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Une présentation courte de chaque dispositif de rénovation énergétique OCRE

PARTIE I Quelques éléments de contexte et de matériaux d’enquête dans une tradition

Chapitre 2 : Pour une thèse alliant continuité et découvertes

C) Une présentation courte de chaque dispositif de rénovation énergétique OCRE

Pour apporter plus de clarté sur les plateformes de rénovation labélisées OCRE par l’ex-Région Lorraine, intitulé dispositif dans la présente étude, il est nécessaire de faire une rétrospective pour chacune d’elle. Non pas du territoire même en tant qu’espace, mais comme la construction d’une organisation locale faisant intervenir plusieurs acteurs. Il s’agit d’une

113 LAVILLE J-L. & SAINSAULIEU R. Op.cit., p.36-37

53 première approche sur les agencements, les fondations et les bâtisseurs qui s’accordent sur des activités collectives organisées, avec leur mode de gouvernance et leurs interactions envers des environnements propres. Pourquoi aborder l’environnement dans un sens pluriel ? Simplement parce que l’environnement est multiple, aperçu à travers des prismes à la fois individuels et collectifs, par lesquels chacun y porte son propre regard. La présentation sera courte et propre à chaque dispositif, ne permettant pas de prendre toutes les dimensions qui le seront par la suite.

1) Le Groupement Européen d’Intérêt Economique (GEIE) Ecotransvert.

Le Groupement Européen d’Intérêt Economique (GEIE) Ecotransvert, plateforme de rénovation énergétique OCRE est mon employeur dans le cadre du CIFRE. Il est situé en Meurthe-et-Moselle (54), au sein du territoire communément appelé le « Pays Haut », frontalier avec la Belgique et le Luxembourg. Né d’une initiative du conseil départemental 54 et d’une volonté de coopération transfrontalière de quelques personnes, le GEIE fut la structure juridique choisie pour porter un projet répondant au programme européen « INTERREG – Grande Région » ; projet engendré lui-même d’un diagnostic territorial établissant les faiblesses et besoins, notamment en termes de développement économique sur le bassin Nord de la Meurthe-et-Moselle, de la Wallonie et du Luxembourg. Pour être en correspondance avec les compétences du département 54, le projet devait répondre aux enjeux de création d’emplois et de formation des chômeurs. En effet, Ecotransvert se situe dans un paysage industriel où les activités économiques principales étaient les mines et la sidérurgie. Avec la fermeture des usines, le territoire n’a jamais retrouvé son attractivité et est toujours en déclin. Les logements y sont anciens, de petites surfaces et mal agencés. Des problèmes, comme la précarité énergétique des ménages ou encore le maintien à domicile d’une population âgée représentative du territoire, sont présents. Conscientes de ce diagnostic, plusieurs personnes représentant diverses structures du Luxembourg, de Belgique et de France ont décidé de concevoir des projets communs pour y développer l’économie locale. Ce fut l’objet de leur projet européen. Structure instaurée à l’origine pour porter cet unique projet, le GEIE et ses partenaires, ainsi que de nouveaux ont pris la décision de poursuivre l’expérience en répondant à d’autres programmes européens par une entrée plus opérationnelle via des chantiers pilotes. Cependant, dans sa poursuite d’activité, en 2016, il rencontra de nombreux obstacles internes – comme dans ses statuts –, et externes – telles que ses difficultés de communication pour être perçu comme un outil de développement territorial auprès des élus

54 locaux. Ainsi, pour conduire de nouveaux projets, la structure s’est appuyée sur un réseau déjà constitué et sur l’expérience acquise pour éviter de reproduire les erreurs du passé.

En marquant le lien entre les besoins, les forces et faiblesses de chaque pays frontalier, le

dispositif montre l’intérêt à travailler ensemble, tout en répondant à des contreparties : quelques pays européens, plus avancés dans certains domaines, ne voient pas

l’intérêt de participer, à l’exception de la transmission de leurs savoirs sous certaines conditions. En effet, en co-investissant, les pays partenaires souhaitent des retombées économiques du projet européen au sein de leur territoire. Le projet doit aussi entrer en correspondance avec les politiques et orientations actuelles nationales et locales. Le dispositif compose de ce fait avec les différents intérêts des collectivités locales au sein des pays pour formuler les bases de projets. Il doit ensuite imbriquer tous les partenaires – les incontournables et les imposés par les pouvoirs politiques –, animer et gérer. Aujourd’hui, le GEIE Ecotransvert cherche à se développer à travers des projets européens répondant aux INTERREG VA « Grande Région » et VB « North-West Europe ». Entre continuité et création en partant d’un fil conducteur, et malgré les échecs à répétition lors des dépôts, les membres et certains partenaires restent soudés et continuent leur investissement.

Outre ces projets, le dispositif doit néanmoins répondre à son mandat, établi avec la Région lors de sa labélisation « plateforme de rénovation énergétique » OCRE : trouver des leviers et solutions innovantes permettant une massification de la rénovation énergétique du bâti dit industriel. Pour ce faire, il a identifié une commune grâce à son réseau. Celle-ci est prête à entrer dans une optique d’expérimentation en rénovant son patrimoine et en engageant une démarche de ville en transition. Durant la thèse, je suis intervenue dans ce cadre, afin de tester et (ré)adapter des méthodes d’implication citoyenne nous guidant vers la création d’un procédé modulable. Ce dernier répondrait au passage de la réflexion à la décision des ménages à rénover collectivement. Nous l’approfondirons dans la deuxième partie.

2) La Société Coopérative d’Intérêt Collectif Sombrelieu Eco-Réno Solidaire (SCIC SE-RS) et son association Sombrelieu Eco-Défi (SED).

En Meurthe-et-Moselle, près de la métropole nancéienne, se situe l’un des plus grands quartiers d’Europe, regroupant 4250 habitants, composé de 1328 pavillons construits dans les années 1970. Par sa position géographique et son histoire, le quartier de Sombrelieu ressemble à un village dynamique. Les associations y sont nombreuses, ainsi que l’investissement de ses

55 habitants115. C’est dans ce quartier qu’est née, dès 2009, une plateforme de rénovation énergétique OCRE constituée de deux structures : la « Société Coopérative d’Intérêt Collectif de Sombrelieu Eco-Réno Solidaire » (SCIC SE-RS) et son association « Sombrelieu Eco- Défi » (SED). Elles forment « la plateforme de Sombrelieu ». Posséder deux structures juridiques distinctes et fonctionnant en parallèle amène une gestion et une organisation qui peuvent s’entremêler. Leur gestion est quotidienne ou hebdomadaire, avec des membres fondateurs communs, et des rôles attribués dans l’une ou l’autre, voire les deux. D’ailleurs, pour les personnes extérieures, il n’est pas toujours évident de comprendre ces structures, entrainant parfois des confusions. Lorsque les objectifs furent dessinés en commun, les fondateurs ont dû chercher des ressources (financières et partenariales, de structures privées et publiques) pour assurer leurs actions. Partant de la sensibilisation des habitants et d’une utopie à rénover tout un quartier avec solidarité (à travers l’association), les fondateurs ont réussi, par un travail collaboratif, à créer une solution technique innovante (via la SCIC) : les caissons préfabriqués. Ces derniers facilitent la rénovation au sein du quartier – grâce à une mise en œuvre plus rapide, par exemple – et pourraient contribuer à la massification de la rénovation.

Ce dispositif est, avant tout, né d’une prise de conscience d’habitants du quartier de Sombrelieu sur la nécessité d’améliorer les performances énergétiques de leur habitation – au standard BBC au minimum – et sur la réflexion de l’avenir de leur quartier. Cette introspection collective, entremêlant professionnels et habitants, a vu le jour lors d’un cycle de conférences et une manifestation « faites du solaire » organisés dans la ville, en octobre 2009. D’un rêve d’une « bande d’allumés » (membre fondateur, homme), l’ambition a été partagée plus largement au sein du quartier : « les gens se regroupent, se rendent compte de la

nécessité d’isoler les maisons, non seulement pour des questions économiques, de confort, mais aussi environnementales. Et ce projet-là prend de l’envergure » (membre fondateur,

homme).

De la théorie via l’association à la pratique via la SCIC, leur offre a permis de répondre à leur demande qui ne trouvait pas de réponse sur le marché. Sur la base d’une expérimentation, ce projet a permis d’inscrire ses fondateurs et les clients-membres dans un projet commun. Ensemble, ils contribuent financièrement, symboliquement et humainement. C’est prendre un risque, mais en commun. Le fonctionnement du dispositif repose sur le bénévolat, tout comme

115 La ville où se situe le quartier regroupe 87 associations, dont 7 sur l’environnement. Source : La mairie de

56 les activités de l’association, en appui à la SCIC via des chantiers participatifs. Ces derniers conjuguent plusieurs aspects gratifiants (reconnaissance, apprentissage …), individuels et collectifs. Alimentés par les expériences des premières maisons, les acteurs en présence, membres et partenaires du projet, ont permis la création et le perfectionnement de leur

process116 de rénovation. Fort de son expérience, le dispositif forme les entreprises du bâtiment à ces solutions techniques et aux groupements d’entreprises sur les chantiers. Aujourd’hui, les caissons préfabriqués leur paraissent être du bon sens : ces maisons étaient aussi construites sur un modèle constructif préfabriqué.

3) Le service Maison de l’Habitat et de l’Énergie D. (MHE D.)

Dans le département des Vosges, plus exactement dans l’Est-Vosgien, on retrouve un territoire fortement touché par la précarité énergétique117. Anciennement bassin de l’industrie

textile, en perdition, il est à reconstruire pour ceux qui y réside. Une plateforme de rénovation énergétique OCRE, en tant que fer de lance du développement territorial, pourrait être une réponse à sa redynamisation, selon ses concepteurs et les pouvoirs publics du territoire. Situé dans le Pays de D., le service Maison de l’Habitat et de l’Énergie (MHE) constitue cette plateforme de rénovation énergétique OCRE depuis mi-2015. C’est le Pôle d’Equilibre Territorial Rural118 (PETR) du Pays de D. qui assure son portage. Mais ce ne fut pas toujours le cas. Ce service était, depuis 2013, porté par une Maison De l’Emploi (MDE). Le dispositif avait reçu pour mission la gestion du programme national d’aide intitulé « Habiter Mieux » de l’Agence Nationale de l’Amélioration de l’Habitat (ANAH), dans l’attente de formaliser une structure avec un service adapté. Ce programme national a été modifié pour l’adapter localement, à la suite de son analyse et celle des atouts, faiblesses et besoins du territoire. C’est en les croisant qu’est née la spécificité du dispositif à travers son appropriation, nommée « Habiter Mieux en D. ». La plateforme des opportunités : tel pourrait être son nom. Non pas dans un sens péjoratif car son point fort est sa capacité à se saisir des outils existants, afin de les optimiser à travers quelques modifications. Celles-ci ont été réalisées par ses

116 Mot venu de l'anglais. Ce terme désigne le procédé industriel de la fabrication d'un produit. Il prend en

compte l’ensemble des étapes pour atteindre des résultats escomptés.

117 ONPE. Les chiffres-clés de la précarité énergétique. Bénéficiaires du programme « Habiter Mieux »

rapportés au nombre de ménages par département. Edition n°1. Avril 2015. Source : http://onpe.org/sites/default/files/pdf/tableau_de_bord/chiffres_cles.pdf (p.30)

Le département des Vosges est classé deuxième (sur 10) sur la part de ménage aidée la plus importante par rapport au nombre de ménages par département (en 2013).

118 Crée le 27 janvier 2014. Il s’agit d’un outil de coopération entre les Etablissements Publics de Coopérations

57 membres, utilisateurs-concepteurs, et ont permis d’être en cohérence avec le territoire et les acteurs en présence. En croisant la filière du bâtiment, deuxième activité économique du territoire, et la forte présence de la précarité énergétique, ce dispositif a été vu comme un levier de développement territorial, par ses membres et l’ex-Conseil Régional de Lorraine. Lorsque la MDE a fermé, et pour ne pas perdre ce dispositif qui avait prouvé son efficacité, la plateforme fut récupérée par le Pays de D., au sein de la MHE. Le passage d’un statut privé – la MDE – à un statut public – la collectivité – a bouleversé le dispositif à plusieurs niveaux : financier, représentativité, légitimité, organisation, etc. Entre contraintes et opportunités, ce changement de portage abrite de nombreuses négociations que l’on mettra en évidence.

Depuis le démarrage, le dispositif fonctionne sur une base collaborative. N’étant pas techniciens à la base, ses membres privilégient le travail en réseau, l’animation et la mise en commun des savoir-faire de structures partenaires en les agrégeant. C’est ce qui lui permet une offre de service multisectorielle et un partenariat florissant, malgré des ajustements réguliers.

4) La Société Coopérative d’Intérêt Collectif CIVACOM.

C’est dans la Meuse, et plus précisément au sein d’une commune du Sud-Est meusien, que s’est constitué la Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) « CIVACOM ». Créée en 2012, elle est ancrée sur un territoire rural regroupant principalement des fermes agricoles anciennes, énergivores et ayant de grandes surfaces. Des problématiques, comme la précarité énergétique des ménages, sont présentes. Ce dispositif est né d’une initiative privée : celle d’Electricité De France (EDF) qui, dans le cadre de son laboratoire de Bure-Saudron et du centre de stockage géologique des déchets radioactifs (CIGEO), aide au développement économique du département avec un accompagnement financier et énergétique. D’inspiration autrichienne, le fonctionnement et l’organisation de CIVACOM sont mis en pratique sur un territoire-test avec des partenaires locaux pour sa co-construction et son implantation. Le dispositif a permis la mise en place d’une démarche regroupant divers acteurs du système de la rénovation sous forme de collèges. Grâce à un outil technique – compteur intelligent – et la contractualisation d’un contrat de performance énergétique garantissant les résultats par l’atteinte d’objectifs ambitieux d’économie d’énergie, elle fournit une offre de rénovation dite « clé-en-main ». À travers ce système, CIVACOM se réclame « tiers-de-confiance » entre les

58 acteurs du processus de la rénovation énergétique, c’est-à-dire une structure de sécurisation en qui les partenaires et clients peuvent avoir confiance.

De la conception à la réalisation, de nombreux obstacles ont dû être levés : travailler en partenariat n’est pas habituel dans ce territoire. La méfiance, notamment du secteur public envers EDF, est présente. Malgré le scepticisme de départ, le dispositif a gagné en légitimité en s’appuyant sur des données chiffrées et sur la qualité de son système de rénovation. Cette reconnaissance a permis à CIVACOM de devenir opérateur d’un territoire élargi au Sud- Meusien via la fusion d’une plateforme ADEME/REGION (PTRE) du Sud-Ouest meusien, en 2016. Dans la lignée de son fonctionnement, CIVACOM a proposé un outil permettant une transversalité et une transparence des actions et informations communes par un outil : ROCHAS. Il permet d’y afficher tous les contacts que reçoivent les partenaires pour qu’il n’y ait qu’une réponse formulée au ménage selon sa situation, rendant le concept d’interlocuteur unique plausible. Ce management en coulisse des différents intervenants attise néanmoins la concurrence, comme nous pourrons l’analyser dans la partie III.

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