• Aucun résultat trouvé

Présence et Allocation volontaire et involontaire d’attention

Chapitre 2 La Réalité virtuelle, la Présence et le Flow

2.1 Définitions de la réalité virtuelle

2.2.11 Présence et Allocation volontaire et involontaire d’attention

En 1890 Christian Von Ehrenfels explique comment, dans nos actes de perception, nous ne juxtaposons pas les éléments un à un mais nous percevons les formes globalement. C’est le début de la science du Gestalt (Kohler 1929). Pour Ehrenfels et les Gestaltistes, « le

tout est différent de la somme de ses parties », ainsi une symphonie musicale n’est pas qu’une

suite de notes. Cette psychologie de la forme est tout autant issue du domaine de la philosophie que de celui de la physiologie (Guillaume 1999).

Le courant Gestalt fonde sa théorie sur le postulat que nos activités psychiques sont déterminées par les relations entre de nombreux systèmes autonomes ayant la capacité d’agir en méta-système (Kohler 1929). Ainsi dans l’image de la figure (28) nous percevons un vase si notre attention est concentrée sur la forme globale ou deux visages se faisant face si elle est focalisée sur les détails.

Plusieurs lois régissent la théorie du Gestalt, qui sont principalement des lois s’appliquant à la perception visuelle :

 La loi de la bonne forme est la loi principale dont sont issues les autres, elle précise que un ensemble de parties informes tend à être perçues comme une

forme simple, symétrique et stable.

 La loi de continuité : des points rapprochés sont perçus comme une continuité, cette loi est lié à celle de la proximité, selon laquelle plus les points sont proches et plus nous les regroupons.

 La loi de la similitude nous fait associer les points les plus semblables lorsqu’ils sont trop éloignés.

 La loi de destin commun : des parties en mouvement se déplaçant dans la même direction sont perçues comme faisant partie de la même entité.

 La loi de la familiarité nous fait percevoir les formes les plus significatives (Kohler 1929).

Figure 26, Le Vase de Rubin, entre perception du tout et des entités. Domaine public.

Cette approche met en avant la pertinence de l’unité de traitements psychiques complexes. Dans les années 40 ses concepts étaient bien éloignés des théories cognitivistes behavioristes d’Ebbinghaus et de Pavlov (Pavlov 1963) pour qui chaque signal est traité de manière indépendante et quasi réflexive par la boîte noire que constitue le cerveau humain (Guillaume 1999). Le concept du Gestalt est bien plus qu’une théorie psychologique des processus de perception de la représentation mentale, c’est aussi un concept philosophique qui prône l’art de la prise de conscience de soi et d’apprendre à vivre le moment présent, sans se projeter systématiquement dans l’avenir ou en regrettant le passé (Prudhomme, Perrault et al. 2001). Pour le fondateur de la Gestalt thérapie Frederick Perl il faut : « profiter du moment

développés en Gestalt thérapie sont tournés vers la conscience de sa présence et à ce titre peuvent être importants dans les domaines de la RV. Ainsi un des exercices décrit par Perl consiste à se demander « où suis-je en ce moment ? », en utilisant les termes « ici et

maintenant (ou en ce moment) ». Pour les Gestaltistes le réel ne peut être perçu que dans un

espace-temps et un lieu précis. Le moyen de rencontrer ce réel est l’attention ; Perl définit deux types d’attentions : l’attention spontanée, et l’attention délibérée. Comme P .Bouvier, nous pensons que l’attention est une des composantes essentielles de la présence (Bouvier 2009). L’attention dite spontanée ne nécessite pas de concentration ou d’efforts, il s’agit d’une attention portée naturellement aux choses et aux événements qui nous entourent et qui excitent notre esprit. L’attention délibérée en revanche nécessite un effort de concentration, elle doit être évitée selon les Gestaltistes. Notre attention est dépendante de notre prise de conscience de notre environnement, cette prise de conscience passe aux yeux de Perl par nos sens extro-récepteurs (ceux de l’ouïe, du toucher, du goût, etc.) (Perls 2001), et propriocepteurs (les muscles, les tendons, les articulations) ; ainsi la prise de conscience de soi passe par la prise de conscience de notre corps, une notion importante de la présence en réalité virtuelle.

Pour Perl, les émotions sont au cœur des problématiques d’attention, si elles peuvent être le perturbateur qui empêche l’attention spontanée, elle peuvent aussi en être le moteur (Perls 2001). Les utilisateurs peuvent consacrer volontairement ou involontairement leur attention au produit des médias, ces actions sont définies comme l’orientation volontaire ou automatique de l’attention Ces notions ont été mises en évidence dans les travaux de Darken et Allard (Darken 1998), et ceux d’Anderson (Anderson 1991), dans des études sur les mécanismes de perception et de cognition dans le contexte de médiation de la télévision. Pour ces chercheurs, les utilisateurs peuvent consacrer leur attention aux stimuli de deux façons :

1. Les utilisateurs peuvent consacrer volontairement leur attention au média, dans ce cas, cette action est appelée l’attention contrôlée. Il semble qu’il existe un lien entre l’habitude du médium et la construction du « modèle de situation spatiale (SSM) » induisant un niveau émotionnel (Wirth, Vorderer et al. 2003).

2. Le médium peut déclencher l’allocation d’attention de l’utilisateur sans que celui-ci en soit conscient ; cette action est appelée l’allocation involontaire d’attention ou « invulontary attention allocation ». La notion de présence dans l’espace est déterminée par deux étapes importantes (Wirth, Vorderer et al. 2003) : initialement l’utilisateur construit un modèle mental de la situation de

médiation, ce modèle est corrélé au niveau d’attention conscient et inconscient ou volontaire et involontaire que l’utilisateur attribue au médium. La présence est aussi fonction du niveau de connaissance du média utilisé, plus grande est la connaissance du média et plus faible est le niveau d’orientation volontaire de l’attention (Geslin, Bouchard et al. 2011). Dans un second temps, le sujet crée le modèle spatial de la présence au travers d’une PERF34 issue du SSM. Le sujet doit alors répondre à la question « Suis-je bien dans cet endroit ? »

Plusieurs systèmes immersifs comme l’immersion sensorimotrice et l’immersion narrative liée au potentiel émotionnel de l’EV, participent activement à la création du PERF permettant la mise en place d’une sensation de présence. Ces systèmes sont interdépendants des niveaux d’attention involontaire et volontaire des utilisateurs. L’allocation involontaire d’attention en EV, peut être conditionnée par des stimuli émotionnels, en cybertherapy on notera une plus grande immersion et attention des utilisateurs ayant des pathologies phobiques lorsqu’ils sont en présence des stimuli de leur phobie, ainsi un arachnophobe sera plus facilement en situation de présence que si les stimuli ne sont pas présents. Par définition, il y a un important affect émotionnel dans les réactions d’une personne souffrant de pathologie phobique, ce constat laissant supposer que les émotions peuvent jouer un grand rôle dans l’allocation involontaire d’attention. Nous assimilons la notion d’attention contrôlée à la notion de volonté de « jouer le jeu » développée par P.Bouvier (Bouvier 2009), car des travaux précédents sur la présence ont montré un lien significatif entre le niveau de présence et la volonté de participer à l’expérience de l’EV (Corina and Gregory 2001), (Sas., Corina. et al. 2003). Les liens entre volonté de jouer le jeu, émotions, allocation involontaire et volontaire d’attention et présence semblent importants. Nous pensons comme Bouvier (Bouvier 2009), que ces différents items s’autoalimentent et forment un circuit de processus itératif, que nous pourrions formaliser dans un cercle.