne permet d’affirmer clairement que ce type de modèle explique l’ouverture du bassin Algérien même si les études récentes tendent à abonder en ce sens.